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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 24 septembre 2025, n° 23/02844

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCCV Château Madron (Sté)

Défendeur :

SCCV Château Madron (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mme Robert, Mme Asselain

Avocats :

Me Dalmayrac, Me Betton, SCP Camille et Associés, SARL Pivoine Société d'Avocats

TJ [Localité 6], du 1er juin 2023, n° 22…

1 juin 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La Sccv Chateau Madron a été créée en vue de la réalisation d'une promotion immobilière sur [Adresse 7] sous le nom de Résidence [Adresse 5], s'agissant d'une résidence étudiante éligible aux dispositifs fiscaux dits 'Scellier'.

Le 8 octobre 2010, Mme M. [N] [E] et Mme [I] [T] ont conclu un contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un appartement T1bis de cette résidence, sans emplacement de parking, pour le prix de 133 245 euros.

Par acte authentique du 30 mars 2011, M. [N] [E] et Mme [I] [T] ont procédé à l'achat définitif de ce bien, achat dont le financement a été assuré par la souscription d'un emprunt auprès de la Casden banque populaire à hauteur de 136 445 euros.

Le bien a été livré en juin 2012 et le premier locataire est entré dans les lieux le 29 août 2012.

Ce bien a été estimé le 15 novembre 2021 par l'agence Adl immobilier pour une valeur comprise entre 78 169 et 81 809 euros.

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Par acte d'huissier du 21 mars 2022, M. [N] [E] et Mme [I] [T] ont fait assigner la Sccv Chateau Madron, devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ainsi que les articles L.121-21 et suivants du code de la consommation.

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Par jugement du 1er juin 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- débouté M. [N] [E] et Mme [I] [T] de leurs demandes en dommages et intérêts tant au titre de la perte de chance que du préjudice moral,

- rejeté la demande formée au titre des frais irrépétibles,

- condamné M. [N] [E] et Mme [I] [T] aux entiers dépens de l'instance.

Le tribunal a considéré que les acquéreurs n'établissaient pas la surévaluation du bien, ni le manque de sérieux des informations qui leur ont été délivrées.

Il a estimé que le risque de perte de valeur vénale du bien acquis était inhérent à tout achat immobilier et ne pouvait être ignoré d'un candidat acquéreur.

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Par déclaration du 1er août 2023, M. [N] [E] et Mme [I] [T] ont fait appel de ce jugement en ce qu'il :

- les a déboutés de leurs demandes en dommages et intérêts tant au titre de la perte de chance que du préjudice moral,

- a rejeté la demande formée au titre des frais irrépétibles,

- les a condamnés aux entiers dépens de l'instance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 26 septembre 2023, M. [N] [E] et Mme [I] [T], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 9, 122, 700 et 789 du code de procédure civile, 1116, 1134, 1147, 1382 anciens du code civil, et R. 261-26 et suivants du code de la consommation, de :

- juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [T] et M. [E] à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Toulouse le 1er juin 2023,

- infirmer le jugement critiqué, en ce qu'il a :

' débouté M. [N] [E] et Mme [I] [T] de leurs demandes en dommages et intérêts tant au titre de la perte de chance que du préjudice moral,

' rejeté la demande formée au titre des frais irrépétibles,

' condamné M. [N] [E] et Mme [I] [T] aux entiers dépens de l'instance,

Statuant de nouveau,

- juger que la société Chateau Madron engage sa responsabilité en raison des agissements et des écrits de son mandataire, la société Sajj patrimoine,

- condamner la société Chateau Madron à verser à Mme [I] [T] et M. [N] [E], à titre de dommages-intérêts :

' la somme de 84.875,40 € au titre du préjudice de perte de chance de ne pas réaliser un investissement rentable,

' la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral subi ensuite des conséquences de l'opération,

- condamner la société Chateau Madron à verser à Mme [I] [T] et M. [N] [E] la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens.

À l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que :

- la société Chateau Madron et de la société Sajj patrimoine avaient l'intention de les tromper, afin de leur faire réaliser un investissement auquel ils n'auraient pas souscrit s'ils avaient disposé d'informations exactes,

- la société Sajj patrimoine est intervenue en qualité de mandataire de la société Chateau Madron,

- elle a déployé un stratagème trompeur pour le compte de son mandant, en faisant une présentation idyllique de la résidence, en mettant en avant des qualités professionnelles devant susciter la confiance des prospects, en établissant une simulation personnalisée donnant l'impression d'une fine analyse, en mettant en place un process de vente désintéressant les appelants de leur investissement,

- même en disposant d'une information complète, les acquéreurs ne pouvaient prévoir la possibilité d'une moins-value aussi colossale que celle subie,

- le prix de vente au mètre carré était cohérent, au jour de la vente,

- le conseiller aurait dû prévoir une revente au prix hors taxes et une revente à perte,

- il ne fait pas de doute que la société Chateau Madron savait que son mandataire n'avait pas mis en garde les différents acquéreurs sur les risques de l'opération et la possibilité d'absence d'atteinte de la rentabilité promise,

- la commercialisation agressive mise en place ne peut lui avoir été cachée,

- l'absence d'aléa était déterminante du consentement des acquéreurs,

- ils ont subi un préjudice équivalent à la différence entre le montant de l'acquisition et la valeur de cession du bien, outre l'absence de plus-value envisagée par la simulation et non réalisée, outre un préjudice moral,

- ils ont subi un préjudice résultant de l'écart de montant entre les loyers prévus et les loyers perçus ainsi que de l'écart entre les charges prévues et les charges payées,

- leur préjudice consiste en un préjudice de perte de chance de ne pas avoir contracté l'opération litigieuse.

La déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier à la Sccv Chateau Madron, intimée, le 14 septembre 2023, selon les formalités prévues à l'article 658 du code de procédure civile. Cette partie n'a pas constitué avocat.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

- Sur l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de la Sccv Chateau Madron,

1. Aux termes de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol repose sur la preuve, par celui qui se prétend victime, d'un élément matériel consistant en des mensonges, manoeuvres ou une réticence dolosive et d'un élément moral consistant dans l'intention de tromper.

Le dol peut être le fait du représentant du cocontractant, et en tant que tel être imputé à ce dernier.

En l'espèce, M. [E] et Mme [T] prétendent que la Sccv Chateau Madron est responsable des informations mensongères transmises par son mandataire, la société Sajj patrimoine, et engagerait sa responsabilité pour dol, outre sa responsabilité contractuelle pour manquement à l'obligation d'information et de conseil.

M. [E] et Mme [T] soutiennent que la société Sajj patrimoine a agi comme mandataire de la Sccv Chateau Madron. C'est à M. [E] et Mme [T] qui souhaite rendre responsable la Sccv Chateau Madron des comportements de la société Sajj patrimoine de prouver que la simulation financière a été réalisée par cette dernière, qu'un contrat de mandat a été conclu entre elle et le promoteur et qu'il englobait les projections financières et la défiscalisation sur support immobilier.

Or, les documents produits ne comportent pas de référence à la société Sajj patrimoine et M. [E] et Mme [T] n'établissent ni l'existence ni l'étendue du contrat de mandat qu'elle aurait conclu avec le promoteur.

Si le dol peut être commis par un tiers complice du cocontractant, ayant aidé le vendeur dans l'accomplissement du dol, il n'est toutefois pas démontré par M. [E] et Mme [T] que l'éventuel commercialisateur aurait, en l'espèce, agi de connivence avec le promoteur.

En outre, le vendeur, qui serait contractuellement lié au commercialisateur d'un bien par un mandat, n'est pas tenu responsable des fautes civiles personnellement commises par son mandataire à raison d'obligations qui sont propres à ce dernier vis-à-vis des tiers au mandat comme M. [E] et Mme [T], devenus acquéreurs.

2. Dès lors, il doit être retenu que la Sccv Chateau Madron n'a agi qu'en qualité de promoteur-vendeur sans qu'il soit démontré qu'elle aurait elle-même élaboré la méthode de commercialisation du bien litigieux et du montage financier.

Or, si tout vendeur professionnel de biens doit mettre le consommateur, avant la conclusion du contrat, en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien, la violation de cette obligation précontractuelle d'information, accompagnée d'une intention dolosive, pouvant générer un dol, le vendeur n'est toutefois pas tenu d'informer les acquéreurs potentiels de la valeur réelle du bien immobilier ni de s'assurer de l'adéquation du prix de vente au prix du marché. Il n'est pas non plus tenu d'informer les acquéreurs des évolutions possibles de la valeur vénale du bien immobilier au fil du temps.

La Sccv Chateau Madron ne devait informer les acquéreurs potentiels que des caractéristiques essentielles du bien immobilier et ne devait pas les mettre en garde contre les risques de l'opération d'investissement.

Aucune faute ne saurait donc être retenue à son encontre.

L'action en responsabilité de M. [E] et Mme [T] dirigée à l'encontre de la Sccv Chateau Madron sera en conséquence rejetée.

- Sur les dépens et frais irrépétibles,

3. M. [E] et Mme [T], parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront condamnés aux dépens d'appel et le jugement confirmé en ce qu'il les a condamnés aux dépens de première instance.

Leur demande présentée au titre des frais irrépétibles exposés en appel sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, par mise à disposition, par défaut et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er juin 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse.

Et y ajoutant,

Condamne M. [N] [E] et Mme [I] [T] aux dépens d'appel.

Rejette leur demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

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