CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 septembre 2025, n° 22/18781
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Australie (SAS)
Défendeur :
Societe Cooperative Groupements D'Achats Des Centres Leclerc (SC GALEC), Lollipop Music / Lolly Edition (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lalemend
Conseillers :
Mme Depelley, M. Richaud
Avocats :
Me Cheviller, Me Thominette, SCP Lagourgue et Olivier, Me Janssens, Me Schwab, Me Marquis
FAITS ET PROCÉDURE
La société coopérative Groupements d'achats des Centres E. Leclerc (ci-après « la société SC Galec ») est la centrale nationale de référencement du « Mouvement E. Leclerc », groupement de commerçants indépendants exploitant leurs magasins sous l'enseigne E. Leclerc. Ayant pour associés coopérateurs les 580 centres E. Leclerc, magasins détaillants à l'enseigne E. Leclerc, et les 16 centrales régionales d'achat, elle a pour mission de sélectionner les produits des fournisseurs et de négocier les conditions d'achat appliquées par ces derniers ainsi que de définir et de mettre en 'uvre la politique commerciale du « Mouvement E. Leclerc », dont sa politique publicitaire nationale (campagnes publicitaires commerciales et institutionnelles).
La SAS Australie est une agence de publicité qui fournit à ses clients annonceurs des services de conception et de réalisation de campagnes publicitaires ainsi que de communication institutionnelle sur tout support.
La SAS Lollipop Music/Lolly Edition (ci-après, « la SAS Lollipop Music ») a pour activité principale la création et l'enregistrement de musiques et d'arrangements et de publicités radiophoniques
Ayant remporté un appel d'offres lancé par la société SC Galec courant 1999, la SAS Australie a conclu avec cette dernière trois contrats :
- par acte du 26 juin 2000, la première a confié en exclusivité à la seconde la mission de concevoir plusieurs campagnes nationales ;
- par acte du 1er novembre 2002, la société SC Galec a confié à la SAS Australie la gestion du budget de communication institutionnelle de l'enseigne E. Leclerc et la conduite la stratégie de communication définie par la société SC Galec ;
- par contrat cadre du 12 mai 2016, ces parties ont défini les conditions dans lesquelles les entités du « Mouvement Leclerc » pourraient recourir aux services de la SAS Australie pour leur communication, l'acte prévoyant des régimes distincts aux « annonceurs historiques », tels la société SC Galec, et aux « annonceurs récents ».
Pour répondre à cet appel d'offres et concevoir la maquette d'une campagne publicitaire, la SAS Australie s'était rapprochée de la SAS Lollipop Music. La candidature de la SAS Australie ayant été retenue et 119 messages publicitaires réalisés par la SAS Lollipop Music ayant été diffusés au cours de l'année 2000 dans le cadre d'une série présentée comme une saga intitulée « [V] & [Y] », ces dernières ont conclu le 12 février 2001 un contrat de commande de messages publicitaires encadrant pour une durée indéterminée les prestations passées et à venir. L'acte stipulait que la SAS Australie pouvait y mettre un terme à tout moment en avisant la SAS Lollipop Music trois mois à l'avance.
Dans ce cadre, la société SC Galec, qui validait les différentes étapes du processus de création, définissait dans un brief les produits concernés par les messages publicitaires commandés ainsi que le planning de réalisation et de diffusion tandis que la SAS Lollipop Music facturait ses prestations à la SAS Australie.
Le 23 octobre 2017, la société SC Galec a notifié à la SAS Australie la résiliation de leur contrat du 12 mai 2016 en lui accordant un préavis de 14 mois expirant le 31 décembre 2018 et en l'invitant à candidater à un appel d'offres lancé en janvier 2018 pour sélectionner son agence de communication. Informée le 22 juin 2018 qu'elle n'avait pas été retenue, la SAS Australie a notifié à la SAS Lollipop Music le 4 septembre 2018 la fin de leur collaboration à compter du 1er janvier 2019.
La nouvelle agence de communication, la société BETC, se rapprochait néanmoins dès novembre 2018 de la SAS Lollipop Music, la diffusion des spots « [V] & [Y] » étant ainsi maintenue et facturée à cette dernière. Cependant, par courrier du 27 mai 2019, la société SC Galec a informé la SAS Lollipop Music qu'un « nouveau concept de messages publicitaires en radio » serait lancé en septembre 2019 et que, « durant cette période transitoire » des bons de commandes publicitaires lui seraient adressés jusqu'au 24 juillet 2019 pour les derniers spots de la saga « [V] & [Y] ».
A la demande la SAS Lollipop Music présentée le 4 juin 2019, la société SC Galec a accepté le 3 juillet 2019 de prolonger ses commandes jusqu'au 31 décembre 2019. Les derniers enregistrements étaient réalisés le 28 novembre 2019.
C'est dans ces circonstances que la SAS Lollipop Music a, par acte d'huissier signifié les 10 et 11 décembre 2019, assigné la SAS Australie et la société SC Galec devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation des préjudices causés par la rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement du 26 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :
Déboute la SAS à associé unique LOLLIPOP MUSIC / LOLLY EDITION de sa demande faite à titre principal à la SA SOCIETE COOPERATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC « SC GALEC » de la somme de 923 509 € et, à titre subsidiaire ;
Condamne la société AUSTRALIE à verser à la SAS à associé unique LOLLIPOP MUSIC / LOLLY EDITION la somme de 221 099 € ;
Dit qu'il n'y a pas lieu de condamner la SAS à associé unique AUSTRALIE à garantir la SA SOCIETE COOPERATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC « SC GALEC » contre toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la SAS à associé unique LOLLIPOP MUSIC / LOLLY EDITION ;
Condamne la SAS à associé unique AUSTRALIE à payer à la SAS à associé unique LOLLIPOP MUSIC / LOLLY EDITION la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS à associé unique AUSTRALIE à payer à la SA SOCIETE COOPERATOVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC « SC GALEC » la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du Jugement ;
Condamne la SAS associé unique AUSTRALIE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 € dont 15,72 € de TVA.
Par déclaration reçue au greffe le 4 novembre 2022, la SAS Australie a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 avril 2025, la SAS Australie demande à la Cour, au visa de l'article L 442-6 du code de commerce dans sa version applicable au litige :
- d'infirmer le jugement du 26 septembre 2022 rendu par le tribunal de commerce de Paris ;
- statuant à nouveau, à titre principal, de :
o juger que la SAS Australie n'a agi qu'en qualité de mandataire de la société SC Galec et n'a commis aucune faute à l'égard, ni de la société SC Galec, ni de la SAS Lollipop Music du fait de la rupture de la relation commerciale existant entre la société SC Galec et la SAS Lollipop Music ;
o en toute hypothèse, juger que la société SC Galec a poursuivi la relation commerciale avec la SAS Lollipop Music postérieurement au 31 décembre 2018, de sorte que la SAS Australie n'a commis aucune faute à l'égard de la SAS Lollipop Music du fait de la rupture de ladite relation commerciale ;
- à titre subsidiaire, de :
o juger que la SAS Lollipop Music a été notifiée de l'arrêt de sa relation commerciale avec la SAS Australie le 23 juin 2018 ;
o juger que la SAS Lollipop Music a bénéficié d'un préavis d'une durée raisonnable compte tenu du maintien de l'exploitation de la saga « [V] & [Y] » au cours de l'année 2019 ;
- à titre plus subsidiaire, de :
o juger que le préjudice résultant de l'insuffisance du préavis de rupture des relations commerciales entre la SAS Australie et la SAS Lollipop Music n'est pas démontré ;
o juger, en tout état de cause, qu'il ne saurait, excéder 3 mois compte tenu du maintien de l'exploitation de la saga « [V] et [Y] » au cours de l'année 2019 ;
o juger, à titre infiniment subsidiaire, que le préjudice résultant de l'insuffisance du préavis de rupture des relations commerciales entre la SAS Australie la SAS Lollipop Music ne saurait excéder la somme de 119 605,50 euros ;
- en toute hypothèse, de :
o débouter la SAS Lollipop Music et la société SC Galec de toutes leurs demandes à l'encontre de la SAS Australie ;
o condamner toute partie succombante à verser à la SAS Australie la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, outre les entiers dépens.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 mai 2025, la SAS Lollipop Music demande à la Cour, au visa des articles 56 et 114 du code de procédure civile, L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable aux faits de l'espèce, D 442-3 du code de commerce et 1156 du code civil :
- de juger la SAS Lollipop Music recevable et bien fondée en ses demandes ;
- à titre principal :
o d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 septembre 2022 dans son intégralité ;
o statuant à nouveau, de condamner la société SC Galec à verser à la SAS Lollipop Music la somme de 983 225,18 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;
- à titre subsidiaire :
o d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 septembre 2022 en ce qu'il a limité la condamnation de la SAS Australie à verser à la SAS Lollipop Music la somme de 221 099 euros ;
o statuant à nouveau, de condamner la SAS Australie à verser à la SAS Lollipop Music la somme de 1 125 301,18 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;
- en tout état de cause, de :
o débouter la société SC Galec et la SAS Australie de l'ensemble de leurs demandes ;
o condamner toute partie succombante à verser à la SAS Lollipop Music la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
o condamner toute partie succombante aux entiers dépens dont le recouvrement sera directement poursuivi par la Selarl 2H Avocats, en la personne de maître Audrey Schwab, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 mai 2025, la société SC Galec demande à la Cour, au visa des articles L 442-6 I 5° du code de commerce dans son ancienne rédaction applicable au litige, 1101 et suivants du code civil, 514 et 700 du code de procédure civile et 910-4 du code de procédure civile issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :
- de juger la société SC Galec recevable et bien fondé en ses demandes et de juger la SAS Australie et la SAS Lollipop Music mal fondées en leurs demandes ;
- à titre principal :
o de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Lollipop Music de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société SC Galec et de débouter la SAS Lollipop Music et la SAS Australie de l'ensemble de leurs demandes ;
o de juger ce que de droit au surplus s'agissant des relations entretenues entre la SAS Lollipop Music et la SAS Australie ;
o d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu qu'une relation commerciale serait née entre la société SC Galec et la SAS Lollipop Music à compter du 1er janvier 2019, et, statuant à nouveau, de juger qu'aucune relation commerciale n'est née entre ces parties après le 1er janvier 2019 au regard de la précarité et de la faible durée des relations, et en l'absence de toute facturation entre la SAS Lollipop Music et la société SC Galec ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait l'existence d'une relation commerciale établie entre la SAS Lollipop Music et la société SC Galec :
o d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la SAS Lollipop Music n'aurait bénéficié que de 9 mois et demi de préavis ;
o statuant à nouveau, de juger que le préavis de 16 mois dont a bénéficié au total la SAS Lollipop Music est suffisant et qu'aucune faute ne saurait dès lors être reprochée à la société SC Galec ;
o subsidiairement, juger que la marge brute réalisée en 2019 par la SAS Lollipop Music devra s'imputer sur la marge brute dont aurait été privée cette dernière, à laquelle il appartient de verser aux débats les éléments comptables certifiés relatifs à la marge brute réalisée en 2019 ;
o de débouter en conséquence la SAS Lollipop Music de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes ;
- à titre plus subsidiaire, sur le préjudice, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait l'existence d'une relation commerciale établie entre la SAS Lollipop Music et la société SC Galec et ferait droit à tout ou partie des demandes indemnitaires présentées par la SAS Lollipop Music sur le fondement de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, sans aucune reconnaissance du bienfondé des demandes de la SAS Lollipop Music que la société SC Galec conteste :
o d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une durée de préavis complémentaire de 4 mois et demi au profit de la SAS Lollipop Music et en ce qu'il a fixé le préjudice résultant de la perte de marge brute au cours de cette période à hauteur de 221 099 euros ;
o statuant à nouveau, de juger que le préavis complémentaire dont aurait dû bénéficier la SAS Lollipop Music ne saurait excéder trois mois, et que la perte de marge brute sur cette période ne saurait être supérieure à la somme totale de 69 402 euros ;
o de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu de l'assiette de calcul du chiffre d'affaires les droits SACEM (« autres produits ») ;
o de juger irrecevable et à défaut infondée la demande de la SAS Lollipop Music tendant à voir condamner la société SC Galec à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 59 716,18 euros au titre du coût du licenciement de monsieur [B] [I] ;
o d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une perte de marge moyenne d'un montant annuel de 589 597 euros (soit 49 133 euros par mois), sans exclure de l'assiette de calcul du chiffre d'affaires certaines charges variables infondées ;
o statuant à nouveau, de juger à titre principal, au vu des calculs de la SAS Lollipop Music, que la marge moyenne sur coûts variables s'élève à 277 618 euros par an, soit 23 134 euros par mois, et de juger, à titre subsidiaire, sur la base des calculs effectués par l'expert-comptable la société SC Galec que la marge moyenne annuelle sur coûts variables s'élève à 463 504 euros, soit 38 625 euros par mois ;
o de juger, si un quelconque état de dépendance économique devait être retenu par la Cour, que la SAS Lollipop Music a commis une faute en faisant le choix de gestion de concentrer son activité sur la production des spots publicitaires commandés par la SAS Australie, et, en conséquence, tenant compte du risque délibérément pris par la SAS Lollipop Music, de juger que les dommages et intérêts éventuellement alloués à la SAS Lollipop Music doivent être diminués de 25 % ;
o de débouter la SAS Lollipop Music de ses demandes tendant à une indemnisation supérieure ;
o d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu n'y avoir lieu à condamner la SAS Australie à garantir la société SC Galec contre toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la SAS Lollipop Music, et, statuant à nouveau, de recevoir la société SC Galec en son appel en garantie à l'encontre de la SAS Australie et de condamner la SAS Australie à garantir la société SC Galec contre toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la SAS Lollipop Music, que ce soit notamment au titre de la résiliation du contrat intervenue ou au titre de la relation contractuelle et des relations commerciales entretenues entre la SAS Australie et la SAS Lollipop Music, de leur exécution et de leur rupture, et au titre des frais de procédure et des dépens,
- en tout état de cause, de :
o débouter la SAS Lollipop Music et la SAS Australie de l'ensemble de leurs demandes ;
o condamner solidairement la SAS Lollipop Music et la SAS Australie à payer la société SC Galec la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2025. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SAS Australie expose que la relation commerciale litigieuse a été nouée exclusivement entre la société SC Galec, qui s'est engagée à supporter les conséquences liées à la résiliation du contrat de commande en cas de rupture de leurs relations, et la SAS Lollipop Music, l'article 11 du contrat du 12 mai 2016 stipulant ainsi que, « à la fin du Contrat-cadre entre l'Agence et un Annonceur, l'Agence transférera à l'Annonceur concerné, ou à toute autre personne que ce dernier aura désignée, le bénéfice des engagements en cours avec toutes les droits et charges y afférents, dont l'Agence demeure garante ». Elle souligne sur ce point que la notion d'engagement est synonyme de celle d'obligation au sens de l'article 1101 du code civil et que l'accord des parties sur le transfert automatique du contrat de commande résulte des conventions conclues d'une part avec la société SC Galec et d'autre part avec la SAS Lollipop Music. Elle indique en outre ne pas avoir résilié le contrat de commande mais avoir exclusivement notifié à cette dernière la fin de leur collaboration, ainsi que le lui imposait l'article 11. Elle précise n'être intervenue auprès de la SAS Lollipop Music qu'en qualité de mandataire de la société SC Galec qui était l'unique initiateur et bénéficiaire des prestations qu'elle fournissait, qui maîtrisait intégralement la relation commerciale (contrôle et validation à chaque étape du processus de création, établissement des plannings et des briefs) qu'elle a d'ailleurs poursuivie d'initiative après le 1er janvier 2019 et qui avait de ce fait la qualité de producteur titulaire des droits d'exploitation de la saga « [V] & [Y] » au sens de l'article L 132-31 du code de la propriété intellectuelle. Elle ajoute que le contrat qu'elle a conclu avec la SAS Lollipop Music rappelait sa qualité d'intermédiaire (comparution des parties et articles 2, 4 et 5). Elle explique que l'article 3.4 du contrat d'agence, qui précise qu'elle agit en qualité de maître d''uvre, ne concerne que les prestations techniques (achats matériels faits par l'agence pour fabriquer les campagnes, les sites ou les supports d'édition hors coûts de conception intellectuelle d'une campagne) qui sont distinctes des prestations intellectuelles servies par la SAS Lollipop Music.
Elle expose par ailleurs qu'elle n'a commis aucune faute en n'avertissant pas la SAS Lollipop Music du lancement par la société SC Galec d'un appel d'offres qui avait pour objet la sélection d'une nouvelle agence, son remplacement éventuel n'impliquant pas la cessation de l'exploitation de la saga « [V] & [Y] » et le contrat d'agence l'obligeant à transférer le contrat de commande à la société SC Galec qui a poursuivi la relation après le 1er janvier 2019. Elle ajoute que la SAS Lollipop Music était quoi qu'il en soit informée et a participé activement au projet présenté dans le cadre de sa candidature. Elle soutient en outre que, en poursuivant la relation conformément à l'article 11 du contrat d'agence, la société SC Galec, qui ne démontre pas le caractère précaire et transitoire de cette continuation, a manifesté son intention de reprendre son ancienneté et ses conditions et d'assumer les conséquences de la rupture qu'elle a personnellement notifiée. Elle en déduit qu'elle ne doit pas garantie à la société SC Galec.
Subsidiairement, elle conteste le principe du préjudice allégué par la SAS Lollipop Music en soutenant que :
- le préavis de 14 mois retenu par le tribunal est suffisant ainsi que la cour d'appel de Paris l'a jugé dans l'affaire qui l'opposait à la société SC Galec au titre de la rupture de leurs relations commerciales établies. Elle ajoute que le point de départ du préavis doit être fixé au 23 juin 2018, date à laquelle le changement d'agence a été porté à la connaissance de la SAS Lollipop Music, et que le préavis a été allongé par la poursuite de la relation par la société SC Galec ;
- la SAS Lollipop Music ne prouve aucune perte de marge postérieurement au 1er janvier 2019, que les cinq premiers mois de l'année 2019 doivent être considérés comme relevant de l'exécution du préavis peu important l'absence de notification préalable et que l'insuffisance de préavis ne peut excéder un ou trois mois.
Elle s'associe enfin aux critiques de la société SC Galec relatives à la détermination du quantum du préjudice allégué.
En réponse, la SAS Lollipop Music expose que les dispositions issues de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ne régissent pas le litige car elles ne sont applicables qu'aux contrats conclus postérieurement à leur entrée en vigueur fixée au 25 avril 2019 et car la relation a débuté en juin 1999 et a été encadrée par un contrat écrit du 12 février 2001. Elle soutient qu'elle a entretenu, peu important l'absence de flux direct entre les partenaires et la préexistence de sa collaboration avec la SAS Australie qui n'a été envisagée que pour répondre à l'appel d'offres de la société SC Galec, une relation commerciale avec cette dernière au motif que :
- la société SC Galec maîtrisait la production de la saga « [V] & [Y] » de part en part (envoi des plannings et des briefs, validation du texte de l'annonce, détermination des modalités de diffusion) et a d'ailleurs mis un terme à la relation en lui octroyant un préavis. Elle ajoute que, aux termes du contrat d'agence, les travaux techniques étaient facturés à la société SC Galec à l'identique par la SAS Australie, la société SC Galec étant ainsi le payeur final, tandis que les droits d'exploitation étaient négociés et payés pour son compte par la SAS Australie ;
- la SAS Australie était, ainsi que l'indique expressément le contrat de commande du 12 février 2001, le mandataire de la société SC Galec, unique donneur d'ordres et bénéficiaire des prestations qu'elle sollicitait et validait dans le cadre d'un dialogue quotidien et direct avec elle, la SAS Australie, comme la société BETC à sa suite, n'ayant aucune autonomie décisionnelle. Elle précise que cette analyse est confortée par les contrats d'agence successifs qui stipulent que la société SC Galec s'engage à reprendre le contrat de commande, ce transfert étant intervenu automatiquement le 1er janvier 2019 en vertu de cette stipulation qui n'implique aucun nouvel accord de volontés.
Soulignant le caractère établi de cette relation qu'elle déduit de sa durée (20 ans), de sa stabilité, de sa continuité, y compris après la rupture notifiée par la SAS Australie prenant effet le 1er janvier 2019, et de l'importance du chiffre d'affaires généré qui représentait 99,80 % de son chiffre d'affaires total, la SAS Lollipop Music estime que le préavis accordé, de trois mois porté à cinq mois en cours d'exécution, était insuffisant et que la rupture était pour elle imprévisible, le lancement d'un nouvel appel d'offres n'emportant pas en soi la fin de la saga « [V] & [Y] » et la relation n'ayant pas été poursuivie en janvier 2019 à « titre transitoire » ou « précaire ». Invoquant l'importance et la renommée de la société SC Galec qui font d'elle un annonceur difficilement substituable, la notoriété de la saga « [V] & [Y] » qu'aucun autre produit ne pourra aisément égaler, l'ancienneté de la relation et sa situation de dépendance économique découlant de la part de la relation dans son chiffre d'affaires et de l'obligation d'exclusivité et de disponibilité stipulée dans le contrat de commande et impliquée matériellement par la cadence imposée par la société SC Galec qui la privait de toute possibilité de diversifier sa clientèle et de toute chance de reconversion, elle évalue le préavis qui lui était dû à 18 mois et son insuffisance à 13 mois au regard des 5 mois effectivement exécutés. Elle calcule son préjudice sur la base de sa marge sur coûts variables perdue (923 509 euros après déduction des salaires des comédiens et des ingénieurs du son, des cotisations afférentes et des frais de location du studio d'enregistrement). Elle précise que les droits SACEM perdus doivent intégrer son préjudice en ce qu'ils constituent des produits d'exploitation réguliers et certains dont elle a été privée par l'effet de la rupture et que le licenciement de son ingénieur du son représente un coût directement causé par cette dernière.
Subsidiairement, à défaut de partenariat retenu à l'égard de la société SC Galec, elle soutient que la relation commerciale était établie avec la SAS Australie et que le préavis de trois mois accordé, tardivement notifié, était insuffisant, peu important qu'il soit prévu par le contrat de commande et qu'elle ait eu connaissance de l'appel d'offres lancé par la société SC Galec. Elle fixe à nouveau le préavis qui lui était dû à 18 mois et son insuffisance à 15 mois, le fait qu'elle ait continué la relation avec la société SC Galec étant sans incidence sur le quantum de son indemnisation.
La société SC Galec expose qu'elle n'était pas partie au contrat du 12 février 2001, régularisé postérieurement au début des relations entre la SAS Lollipop Music et la SAS Australie, et que cette dernière n'était pas son mandataire, la mention « agit au nom et pour le compte de l'annonceur » n'étant apposée que pour identifier le cessionnaire final des droits d'exploitation des 'uvres sans égard pour leur réalisation. Elle précise à ce titre que la SAS Lollipop Music, chargée par la SAS Australie d'exécuter les prestations qu'elle lui avait confiées, était un sous-traitant de cette dernière qui avait la qualité de maître d''uvre ainsi que le précisent les contrats d'agence successifs, qualité qui n'est pas circonscrite aux prestations techniques d'achats de matériels mais couvre également les prestations intellectuelles. Elle ajoute que le fait qu'elle soit le bénéficiaire des prestations accomplies par la SAS Lollipop Music à la demande de la SAS Australie et qu'elle ait validé le processus de création caractérise l'existence d'une sous-traitance classique et non d'un mandat. Elle indique que l'attribution de la qualité de producteur au sens de l'article 132-31 du code de la propriété intellectuelle, qui sert à l'identification du cessionnaire des droits d'exploitation de l''uvre, est indifférente à l'application de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce. Elle souligne par ailleurs l'absence de flux direct avec la SAS Lollipop Music dont les factures ont systématiquement été payées par la SAS Australie.
Elle conteste en outre tout « transfert de contrat » en application de l'article 11-3 du contrat du 12 mai 2016 qui n'évoque que le « bénéfice des engagements en cours » et non une reprise des conventions, un « transfert de contrat » (cession de contrat ou novation par changement de parties) supposant de surcroît systématiquement l'accord du cocontractant concerné et du tiers qui se substitue à l'une des parties, double consentement qui n'est pas caractérisé, même tacitement, puisque les commandes postérieures au 1er janvier 2019 ont été passées par la société BETC et non par elle. Elle ajoute que la SAS Australie n'a pas tenté de lui transférer le contrat de commande qu'elle a au contraire résilié le 4 septembre 2018, rupture qui faisait quoi qu'il en soit obstacle à son transfert ultérieur et qui était inévitable au 1er janvier 2019 à raison de la cessation des relations qu'elle entretenait avec la SAS Australie qui aurait dû de ce fait notifier la fin des relations dès le 23 octobre 2017. Contestant ainsi être l'auteur de la rupture du partenariat noué entre la SAS Lollipop Music et la SAS Australie, elle prétend que les commandes postérieures au 1er janvier 2019, passées sans le support d'un contrat, matérialisent une relation précaire et transitoire avec la société BETC, ce que n'ignorait pas la SAS Lollipop Music qui a licencié son ingénieur du son dès le 21 décembre 2018 et qui était en désaccord avec les orientations de la société BETC. Elle en déduit l'inexistence d'une relation commerciale établie entre le 1er janvier 2019 et le 27 mai 2019, date à laquelle elle a informé la SAS Lollipop Music de la cessation de toute commande à compter du 24 juillet 2019, terme reporté au 31 décembre 2019 à sa demande. Elle ajoute que la consommation de la rupture des relations entre la SAS Lollipop Music et la SAS Australie le 31 décembre 2018 exclut leur reprise et leur poursuite à compter du 1er janvier 2019.
La société SC Galec explique que le préavis de 14 mois accordé à la SAS Australie et dont aurait dû bénéficier la SAS Lollipop Music dans ses rapports avec celle-ci était suffisant au regard de la nature et de la durée des relations, et que la SAS Australie a commis une faute en lui notifiant tardivement, malgré l'information dont elle disposait depuis le 23 octobre 2017, un préavis de 4 mois. Elle observe que, au regard des usages applicables au secteur de la publicité, le préavis raisonnable était de 6 mois et que l'état de dépendance économique de la SAS Lollipop Music résulte de son imprévoyance et de son choix de se consacrer aux prestations sollicitées par la SAS Australie malgré l'absence d'exclusivité, légèreté fautive qui fonde une décote de 25 % à appliquer au montant de son indemnisation.
Subsidiairement, elle soutient que la période postérieure au 1er janvier 2019 s'analyse en un maintien du courant d'affaires et doit intégrer le préavis effectif exécuté par la SAS Lollipop Music qui est ainsi porté à 16 mois, soit une insuffisance éventuelle de 3 mois. Elle critique par ailleurs les calculs de sa marge par la SAS Lollipop Music, qui fixe sa marge sur coûts variables au double de sa marge brute et prétend ainsi obtenir une indemnisation supérieure au profit qu'elle pouvait espérer du maintien des relations. Elle souligne le défaut de justification des données qu'elle exploite et dénonce l'absence de déduction des charges afférentes à la rémunération du président de la SAS Lollipop Music qui consacrait l'essentiel de son temps à la réalisation des spots publicitaires ainsi que d'autres charges qu'elle liste et qu'elle estime liées à la production. Elle entend en outre exclure de l'assiette de calcul du chiffre d'affaires de la SAS Lollipop Music les droits SACEM qui, liés à la diffusion des spots publicitaires à l'initiative de l'annonceur, ne résultent pas de la facturation adressée à la SAS Australie. Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande au titre du coût du licenciement de son ingénieur du son, qui n'a pas été présentée par la SAS Lollipop Music en première instance et dans ses premières conclusions d'appel, et sollicite à défaut son rejet au motif que le préjudice complémentaire allégué est en lien avec la rupture elle-même et non sa brutalité.
Elle expose enfin que la SAS Australie, seule responsable des rapports qu'elle entretient avec la SAS Lollipop Music, lui doit garantie en application des articles 3.4 et 12 du contrat du 12 mai 2016 à raison de sa faute dans la résiliation du contrat de commande qui aurait dû être notifiée dès le 23 octobre 2017.
Réponse de la cour
a) Sur le cadre légal de l'action
L'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ne comportant aucune disposition transitoire, son application ratione temporis est déterminée conformément à l'article 2 du code civil aux termes duquel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif. Aussi, une situation juridique acquise ne peut être soumise à la loi nouvelle.
L'action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales est une action en responsabilité délictuelle en droit interne. Dès lors, le critère pertinent d'application de la loi dans le temps est la date de survenance du fait générateur de la responsabilité. Or, le dispositif de l'article L 442-6 I 5° devenu L 442-1 II du code de commerce a vocation à sanctionner non la rupture elle-même mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant, le préjudice subi, qui trouve son siège dans une anticipation déjouée, s'évaluant à la date de la rupture ou de sa notification à partir des éléments comptables antérieurs à celle-ci qui constituent le socle des prévisions de la victime, sans égard pour les circonstances postérieures. Aussi, le fait générateur de responsabilité est soit la notification d'un préavis insuffisant, si elle existe, soit la matérialisation concrète de la rupture dans la modification substantielle ou le tarissement du flux d'affaires, l'insuffisance du préavis et le préjudice qui en découle étant connus dès cet instant.
La SAS Australie a notifié la rupture des relations commerciales à la SAS Lollipop Music le 4 septembre 2018 tandis que la société SC Galec a informé cette dernière de la cessation de toute relation le 27 mai 2019. Aussi, dans l'hypothèse de la caractérisation deux de relations distinctes, les textes anciens régissent les demandes contre la SAS Australie et les normes issues de la réforme s'appliquent à celles formées contre la société SC Galec. Les versions successives sont les suivantes :
- en vertu de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ;
- en application de l'article L 442-1 II du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois. Ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
b) Sur les caractéristiques des relations commerciales
Au sens de ce texte dans ses versions successives, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n'implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n'est soumise à aucun formalisme quoiqu'une convention ou une succession d'accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d'un simple courant d'affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale » et Com., 11 janvier 2023, n° 21-18.299, qui souligne l'importance pour la victime de démontrer la légitimité de sa croyance dans la pérennité des relations). La poursuite de la relation par une personne distincte de celle qui l'a nouée initialement ne fait pas obstacle à sa stabilité en présence d'une transmission universelle de patrimoine et, à défaut, si des éléments démontrent que la commune intention des parties était de continuer la même relation (en ce sens, Com., 10 février 2021, n° 19-15.369), celle-ci ne pouvant découler de la seule poursuite d'une relation commerciale aux mêmes conditions (en ce sens Com., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-17.653).
- Sur l'identification des partenaires commerciaux
Pour établir l'existence d'une relation commerciale, non avec la SAS Australie qui était son cocontractant direct, mais avec la société SC Galec, la SAS Lollipop Music, rejointe sur ce point par la SAS Australie, invoque des moyens tenant d'une part au cadre contractuel et d'autre part à la maîtrise des relations par la société SC Galec.
Sur le cadre contractuel et son incidence sur la caractérisation d'une relation commerciale
Les relations entre les parties se sont nouées lors de l'appel d'offres lancé durant l'été 1999 par la société SC Galec. Pour le préparer, soit par hypothèse avant de contracter avec celle-ci, la SAS Australie s'est rapprochée d'initiative de la SAS Lollipop Music. Si le fruit de leur travail commun a été retenu par la société SC Galec, seule la SAS Australie a formellement remporté cet appel d'offres, succès qui s'est concrétisé dans la signature du contrat du 26 juin 2000 par lequel la première a confié en exclusivité à la seconde la mission de concevoir plusieurs campagnes nationales, la SAS Lollipop Music étant tiers à cet acte qui ne la mentionne pas (sa pièce 1). Parallèlement, après la diffusion durant l'année 2000 de spots déclinant des maquettes remises le 10 janvier 2000 mettant en scène deux personnages, [V] et [Y], interprétés par des acteurs rémunérés par la SAS Lollipop Music, dont son président, la SAS Australie a conclu avec elle le 12 février 2001 un contrat de commande de messages publicitaires par lequel elle lui confiait la charge de réaliser les messages radiophoniques des campagnes publicitaires de la société SC Galec, bénéficiaire finale des droits d'exploitation afférents préalablement cédés à la SAS Australie (pièce 7 de la SAS Lollipop Music).
Tandis que les relations contractuelles de la SAS Lollipop Music et de la SAS Australie demeuraient, hors modification à la marge par un avenant relatif au cachet d'une comédienne (pièce 8 de la SAS Lollipop Music), soumises à ce cadre initial, celles de la SAS Australie et de la société SC Galec étaient, signe de leur indépendance, modifiées par deux contrats successifs des 1er novembre 2002, par lequel la société SC Galec a confié à la SAS Australie la gestion de son budget de communication institutionnelle et la conduite sa stratégie de communication, et 12 mai 2016, qui élargit le périmètre des missions de la SAS Australie aux autres entités du « Mouvement Leclerc ».
En exécution du contrat de commande, la SAS Lollipop Music a facturé ses prestations directement et exclusivement à la SAS Australie (pièces 56 à 58 de la SAS Lollipop Music) qui les a payées intégralement tandis que cette dernière était rémunérée par la société SC Galec pour l'ensemble des prestations servies, les avances et acomptes ainsi que les cessions de droits étant, aux termes des contrats des 26 juin 2000 et 1er novembre 2002, facturés au montant réglé par l'agence de communication (pièces 78 et 79 de la SAS Lollipop Music).
Une relation commerciale, d'appréhension concrète factuelle et économique et non juridique puisqu'elle est indépendante du cadre contractuel qui en est, le cas échéant, le support, s'entend d'échanges commerciaux directs entre les partenaires (en ce sens, Com., 7 octobre 2014, n° 13-20.390). Aussi, peu important que la société SC Galec soit, comme toute partie dont le cocontractant direct sous-traite l'exécution de ses obligations, le bénéficiaire final des prestations externalisées et que leur prix lui soit en tout ou partie refacturé à l'identique, l'absence de tout flux d'affaires entre la SAS Lollipop Music et la société SC Galec exclut en soi l'existence d'un partenariat au sens de l'article L 442-6 I 5° devenu L 442-1 II du code de commerce. Dans cette logique, la caractérisation d'une relation commerciale ne peut être dérivée des seules caractéristiques des contrats qui l'encadrent : les moyens de la SAS Lollipop Music tirés de l'existence d'un mandat et du mécanisme de transfert stipulé dans les contrats d'agence sont en eux-mêmes inopérants en droit. Ils manquent par ailleurs en fait.
En effet, le contrat d'agence du 26 juin 2000 précise en son article 3.2 que tous les travaux techniques sont réalisés par la SAS Australie pour son compte et en son nom en qualité de maître d''uvre dans ses relations avec les fournisseurs et les sous-traitants. Or, ceux-ci sont définis par renvoi à l'article 2.4 qui liste la réalisation des maquettes et des textes finalisés, des maquettes sonores et des storyboards ainsi que de la production, et l'impression. Ils correspondent ainsi à l'intégralité des prestations servies à la SAS Australie par la SAS Lollipop Music. Si le contrat distingue implicitement ces tâches de la « création », celle-ci est entendue de manière imprécise et générale par l'article 2.2 comme « le développement de la conception publicitaire des campagnes média jusqu'au stade de l'approbation par l'annonceur de chaque maquette publicitaire préliminaire », mission pour laquelle aucun mandat n'est conclu entre la SAS Australie et la société SC Galec. La représentation n'est explicitement envisagée que pour la négociation relative à la cession des droits d'auteur et des droits voisins des tiers que la SAS Australie s'engage à céder à la société SC Galec (articles 7.1 et 7.2).
Les contrats postérieurs conservent cette économie globale en abandonnant toutefois cette distinction entre prestations techniques et création intellectuelle proprement dite, qui n'est d'ailleurs pas assimilée au processus créatif de chaque spot publicitaire mais renvoie à la conception générale des campagnes, et en reprenant la précision sur la qualité de maître d''uvre de la SAS Australie dans ses relations avec ses propres partenaires sous-traitants ou fournisseurs (pièces 2 et 3 de la société SC Galec). Le contrat du 12 mai 2016, moins ambivalent, stipule à ce titre (article 3.4 « Maîtrise d''uvre ») que la SAS Australie « agit en qualité de maître d''uvre sur toutes les activités externalisées pour les besoins de l'exécution des prestations après accord [' de la société SC Galec] » et que, « pour ces prestations techniques nécessaires à la mise en 'uvre et à la réalisation des prestations, l'agence agit en son nom et pour son compte en qualité de maître d''uvre dans ses relations avec les prestataires, fournisseurs, sous-traitants et plus généralement les intervenants qu'elle sollicite ». Ainsi, les prestations techniques englobent l'ensemble des tâches dont l'exécution a été confiées à des tiers par la SAS Australie. Et, ces contrats successifs, qui encadrent l'intégralité des relations qu'elle a nouées avec la société SC Galec qui débordent largement celles entretenues avec la SAS Lollipop Music et dont elle ne prétend pas qu'elles impliqueraient l'existence d'un mandat global, ne prévoient, hors négociation des droits d'exploitation, aucune représentation de la société SC Galec par la SAS Australie.
Dès lors, le fait que la SAS Australie, contractuellement non investie d'un mandat général, précise, dans le contrat de commande auquel la société SC Galec est tiers et qu'elle n'a pas « validé » par le seul fait qu'elle a autorisé le principe de la sous-traitance, agir « au nom et pour le compte de l'annonceur, la société Le Galec », n'est pas suffisant pour caractériser juridiquement l'existence d'un mandat effectivement accordé par cette dernière. Cette formule, dont la portée est en réalité matérielle et non juridique, ne peut que signifier que la société SC Galec est le bénéficiaire final des prestations confiées, soumises à son contrôle et à sa validation, sa qualité de diffuseur des spots créés impliquant nécessairement la cession à son profit par la SAS Australie des droits négociés indispensables à leur exploitation sans risque de contrefaçon ou d'atteinte aux droits voisins. A supposer qu'elle caractérise l'existence d'un mandat apparent malgré l'absence de toute action de la société SC Galec contribuant à la création de l'apparence trompeuse qui le constitue (sur ce point, Com. 29 juin 2022, n° 20-16.035), cette qualification, qui n'est pas invoquée et qui justifie sur le fondement des articles 1985 et 1998 du code civil qu'une personne puisse être engagée comme mandant lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime en ce que les circonstances l'autorisaient à ne pas en vérifier la réalité et l'étendue (en ce sens, Com. 9 mars 2022, n° 19-25.704, confirmant une position constante depuis Ass. plén., 13 décembre 1962, n° 57-11.569), est étrangère à la caractérisation d'une relation commerciale au sens de l'article L 442-6 I 5° devenu L 442-1 II du code de commerce. Il en est de même de la qualité de producteur d'une 'uvre de commande utilisée pour la publicité au sens de l'article L 132-31 du code de la propriété intellectuelle qui n'a d'intérêt que pour identifier le cessionnaire des droits d'exploitations mais ne dit rien du flux d'affaires nourri entre les partenaires.
Sur la maîtrise de la relation commerciale
Le fait que, conformément aux termes du contrat d'agence, la société SC Galec détermine le processus de création en délivrant ses consignes dans des briefs, en élaborant les plannings, en validant les prestations à chaque étape et en définissant les périodes de diffusion (pièces 12 à 16 de la SAS Lollipop Music) n'en fait pas un partenaire commercial direct de la SAS Lollipop Music qui avait d'ailleurs la SAS Australie pour unique interlocuteur, la société SC Galec n'étant intervenue directement qu'à compter du mois de novembre 2018, soit à l'époque de la rupture des relations avec la SAS Australie (pièces 21, 26 à 28, 32, 53 et 61 de la SAS Lollipop Music). Cette maîtrise intellectuelle, doublée d'une validation des coûts de production, traduit, non une implication économique de la société SC Galec dans les rapports entre la SAS Australie et la SAS Lollipop Music, mais exclusivement sa volonté de contrôler, sans égard pour leur externalisation, la qualité des prestations payées à la SAS Australie qui engagent l'image du « Mouvement E. Leclerc » auprès de sa clientèle et supposent de ce fait une attention toute particulière : cette supervision n'était que la répercussion sur les prestations sous-traitées de celle que stipulait le contrat d'agence et à laquelle était soumise la SAS Australie.
Inopérant en ce qu'il s'applique au contrôle et à la validation des prestations, le moyen tiré de l'absence d'autonomie de la SAS Australie dans la gestion de la relation manque également en fait en ce qu'il se rapporte à sa rupture ou à sa poursuite.
Il est exact que la possibilité d'imputer et de sanctionner une rupture brutale présuppose, par hypothèse, que les partenaires soient libres d'en décider le principe et les modalités. Ce critère de la liberté décisionnelle fonde l'application de l'article L 442-6 I 5° devenu L 442-1 II du code de commerce à la société mère qui, au-delà de la simple définition de la politique commerciale du groupe et indépendamment de son éventuel intérêt direct à la relation (en ce sens, Com., 11 septembre 2012, n° 11-17.458), maîtrise en droit ou en fait les relations commerciales établies entre des tiers et ses filiales et, les privant de tout pouvoir de décision autonome quant au choix de leur partenaire et quant à la poursuite des relations qu'elles entretiennent avec lui, leur impose la rupture (en ce sens, Com., 22 juin 2022, n° 21-14.230, qui pose un critère d'autonomie décisionnelle des partenaires commerciaux également visible dans Com., 5 juillet 2016, n° 14-27.030).
Cependant, si les contrats d'agence successifs prévoient un « transfert » du contrat de commande en cas de résiliation du contrat d'agence, la modification des termes intervenue le 12 mai 2016 étant sur ce point sans portée (article 11), ce mécanisme, qui n'est pas évoqué dans le contrat de commande qui institue une faculté de résiliation au bénéfice de la SAS Australie sans égard pour la rupture préalable du contrat d'agence (article 7), n'est pas automatique. Le futur de l'indicatif (« l'agence transfèrera à l'annonceur concerné ['] le bénéfice des engagements en cours ») est la marque d'une obligation de la SAS Australie dont l'inexécution peut fonder l'engagement de sa responsabilité contractuelle qui n'est pas en débat, mais implique néanmoins un acte positif de sa part. Or, cette dernière n'a pas entrepris la moindre action susceptible d'opérer ce transfert qui supposait en outre, quel que soit sa nature juridique exacte (cession de contrat ou changement de créancier au sens des articles 1216 et 1333 du code civil), l'information et l'accord préalables de la SAS Lollipop Music qui font ici défaut.
Au contraire, la SAS Australie, qui s'était liée à la SAS Lollipop Music sans l'intervention de la société SC Galec, a pris seule l'initiative de rompre toute collaboration avec la SAS Lollipop Music par courrier du 4 septembre 2018 adressé près d'un an après la notification de la résiliation du contrat d'agence. L'objet de ce dernier « résiliation du contrat du 12 février 2001 et de son avenant 1 » ainsi que les termes employés (« cette résiliation est réalisée conformément au contrat conclu ['] qui prévoit un préavis de trois mois ») confirment sans équivoque qu'il portait sur la rupture du contrat et des relations commerciales et non sur une collaboration qui en serait distincte et dont l'objet serait d'ailleurs indéterminé (pièce 17 de la SAS Lollipop Music). Alors qu'elle n'évoquait pas le transfert derrière lequel elle se retranche désormais, elle précisait qu'elle s'engageait à consulter la SAS Lollipop Music dans l'hypothèse où la société SC Galec souhaiterait poursuivre l'exploitation des spots publicitaires afin de « déterminer d'un commun accord la réponse à apporter ». Cette attitude, comme le délai pris pour l'adopter, confirme l'autonomie décisionnelle totale de la SAS Australie dans la rupture du contrat la liant à la SAS Lollipop Music et des relations dont il était le support, cette résiliation antécédente faisant quoi qu'il en soit juridiquement obstacle à tout transfert conventionnel. Et, la société SC Galec, qui a notifié à la SAS Australie la fin de leur relation le 23 octobre 2017 pour le 31 décembre 2018, n'est jamais intervenue dans cette rupture qu'elle n'a d'ailleurs ni envisagée explicitement avant 2019 ni sollicitée.
En outre, contrairement à ce que soutient la SAS Lollipop Music, la société SC Galec n'a pas, à compter de la fin de l'année 2018 et en 2019, poursuivi en direct la relation qu'elle avait antérieurement nouée avec la SAS Australie. Hors des courriels épars relatifs à des réunions d'étape organisées en novembre 2018 et en mars et avril/mai 2019 (pièces 21 et 26 à 28 de la SAS Lollipop Music), elle n'a pas pris part aux échanges entre la SAS Lollipop Music et la société BETC qui était son interlocuteur unique, à l'instar de la SAS Australie avant elle, et qui lui a précisé dès le 8 novembre 2018 vouloir définir avec elle les conditions d'une « nouvelle collaboration » (pièces 16, 19, 22 à 24 et 32). De fait, malgré l'absence de contrat alors régularisé, la SAS Lollipop Music n'a facturé ses prestations qu'à la société BETC (sa pièce 25) et la société SC Galec ne s'est manifestée que pour faciliter les relations entre ces dernières, qui se sont rapidement tendues (pièce 24 de la SAS Lollipop Music), et la succession de ses deux agences, ce qu'elle rappelait dans son courrier du 27 mai 2019 en soulignant le caractère transitoire de la période en cours, destinée à prendre fin le 24 juillet 2019 (pièce 29 de la SAS Lollipop Music). Ce n'est qu'à la demande de la SAS Lollipop Music qui réclamait le bénéfice d'un » préavis d'au moins six mois » que la société SC Galec, après avoir rappelé l'existence des contrats distincts régissant ses relations avec la SAS Australie et celles nouées entre celle-ci et la SAS Lollipop Music, a accepté, « sans reconnaissance de [ses] prétentions », le « maintien de la saga jusqu'au 31 décembre 2019 » (pièces 30 et 31 de la SAS Lollipop Music). Ce faisant, la société SC Galec ne rompait pas les relations en accordant à son partenaire un préavis mais, dans une logique évidente de loyauté induite par le succès des spots publicitaires et l'ancienneté de leur production par la SAS Lollipop Music, portait à la connaissance de l'entité dont elle savait qu'elle avait réalisé les prestations demandées à la SAS Australie ses nouvelles orientations tout en lui garantissant amiablement la poursuite des commandes jusqu'à une date déterminée.
Ainsi, alors qu'elle n'a pas pris part à la rupture notifiée par la SAS Australie, peu important à ce titre qu'elle soit corrélée à la résiliation du contrat d'agence annoncée le 23 octobre 2017, la société SC Galec n'a jamais manifesté son intention de poursuivre en son nom les relations antérieurement nouées entre la SAS Australie et la SAS Lollipop Music : leur rupture consommée, une nouvelle relation commerciale précaire et de courte durée a débuté entre celle-ci et la société BETC le temps que soit définie la nouvelle stratégie de communication du « Mouvement E. Leclerc ».
Ces éléments établissent que la SAS Lollipop Music a entretenu avec la SAS Australie une relation commerciale de janvier 2000 au 31 décembre 2018 puis avec la société BETC du 1er janvier 2019 au 28 novembre 2019, date du dernier enregistrement. Ils révèlent en outre que la société SC Galec, qui contrôlait le processus de création et était bénéficiaire des prestations sous-traitées, ne s'est pas immiscée économiquement dans ces partenariats successifs, aucun flux d'affaires n'ayant existé entre elle et la SAS Lollipop Music, n'a pas participé à leur constitution ou à leur cessation et n'a pas manifesté son intention de poursuivre directement celui antérieurement noué avec la SAS Australie qui disposait au sens de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce d'une pleine autonomie décisionnelle.
En conséquence, faute de relation commerciale nouée avec la société SC Galec, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Lollipop Music à son encontre et la demande, privée d'objet, de garantie formée par la société SC Galec.
- Sur la consistance de la relation commerciale nouée avec la SAS Australie
La SAS Australie ne conteste pas le caractère établi des relations entretenues avec la SAS Lollipop Music qui ont débuté en juin 1999 et ont pris fin le 31 décembre 2018 à l'issue d'un préavis de près de 4 mois notifié le 4 septembre 2018, l'ancienneté du partenariat excédant 19 années.
Le chiffre d'affaires annuel moyen dégagé à l'occasion de la relation entre 2015 et 2017, dernière année non affectée par la notification de la rupture et de ce fait représentative, atteignait 949 400,33 euros, soit 79 116,70 euros par mois (pièces 46 à 48 de la SAS Lollipop Music). Particulièrement stable, il représentait 99,80 % du chiffre d'affaires total de la SAS Lollipop Music depuis 2006 (sa pièce 50) et était exclusivement généré par la production des spots publicitaires de la saga « [V] & [Y] ».
c) Sur l'imputabilité de la rupture des relations et la détermination du préavis suffisant
L'article L 442-6 I 5° du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l'agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Celui-ci, qui s'apprécie au moment de la notification ou de la matérialisation de la rupture, s'entend du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures (en ce sens, Com., 10 février 2015, n° 13-26.414), les éléments postérieurs ne pouvant être pris en compte pour déterminer sa durée (en ce sens, Com, 1er juin 2022, n° 20-18960). Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. En revanche, le comportement des partenaires consécutivement à la rupture est sans pertinence pour apprécier la suffisance du préavis accordé. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966).
- Sur la date de la notification de la rupture et le point de départ du préavis
Au regard de la fonction du préavis, la date d'appréciation de la suffisance de sa durée est celle de sa matérialisation concrète dans le tarissement du flux d'affaires ou de la notification de la rupture, qui correspond à l'annonce faite par un cocontractant à l'autre de sa volonté univoque de cesser la relation à une date déterminée, seule information qui peut permettre au partenaire délaissé de se projeter et d'organiser son redéploiement ou sa reconversion en disposant de la visibilité indispensable à toute anticipation.
A ce titre, la SAS Australie entend fixer le point de départ du préavis qu'elle a accordé à la SAS Lollipop Music au 23 juin 2018 au motif qu'elle lui avait alors indiqué que « l'aventure E. Leclerc s'arrêt[ait] en décembre' » (sa pièce 4). Mais, outre le fait que ce rapide SMS ne comporte aucune notification claire d'une rupture et d'un préavis, nécessité que n'efface pas l'éventuelle prévisibilité de la rupture (en ce sens, Com., 6 septembre 2016, n° 14-25.891), les relations qu'elles entretenaient étaient distinctes de celle nouées entre la SAS Australie et la société SC Galec, indépendance qui exclut que l'annonce en octobre 2017 faite par la seconde à la première d'un appel d'offres fasse courir un délai de préavis au bénéfice de la SAS Lollipop Music. Aussi, la résiliation du contrat d'agence n'impliquait pas par elle-même celle du partenariat entre la SAS Lollipop Music et la SAS Australie, qui avait d'autres clients que les entités du « Mouvement E. Leclerc » et était en capacité de proposer à sa cocontractante de nouvelles missions. Dès lors, le seul préavis régulièrement notifié l'a été le 4 septembre 2018 et était de 4 mois (pièce 17 de la SAS Lollipop Music).
- Sur la suffisance du préavis accordé
Pour justifier la durée du préavis dont elle prétend avoir été privée, la SAS Lollipop Music invoque, outre la durée et la stabilité du partenariat et la difficulté à nouer des relations d'ampleur équivalente avec un partenaire de même envergure, son état de dépendance économique et la spécificité des produits fournis ainsi que leur adaptation aux besoins de l'enseigne E. Leclerc.
Pour l'essentiel défini pour les besoins de l'application de l'article L 420-2 du code de commerce qui n'est pas en débat mais devant être apprécié de manière uniforme en tant que situation de fait servant ici, non de condition préalable mais d'élément d'appréciation d'un rapport de force économique et juridique, l'état de dépendance économique s'entend de l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise (en ce sens, Com., 12 février 2013, n° 12-13.603). Son existence s'apprécie en tenant compte notamment de la notoriété du partenaire et de ses produits et services, de l'importance de sa part dans le marché considéré et dans le chiffre d'affaires de l'autre partie, ainsi que de l'impossibilité pour ce dernier d'obtenir d'autres acteurs des produits et services équivalents (en ce sens, Com., 12 octobre 1993, n° 91-16988 et 91-17090). La possibilité de disposer d'une solution équivalente s'entend de celle, juridique mais aussi matérielle, pour l'entreprise de développer des relations contractuelles avec d'autres partenaires, de substituer à son donneur d'ordre un ou plusieurs autres donneurs d'ordre lui permettant de faire fonctionner son entreprise dans des conditions techniques et économiques comparables (Com., 23 octobre 2007, n° 06-14.981).
Les parties ne livrent aucun élément concret sur la structure du marché et sur l'état de la concurrence que s'y livrent les acteurs économiques ainsi que sur les possibilités de redéploiement effectif de son activité par la SAS Lollipop Music. Pour autant, si l'exclusivité stipulée à l'article 4 du contrat de commande ne portait que sur les droits d'exploitation des spots publicitaires, la SAS Lollipop Music était tenue de demeurer disponible pour réaliser toutes les commandes passées par la SAS Australie, cet engagement étant conventionnellement qualifié de substantiel (même article). Or, le rythme qui lui était imposé à compter de 2006, révélé par les plannings produits (ses pièces 12 à 16), lui interdisait matériellement de diversifier utilement sa clientèle, ce que la SAS Australie, qui connaissait depuis de nombreuses années son partenaire et l'importance des tâches qui lui étaient confiées pour satisfaire les exigences d'un annonceur de poids, n'ignorait pas. En outre, le succès incontestable des spots conçus par la SAS Lollipop Music (ses pièces 5 et 9) était de nature à induire une identification de cette dernière, et des interprètes qu'elle emploie dont l'un est son président, à ces prestations spécifiquement adaptées à l'enseigne E. Leclerc, une telle confusion étant susceptible d'entraver significativement ses tentatives de reconversion. En pareilles circonstances, qui font de la SAS Australie un partenaire très difficilement substituable, la part du chiffre d'affaires dégagé à l'occasion de la relation dans le chiffre d'affaires global de la SAS Lollipop Music, de plus de 99 %, traduit, en l'absence de toute imprudence susceptible de lui être imputée, une dépendance économique totale à l'égard de la SAS Australie qui justifie un allongement significatif de la durée du préavis auquel elle avait droit.
L'analogie faite par la SAS Australie avec le litige qui l'a opposée à la société SC Galec, qui s'est soldé par un rejet de ses demandes, le tribunal de commerce puis la cour d'appel de Paris ayant estimé le préavis de 14 mois accordé par cette dernière suffisant (pièce 8 de la société SC Galec), n'est pas pertinent : sa dépendance économique était moindre (41,5 %), son activité était mieux diversifiée et moins directement associée aux prestations servies à la société SC Galec et son envergure n'est pas celle de la SAS Lollipop Music.
Enfin, s'il existe en matière de publicité un usage du commerce reconnu par l'avis relatif à la formule type de contrat établie en application de l'article 1er alinéa 1 de l'arrêté du 15 décembre 1959 entre annonceurs et agents de publicité pour régler leurs rapports (pièce 6 de la société SC Galec, JORF du 19 septembre 1961, p. 8633 et suivantes), la SAS Lollipop Music, quoique le contrat de commande porte sur la création de spots publicitaires, n'est pas un agent de publicité. Par ailleurs, la référence aux usages prescrite par l'article L 442-6 I 5° du code de commerce implique leur prise en considération dans le cadre d'une appréciation souveraine et non leur caractère impératif, en particulier à titre de plafond (en ce sens, Com., 3 mai 2012, n° 11-10.544 : « l'existence d'usages professionnels ne dispense pas la juridiction d'examiner si le préavis, qui respecte le délai minimal fixé par ces usages, tient compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce, notamment de l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée »).
En conséquence, au regard de ces éléments combinés ainsi que de la durée particulièrement longue des relations et de leur stabilité, le préavis suffisant sera fixé à 18 mois. La SAS Australie ne lui ayant accordé qu'un préavis de 4 mois, le préavis éludé est de 14 mois.
A cet égard, le fait que la SAS Lollipop Music ait entretenu avec la société BETC des relations ayant le même objet que celles rompues par la SAS Australie n'est pas de nature à affecter l'appréciation de la durée du préavis effectivement octroyé et exécuté au titre de ces dernières : si, à raison des exigences inhérentes au principe de la réparation intégrale, le chiffre d'affaires dégagé à compter du 1er janvier 2019 s'impute sur le quantum de l'indemnisation due par la SAS Australie (cf. infra), cette continuation, assumée par une entreprise tierce dans le cadre d'un partenariat distinct, n'a pas la nature d'un préavis qui ne peut que concerner la relation dont il constitue la phase finale.
d) Sur le préjudice
Le préjudice causé à la victime de la rupture est habituellement constitué de son gain manqué qui correspond à sa marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée et les charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, appliquée au chiffre d'affaires moyen hors taxe qui aurait été généré pendant la durée du préavis éludé (en ce sens, Com. 28 juin 2023, n° 21-16.940 : « le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période »). Cette approche n'exclut pas l'indemnisation d'autres préjudices directement causés par la brutalité de la rupture dès lors que, distincts du précédent, ils sont démontrés en leur principe et en leur étendue.
Et, le préjudice subi, qui trouve son siège dans une anticipation déjouée, s'évalue à la date de la rupture à partir des éléments comptables antérieurs à celle-ci qui constituent le socle des prévisions de la victime, sans égard pour les circonstances postérieures telles sa reconversion durant la durée du préavis éludé. Celui-ci s'exécutant aux conditions de la relation, le gain manqué n'est que la projection de celui antérieurement réalisé.
- Sur le gain manqué causé par l'insuffisance du préavis
La SAS Lollipop Music ne conteste pas qu'elle a bénéficié entre le 1er janvier 2019 et le 28 novembre 2019, dans ses relations avec la société BETC, d'un flux d'affaires équivalent à celui dégagé avec la SAS Australie. Or, quoiqu'il fût rattachable à une autre relation commerciale, ce courant d'affaires avait pour objet des prestations strictement identiques à celles servies à la SAS Australie, le bénéficiaire final, comme ses exigences et ses modalités de réalisation, n'ayant pas changé. De ce fait, les effets de la faute commise par la SAS Australie lors de la notification de la rupture ont été paralysés jusqu'au 28 novembre 2019, soit pendant 11 mois. Si cette période n'est pas assimilable à une exécution de préavis faute d'en partager la nature, elle doit nécessairement être prise en compte dans la détermination du préjudice réparable pour prévenir, dans une logique de réparation sans perte ni profit, un enrichissement sans cause de la SAS Lollipop Music qui ne peut prétendre tout à la fois que la quasi-totalité de son chiffre d'affaires était dégagé à l'occasion de sa relation avec la SAS Australie et qu'elle était en capacité d'adjoindre au maintien de ses prestations une activité complémentaire d'égale importance sans modification structurelle. Aussi, l'assiette de calcul du préjudice de la SAS Lollipop Music doit être réduite de 11 mois de chiffre d'affaires.
Le chiffre d'affaires annuel moyen dégagé à l'occasion de la relation entre 2015 et 2017, dernière année non affectée par la notification de la rupture et de ce fait représentative, atteignait 949 400,33 euros, soit 79 116,70 euros par mois (pièces 46 à 48 de la SAS Lollipop Music).
La SAS Lollipop Music entend majorer ce chiffre d'affaires par le montant des revenus que lui verse la SACEM en contrepartie de la diffusion des spots publicitaires (ses pièces 73 et 76). Cependant, cette rémunération, issue de la répartition par cet organisme de gestion collective des redevances perçues au titre de la représentation publique ou de la reproduction mécanique des 'uvres de son répertoire, n'est qu'un bénéfice indirect de la relation nouée avec la SAS Australie et est sans lien avec la facturation des prestations de la SAS Lollipop Music. Non générée par la relation elle-même, elle est causée par la diffusion des 'uvres que la SAS Australie ne maîtrise en rien, seule la société SC Galec décidant librement de son principe, de sa durée et de ses modalités. Aussi, ces sommes, qui ont d'ailleurs été effectivement perçues pour tous les spots livrés jusqu'au 28 novembre 2019 et diffusés jusqu'au 25 décembre 2019 (pièce 53 de la SAS Lollipop Music), ne constituent pas un élément à intégrer dans l'assiette du préjudice réparable en lien avec la rupture brutale des relations commerciales établies avec la SAS Australie.
Par ailleurs, pour établir sa marge sur coûts variables, la SAS Lollipop Music produit une attestation de son expert-comptable qui précise avoir déduit du chiffre d'affaires, en ce que leur engagement dépend de la production, les frais de location du studio d'enregistrement et les salaires des intermittents et de l'ingénieur son mais non la rémunération de son président qui est attachée à ses fonctions de mandataire social (ses pièces 73 et 74). Quoique le président de la SAS Lollipop Music soit effectivement un des interprètes des spots publicitaires qu'elle réalise, cette exclusion se justifie par le fait que, malgré son taux de dépendance économique, la SAS Lollipop Music a continué à exister après la rupture. Aussi, ses besoins de représentation légale ayant demeuré, la rémunération de son dirigeant, payé en cette qualité (pièce 77 de la SAS Lollipop Music), est une charge fixe qui n'a pas été affectée par la brutalité de la rupture.
En outre, cette poursuite d'activité suppose la conservation de ses locaux par la SAS Lollipop Music qui a supporté l'intégralité des charges afférentes sans réduction liée à la baisse d'activité (alimentation en eau et en électricité, entretien, téléphonie et abonnement, petit équipement) et qui a dû engager les dépenses nécessaires à sa reconversion (achats d'études, rémunération des intermédiaires, honoraires, déplacements, réceptions et gratifications ponctuelles des clients). Ces charges n'ont ainsi pas à être déduites de l'assiette du préjudice réparable.
Dès lors, au regard des pièces comptables et des attestations produites (pièces 46 à 48 et 73 à 75 de la SAS Lollipop Music), les charges variables non supportées par la SAS Lollipop Music à raison de la réduction de son activité causée par la brutalité de la rupture atteignent en moyenne 334 047,50 euros par an, soit 27 837,30 euros par mois. La marge sur coûts variables perdue mensuellement par la SAS Lollipop Music consécutivement à la faute de la SAS Australie est ainsi de 51 279,41 euros. Son préjudice, calculé sur trois mois de chiffre d'affaires, s'élève à la somme de 153 838,22 euros.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et la SAS Australie sera condamnée à payer à la SAS Lollipop Music la somme de 153 838,22 euros en réparation du préjudice causé par sa faute.
- Sur la perte subie résidant dans le coût du licenciement de l'ingénieur son
En vertu des articles 122 et 123 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, cette liste n'étant pas limitative. Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Or, conformément à l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La SAS Lollipop Music, qui ne répond pas à cette fin de non-recevoir, ne conteste pas que cette demande indemnitaire a été présentée pour la première fois en cause d'appel, non dans ses premières conclusions d'intimée du 21 mars 2023 puis du 20 juillet 2023 qui évoquent le licenciement litigieux sans toutefois en tirer la moindre conséquence juridique et indemnitaire, mais dans celles notifiées le 22 novembre 2024. Or, quoique relative aux conséquences de la faute qu'elle impute à la SAS Australie, elle porte sur un poste de préjudice (perte subie) nettement distinct du gain manqué déjà examiné objet de ses prétentions soutenues oralement devant le tribunal puis par écrit dans ses deux premiers jeux de conclusions.
En conséquence, omise de ses premières écritures d'intimée, unique moyen opposé par la SAS Australie sans égard pour les prescriptions des articles 564 à 566 du code de procédure civile, cette demande est irrecevable.
Surabondamment, à supposer le contraire, la SAS Lollipop Music, qui ne prétend pas avoir cessé toute activité et a continué à produire des spots jusqu'en novembre 2018 dans les conditions matérielles antérieures n'explique pas en quoi le licenciement qu'elle a notifié trouve sa cause dans la brutalité de la rupture et non dans la rupture elle-même, constat qui commanderait le rejet de sa prétention au fond.
2°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, la SAS Australie, quoiqu'elle sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, ne formant et ne motivant à ce titre aucune demande correspondante.
Succombant en son appel, la SAS Australie, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés directement par la Selarl 2H Avocats (Maître Audrey Schwab) en application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SAS Lollipop Music la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant en ses demandes contre la société SC Galec, la SAS Lollipop Music sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de la société SC Galec à l'encontre de la SAS Australie étant rejetée, cette dernière n'étant pas responsable de sa présence dans le litige.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a condamné la SAS Australie à payer à la SAS Lollipop Music/Lolly Edition la somme de 221 099 euros en réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la SAS Australie à payer à la SAS Lollipop Music/Lolly Edition la somme de 153 838,22 euros en réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de la SAS Lollipop Music/Lolly Edition au titre du coût du licenciement de son ingénieur son ;
Rejette la demande de la SAS Australie au titre des frais irrépétibles ;
Rejette la demande présentée par la société coopérative Groupements d'achats des Centres E. Leclerc contre la SAS Australie au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SAS Australie à payer à la SAS Lollipop Music/Lolly Edition la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel ;
Condamne la SAS Lollipop Music/Lolly Edition à payer à la société coopérative Groupements d'achats des Centres E. Leclerc la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Australie à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés directement par la Selarl 2H Avocats (Maître Audrey Schwab) en application de l'article 699 du code de procédure civile.