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CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 24 septembre 2025, n° 23/12138

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/12138

24 septembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2025

(n° , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12138 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH6GO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2023 -tribunal de commerce de Paris 6ème chambre - RG n° 2022015812

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 3]

[Localité 4]

N°SIREN : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Stéphane WOOG de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0283

Ayant pour avocat plaidant Me Paul BAEZA de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0283

INTIMEE

S.A.S. [H] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N°SIREN : 487 652 257

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de Paris, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme BARBET de la SCP ENJEA AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : P0465, substitué à l'audience par Me François-Xavier PIEMONT de la SCP ENJEA AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : P0465

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre entendu en son rapport, et M. Vincent BRAUD, président de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président de chambre

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Vincent BRAUD, président de chambre conformément à l'article R.312-3 du code de l'organisation judiciaire, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société [H] [G] est une société par actions simplifiée exerçant dans le domaine du négoce de bois et de matériaux de construction qui avait des comptes dans les livres de la Société Générale.

Répondant à une proposition de la Société Générale du 2 septembre 2015 et par l'envoi d'un bulletin de souscription à cette date, la société [H] [G] a souscrit, le 3 septembre 2015, à un instrument financier 'titre indexé sur un événement de crédit' ou Tiec nommé CLN Rallye 2023 pour 'credit linked note', à échéance du 29 décembre 2023, donnant droit au versement de coupons de 5,48 % l'an, ayant pour sous-jacent les obligations de la société Rallye, société holding de la société Casino, pour un montant de 3 millions d'euros soit 60 coupures d'une valeur nominale de 50 000 euros chacune, émises par la société SGIssuer, filiale de la Société Générale de droit luxembourgeois.

Par courriel du 18 décembre 2015, la Société Générale a informé la société [H] [G] que l'action de RALLYE avait très fortement baissé et que la valorisation du Tiec litigieux s'établissait à 76,27 % en rappelant néanmoins que ce Tiec n'était pas basé sur l'évolution de la cotation de la société Rallye et qu'à ce stade, un défaut de cette société n'était pas à l'ordre du jour.

Par courriel du 9 juin 2016, la Société Générale a transmis à la société [H] [G] un document exposant le mécanisme de fonctionnement des Tiec.

Par courriel du 9 août 2018, la Société Générale a indiqué à la société [H] [G] que son investissement dans le Tiec litigieux présentait « une décote significative » et qu'au regard de l'avis de ses analystes sur la société Rallye, elle avait des « inquiétudes sur la liquidité» de cette société en y joignant une analyse financière de la situation des sociétés Rallye et Casino.

Par courriel du 17 septembre 2018, la Société Générale a proposé à la société [H] [G] de limiter son exposition au Tiec en effectuant sur ce produit un arbitrage partiel à hauteur de 1 million d'euros sur la base d'une valorisation alors fixée à 62 % mais la société a expressément refusé de donner suite cette proposition.

La société Rallye a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par jugement du 23 mai 2019, ce dont la Société Générale l'a avertie le 24 mai en lui indiquant que cela était susceptible de constituer un 'événement de crédit' sous réserve de la délibération de l'ISDA (pour 'International Swaps and Derivatives Association') qui a effectivement estimé que cela constituait un événement de crédit par sa délibération du 28 mai 2019.

Le 24 juillet 2019, la société [H] [G] a choisi, à la suite de la fixation du taux de recouvrement par l'Isda à 12,50 % répercuté par la Société Générale de procéder au dénouement et s'est donc vue rembourser la somme de 375 000 euros, après qu'elle avait perçu une somme de 540 600 euros de coupons d'intérêts pendant la vie du produit.

Mécontente mais se heurtant à un refus d'indemnisation de la Société Générale, la société [H] [G] a saisi le médiateur le 16 septembre 2020 qui a rendu son avis le 20 janvier 2022.

Par acte en date du 18 mars 2022, la société [H] [G] a assigné la Société Générale devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudice en imputant à la banque des manquements à ses obligations de prestataire de services d'investissement.

Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

'-débouté Société Générale de sa demande d'irrecevabilité de [H] [G] [H] [G] pour cause de demandes prescrites.

- dit que Société Générale n'a pas respecté son obligation d'information préalable à l'égard de [H] [G].

- condamné Société Générale à payer à [H] [G] la somme de 1.112.850 euros au titre du préjudice subi du fait de la perte de chance.

- condamné Société Générale à payer à [H] [G] 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires.

- ordonné l'exécution provisoire.

- condamné Société Générale aux dépens de l'instance.'

La Société Générale a interjeté appel par déclaration au greffe en date du 7 juillet 2023.

Par ses dernières conclusions en date du 5 mai 2025, la Société Générale fait valoir :

- que la société [H] [G] fait une présentation erronée des faits en soutenant, à tort, que le Tiec souscrit dont elle serait le 'concepteur' avait pour but de la couvrir du risque d'impayé des sommes qu'elle aurait prêtées à la société Rallye alors qu'elle n'est pas le 'concepteur' dudit Tiec qui est la société SGIssuer, qui pour être l'une de ses filiales n'en est pas moins une personne morale distincte, que les termes et Conditions Indicatifs communiqués sont clairs sur la nature du Tiec qui offre un rendement annuel et la possibilité de récupérer l'intégralité du capital investi en cas d'absence d'Evènement de Crédit pendant la durée de vie du produit, qu'il ne s'agit pas d'un produit complexe au sens de l'article L533-13 du code monétaire et financier alors applicable contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, qu'il ne s'agissait pas d'un produit d'assurance souscrit par la Société Générale pour se prémunir de la défaillance de la société Rallye, qu'il ne s'agit pas d'un CDS (pour 'credit default swap'), que l'analogie est sans fondement et ne peut au demeurant s'appuyer sur le document pédagogique du 9 juin 2016, communiqué postérieurement à la souscription et ne constituant qu'une présentation générale des Tiec, que d'ailleurs il n'est nullement démontré qu'elle-même ou la société SGIssuer aurait prêté des sommes à la société Rallye ni qu'elle aurait acquis dans ce cadre des CDS,

- que contrairement à ce que soutient la société [H] [G], elle n'était pas un investisseur profane mais avait déjà eu recours à de nombreuses reprises, de même que son représentant légal, la société Ets [H] [G], à divers instruments financiers dont des Tiec, qu'elle constituait un 'client professionnel' au sens de l'article L 533-16 du code monétaire et financier, ce qui lui a été notifié le 7 février 2013 sans protestation ni demande de sa part de bénéficier d'un régime plus protecteur alors que l'appréciation de l'accomplissement de ses obligations de prestataire de services d'investissement est évidement tributaire de la qualité d'investisseur averti de son client,

- à titre principal, que l'action est prescrite en vertu des articles L110-4 du code de commerce et 2224 du code civil puisque la société [H] [G] a connaissance dès le 3 septembre 2015, date de l'investissement, des manquements au devoir d'information et de conseil qu'elle lui impute et que l'ouverture d'une procédure de médiation le 7 octobre 2020 est sans effet puisque postérieure à l'écoulement du délai quinquennal,

- à titre subsidiaire, que sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1134 du code civil ne peut être engagée dès lors qu'une clause du formulaire de souscription stipule que 'Société Générale ne peut être tenue responsable des conséquences financières ou de quelque autre nature que ce soit résultant de la souscription l'acquisition de ce produit', que cette clause d'exclusion s'applique bien à la relation entre l'émetteur qu'elle est et le souscripteur, que l'article 1170 du code civil ne s'applique pas dès lors que la transaction est antérieure au 1er octobre 2016, qu'elle ne prévoit pas d'exonération totale de responsabilité puisqu'elle n'interdit pas d'invoquer des manquements aux devoirs de conseil et d'information et doit être écartée en cas de faute lourde ou dolosive, non invoquée en l'espèce, que son caractère abusif ne peut être invoqué par la professionnelle que constitue la société [H] [G] dès lors que la souscription s'insérait dans la gestion de sa trésorerie, qu'elle ne créée pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties puisqu'elle n'exclut pas la réparation d'un préjudice en cas de manquement à ses obligations mais limite seulement le type de préjudice pouvant donner lieu à réparation, ceux liés à la souscription étant toutefois exclus, que tel est également le cas sur le fondement de l'article L442-6-I-2 du code monétaire et financier qui ne s'applique toutefois pas à la relation des parties en l'espèce, que le tribunal a écarté son application sans s'expliquer,

- sur son obligation d'information, qu'elle a satisfait à ses obligations issues des articles L533-11 et L533-12 du code monétaire et financier par la communication, annexée au bulletin de souscription des '[Localité 5] et Conditions Indicatifs' du Tiec qui sont complets et précis et mentionnent à dix reprises le risque de perte en capital notamment en cas de survenance d'un événement de crédit,

- qu'elle n'avait pas à informer son client, préalablement à la souscription, de risques liés à la situation financière de la société Rallye qu'elle ne connaissait elle-même pas et qui étaient inexistants alors que la procédure de sauvegarde n'est intervenue qu'en 2019,

- qu'elle n'a adressé un document général sur les Tiec à la société [H] [G] le 9 juin 2016 que pour compléter son information sur les Tiec puisqu'elle en avait souscrit,

- que la société [H] [G] ne démontre pas qu'elle serait tenue à une obligation d'information en sa qualité de prestataire de services d'investissement pendant la durée de vie du produit ce qui n'est prévu ni par l'article L533-12 du code monétaire et financier ni par l'article 314-8 du Règlement général de l' AMF, qu'en fait elle l'a parfaitement informée des facultés d'arbitrage qui lui revenaient les 17 et 19 septembre 2018 tout en lui adressant chaque mois un rapport sur le produit litigieux, qu'elle l'a immédiatement informée de la qualification d'événement de crédit donnée par l'Isda le 28 mai 2019, qu'elle a clairement exposé les options offertes après cet événement,

- sur son obligation de conseil au regard des articles L 533-13 et L541-8 du code monétaire et financier, qu'elle y a satisfait, que tout investissement comporte un risque notamment avec une offre de rentabilité de 5,48 % comme en l'espèce, que le document d'adéquation du produit aux objectifs d'investissement est parfaitement clair en ce que le CLN 'dont l'entité de référence est Rallye' pouvait seulement être affecté par un événement de crédit pouvant affecter sa rentabilité, que les '[Localité 5] et Conditions Indicatifs' définissaient ce qu'est un événement de crédit et qu'il était recommandé à la société cliente de vérifier l'adéquation du produit à ses objectifs, qu'en le signant la société [H] [G] a attesté s'en être assurée et qu'elle ne peut prétendre avoir ignoré le risque pris, qu'elle disposait d'une trésorerie de 15 millions d'euros, que contrairement à ce qu'elle soutient elle a communiqué des analyses aux mois d'août et septembre 2018, qu'il lui était impossible d'anticiper la procédure de sauvegarde de la société Rallye, qu'elle l'a informée de toutes les dates utiles de la procédure et qu'elle n'avait pas de mandat de gestion, qu'elle n'est tenue comme prestataire de services d'investissement qu'à une obligation de moyens à laquelle elle a satisfait et qu'il appartient à son client de se déterminer,

- que si elle n'a pas communiqué les rapports [E] [I] datés des 16 décembre 2015 et 13 janvier 2016 qui prédisaient un défaut de paiement dans les deux ans, il doit être rappelé qu'un tel défaut n'est pas survenu, que [E] [I], qui est un fonds activiste tablant sur la baisse du cours de Rallye a été rappelé à l'ordre et à ses obligations de conseils en investissement par l'AMF dès lors que l'action avait subi une baisse immédiate passagère de son fait, que la mise sous surveillance négative de Casino par Standard and Poor's ne modifiait toutefois pas la notation,

- que ses recommandations d'arbitrage des 17 et 19 septembre 2018 étaient avisées et que la société [H] [G] aurait diminué ses pertes en les suivant, qu'il n'est pas sérieux de soutenir qu'elle ne les aurait pas comprises comme elle l'a affirmé pour la première fois dans ses conclusions du 7 février 2023 devant le tribunal de commerce, qu'elle ne présentait pas la situation de la société Rallye comme excessivement favorable, que l'on comprend mal le choix de la société [H] [G] de ne pas suivre ses recommandations en refusant tout arbitrage,

- que sa recommandation de conservation du 10 janvier 2019 n'était pas critiquable dès lors que la procédure de sauvegarde du mois de mai suivant ne pouvait être anticipée, que la baisse de la notation de la société Casino par Moody's du 2 avril 2019 était connue des deux parties mais que la société [H] [G] n'en a pas tenu compte eu égard aux éléments rassurants alors publiés par la société Casino, la valeur du Tiec ne s'étant au demeurant pas effondrée,

- qu'en dépit d'une sommation faite en première instance à la société [H] [G] pour qu'elle autorise la communication des conclusions du médiateur de la Société Générale, cette dernière s'y est refusée,

- sur le manquement allégué à son obligation de révéler l'existence d'une situation de conflit d'intérêts de l'article L533-10 du code monétaire et financier, qu'encore une fois le Tiec n'est pas un CDS et n'a ni pour objet ni même pour effet de la garantir en cas de non remboursement des sommes qui lui sont dues par la société Rallye, de sorte que, sans conflit d'intérêts il ne lui incombait pas de prendre les mesures que la société [H] [G] lui reproche à faute de ne pas avoir adoptées, que c'est l'Isda qui a arbitré l'existence d'un événement de crédit et fixé le taux de recouvrement dans la détermination desquels elle n'a pas eu le moindre rôle,

- sur le préjudice, que les pertes correspondent aux sommes perçues après dénouement (12,5 % ; 375 000 euros ) ainsi qu'aux intérêts sur coupons perçus (540 600 euros) dont il y a lieu de tenir compte, que les 75 % de perte de chance sont injustifiés dès lors notamment que la cliente n'établit pas qu'elle n'aurait pas investi dans le Tiec litigieux et que ce pourcentage ne peut être nouvellement appliqué en cause d'appel à la somme investie minorée des sommes perçues, que le calcul de la perte de chance de céder le titre en cours de contrat - à une date au demeurant non précisée- est fantaisiste, que le calcul du préjudice est erroné, qu'enfin la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral lié à son manque de célérité et de réponse ne se justifie pas, de sorte qu'elle demande à la cour de :

'1) INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté SOCIETE GENERALE de sa demande d'irrecevabilité de [H] [G] pour cause de demandes prescrites.

Dit que SOCIETE GENERALE n'a pas respecté son obligation d'information préalable à l'égard de [H] [G].

- Condamné SOCIETE GENERALE à payer à [H] [G] la somme de 1.112.850 euros au titre du préjudice subi du fait de la perte de chance.

- Condamné SOCIETE GENERALE à payer à [H] [G] 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires.

- Condamné SOCIETE GENERALE aux dépens de l'instance.

Et, statuant à nouveau,

2) A titre principal, DIRE ET JUGER [H] [G] irrecevable en ses demandes comme étant prescrites.

3) A titre subsidiaire, DEBOUTER [H] [G] de l'intégralité de ses demandes.

4) En tout état de cause, DEBOUTER [H] [G] de l'intégralité de ses demandes.

5) En tout état de cause, CONDAMNER [H] [G] à verser à SOCIETE GE-NERALE la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Par ses dernières conclusions en date du 5 mai 2025, la société [H] [G] expose :

- que la Société Générale a manqué à son obligation d'information et de conseil prévue aux articles L 533-12 du code monétaire et financier et 314-8 du Règlement général de l'AMF à l'occasion de la souscription du CLN Rallye puisque les quelques éléments d'information dispensés se sont avérés insuffisamment exacts, clairs et compréhensibles pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause notamment sur ce que recouvre la notion d'événement de crédit, sur le rôle et les décisions de l'Isda et le mécanisme de détermination du taux de recouvrement,

- qu'elle n'a reçu aucune information sur la situation de la société Rallye avant la souscription, sur sa solvabilité, le risque de survenance d'un événement de crédit alors même que des publications faisaient déjà état de sa fragilité financière à partir de l'été 2015 comme l'a ensuite caractérisé notamment la commission des sanctions de l'AMF ce dont elle ne lui a pas fait part alors que les professionnels de la finance ne pouvaient l'ignorer dès le moment de la souscription,

- que le bon de souscription et la lettre d'adéquation aux objectifs d'investissement ne contenaient aucune explication sur le fonctionnement, en pratique, de ce type d'investissement et procèdent par de nombreux renvois à des documents non communiqués, qu'il n'y est jamais précisé qu'une procédure de sauvegarde peut constituer un événement de crédit, que les explications données sont inexistantes ou absconses comme l'a relevé le tribunal, que le renvoi pour l'information de la situation de la société Rallye à des éléments de solvabilité de l'émetteur qu'est la SGIssuer ou la Société Générale figurant dans le prospectus n'est pas opérant, que si le risque de perte en capital est cité, elle n'avait aucun élément pour l'apprécier,

- que si les informations étaient suffisantes ont comprend mal pourquoi la Société Générale lui a communiqué, le 9 juin 2016 soit près d'une année après, des documents complémentaires qui avaient pour objet de tenter de pallier les manquements précédant la souscription,

- que son information devait être d'autant plus complète et exacte qu'il s'agit d'un produit financier complexe en ce qu'il comprend un instrument dérivé, le CDS ainsi classé dans le code monétaire et financier,

- sur le manquement à l'obligation de conseil de l'article L533-13 du code monétaire et financier, que la situation financière connue de la société Rallye aurait dû dissuader la Société Générale de lui conseiller la souscription du Tiec, qu'une confusion a été entretenue entre la société Rallye, holding, et la société Casino, seule cette dernière constituant le groupe de renom vanté, que la proposition était inadaptée à ses objectifs, que la liquidité de l'instrument n'était pas réelle,

- sur le manquement de la Société Générale à son obligation de révéler l'existence d'une situation de conflit d'intérêts de l'article L533-10 du code monétaire et financier et L 313-20 du Règlement général de l'AMF que lesdites obligations s'appliquent également à la société SGIssuer, émetteur, qui fait partie du groupe Société Générale contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, que la Société Générale a cumulé les qualités de distributeur, de bénéficiaire économique, de garant et de bénéficiaire via sa société Sgissuer ce qui la plaçait en situation de conflit d'intérêts bénéficiaire de la couverture de son risque vis à vis de Rallye par le biais du CLN 'dans la mesure où le capital versé par [H] [G] avait vocation, en cas de survenance d'un risque de crédit, à couvrir le risque de la Société Générale' et qu'elle ne justifie pas avoir mis en place les mesures raisonnables pour l'éviter ni l'en avoir informée,

- sur les manquements de la Société Générale à ses obligations d'information et de conseil en cours de la vie du CLN Rallye, qu'elle n'a pas été informée de manière complète et suffisante sur l'évolution de la situation, du fait qu'une procédure de sauvegarde pouvait constituer un événement de crédit, du fonctionnement du marché secondaire des différences concrètes entre les options de sortie et également du risque encouru, objectivé par des publications alors que les éléments transmis étaient rassurants ou ambivalents, lacunaires et lapidaires et que les conseils ont été de même rassurants ou insuffisants, que sa décision de ne pas suivre la proposition de désengagement partiel au mois de septembre 2018, au vu d'information et de conseil faussés et lacunaires, ne saurait donc lui être reprochée, le dernier conseil du mois de janvier 2019 étant de conserver le produit,

- sur son préjudice que le jugement est contradictoire en recherchant à la fois l'indemnisation de la perte de chance de ne pas souscrire et celle de limiter les pertes en cours de vie du CLN, qu'elle a perdu la somme de 3 millions d'euros investie diminuée des coupons d'intérêts et du reversement de 12,5 % soit celle de 2 084 400 euros et qu'il y a lieu d'appliquer 75 % à cette somme,

- que les stipulations du bon de souscription selon lesquelles 'la Société Générale

ne peut être tenue responsable des conséquences financières ou de quelque autre nature que ce soit résultant de la souscription de l'acquisition de ce produit' sont inapplicables dans la mesure où elles s'appliquent dans les rapports entre l'émetteur et l'investisseur et non entre ce dernier et son conseil en investissement, qu'en tout état de cause elle invoque des manquements de la Société Générale à ses obligations d'ordre public du code monétaire et financier à laquelle le banque reconnaît au demeurant être tenue, subsidiairement qu'à les supposer applicables, elles devraient être réputées non écrites en vertu de l'article 1170 du code civil puisqu'elles dispensent la banque de son obligation essentielle et pour être abusives au sens de l'article L 132-1 alinéa 6 du code de la consommation ou encore plus subsidiairement qu'elle engagerait la responsabilité de la Société Générale par application de l'article L 442-6 du code de commerce à raison du déséquilibre significatif qu'elle instaure entre les droits et obligations des parties,

- qu'elle ne peut être qualifiée d'investisseur professionnel, ce qui est au demeurant inopérant la Société Générale étant néanmoins tenue des obligations du code monétaire et financier et que la faculté qu'elle aurait eue de ne pas être considérée comme telle à sa demande - comme la loi lui en réserve la faculté- par la Société Générale est illusoire, qu'elle n'était pas un investisseur averti, que ses précédents investissements ne lui permettaient pas concrètement de comprendre la souscription des produits en question au vu des informations lacunaires et manquantes que lui a dispensées la Société Générale,

- que son action n'est pas prescrite dès lors que le délai qui court à compter du moment où elle a connu les faits lui permettant de l'exercer c'est à dire, à titre principal, à compter du dénouement du contrat qui manifeste les pertes subies et, à titre subsidiaire, comme l'a retenu le tribunal à compter du 9 juin 2016, date à laquelle elle a été informée des risques réellement attachés au CLN Rallye, le délai ayant été interrompu par la médiation intervenue en vertu de l'article 2238 du code civil, de sorte qu'elle demande à la cour de :

'I ' Sur la demande de dommages-intérêts pour manquements de la SOCIETE GENERALE à ses obligations d'information et de conseil

DECLARER la société [H] [G] recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 15 juin 2023 en ce qu'il a débouté la SOCIETE GENERALE de son moyen d'irrecevabilité de l'action de la société [H] [G] au motif qu'elle serait prétendument prescrite ; DECLARER l'action de la société [H] [G] recevable et non prescrite ;

CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 15 juin 2023 en ce qu'il a dit que la SOCIETE GENERALE n'a pas respecté son obligation d'information préalable à l'égard de la société [H] [G] ;

DIRE ET JUGER que la SOCIETE GENERALE a manqué à ses obligations d'information et de conseil préalablement à la souscription du contrat ; à défaut, DIRE ET JUGER que la SOCIETE GENERALE a manqué à ses obligations d'information et de conseil en cours de vie du contrat ;

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 15 juin 2023 en ce qu'il a : écarté l'existence d'un manquement de la banque à son obligation d'information concernant une situation de conflit d'intérêt ;

limité le montant de la condamnation de la SOCIETE GENERALE envers la société [H] [G] à la somme de 1.112.850 euros, en indemnisation du préjudice subi du fait de sa perte de chance ;

débouté la société [H] [G] de ses demandes autres, plus amples et contraires, notamment celle visant à obtenir la condamnation de la SOCIETE GENERALE à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

y ajoutant,

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à verser à la société [H] [G] à titre de dommages-intérêts la somme de 1.563.300 euros, en réparation de sa perte de chance de ne pas souscrire au CLN RALLYE ou à défaut en réparation de sa perte de chance de ne pas limiter sa perte sur cet investissement en cours de contrat, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation le 18 mars 2022 ;

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à verser à la société [H] [G] à titre de dommages-intérêts la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation le 18 mars 2022.

II ' Sur les stipulations du bon de souscription invoquées par la SOCIETE GENERALE

A titre principal,

DIRE ET JUGER que les stipulations du bon de souscription ne sont pas applicables aux rapports entre l'investisseur et son conseiller en investissement, et ne sont donc pas applicables en l'espèce ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire les stipulations du bon de souscription étaient jugées applicables au présent litige,

REPUTER NON ECRITE la clause exclusive de responsabilité figurant sur le bon de souscription aux termes de laquelle la « SOCIETE GENERALE ne peut être tenue responsable des conséquences financières ou de quelque autre nature que ce soit résultant de la souscription de l'acquisition de ce produit », en ce qu'elle (i) contredit les obligations essentielles de la SOCIETE GENERALE et (ii) constitue une clause abusive au sens du code de la consommation ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la clause exclusive de responsabilité venait à interdire à la société [H] [G] de solliciter une indemnisation au titre de sa perte de chance et de son préjudice moral,

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à la société [H] [G] la somme totale en principal de 1.613.300 euros, décomposée en 1.563.300 euros au titre de la perte de chance de ne pas souscrire au CLN RALLYE ou à défaut en ne pas limiter sa perte sur cet investissement en cours de contrat, augmenté 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par la société CIFFRE [G], sur le fondement de l'article L. 442, I, 2° du code de commerce en sa rédaction applicable au 3 septembre 2015, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation le 18 mars 2022 ;

III' En tout état de cause

DEBOUTER la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de ses demandes, prétentions, moyens, fins et conclusions ;

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SOCIETE GENERALE à payer à la société [H] [G] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Y ajoutant,

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à la société [H] [G] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens'.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2025.

MOTIFS

Sur la prescription

Il résulte des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le manquement d'un prestataire de services d'investissement à son obligation d'information sur l'instrument financier proposé et le risque de perte en capital afférent ainsi qu'à son obligation de conseil sur son adéquation à la situation et aux objectifs de l'investisseur prive ce dernier d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que qu'il ait subi des pertes ou des gains manqués.

Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage ne peut commencer à courir avant la date à laquelle l' investissement a été perdu, soit en l'espèce au moment du dénouement du CLN Rallye par demande de la société [H] [G] datée du 24 juillet 2019, de sorte que l'action intentée moins de cinq années plus tard, par l'assignation du 18 mars 2022, n'est pas irrecevable comme prescrite comme l'a jugé à bon droit le tribunal.

Sur les manquements invoqués de la Société Générale à ses obligations

Si le formulaire de souscription de l'instrument financier prévoit, en sa marge, que 'Société Générale ne peut être tenue responsable des conséquences financières ou de quelque autre nature que ce soit résultant de la souscription l'acquisition de ce produit', la Société Générale convient elle-même qu'elle est tenue par les obligations de bonne conduite telles que transposées dans le code monétaire et financier et au Règlement général de l'AMF à la suite de la Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, qui forment le fondement de l'action de la société [H] [G].

En tout état de cause, il résulte des objectifs de protection des investisseurs mais aussi de recherche de la stabilité du système financier poursuivis par ladite Directive que, comme l'énonce son considérant 41 qui prévoit que 'afin que les règles de conduite (y compris les règles concernant l'exécution au mieux et le traitement des ordres des clients) s'appliquent aux investisseurs qui ont le plus grand besoin de la protection qu'elles procurent, et compte tenu des pratiques de marché bien établies dans la Communauté, il convient de préciser qu'il pourra être dérogé aux dites règles de conduite dans le cas de transactions conclues ou suscitées avec les contreparties éligibles'que le caractère d'ordre public économique des règles de bonnes conduites ne permet pas qu'il y soit dérogé, notamment conventionnellement, en dehors des relations d'un prestataire de services d'investissement avec une contrepartie éligible telle qu'elle était définie à l'article D 511-13.

Or la société [H] [G] ne constitue pas une contrepartie éligible au sens de ce texte, qui recouvre essentiellement les professionnels des marchés de capitaux, faute qu'elle ait été classée comme telle et ait accepté d'être traitée avec cette qualité comme le prévoit cette disposition puisque la banque ne lui a conféré que celle de client professionnel.

L'article L533-12 du code monétaire et financier, applicable dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 avril 2007compte tenu de la date de la souscription, prévoit que :

'II.- Les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause'.

Son article L533-13 I alinéa 1er dispose que :

'I. ' En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation.'

Le Règlement Général de l'Autorité des Marchés Financiers, issu de l'arrêté du 15 mai 2007 entrée en vigueur le 1er novembre 2007 également, précise notamment quant à lui que :

'Article 314-44 :

En application du I de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier, le prestataire de services d'investissement se procure auprès du client toutes les informations lui permettant d'avoir une connaissance suffisante des faits essentiels le concernant et de considérer, compte tenu de la nature et de l'étendue du service fourni, que la transaction qu'il entend recommander ou le service de gestion de portefeuille qu'il envisage de fournir satisfait aux critères suivants :

Le service répond aux objectifs d'investissement du client ;

Le client est financièrement en mesure de faire face à tout risque lié à la transaction recommandée ou au service de gestion de portefeuille fourni et compatible avec ses objectifs d'investissement ;

Le client possède l'expérience et les connaissances nécessaires pour comprendre les risques inhérents à la transaction recommandée ou au service de gestion de portefeuille fourni.

Article 314-46 :

Les renseignements concernant la situation financière du client doivent inclure des informations, dans la mesure où elles sont pertinentes, portant sur la source et l'importance de ses revenus réguliers, ses actifs, y compris liquides, investissements et biens immobiliers, ainsi que ses engagements financiers réguliers.

Article 314-47 :

Les renseignements concernant les objectifs d'investissement du client doivent inclure des informations, dans la mesure où elles sont pertinentes, portant sur la durée pendant laquelle le client souhaite conserver l'investissement, ses préférences en matière de risques, son profil de risque, ainsi que le but de l'investissement.'

En application de ces dispositions, la Société Générale était tenue envers la société [H] [G] d'une obligation de conseil lui imposant d'évaluer les connaissances et l'expérience de sa cliente en matière d'investissement en rapport avec le CLN qu'elle lui proposait, de se renseigner sur sa situation financière et ses objectifs et de lui recommander un investissement adapté à cette situation et à ces objectifs, ainsi que d'une obligation d'information, claire, exacte et adaptée aux compétences de sa cliente, quant aux caractéristiques, notamment les moins favorables, de cet investissement.

Il n'est pas contesté que la Société Générale avait une connaissance de longue date de la société [H] [G], qui procédait à des investissements réguliers de sa trésorerie par son intermédiaire, et que la souscription litigieuse de la somme de 3 millions d'euros s'inscrivait dans la cadre de la gestion d'une trésorerie de 15 millions d'euros environ.

Les parties ne communiquent ni ne s'expliquent sur le contrat cadre qui les unissait mais il est constant que la Société Générale ne s'était pas vu donner un mandat de gestion ni qu'une convention de gestion conseillée avait été souscrite par la société [H] [G].

L'article L 533-16 dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 avril 2007 dispose que :

'Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise les conditions d'application des articles L. 533-11 à L. 533-15, en tenant compte de la nature du service proposé ou fourni, de celle de l'instrument financier considéré, ainsi que du caractère professionnel ou non du client, notamment du client potentiel.

Un client professionnel est un client qui possède l'expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre ses propres décisions d'investissement et évaluer correctement les risques encourus.

Un décret précise les critères selon lesquels les clients sont considérés comme professionnels.

Les clients remplissant ces critères peuvent demander à être traités comme des clients non professionnels et les prestataires de services d'investissement peuvent accepter de leur accorder un niveau de protection plus élevé, selon des modalités précisées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers'.

En vertu de cette disposition et de l'article D 533-11 du code monétaire et financier et par application des critères y figurant (deux des trois suivants : 20 millions de bilan, 40 millions d'euros de chiffre d'affaire ou capitaux propres de 2 millions d'euros), la Société Générale a notifié à la société [H] [G], le 7 février 2013, qu'elle était classée comme 'client professionnel'.

Cette dernière n'a pas demandé à voir cette classification modifiée et elle n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle il aurait été illusoire qu'une telle demande soit suivie d'effet par la banque.

Si cette qualification d'investisseur classé comme professionnel n'empêche pas, par principe, que la société [H] [G] puisse être considérée comme non avertie relativement à un produit précis proposé, la Société Générale expose toutefois que sa société holding, la société Ets [H] [G], avait elle-même déjà souscrit un CLN Rallye pour une somme de 2 millions d'euros le 7 avril 2014 à échéance de 7 ans et énumère, sans être contredite utilement, la série d'instruments financiers ci-dessous, préalablement souscrits par la société [H] [G] elle-même, depuis 2013, laquelle comprend au moins un CLN :

GESTION AZUR souscrit en 2013 pour un montant de 4.000.000 euros ;

TITANIUM + souscrit en 2013 pour un montant de 1.000.000 euros ;

TITANIUM + souscrit en 2013 pour un montant de 400.000 euros ;

FLEX souscrit en 2013 pour un montant de 3.000.000 euros ;

TENOR souscrit en 2013 pour un montant de 200.000 euros ;

TENOR souscrit en 2014 pour un montant de 1.000.000 euros ;

CLN PEUGEOT souscrit en 2014 pour un montant de 2.000.000 euros ;

PRELUDE souscrit en 2014 pour un montant de 1.000.000 euros ;

TIEC ITRAXX MAIN S24 souscrit en 2015 pour un montant de 1.000.000 euros ;

PHOENIX BANQUES souscrit en 2015 pour un montant de 1.000.000 euros.

Dans la lettre intitulée 'adéquation aux objectifs d'investissement : 'CLN Obligation synthétique Rallye' accompagnant le bulletin de souscription du 3 septembre 2015, la Société Générale écrit à sa cliente que leur discussion a abouti à la détermination des objectifs suivants 'placement d'excédents stables de trésorerie, possibilité d'investir sur des supports pouvant comporter un risque de crédit, recevoir des coupons fixes, sauf en cas de défaut de l'entité de référence, bénéficier d'une exposition à un groupe de renom, offrant une alternative à un placement obligataire', ce qui a conduit à la recommandation du produit CLN Rallye qui a 'pour objectif de délivrer à maturité un coupon de 5,48 % payable annuellement à terme échu, en l'absence d'événement de Crédit sur l'entité de référence durant la période d'investissement', le produit bénéficiant 'd'une liquidité quotidienne'.

Il y est ajouté : 'nous attirons votre attention sur le point suivant : 'si un Evénement de Crédit survient sur l'entité de référence la valeur de remboursement du produit peut être inférieure au montant de l'investissement initial. Dans le pire des scénarii, vous pouvez perdre jusqu'à la totalité de votre investissement'.

Contrairement à ce que soutient la Société Générale et ainsi que l'expose la commission des sanctions de l'AMF elle-même dans sa décision du 28 octobre 2013 précisément citée par la banque, le CLN, (pour Credit Link Note) est effectivement un instrument financier qualifié de complexe, appartenant à la catégorie des dérivés de crédit et synthétisé dans un titre de créance, qui confère à son propriétaire, contre son émetteur, un droit à rémunération et un droit au remboursement subordonné à l'absence de survenance d'un 'événement de crédit' défini au contrat d'émission.

Le bulletin de souscription du 3 septembre 2015 donne des éléments d'information à la société [H] [G] ( montant investi, échéance, rendement attendu, mention d'une influence sur celui-ci d'un événement de crédit) et double l'information déjà donnée dans la lettre d'adéquation aux objectifs sur le risque pris en capital puisque les 'termes et conditions indicatifs' citent à plusieurs reprises, outre le risque tenant au garant lui-même (en l'espèce la Société Générale) le cas du titre sur événement de crédit, comme c'est le cas en l'espèce, dans lequel 'les investisseurs prennent également un risque de crédit sur l'entité de référence ou sur l'émetteur de l'obligation de référence visé dans ce produit, à savoir que l'insolvabilité de l'entité ou des entités de référence ou de l'émetteur de l'obligation de référence peut entraîner la perte totale ou partielle du montant investi'.

L'annexe 'pour titres indexés sur événement de crédit', mentionnée comme faisant partie des termes et conditions auxquels elle est jointe, cite notamment la faillite, le défaut de paiement, la restructuration comme événement de crédit susceptible d'influer sur le paiement des coupons ou remboursement à l'échéance.

Toutefois, il doit être observé, avec le tribunal, d'une part, que certains paragraphes sont difficilement lisibles et intelligibles (page 3 c) valeur finale), et, d'autre part, que l'utilité du renvoi par le bulletin de souscription au prospectus - auquel le dirigeant reconnaît avoir pu obtenir un accès - n'est pas démontrée par la Société Générale dès lors qu'elle ne produit pas ce document aux débats et que les seuls extraits communiqués par la société [H] [G] ne sont pas exploitables quant à l'information exacte sur cet instrument financier (dès lors qu'il s'agit d'un mode d'emploi dudit prospectus et de conditions très générales, seule quatre pages étant produites sur plus de mille que constitue le document au vu de son sommaire).

En outre, c'est à juste titre que la société [H] [G] souligne l'insuffisance des informations sur la nature même de l'instrument financier CLN Rallye 8,5 ans, sur la définition plus fine de l'événement de crédit (il ne ressort pas des pièces analysées que la procédure de sauvegarde en constitue nécessairement un), sur les modalités de dénouement de l'instrument en cas de survenance effective d'un événement de crédit, sur l'existence et le rôle de l'Isda (pour International Swaps and Derivatives Association) et les modalités de fixation d'un taux de recouvrement en cas de survenance d'un événement de crédit constitutif d'un défaut, l'ensemble des documents préalables à la souscription étant muets sur ces points et la Société Générale ne justifiant pas en avoir préalablement informé la société [H] [G] à l'occasion d'une autre souscription antérieure d'un produit comparable.

Ces lacunes en matière d'information doivent s'apprécier, comme ci-dessus, au moment de la souscription de l'instrument financier mais c'est à juste titre que la société [H] [G] souligne également qu'elles sont mises en exergue par comparaison avec les informations délivrées postérieurement par la banque au moyen de la communication, le 9 juin 2016, du document intitulé 'Crédit Link Notes - Risques et mécanismes' lequel, pour être afférent à ces instruments financiers de manière générale, n'en est pas moins plus complet, intelligible et explicite sur sa nature et, partant, sur la nature du risque encouru par son souscripteur.

En effet, y sont expliqués, de manière claire et synthétique les avantages que présentent les CLN par rapport aux simples investissements obligataires (adaptation de l'exposition en termes de devises, de maturité, de payoff), le mécanisme du CLN qui est 'un titre intégrant un CDS émis dans le cadre d'un programme d'émission, et qui expose l'investisseur au risque de crédit de l'émetteur des notes ainsi que de l'Entité de Référence des CDS', l'exposition comparative au risque pour une obligation et un CLN avec l'explication, s'agissant de ce dernier, que 'si un Evénement de Crédit (explicitement définit par l'ISDA (expliquée dans son rôle) est déclenché, une valeur de recouvrement est généralement définie selon le protocole ISDA (cette valeur de recouvrement étant notamment déterminée sur la base du titre de l'Entité de référence dit 'cheapest to deliver'', qu'y sont en outre donnés de nombreux détails sur des exemples d'événements de crédit, le comité de détermination de celui-ci, leur influence sur le sort des coupons et du remboursement et sur la détermination du taux de recouvrement.

Il résulte de ce qui précède que si la Société Générale a dûment informé la société [H] [G] du principe du risque inhérent au CLN proposé pouvant aller jusqu'à la perte de l'entièreté du capital investi, ce qu'au demeurant sa qualité de client professionnel lui permettait d'appréhender, elle ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d'information sur les caractéristiques exactes de cet instrument financier ainsi que la nature des risques que sa souscription faisait courir, sur les modalités de dénouement en cas de survenance d'un événement de crédit, non plus au demeurant et antérieurement à la souscription, sur l'analyse financière de la société Rallye, holding de la société Casino.

Un manquement de la Société Générale à son obligation d'information, claire, exacte et adaptée aux compétences de sa cliente, quant aux caractéristiques, notamment les moins favorables, de cet investissement est donc caractérisé.

La banque doit donc répondre de ce manquement à son obligation d'information y compris sur les éléments sur lesquels elle s'est appuyée pour délivrer son conseil en investissement mais l'appréciation de sa responsabilité - qui exige la caractérisation d'un préjudice et d'un lien de causalité avec ce manquement -, exige que soit examiné si, outre ce défaut d'information, le conseil en investissement était en lui-même fautif comme le fait valoir la société [H] [G].

Compte tenu de ce que l'investissement conseillé portait sur 20 % (3 sur 15 millions d'euros ) 'd'excédent stables de trésorerie' importante et de la relative appétence au risque passée, démontrée par les précédents investissements de la société [H] [G], classée comme client professionnel, le recours au produit certes complexe que constituait le CLN Rallye 8,5 ans ne constituait pas, au regard du rendement prévu de 5,48 % l'an, une décision inadéquate à la situation et aux objectifs de la cliente.

Contrairement à ce que soutient la société [H] [G], la coupure de presse du 27 août 2015 - qui alerte sur une baisse de l'objectif publié par la Barclay's portant non pas sur la dette obligataire mais sur le cours de l'action de la société Rallye à raison du risque 'lié à l'évolution de Casino' - ne rendait pas fautive la souscription du CLN au mois de septembre 2015, soit presque 4 ans avant la procédure de sauvegarde et il en est de même, à raison de son caractère a posteriori et peu circonstancié de l'extrait de la décision de la commission des sanctions de l'AMF du 7 septembre 2023 - et portant sur des manquements à des dates ultérieures - selon laquelle à partir de l'été 2015, 'le marché a commencé à réévaluer en forte hausse la probabilité d'un défaut ou d'un événement de crédit affectant Rallye' la conclusion qui en est tirée par l'autorité étant au demeurant que 'ce contexte de marché a conduit Rallye et certains analystes financiers à anticiper au premier semestre 2018 que, contrairement à la période 2011-2017, elle ne pouvait refinancer ses échéances bancaires et obligatoires en ayant recours au marché obligatoire devenu trop coûteux'.

Comme le fait valoir la Société Générale, elle a régulièrement informé la société [H] [G], à la suite de la souscription de l'instrument financier, de l'évolution de l'appréciation par le marché du CLN litigieux en fonction de la situation des sociétés Rallye et Casino puisqu'elle l'a informée :

- chaque mois par un rapport sur le CLN,

- par un courriel du 18 septembre 2015 que le cours de Rallye était malmené (valorisation à 76,27 %) 'suite aux mouvements d'investisseurs d'activistes américains qui jouent la baisse', ce qui est exact compte tenu de ce que les avis défavorables des 16 décembre 2015 et 13 janvier 2016 de [E] [I] ont été contredits non seulement par les publications de la société Rallye mais par l'AMF elle-même,

- par le courriel du 9 juin 2016 évoqué ci-dessus sur le mécanisme général des CLN,

- par un courriel du 9 août 2018, soit trois années après la souscription, s'inquiétant de la situation à la baisse de la valorisation et comportant un rapport sur les situations des société Rallye et Casino et ceux des 17 et 19 septembre 2018 proposant un arbitrage par un désengagement du CLN à hauteur d'un montant de 1 million d'euros sur la base d'une valorisation à 62 % de la valeur initiale 'cette solution d'arbitrage permet de conserver un nominal équivalent sans réinjecter de liquidités', proposition que la société [H] [G] a décliné par courriel ('nous attendons') sans pouvoir, en conséquence, utilement reprocher à la banque un défaut de proposition de désengagement total ni estimer compte tenu de l'absence d'ambiguïté de la proposition, qu'elle l'aurait mal comprise eu égard aux éléments de contexte qui lui ont été alors donnés,

- par un courriel du 10 janvier 2019 exposant que la société [H] [G] avait touché un coupon de 5,48 % au 31 décembre précédent, que la valeur 'est toujours à la décote après le détachement du coupon (soit autour de 52 %)' et qui, alors, 'recommande de conserver dans ces conditions', étant observé que la société Casino a réagi, le 2 avril 2019, à la décision de la société Moody's d'abaisser sa notation financière en la contestant, faisant valoir les aspects positifs de sa situation et la dynamique de ses objectifs stratégiques et financiers dont elle assurait qu'elle lui permettrait de couvrir ses dividendes et frais financiers,

- par des courriels l'informant des conséquences de la survenance de l'événement de crédit décidé par l'Isda puis de la valeur de recouvrement fixée par cette dernière.

Contrairement à ce que soutient la société [H] [G], le conseil en investissement ne peut donc être qualifié de fautif en lui-même en ce qu'il devait nécessairement être considéré comme voué à l'échec au moment de la souscription au mois de septembre 2015 et elle ne justifie pas de manquements de la banque en sa qualité de prestataire de services d'investissement au cours de la vie de l'instrument financier étant observé que celle-ci n'était pas tenue par un mandat de gestion, de sorte que la société [H] [G] restait maître, au regard des informations apportées et des conseils délivrés dans le cadre de la relation contractuelle par la banque, de décider de la conduite à tenir comme le montre son refus de se désengager, même partiellement, au mois de septembre 2018.

La société [H] [G] reproche encore à la Société Générale d'avoir manqué aux obligations qui lui incombent en application de l'article L 533-10 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable sur la prévention et l'alerte des situations de conflit d'intérêts qui exige qu'elle prenne toute mesure pour les éviter et, à défaut de mesure suffisante pour garantir que le risque de porter atteinte aux intérêts du client est évité, qu'elle informe clairement ce dernier de l'existence, de la nature et de la source de ce conflit.

Contrairement à ce que soutient la Société Générale, la circonstance que l'émetteur du CLN litigieux ait été la société SGissuer, qui est une personne morale distincte, est indifférent puisque la disposition appliquée recouvre expressément les conflits opposant les clients au prestataires eux-mêmes mais aussi 'les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ou toute autre personne directement ou indirectement liée' à ces prestataires 'par une relation de contrôle', étant observé que la SGIssuer de droit luxembourgeois est une filiale à 100 % de la Société Générale.

Si c'est tardivement que la Société Générale a communiqué à la société [H] [G] le document 'Credit Link Notes risques et mécanismes' du 9 juin 2016, cette circonstance ne prive pas cette dernière de l'invoquer pour souligner que la banque y mentionne expressément, que le CLN, conformément à son mécanisme, comporte bien une part de CDS pour Credit Defaut Swap qui constitue bien un instrument financier de nature à protéger le créancier, par un transfert rémunéré, du risque de défaut de son débiteur.

Toutefois c'est insuffisamment que le lien entre la dette de la société Rallye du fait de concours bancaires de la Société Générale et la constitution du CLN par sa filiale SGIssuer est établi par la société [H] [G] et la prévention des conflits d'intérêts, dont la violation peut être sanctionnée par les autorités de tutelles, a pour objet essentiel la préservation de la transparence et de la sécurité des marchés de produits dérivés.

Si un manquement de ce chef peut également constituer une faute civile du prestataires de services d'investissement à l'égard de son client et engager sa responsabilité civile c'est sous réserve que soient réunies les conditions à laquelle cette dernière est subordonnée.

Or en l'espèce, en tout état de cause, étant précisé qu'en dépit d'un manquement à l'obligation d'information de la société [H] [G] caractérisé ci-dessus elle était néanmoins dûment alertée de ce que la souscription du CLN litigieux l'exposait essentiellement au risque de défaut de l'entité de référence, la société Rallye, et les pièces produites ainsi que les explications données ne permettent pas d'établir qu'il aurait existé un lien de causalité suffisant entre sa décision d'investir dans cet instrument financier et sa connaissance que, par son émission par le biais de sa filiale, la Société Générale aurait pu, à tout le moins indirectement, réduire son exposition au risque de défaut de la société Rallye.

En conséquence de ce qui précède, seul un manquement à l'obligation d'information complète claire, exacte quant à la nature, aux caractéristiques, notamment les moins favorables, de la souscription de l'instrument litigieux est caractérisé.

Sur l'indemnisation du préjudice

Le manquement de la Société Générale à son obligation d'information a concouru à priver la société [H] [G] d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé de subir les pertes constatées lors du dénouement de l'opération dans l'hypothèse où, dûment informée, elle aurait renoncé à procéder à la souscription du produit financier.

Les pertes constatées sont constituées de la somme investie de 3 000 000 d'euros dont doivent être déduites les rémunérations obtenues de 540 600 euros et la valeur résiduelle versée au dénouement de 375 000 euros soit la somme de 2 084 400 euros.

Pour évaluer la perte de chance, il doit être tenu compte, notamment, de la circonstance que la société [H] [G], client professionnel, avait dûment accepté d'investir sur des supports pouvant comporter un risque de crédit comme le montrent au demeurant des investissements antérieurs, que le rendement annoncé était de 5,48 %, que l'échéance était de relatif long terme, qu'il était investi 20 % du montant total de sa trésorerie présentant une certaine stabilité et de la circonstance que, mieux informée postérieurement à la souscription, elle n'a pas arbitré dans le sens d'un désengagement à tout le moins partiel au moment où la valeur de l'instrument était supérieure au taux de recouvrement finalement fixé comme cela lui a été recommandé par la Société Générale au mois de septembre 2018.

C'est à juste titre que le tribunal a débouté la société [H] [G] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral qui n'est pas démontré.

En conséquence de tout ce qui précède, la cour évalue à 25 % la perte de chance subie de sorte que la Société Générale doit être condamnée à payer la somme de 521 100 euros de dommages-intérêts à la société [H] [G] qui doit être déboutée du surplus de ses prétentions.

Il y a donc lieu, sous réserve du quantum de la condamnation prononcée, de confirmer le jugement entrepris, de condamner la Société Générale aux dépens d'appel, le sens du présent arrêt conduisant toutefois, en équité, à ne pas ajouter de condamnation au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf du chef du quantum de la condamnation prononcée et, statuant à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE la Société Générale à payer à la société [H] [G] la somme de 521 100 euros de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la Société Générale aux dépens d'appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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