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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 25 septembre 2025, n° 22/01509

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

France Boissons Rhone Alpes (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blanchard

Conseillers :

Mme Brugere, Mme Kuentz

Avocats :

Me Sirandre, Me Perrin, Me Hubert

T. com. Dijon, du 20 oct. 2022, n° 20200…

20 octobre 2022

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [Z] et M. [K] étaient co-gérants de la SARL JRAF exploitant à [Localité 4] un fonds de commerce de restaurant traditionnel, sous l'enseigne 'Côté Grill'.

Pour les besoins de son commerce, la SARL JRAF a conclu, le 1er octobre 2017 avec la société France Boissons Rhône-Alpes, une convention d'achat exclusif de boissons pour une durée de cinq ans à compter de cette date.

La SARL JRAF s'est engagée à débiter dans son restaurant un volume annuel de 30.720 cols.

M. [K] et M. [Z] se sont portés caution pour les sommes qui pourraient être dues par la SARL JRAF, en principal, frais et accessoires, en application de la convention d'achat exclusif, dans la limite de 30.000 euros et pour la durée de cinq ans.

La société France Boissons Rhône-Alpes s'est plainte du non respect par la SARL JRAF de son engagement de s'approvisionner en exclusivité et de façon ininterrompue auprès de celle-ci, pour le volume contractuellement convenu au titre des produits visés à l'article 3 et a cessé tout approvisionnement.

Par un courrier recommandé en date du 30 juin 2020, la société France Boissons Rhône- Alpes lui a rappelé les termes de ses engagements et l'a mise en demeure de respecter la convention. Par ce courrier, la société France Boissons Rhône-Alpes lui rappelait les sanctions qui s'appliqueraient à défaut pour elle de satisfaire à ses engagements.

Cette mise en demeure est restée sans effet, de même que le dernier courrier daté du 7 septembre 2020, adressé par la société France Boissons Rhône-Alpes dans lequel, elle rappelait à la SARL JRAF qu'à défaut de reprise des approvisionnements sous quinzaine, elle serait contrainte de faire application de la clause pénale prévue à ladite convention et réclamait à nouveau les sommes dues au titre des factures de marchandises.

Par jugement du 22 septembre 2020, la SARLJRAF a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugement du 13 octobre 2020.

La société France Boissons Rhône-Alpes a déclaré ses créances.

Dans ces conditions, la société France Boissons Rhône-Alpes a saisi le tribunal de commerce de Dijon par exploit du 25 novembre 2020, aux fins de voir Messieurs [Z] et [K] condamnés solidairement en leur qualité de cautions à lui payer la somme de

30.000 euros due au titre de la pénalité de rupture de la convention d'achat dans la limite de leur engagement de caution, outre 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation in solidum aux dépens.

Par un jugement en date du 20 octobre 2022, le tribunal de commerce de Dijon a :

dit régulière, recevable et fondée la demande de la société France Boissons Rhône- Alpes ;

condamné solidairement M. [Z] et M. [K] au paiement de la somme de 30.000 euros en leur qualité de caution de la SARL JRAF et au titre de la pénalité de rupture de la convention d'achat exclusif de boissons due par la SARL JRAF et correspondant au montant plafond de leur engagement ;

débouté M. [Z] et M. [K] de leur demande d'alléger la pénalité contractuelle et de limiter la condamnation à l'euro symbolique ou à tout le moins la ramener à de bien plus justes proportions ;

accordé à M. [Z] et M. [K] afin de s'acquitter de leur dette un délai de vingt-quatre mois en vingt-quatre échéances égales avec déchéance du terme au premier retard de paiement ;

condamné solidairement M. [Z] et M. [K] à payer à la société France Boissons Rhône-Alpes la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné solidairement M. [Z] et M. [K] en tous les dépens de l'instance en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en plage 2 du présent jugement.

Devant le tribunal, les défendeurs ne contestaient pas la validité de leurs engagement de caution et sollicitaient la réduction du montant de la clause pénale eu égard, à leurs situations financières respectives, à l'absence de preuve d'un préjudice subi par la société France Boissons Rhône-Alpes et de tout manquement délibéré de leur part à leurs obligations contractuelles.

A titre subsidiaire, ils sollicitaient les plus larges délais de paiement.

Par déclaration du 7 décembre 2022, M. [Z] a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions telles que reprises dans son acte d'appel.

Prétentions de M. [Z] :

Par conclusions notifiées le 3 mars 2023, M. [Z] demande à la cour, sur le fondement du jugement déféré du 20 octobre 2022 rendu par le tribunal de commerce de Dijon, de l'absence de désignation du bénéficiaire de la condamnation critiquée, du défaut d'admission de créance définitive de la Société France Boissons Rhône-Alpes, des articles 122 et suivants du code de procédure civile, des articles 1231-5 et 1345-5 du code civil, de l'état d'urgence sanitaire et le premier confinement décrétés le 15 mars 2020 et de l'article 7 de la convention en cause, de :

A titre principal,

réformer en intégralité le jugement déféré rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 20 octobre 2022 ;

juger que le dispositif du jugement du 20 octobre 2022 ne permet pas à la Société France Boissons Rhône-Alpes de détenir un titre contre M. [Z] pour la somme de 30.000 euros ;

juger que la Société France Boissons Rhône-Alpes est irrecevable et non fondée en toutes ses demandes contre M. [Z] ;

A titre subsidiaire,

juger que la Société France Boissons Rhône-Alpes ne peut se prévaloir de la clause pénale de la convention du fait de la force majeure et de la fermeture de l'établissement du fait de l'état d'urgence sanitaire et du premier confinement décrétés ;

A titre plus subsidiaire,

juger que la clause pénale est ramenée à l'euro symbolique ;

A titre encore plus subsidiaire,

juger que M. [Z] est éligible aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil et juger par conséquent le report à 24 mois le paiement des sommes dues qui porteront seulement un intérêt au taux légal ;

En tout cas,

condamner la Société France Boissons Rhône-Alpes à payer à M. [Z] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et pour la même base légale, la somme de 4.000 euros pour la procédure d'appel ;

condamner la Société France Boissons Rhône- Alpes aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Prétentions de la société France Boissons Rhône-Alpes :

Par conclusions notifiées le 16 mai 2023, la société France Rhône-Alpes demande à la cour, sur le fondement de l'article 2288 du code civil, et des pièces versées aux débats, de:

statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par M. [Z] ;

Au fond,

confirmer le jugement rendu le 20 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu'il a condamné M. [Z] à paiement de la somme de 30.000 euros ;

parfaire le dispositif du jugement rendu pour préciser que la condamnation à paiement de M. [Z] est prononcée au bénéfice de la société France Boissons Rhône-Alpes ;

réformer le jugement rendu le 20 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu'il a accordé à M. [Z] un délai de règlement sur 24 mois ;

débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant,

condamner M. [Z] à verser à la société France Boissons Rhône-Alpes une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

le condamner aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 juin 2025

SUR CE

Sur la déclaration de créance de la société France Boissons

M. [Z] soutient que la société France Boissons Rhône-Alpes n'a pas de droit à agir à son encontre, faute de pouvoir justifier de l'admission de sa créance au passif de la SARL JRAF.

La société France Boissons Rhône-Alpes fait valoir en réponse que ce moyen est inopérant, puisqu'elle justifie de l'admission de sa créance par le production à hauteur d'appel d'un courriel du mandataire judiciaire, daté du 7 mars 2023,dans lequel ce dernier atteste de l'admission de sa créance à titre chirographaire pour un montant de 50 578,01 euros.

Réponse de la cour

Il ressort effectivement d'un courriel daté du 7 mars 2023 figurant au dossier de la société France Boissons Rhône-Alpes, que celle-ci a déclaré sa créance qui a été admise au passif de la procédure de la SARL JRAF pour un montant 50 578,41 euros à titre chirographaire.

La société France Boissons Rhône-Alpes est dès lors parfaitement en droit d'agir en paiement à l'encontre de M. [Z].

Sur les sommes demandées par la société France Boissons Rhône-Alpes

M. [Z] prétend être exonéré du paiement de la clause pénale, et sollicite l'application de l'article 7 de la convention en invoquant une situation de force majeure résultant de la crise sanitaire, ayant conduit à la fermeture provisoire de l'établissement pour se conformer à la loi d'urgence sanitaire et à titre subsidiaire, la réduction à un euro du montant de la clause pénale.

La société France Boissons Rhône-Alpes fait valoir quant à elle que la crise sanitaire est sans lien avec les difficultés rencontrées par la SARL JRAF et qu'elle est fondée à solliciter l'application de la clause pénale à raison du préjudice qu'elle a subi correspondant à ses pertes de marges sur les 205 166 euros de chiffres d'affaires manquant au titre de l'achat de marchandises.

Réponse de la cour

M. [Z], seul appelant, ne conteste pas s'être engagé en qualité de caution personnelle et solidaire de la SARL JRAF par un écrit daté du 1er octobre 2017, pour les sommes qui pourraient être dues par celle-ci à la société France Boissons Rhône-Alpes en principal, intérêts, frais et accessoires au titre de leurs relations commerciales à hauteur d'un montant de 30 000 euros, en cas de défaillance de la SARL JRAF.

L'article 7 du contrat d'achat de boissons liant la société France Boissons Rhône-Alpes à la SARL JRAF dispose qu'en cas d'inexécution des objectifs de volumes et ou de non respect de l'exclusivité de fourniture par le client, ce dernier devra au fournisseur, à titre de clause pénale, le paiement d'une indemnité forfaitaire de 20 % du chiffre d'affaires restant à réaliser jusqu'au terme normal du contrat.

L'article 2 dudit contrat prévoit par ailleurs que dans l'hypothèse où l'expiration ou la résiliation de la convention, le client n'aurait pas acheté la quantité de produits et ou réalisé le montant du chiffre d'affaires, défini contractuellement, le fournisseur sera en droit d'exiger du client le paiement de la clause pénale visée à l'article 7 précité.

En cas d'inexécution des objectifs, de volumes et de non respect de l'exclusivité de fourniture par le client, celui-ci devra au fournisseur, à titre de clause pénale, le paiement d'une indemnité forfaitaire de 20 % du chiffre d'affaires restant à réaliser jusqu'au terme normal de la convention .

En cas de fermeture provisoire de l'établissement, l'obligation d'approvisionnement exclusif de boissons est suspendue.

La société France Boissons Rhône-Alpes chiffre le montant de la clause pénale à laquelle elle peut prétendre à la somme de 49 239,84 euros, calculé à partir d'une perte de marge financière de 205 166 euros.

M. [Z] ne conteste ni que la SARL JRAF n' a pas atteint les objectifs de volumes définis contractuellement, ni que le montant de la somme réclamée a été correctement calculé.

Il ne justifie ni de la fermeture provisoire de l'établissement, ni de l'impact financier de la pandémie sur le fonctionnement de l'établissement étant ajouté que la SARL JRAF a cessé tout approvisionnement à compter du 4 octobre 2019 soit antérieurement à la crise sanitaire

Enfin, M. [Z] ne démontre pas davantage que la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel pour des faits de pratiques commerciales trompeuses et détention de produits corrompus ou présentant une date de limite de consommation dépassée proposés à la vente, de la personne qui lui a cédé le fonds le 30 mars 2018 est en lien de causalité avec les difficultés financières que la société a rencontrées.

Aucun des éléments invoqués par M. [Z] n'est de nature à caractériser une situation de force majeure de nature à l'exonérer du paiement de la clause pénale.

Il sollicite à titre subsidiaire la réduction à un euro symbolique du montant de la clause pénale, invoquant les éléments précités, que la cour vient d'écarter comme non pertinents.

Au sens de l'article 1231-5 du code civil, le montant de la clause pénale n'apparaît pas manifestement excessif, au regard de la perte de chiffre d'affaires escompté au titre de la convention subie par la société France Boissons Rhône-Alpes.

Par conséquent, le jugement attaqué mérite d'être confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [Z] solidairement avec M. [K] au paiement de la somme de 30 .000 euros sauf à préciser que la condamnation est prononcée au bénéfice de la société France Boissons Rhône-Alpes, ce que le tribunal de commerce n'avait pas indiqué.

Sur la demande de délais de paiement

M. [Z] sollicite à raison de sa bonne foi les plus larges délais de paiement en application de l'article 1343-5 d code civil.

La société France Boissons Rhône- Alpes s'y oppose en faisant valoir que M. [Z] ne produit aucun documents justifiant sa situation financière actuelle.

Réponse de la cour

La cour observe que M. [Z] sollicite l'infirmation du jugement en son intégralité et donc en ce compris les chefs de jugement ayant fait droit à sa demande de délai de paiement, qu'il reprend à l'identique à hauteur d'appel.

M [Z] produit à l'appui de sa demande de délais de paiement, une liste de ses charges courantes pour l'année 2021, des documents relatifs à ses charges fixes pour la période 2018-2020 et une déclaration de revenus pour l'année 2019, autant de documents qui ne sont pas de nature à justifier de ses revenus et charges à la date à laquelle la cour statue.

De plus, M. [Z] a d'ores et déjà bénéficié de fait de larges délais de paiement, de sorte que sa demande doit être rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

M. [Z], qui succombe, supportera les entiers dépens d'appel et sera en outre condamné à verser à la société France Boissons Rhône -Alpes la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté de ses demandes présentées de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 20 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Dijon, étant précisé que la condamnation est prononcée au bénéfice de la société France Boissons Rhône-Alpes, et sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de délai de paiement.

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déboute M. [Z] de sa demande de délais de paiement

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] à payer à la société France Boissons Rhône -Alpes une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande présentée de ce chef.

Condamne M. [Z] aux dépens de la procédure d'appel.

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