CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 24 septembre 2025, n° 23/02898
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gigault
Défendeur :
SCCV Château Madron (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defix
Conseillers :
Mme Robert, Mme Asselain
Avocats :
Me Dalmayrac, SCP Camille et Associés, Me Betton, SARL Pivoine Société d'Avocats
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La Sccv Chateau Madron a été créée en vue de la réalisation d'une promotion immobilière sur [Adresse 7] sous le nom de Résidence [Adresse 5], s'agissant d'une résidence étudiante éligible aux dispositifs fiscaux dits 'Scellier'.
Le 1er décembre 2010, Mme [H] [Z] a conclu un contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un appartement T1 de cette résidence, sans emplacement de parking, pour le prix de 103 375 euros.
Par acte authentique du 15 avril 2011, Mme [H] [Z] a procédé à l'achat définitif de ce bien, achat dont le financement a été assuré par la souscription d'un emprunt auprès de Crédit commercial du sud-ouest à hauteur de 103 375 euros.
Le bien a été livré le 4 juillet 2012 et le premier locataire est entré dans les lieux le 20 août 2012.
Ce bien a été estimé le 10 mai 2021 par l'agence Adl immo pour une valeur comprise entre 54 600 et 59 000 euros nets vendeur.
-:-:-:-
Par acte d'huissier du 15 mars 2022, Mme [H] [Z] a fait assigner la Sccv Chateau Madron, devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d'indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ainsi que les articles L.121-21 et suivants du code de la consommation.
-:-:-:-
Par jugement du 1er juin 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande en dommages et intérêts, tant au titre de la perte de chance que du préjudice moral,
- rejeté la demande formée au titre des frais irrépétibles,
- condamné Mme [H] [Z] aux entiers dépens de l'instance.
-:-:-:-
Par déclaration du 4 août 2023, Mme [H] [Z] a fait appel de ce jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts, tant au titre de la perte de chance que du préjudice moral,
- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 27 septembre 2023, Mme [H] [Z], appelante, demande à la cour, au visa des articles 9, 122, 700 et 789 du code de procédure civile, 1116 et suivants, 1134, 1147, 1382 et suivants du code civil, R.261-26 et suivants du code de la consommation, dans leur version applicable au présent litige, de:
- juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [H] [Z] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 1er juin 2023,
- infirmer le jugement critiqué, en ce qu'il a :
' débouté Mme [H] [Z] de ses demandes en dommages et intérêts tant au titre de la perte de chance que du préjudice moral,
' rejeté la demande formée au titre des frais irrépétibles,
' condamné Mme [H] [Z] aux entiers dépens d'instance,
Statuant de nouveau,
- juger que la société Chateau Madron engage sa responsabilité en raison des agissements et des écrits de son mandataire, la société Capitole conseils,
- condamner la société Chateau Madron à verser à Madame [H] [Z], à titre de dommages-intérêts :
' la somme de 61.959,60 € au titre du préjudice de perte de chance de ne pas réaliser un investissement rentable,
' la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi ensuite des conséquences de l'opération,
- condamner la société Chateau Madron à verser à Madame [H] [Z] la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens.
À l'appui de ses prétentions, l'appelante soutient que :
- Mme [Z] a revendu son bien par acte authentique du 30 mars 2023 pour un prix de 77 000 euros,
- elle a été induite en erreur par des défauts de conseils et man'uvres dolosives mis en place par l'intimée et son mandataire,
- la société Capitole conseil est intervenue en qualité de mandataire de la société Chateau Madron, et a déployé un stratagème particulièrement trompeur pour son compte en faisant une présentation idyllique de la résidence, en mettant en avant des qualités professionnelles ne pouvait que susciter la confiance des prospects, en établissant une simulation professionnelle et donnant l'impression d'une fine analyse, en mettant en place un process de vente désintéressant l'appelant de leur investissement,
- même en disposant d'une information complète, l'acquéreur ne pouvait raisonnablement pas prévoir la possibilité d'une moins-value colossale telle que celle subie,
- le conseilleur aurait dû, dans sa simulation, envisager l'évolution du prix du bien en se basant sur la valeur hors taxes et prévoir le cas d'une revente à perte,
- la société Chateau Madron savait que son mandataire n'avait pas mis en garde l'acquéreur sur les risques de l'opération et la possibilité que la rentabilité promise ne soit pas atteinte,
- elle est responsable des informations mensongères transmises par son mandataire et la rétention volontaire d'informations,
- Mme [Z] a subi un préjudice matériel correspondant à la différence entre la valeur de cession du bien et le montant de son acquisition, outre le montant de la plus-value envisagée par la simulation et non réalisée,
- les loyers perçus se sont révélés inférieurs à ceux annoncés aux termes de la simulation et les charges et taxes foncières supérieures aux prévisions,
- elle a perdu une chance de ne pas contracter.
La déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier à la Sccv Chateau Madron, intimée, le 14 septembre 2023, selon les formalités prévues à l'article 658 du code de procédure civile. Cette partie n'a pas constitué avocat.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
- Sur l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de la Sccv Chateau Madron,
1. Aux termes de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le dol repose sur la preuve, par celui qui se prétend victime, d'un élément matériel consistant en des mensonges, manoeuvres ou une réticence dolosive et d'un élément moral consistant dans l'intention de tromper.
Le dol peut être le fait du représentant du cocontractant, et en tant que tel être imputé à ce dernier.
En l'espèce, Mme [Z] prétend que la Sccv Chateau Madron est responsable des informations mensongères transmises par son mandataire, la société Capitole conseil et engagerait sa responsabilité pour dol, outre sa responsabilité contractuelle pour manquement à l'obligation d'information et de conseil.
Mme [Z] soutient que la société Capitole conseil a agi comme mandataire de la Sccv Chateau Madron. C'est à Mme [Z] qui souhaite rendre responsable la Sccv Chateau Madron des comportements de la société Capitole conseil de prouver le contrat de mandat et qu'il englobait également les projections financières et la défiscalisation sur support immobilier.
Or, la brochure commerciale ne comportant ni mention ni cachet de la société Capitole conseil, l'existence d'un contrat de mandat n'est pas établie, ni son étendue.
Si le dol peut être commis par un tiers complice du cocontractant, ayant aidé le vendeur dans l'accomplissement du dol, il n'est toutefois pas démontré par Mme [Z] que l'éventuel commercialisateur aurait, en l'espèce, agi de connivence avec le promoteur.
En outre, le vendeur, qui serait contractuellement lié au commercialisateur d'un bien par un mandat, n'est pas tenu responsable des fautes civiles personnellement commises par son mandataire à raison d'obligations qui sont propres à ce dernier vis-à-vis des tiers au mandat comme Mme [Z], devenue acquéreur.
2. Dès lors, il doit être retenu que la Sccv Chateau Madron n'a agi qu'en qualité de promoteur-vendeur sans qu'il soit démontré qu'elle aurait elle-même élaboré la méthode de commercialisation du bien litigieux et du montage financier.
Or, si tout vendeur professionnel de biens doit mettre le consommateur, avant la conclusion du contrat, en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien, la violation de cette obligation précontractuelle d'information, accompagnée d'une intention dolosive, pouvant générer un dol, le vendeur n'est toutefois pas tenu d'informer les acquéreurs potentiels de la valeur réelle du bien immobilier ni de s'assurer de l'adéquation du prix de vente au prix du marché. Il n'est pas non plus tenu d'informer les acquéreurs des évolutions possibles de la valeur vénale du bien immobilier au fil du temps.
La Sccv Chateau Madron ne devait informer l'acquéreur potentiel que des caractéristiques essentielles du bien immobilier et ne devait pas le mettre en garde contre les risques de l'opération d'investissement.
Aucune faute ne saurait donc être retenue à son encontre.
L'action en responsabilité de Mme [Z] dirigée à l'encontre de la Sccv Chateau Madron sera en conséquence rejetée.
- Sur les dépens et frais irrépétibles,
3. Mme [Z], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d'appel et le jugement confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance.
Sa demande présentée au titre des frais irrépétibles exposés en appel sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, par mise à disposition, par défaut et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er juin 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse.
Et y ajoutant,
Condamne Mme [H] [Z] aux dépens d'appel.
Rejette sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en appel.