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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 24 septembre 2025, n° 24/06685

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/06685

24 septembre 2025

5ème Chambre

ARRÊT N°-194

N° RG 24/06685 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VOU6

(Réf 1ère instance : 24/00348)

Mme [M] [D] épouse [U]

C/

Société ABEILLE VIE

S.A. MACSF EPARGNE RETRAITE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Juin 2025

devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [M] [D] épouse [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud COUSIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

Société ABEILLE VIE SA d'assurances Vie et de Capitalisation agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié de droit audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-pierre LAIRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A. MACSF EPARGNE RETRAITE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marie MONEREAU de la SELEURL MONEREAU HAUTECOEUR AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Le [Date décès 1] 2023, M. [Y] [D] est décédé. Il a souscrit de son vivant à diverses polices d'assurances auprès des sociétés Abeille vie et Macsf épargne retraite.

La dévolution successorale de M. [Y] [D] s'est ouverte devant notaire à [Localité 9]. Mme [E] [K], veuve de M. [Y] [D], et Mme [M] [D] épouse [U], fille de M. [Y] [D] ont été désignées héritières de M. [Y] [D].

Afin d'exercer ses droits d'héritière, Mme [M] [U] a sollicité la communication des contrats d'assurances souscrits par son père auprès des sociétés Abeille vie et Macsf épargne retraite.

Ces dernières ont refusé de s'exécuter invoquant un devoir de confidentialité.

Par acte de commissaire de justice en date du 3 mai 2024, Mme [M] [U] a fait assigner la société Abeille vie et la société Macsf épargne retraite devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes.

Par ordonnance en date du 6 décembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes a :

- débouté Mme [M] [U] de sa demande de production de pièces, faute de motifs légitimes,

- l'a condamnée aux dépens,

- rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire.

Le 13 décembre 2024, Mme [M] [D] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 mars 2025, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau ;

- enjoindre la société Abeille vie et la société Macsf épargne retraite de lui communiquer les documents et informations suivantes :

* la liste des contrats souscrits par le défunt dans leurs livres, et la date de souscription,

* la copie des contrats et bulletins de souscription pour chacun des contrats,

* la copie des fiches de renseignements d'investisseurs et d'objectifs,

* la copie de l'ensemble des avenants, y compris les modifications de clause de bénéficiaire,

* la liste datée et chiffrée des versements de primes,

* la liste datée et chiffrée des rachats partiels ou totaux,

- assortir cette injonction d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance de référé à intervenir,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

- condamner les mêmes in solidum à verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et autant en appel,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens d'instance et d'appel,

- rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions, y compris tout appel incident.

Par dernières conclusions notifiées le 29 avril 2025, la société Abeille vie demande à la cour de :

- juger qu'elle est tenue à une obligation de confidentialité,

- juger qu'elle ne s'oppose pas à la communication des pièces que la cour d'appel mentionnera dans l'arrêt à intervenir, s'il infirme l'ordonnance déférée, étant dès lors levée de son obligation de confidentialité,

- juger qu'elle disposera d'un délai d'un mois pour procéder à la communication des pièces à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- débouter Mme [M] [U] de sa demande de condamnation à une astreinte,

- débouter Mme [M] [U] de sa demande de condamnation in solidum avec la société Macsf épargne retraite au paiement :

* d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

* d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- juger que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 24 avril 2025, la société Macsf épargne retraite demande à la cour de :

- débouter Mme [M] [U] de sa demande de production de pièces fondée sur l'article 835 du code de procédure civile,

- constater qu'elle s'en rapporte sur la demande d'infirmation de l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a débouté Mme [M] [U] de sa demande de production de pièces sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile faute de motif légitime,

Dans l'hypothèse où la cour d'appel infirmerait l'ordonnance dont appel :

- l'autoriser à communiquer à Mme [M] [U] la copie des documents suivants :

* concernant le contrat RES n°2677375/ T100 001 (devenu RES Multisupport 2677375 19/ ZT10 001)

- demande d'adhésion du 20/05/1992,

- conditions particulières du contrat RES n°2677375/ T100 001 du 27/05/1992,

- demande de changement de clause bénéficiaire du 15/12/2009,

- demande de changement de clause bénéficiaire du 03/02/2016,

- relevé d'opération du 19/09/2017 suite à transfert total pour transformation en RES Multisupport,

- liste (capture d'écran) des versements intervenus sur le contrat RES T100 001,

- liste (capture d'écran) des rachats intervenus sur le contrat RES T100 001,

- liste (capture d'écran) des opérations intervenues sur le contrat RES T100 001,

* concernant le contrat RES Multisupport 2677375 19/ZT10 001

- fiche « Nos conseils pour répondre à vos besoins » du 13/09/17 (4 pages),

- demande de transfert d'un contrat RES vers un contrat RES Multisupport du 13/09/17 (6 pages),

- relevé d'opération du 24/10/17 suite à transformation RES n°2677375/T100 001 en RES Multisupport 2677375 19/ZT10 001,

- liste (capture d'écran) des versements sur le contrat 2677375 19/ZT10 001,

- liste (capture d'écran) des rachats sur le contrat 2677375 19/ZT10 001,

- liste (capture d'écran) des opérations sur le contrat 2677375 19/ZT10 001,

* concernant le contrat RES Multisupport n°2677375 19 / ZT11 001

- demande d'adhésion du 15/12/09,

- demande de changement de clause bénéficiaire du 03/02/2016,

- demande de changement de clause bénéficiaire du 11/04/2016,

- liste (capture d'écran) des versements intervenus sur le contrat n°2677375 19 / ZT11 001,

- liste (capture d'écran) des rachats intervenus sur le contrat n°2677375 19 / ZT11 001,

- liste (capture d'écran) des opérations intervenues sur le contrat n°2677375 19 / ZT11 001,

* concernant les contrats RES Multisupport 2677375 19/ZT10 001 et n°2677375 19 / ZT11 001,

- liste des contrats au statut décès,

- débouter Mme [M] [U] de toutes demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires,

- débouter Mme [M] [U] de sa demande d'astreinte,

En toute hypothèse :

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a débouté Mme [M] [U] de ses demandes au titre de l'article 700 et des dépens de première instance,

- débouter Mme [M] [U] de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens tant de première instance que d'appel,

- condamner Mme [M] [U] aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

- Sur la demande principale de communication de pièces fondée sur les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile

Devant la cour, Mme [U] sollicite désormais, à titre principal, la communication des documents afférents aux contrats d'assurance souscrit par le défunt sur le fondement des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile en arguant que son droit à obtenir des assureurs lesdits documents et informations relatifs aux contrats souscrits par son père de son vivant n'est pas sérieusement contestable.

Elle soutient que l'obligation de confidentialité opposée par les assureurs, qui leur interdirait de divulguer des informations y compris à l'héritier sans autorisation du juge, est dépourvue de base légale. Elle indique que les assureurs ne citent d'ailleurs aucun texte de loi ou réglementaire prévoyant une telle obligation et qu'il ne peut lui être opposée une création prétorienne. En réponse aux assureurs qui se fondent sur un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation de 1998 pour arguer qu'en donnant de telles informations, leur responsabilité civile pourrait être engagée par le bénéficiaire du capital d'assurances, elle avance que l'assureur n'engage sa responsabilité que s'il commet une faute et considère qu'en fournissant les informations sur les contrats aux héritiers, il ne commet aucune faute.

Elle fait également valoir que l'obligation de communication incombant aux assureurs de l'ensemble des documents et informations contractuels afférents aux contrats souscrits par le défunt est d'autant moins contestable que la demande émane des héritiers du souscripteur et repose sur le principe de la transmission des prérogatives du défunt à ses héritiers. En réponse aux assureurs qui lui opposent le fait que les capitaux d'assurance sont hors succession, elle rétorque qu'elle ne prétend pas succéder au souscripteur dans l'exécution des obligations souscrites par l'assureur au profit de l'assuré mais seulement dans l'accès aux informations et aux données ainsi qu'aux documents contractuels.

Elle reproche aux assureurs d'affirmer que seul le juge peut les délier de leur obligation de confidentialité alors même qu'ils ont conclu un accord directement avec les notaires qui revient à violer ladite obligation de confidentialité.

Elle ajoute que l'obligation de communication incombant aux assureurs de l'ensemble des documents et informations contractuels afférents aux contrats souscrits par le défunt repose également sur le droit propre de l'héritier à obtenir les informations et documents afférents aux contrats souscrits par le défunt de sorte qu'aucune autorisation du juge n'est nécessaire.

La société Macsf épargne retraite relève que Mme [U] n'avait pas invoqué les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile en première instance mais seulement celles de l'article 145 dudit code.

Elle soutient que la demande présentée par Mme [U] se heurte à une contestation sérieuse en raison de l'obligation de confidentialité incombant à l'assureur. Elle expose que cette obligation a été posée par un arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 1999 qui a jugé que la révélation par l'assureur à un tiers au contrat d'informations contractuelles, telles que l'identité du bénéficiaire, peut être constitutive d'une faute civile susceptible d'engager sa responsabilité civile. Elle en déduit que, dès lors que sa responsabilité civile est susceptible d'être engagée, cela implique qu'il existe une contestation sérieuse à l'obligation de communiquer les pièces invoquées par Mme [U] et qu'il est justifié qu'elle sollicite l'autorisation du juge qui appréciera le caractère légitime de la demande de communication. Elle cite diverses jurisprudences qui ont reconnu cette obligation de confidentialité

Elle ajoute que le droit de l'assuré à obtenir les documents contractuels n'est pas transmis à ses héritiers par la saisine héréditaire au visa de l'article 724 du code civil, ce qui constitue une autre contestation sérieuse à l'obligation invoquée par l'appelante.

Elle fait également valoir que le contrat d'assurance vie ne fait pas partie de la succession de l'assuré et que la saisine héréditaire ne porte pas sur les droits et actions exclusivement attachés à la personne du défunt. A cet égard, elle rappelle que le contrat d'assurance vie est, outre un produit d'épargne, un outil de transmission de patrimoine permettant à l'assuré de transmettre au bénéficiaire un capital décès hors succession et revêt donc un caractère personnel.

S'agissant de l'accord intervenu entre les assureurs et le conseil supérieur du notariat, elle explique qu'il a pour objectif de concilier les obligations des assureurs et le besoin d'information des notaires dans le cadre du règlement des successions. Elle indique que, dans le cadre de cet accord, après avoir été interrogée par le notaire en charge de la succession de M. [D], elle a d'ailleurs répondu directement à Mme [U] par courrier du 6 novembre 2023 pour l'informer du type de contrat, de la date de souscription et du montant des primes versées.

Enfin, elle conteste l'existence d'un droit propre des héritiers de l'assuré à obtenir des informations et documents relatifs aux contrats d'assurance souscrits par le défunt invoqué par l'appelante qui ne repose sur aucun fondement selon elle.

La société Abeille vie soutient qu'elle est tenue à une obligation de confidentialité et que la jurisprudence rappelle, de manière constante, que l'assureur ne peut communiquer à quiconque en ferait la demande le libellé de la clause bénéficiaire d'un contrat ou le changement de celle-ci ou encore détailler les opérations réalisées sur le contrat. Elle cite la jurisprudence de la [7] de cassation du 28 septembre 1999 qui a jugé que 'la désignation nominative d'un bénéficiaire, si elle peut être constitutive d'une faute civile, n'est pas pénalement sanctionnable.'

Elle rappelle que l'accord conclu entre les assureurs et le conseil supérieur du notariat en 2002 a réaffirmé la règle de confidentialité à laquelle sont tenus les assureurs.

Elle ajoute que le contrat d'assurance vie n'entre pas dans la succession de l'assuré de sorte que les héritiers, réservataires ou non, ne peuvent prétendre succéder au souscripteur dans l'exécution des obligations souscrites par l'assureur au profit de l'assuré.

Aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il est constant que le juge des référés étant le juge de l'évidence, une contestation sérieuse est caractérisée lorsqu'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Si aucun de texte de loi n'institue une obligation de confidentialité spécifique aux assureurs, il n'en demeure que par arrêt du 29 septembre 1999, la Cour de cassation a jugé que 'la désignation nominative du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie ne présentant pas un caractère secret au sens tant de l'article 378 ancien que de l'article 226-13 nouveau du Code pénal, la révélation de cette information par l'assureur, si elle peut être constitutive d'une faute civile, n'est pas pénalement sanctionnée' de sorte que l'assureur qui communiquerait spontanément les documents et renseignements contractuels demandés par les tiers au contrat pourrait engager sa responsabilité civile. L'assureur est détenteur d'une information qui lui a été confiée par l'assuré et il n'a pas l'obligation de communiquer spontanément les éléments sollicités par les héritiers au risque de voir sa responsabilité civile engagée pour avoir communiqué des documents et informations pouvant être utilisés pour contester les droits du bénéficiaire.

Il est désormais constant que la société d'assurance, si elle est tenue au secret professionnel et à une obligation de discrétion quant aux contrats souscrits par ses adhérents, peut néanmoins communiquer des documents ou renseignements contractuels sur autorisation expresse du juge. De même, l'obligation de confidentialité envers les tiers au contrat s'impose à tout contractant professionnel.

De plus, les sociétés Macsf épargne retraite et Abeille Vie rappellent justement que le contrat d'assurance vie ne fait pas partie de la succession de l'assuré au visa de l'article L.132-12 du code des assurances qui dispose que le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré. Il est d'ailleurs constant que les héritiers de l'assureur ne deviennent pas preneurs d'assurance.

En outre, si l'article 724 du code civil pose le principe de la saisine héréditaire en disposant notamment que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, il n'en demeure pas moins que les droits et actions exclusivement attachés à la personne du défunt ne sont pas transmis aux héritiers et que le contrat d'assurance vie a un caractère personnel en ce qu'il permet à l'assuré de transmettre au bénéficiaire un capital décès hors succession. Il doit en être déduit que les informations, notamment sur le bénéficiaire désigné, sont un droit personnel de l'assuré, exclusivement attaché à sa personne qui n'est pas transmis aux héritiers par la saisine héréditaire.

S'agissant de l'accord intervenu entre le Conseil supérieur du notariat et la fédération française des sociétés d'assurance, il a vocation à concilier l'obligation de discrétion des assureurs avec l'information des héritiers. La société Macsf épargne retraite indique, à ce titre, qu'elle a communiqué à Mme [U], après interrogation du notaire en charge de la succession de son père, le type de contrat souscrit par ce dernier, la date de souscription et le montant des primes versées et l'a invitée à procéder à une demande par la voie judiciaire pour obtenir des informations sur les avenants réalisés sur le contrat d'assurance vie souscrit par le défunt. Il ne peut ainsi être affirmé par l'appelante que cet accord a eu pour effet de violer l'obligation de confidentialité des assureurs.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il existe des contestations sérieuses à la demande de communication de pièces présentée par Mme [U] sur le fondement de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. Mme [U] sera déboutée de sa demande à ce titre.

- Sur la demande subsidiaire de communication de pièces fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile

Mme [U] sollicite la réformation de la décision entreprise qui l'a déboutée de sa demande de communication, faute de démontrer un intérêt légitime. Elle soutient que les éventuels litiges justifiant la production des pièces seraient multiples et pourraient consister en des récompenses au profit de la communauté conjugale, la réintégration de primes exagérées à la succession, toute contestation afférente à la clause bénéficiaire ou la requalification des contrats en libéralité.

Elle sollicite la condamnation sous astreinte aux termes du dispositif de ses dernières conclusions saisissant la cour.

La société Macsf épargne retraite s'en rapporte à justice en rappelant la demande de production forcée de pièces doit porter sur des actes ou des pièces déterminées ou déterminables et ne peut porter sur un ensemble indistinct de documents. Elle s'oppose à toute condamnation sous astreinte, n'ayant fait preuve d'aucune réticence.

La société Abeille vie rappelle qu'il appartient au juge d'apprécier si les conditions de l'article 145 du code de procédure civile sont réunies s'agissant notamment de l'intérêt légitime dont le demandeur doit justifier. Elle indique ne pas s'opposer à la communication des pièces listées par Mme [U] si la cour l'ordonne, la levant ainsi de son obligation de confidentialité. Elle s'oppose à toute condamnation sous astreinte.

Aux termes des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le premier juge avait justement relevé que Mme [U] n'alléguait aucun fait précis, objectif et vérifiable de nature à démontrer l'existence d'un litige plausible et crédible sur lequel pourrait influer le résultat de sa demande de production de pièces. La cour ne peut que constater que l'appelante n'a pas plus allégué devant elle de faits prévis, objectifs et vérifiables de nature à caractériser un intérêt légitime à l'appui de sa demande de production de pièces.

Dans ces conditions, l'ordonnance entreprise, qui a considéré sa demande comme mal fondée et l'en a déboutée, sera confirmée.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, Mme [U] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel et sera condamnée aux entiers dépens d'appel. Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [M] [D] épouse [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamne Mme [M] [D] épouse [U] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,

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