CA Grenoble, ch. civ. A, 23 septembre 2025, n° 24/01834
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/01834
N° Portalis DBVM-V-B7I-MH6V
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SARL PY CONSEIL
la SELARL LX [Localité 24]-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Chambre civile section A
ARRÊT DU MARDI 23 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un Jugement (N° R.G. 21/02038)
rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 28 mars 2024
suivant déclaration d'appel du 07 mai 2024
APPELANTS :
Mme [D] [H] épouse [Z]
née le 14 novembre 1957 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 15]
M. [M] [Z]
né le 31 janvier 1958 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 15]
M. [U] [F]
né le 19 octobre 1954 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 15]
Mme [A] [P]
née le 05 septembre 1954 à [Localité 26] Roumanie
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 15]
Mme [Y] [J] épouse [N]
née le 13 juillet 1943 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 15]
M. [E] [V]
né le 09 juillet 1945 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 15]
M. [W] [T]
né le 06 novembre 1961 à [Localité 25]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 15]
représentés par Me Aurélien PY de la SARL PY CONSEIL, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Elise NALLET-ROSADO, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
S.A.R.L. GILLES TRIGNAT RÉSIDENCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 17]
[Localité 15]
S.A.R.L. ATY prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 17]
[Localité 15]
représentées par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
Assistées lors des débats de Mme Anne Burel, greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 juin 2025, Mme Clerc a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V], M. [W] [T] (ci-après désignés les consorts [Z] / [F]/[P]/[O] [V]/[T]) sont propriétaires de maisons d'habitation situées [Adresse 34] à [Localité 28] sur les parcelles respectivement cadastrées sections AN [Cadastre 10], AN [Cadastre 11], AN [Cadastre 13], AN [Cadastre 18], et AN [Cadastre 5], l'ensemble faisant partie d'un lotissement comportant 47 lots créé par un arrêté préfectoral le 20 août 1958 ; un cahier des charges « lotissement [Adresse 35] » ou « [Localité 31] [Localité 22] » a été approuvé par un arrêté préfectoral du 9 octobre 1959.
Suivant acte authentique du 5 décembre 2014, la SARL Aty a acquis la parcelle cadastrée section AN [Cadastre 4] sise [Adresse 1], formant le lot n°1 du lotissement .
Afin de mener à bien son projet de construction d'un immeuble à usage locatif de 9 logements sur ce lot, la SARL Aty a fait appel aux services de la SARL Gilles Trignat Résidences.
Un permis de construire n°038 229 15 10019 a été obtenu le 8 décembre 2015, puis un permis modificatif n°038 229 15 10019 M01 le 24 juillet 2019.
Les travaux ont débuté le 3 décembre 2020.
Estimant que cette construction méconnaissait le cahier des charges du lotissement par assignation du 11 décembre 2020, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T], ont, par acte extrajudiciaire du 11 décembre 2020, assigné les sociétés Aty et Gilles Trignat Résidences devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble, en suspension des travaux et remise en état du terrain objet des permis de construire dans l'état où il se trouvait avant le départ du chantier.
Par ordonnance du 10 mars 2021, le juge des référés les a déboutés de leurs demandes.
Par acte extrajudiciaire du 19 avril 2021, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Grenoble, les sociétés Aty et Gilles Trignat Résidences aux fins principalement de voir ordonner la démolition des constructions et la remise en état du terrain.
Par jugement contradictoire du 28 mars 2024, le tribunal précité a :
débouté les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'ensemble de leurs demandes, sauf pour M.[T] à se voir allouer la somme de 100€ en réparation de son préjudice pour trouble de voisinage occasionné par la réalisation des travaux,
condamné la société Gilles Trignat Résidences et la société Aty à verser à M.[T] la somme de 100€ en réparation de son préjudice pour trouble de voisinage occasionné par le chantier,
condamné in solidum les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] à verser à la société Gilles Trignat Résidences et à la société Aty la somme de 2.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] aux dépens.
rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration déposée le 7 mai 2024, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] ont relevé appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 9 décembre 2024 sur le fondement des articles 562 et 954, alinéa 3, et 768 du code de procédure civile, des articles 544, 1182, 1193, 1194, 1221, 1222, 1231, 1240 et 1241 du code civil, des articles L.442-9 et L.442-10 du code de l'urbanisme, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] demandent à la cour de :
infirmer le jugement déféré,
rejeter l'ensemble des demandes formulées par les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer à titre d'appel d'incident,
statuant à nouveau sur l'ensemble du litige
à titre principal,
en cas de maintien à l'arrêt du chantier :
ordonner l'interdiction de reprendre les travaux réalisés par les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai d'une semaine suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir » et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
en cas de reprise du chantier,
ordonner l'interruption des travaux réalisés par les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
en cas de finalisation du chantier
ordonner la démolition aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, des constructions, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, la remise en état du terrain objet de ces autorisations d'urbanisme dans l'état où il se trouvait avant l'édification des constructions objet desdites autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
à titre subsidiaire,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, la suspension des constructions en cours objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, la remise en état du terrain objet de ces autorisations d'urbanisme dans l'état où il se trouvait avant l'édification des constructions objet desdites autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
en tout état de cause,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Adresse 23] », la remise en état du terrain objet de ces autorisations et travaux dans un délai de deux mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, la transcription du jugement à intervenir au service de la publicité foncière, dans un délai d'un mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, à payer aux requérants une somme de 20.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts du fait de la résistance abusive à poursuivre la construction litigieuse nonobstant son caractère illicite, des préjudices de jouissance subis par la gêne occasionnée à l'occasion du chantier,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, à payer aux requérants une somme de 35.000€, dont 25.000€ aux époux [Z] sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts en réparation des dommages subis du fait des travaux réalisés en violation du cahier des charges du lotissement, du trouble anormal du voisinage généré par les travaux contestés, des préjudices de jouissance subis par la gêne occasionnée à l'occasion du chantier,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, à leur verser une somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, aux entiers dépens.
Les appelants font valoir notamment que :
en tant que co-lotis du lotissement, ils ont qualité pour se prévaloir du cahier des charges du lotissement, et fondés à invoquer la méconnaissance de ses dispositions quand bien même ils ne subiraient aucun préjudice du fait de cette violation ou quand bien même ils méconnaîtraient eux-mêmes ces dispositions,
ce cahier des charges n'est pas caduc et n'est pas susceptible d'être modifié en l'absence d'accord des co-lotis de la [Adresse 34],
la construction d'un immeuble à usage d'habitation de 9 logements et d'activités est édifiée en violation du cahier des charges qui ne prévoit pas la réalisation d'un projet mixte d'habitation et de commerce, celui-ci ayant prohibé l'habitat collectif des lots 1 à 15 où seule l'habitation individuelle est autorisée, contrairement aux lots 16 à 47 où des immeubles collectifs sont autorisés,
la modification du projet de construction n'est pas envisageable car les travaux de construction ont été engagés en vertu d'un permis de construire qui n'a pas été modifié (en dehors du raccordement des eaux usées) et qui a expiré en été 2023 et depuis janvier 2020, la commune de [Localité 27] est soumise au PLU intercommunal qui impose des règles de construction plus strictes,
les cabanons édifiés sur les lots des époux [Z] et de M.[V] dont les intimés demandent à titre reconventionnel la démolition pour violation de la stipulation de l'article 12 du cahier des charges, se sont pas assimilables à la construction litigieuse de 9 logements et leur installation a été acceptée par 10 co-lotis en conformité avec l'article 17 du cahier des charges et est de plus couverte par la prescription trentenaire,
la méconnaissance des stipulations contractuelles du cahier des charges leur ont occasionné des préjudices en raison de désordres provoqués par les travaux de construction.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 9 mai 2025 au visa des articles 564 du code de procédure civile, des articles 1142 et suivants anciens du code civil, et de l'article 1240 du code civil, les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty entendent voir la cour :
à titre liminaire,
déclarer irrecevables comme nouvelles en appel, et a fortiori parce que formées après le délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel, les demandes indemnitaires des époux [Z] à hauteur de 25.000€,
sur les demandes adverses de démolition, d'interruption définitive du chantier et de remise en état du terrain,
confirmer le jugement déféré,
en conséquence,
débouter les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
sur les demandes adverses indemnitaires au titre du prétendu non-respect du cahier des charges,
confirmer le jugement déféré,
en conséquence,
débouter les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
sur les demandes adverses indemnitaires au titre d'un trouble anormal de voisinage résultant des travaux,
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
réformer le même jugement en ce qu'il les a condamnées à verser à M. [T] la somme de 100€ en réparation de son préjudice pour trouble de voisinage occasionné par le chantier,
en conséquence,
débouter les consorts les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre reconventionnel, à supposer applicable le cahier des charges de lotissement,
réformer le jugement déféré,
en conséquence,
ordonner à Mme [D] [H] épouse [Z], M. [M] [Z] et M. [E] [V] de démolir toute construction autre que la seule habitation principale érigée sur leur lot, à leurs frais,
en tout état de cause,
condamner solidairement les consorts les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] à leur verser la somme de 8.000€ chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.
Les intimées répondent en substance que :
le cahier des charges du lotissement n'est pas applicable car il est devenu caduc en application de l'article L.449-9 du code de l'urbanisme du fait de l'existence d'un PLU ; le troisième alinéa de ce texte qui ne traite pas des rapports réels les lots eux-mêmes mais des rapports personnels entre co-lotis, ne permet pas le maintien de dispositions ayant la nature d'une prescription d'urbanisme, comme celle figurant à l'article 12 du cahier des charges qui a la nature d'une prescription d'urbanisme,
le cahier des charges a fait l'objet de nombreux et continus manquements ou dérogations par de nombreux co-lotis ce qui le prive de toute portée,
leur projet de construction respecte en tout état de cause ce cahier des charges car la société Aty va conserver l'entière propriété du bien qui n'a pas vocation à être placé sous le statut de la copropriété, et qui louera le local commercial et les studios à construire conformément à son objet social, cette location de meublés constituant une activité commerciale,
la demande de démolition est manifestement disproportionnée ; il existe d'autres solutions alternatives telles que la révision du cahier des charges au visa des articles L.442-10 et L.442-11 du code de l'urbanisme ou encore la modification par la société Aty de son projet qui est en devenir, en revoyant la distribution intérieure pour n'en faire qu'un seul logement ou encore en prévoyant l'implantation d'une résidence para-hôtelière qui constituerait un commerce à part entière,
si le chantier est toujours en cours, c'est du seul fait des actions en justice des consorts et les demandes indemnitaires des appelants ne sont pas fondées ; doit être également rejetée la demande indemnitaire pour trouble anormal de voisinage en lien avec les travaux,
à supposer applicable le cahier des charges, les époux [Z] et M. [V] ayant eux-mêmes édifié plusieurs constructions sur leurs lots respectifs en inobservation du cahier des charges, ils doivent être condamnés à démolir celles-ci.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mai 2025.
MOTIFS
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.
Sur l'application du cahier des charges du lotissement
Selon l'article L.442-6 du code de l'urbanisme,
« Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
De même, lorsqu'une majorité de co-lotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre co-lotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l'article L.115-6. »
Ainsi, selon ce texte, les règles d'urbanisme qui peuvent se trouver soit dans un règlement, soit dans un cahier des charges approuvé, soit dans une clause de nature réglementaire d'un cahier des charges non approuvé deviennent caduques au terme de dix années si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
L'article 12 du cahier des charges litigieux prévoit notamment « sous réserve des restrictions contenues dans le présent cahier des charges et des autorisations prévues par la loi, les divers acquéreurs pourront choisir le type et le mode de construction qu'il leur plaira, à la seule condition que les bâtiments de toute nature présentent un aspect propre et agréable et soient conformes aux règlements sanitaires en vigueur. Les constructions édifiées sur les lots 1 à 15 sont affectés soit à l'habitation individuelle, soit à des commerces n'ayant pas de caractère industriel et bruyant. Sur ces lots une seule construction par lot sera tolérée ('). »
Or, il est dit pour droit, de manière constante, y compris après l'entrée en vigueur de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 dit loi Alur, que le cahier des charges quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les co-lotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, celles-ci ayant force de loi entre les parties dès lors que l'intention de contracter des restrictions au droit de construire est non équivoque, (Cass. 3e civ., 18 déc. 1991, n° 89-21.046 : JurisData n° 1991-003181 Cass. 3e civ., 8 juill. 2014, n° 13-20.031 ; Cass. 3e civ., 16 oct. 2016, n° 15-23.674).
Et plus particulièrement, il a été jugé que les clauses limitant la densité constructible de chaque lot ne sont pas des règles d'urbanisme ayant trait au coefficient d'occupation des sols mais des dispositions destinées à régir les rapports entre les co-lotis et les modalités de vie en commun au sein du lotissement (Cass. 3e civ., 7 janv. 2016, n° 14-24.445 ).
Il s'en déduit que le cahier des charges reste applicable nonobstant l'existence du PLU et que les dispositions de son article 12 ne constituant pas une règle urbanistique, elles n'ont pas été atteinte de caducité.
A cet égard, est dépourvue de portée au regard du présent litige, la clause figurant dans l'acte de vente du 5 décembre 2014 selon laquelle « il résulte d'un courrier de la mairie de [Localité 27] en date du 4 décembre 2014 ci-annexé que les co-lotis n'ont pas demandé le maintien des règles du lotissement » en tant que figurant dans le paragraphe « non-maintien des règles d'urbanisme propres au lotissement » , cette clause ne remettant pas en cause les dispositions de l'article 12 du cahier des charges, qui ont valeur contractuelle et ne constituent pas une règle d'urbanisme.
Sans plus ample discussion, l'ensemble de ces considérations et constatations conduit à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de leur demande au motif erroné que les restrictions portées dans le cahier des charges concernant la destination des lots et des règles d'urbanisme n'avaient pas vocation à perdurer dans le temps au regard de l'application du texte précité et n'entraient pas dans le cadre de l'alinéa 3 du même texte, en retenant que le plan local d'urbanisme rendait caduc le cahier des charges du lotissement.
Le cahier des charges du lotissement est donc applicable et les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] sont recevables à s'en prévaloir.
Les dispositions de l'article 12 du cahier des charges autorisent sur les lots 1 à 15 l'édification de constructions destinées à l'habitation individuelle soit à des commerces non industriels et non bruyants.
Par référence aux dispositions de l'article L. 231-1 du code le code de la construction l'habitation individuelle ou maison individuelle doit s'entendre d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître d'ouvrage.
Or, le projet de construction des sociétés intimées consiste en l'édification d'un bâtiment comprenant 9 logements sur quatre niveaux (soit près de 10 mètres de hauteur) avec garage en sous-sol, zone de parking pour trois véhicules en extérieur et un local commercial en rez-de chaussée (cf pièces 19-20 des appelants). Aucun élément pertinent ne permet de corroborer l'affirmation des intimées selon laquelle ces logements seraient des studios meublés à louer relevant d'une activité commerciale.
Ce projet est en conséquence, en tant que tel, contraire aux prescriptions du cahier des charges qui a vocation à s'appliquer.
Est sans emport sur la solution du litige que des constructions à vocation d'habitat collectif ont pu être édifiées dans le lotissement sur d'autres lots en méconnaissance des stipulations du cahier des charges, sans qu'ils aient été discutés par des co-lotis, dès lors d'une part,qu'il n'est pas démontré par les intimées que ces constructions ont été édifiées au sien du lotissement, en dehors des parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 9] où la construction d'immeubles en copropriété est autorisée par l'article 12 du cahier des charges et que d'autres part, chacun des co-lotis reste libre ou pas de dénoncer une atteinte au cahier des charges ; en tout état de cause les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] restent recevables à dénoncer le projet de construction en tant qu'étant directement concernés, étant riverains de la [Adresse 34].
Les intimées n'établissent pas être en mesure d'obtenir dès à présent les autorisations nécessaires pour modifier leur projet de construction (construction d'un seul logement ou d'une résidence para-hôtelière) et ce d'autant qu'il résulte de la pièce 27 des appelants que par arrêté du 11 août 2023, la mairie de [Localité 27] a mis en demeure la société Aty d'interrompre immédiatement les travaux en cours sur la parcelle AN [Cadastre 4] au [Adresse 12], après avoir rappelé que la caducité du permis de construire avait été constatée par décision du 23 juin 2023 à la suite d'une interruption de chantier d'une durée supérieure à un an entre le 23 février 2021 et le début du mois de mars 2022.
Pas davantage les intimées ne peuvent utilement soutenir la possibilité d'une révision du cahier des charges au visa de l'article L.442-10 du code de l'urbanisme afin que leur projet de construction soit reconnu conforme, celle-ci supposant l'acceptation des co-lotis, ni celle d'une mise en concordance sur le fondement de l'article L.442-11 après acceptation de l'autorité compétente après enquête publique.
En définitive, dès lors que les travaux sont interrompus en vertu de l'arrêté municipal précité, il y a lieu de dire que les sociétés intimées, ou toute autre personne pouvant se substituer pour l'exécution du permis de construire initial et modificatif, auront d'une part, l'interdiction de reprendre les travaux litigieux et devront d'autre part, remettre en état le terrain à leurs frais et enfin publier le présent arrêt au service de la publicité foncière, et ce conformément aux modalités précisées ci-après au dispositif sans qu'il doit toutefois justifié d'assortir dès à présent ces obligations d'une astreinte provisoire, n'étant pas établi que les sociétés concernées opposeront une résistance abusive à l'exécution de celles-ci, le prononcé d'une telle astreinte pouvant en tout état de cause être sollicité auprès de la juridiction compétente en cas d'inexécution.
La demande reconventionnelle en démolition des abris de jardin situés dans les lots des époux [Z] et de M. [V] n'a pas lieu d'être accueillie, peu important leur ancienneté soutenue être trentenaire, dès lors que ces abris ne constituent pas des constructions en tant que telles et que leur édification et leur conservation ont été autorisées le 25 mai 2021 par plusieurs co-lotis conformément à l'article 17 du cahier des charges (cf pièce 15 des appelants). Le jugement déféré est confirmé sur ce rejet.
Sur les demandes indemnitaires des appelants
Les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] fondent leur demande indemnitaire sur le trouble anormal de voisinage engendré par les travaux de terrassement lors du commencement de la construction litigieuse, à savoir que le chantier a été inondé en l'absence d'étude hydrologique antérieurement réalisée par la société Trignat , ce qui a entraîné la prolifération de moustiques tigres, la commune de [Localité 27] ayant été conduite à procéder à l'épandage d'insecticides toxiques et que plus précisément l'habitation de M. [T] a subi des vibrations occasionnant le bris d'objets, tandis que les façades et pelouse de la propriété [Z] ont été endommagées par des remontées d'humidité.
La demande des époux [Z] en paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme 25.000€ doit être déclarée irrecevable, non pas en tant que demande nouvelle en appel car celle-ci constitue le complément nécessaire de la demande générale en paiement de dommages et intérêts présentée en première instance par l'ensemble des demandeurs , mais en tant que n'ayant pas été formulée dès leurs premières conclusions d'appel, en violation de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige.
Le trouble anormal est celui qui excède les inconvénients ordinaires du voisinage. Le fait, de nature à justifier un trouble anormal du voisinage, s'apprécie en fonction de l'environnement dans lequel il se produit, de son intensité et de sa durée.
Il donne lieu à indemnisation du préjudice personnellement subi par chacune des victimes à qui il appartient d'en démontrer l'existence.
En l'espèce, les travaux de construction ont débuté en décembre 2020 et ont été interrompus de février 2021 à mars 2022 , puis à compter de l'arrêté précité du 11 août 2023, il a été fait obligation aux intimées d'interrompre le chantier.
L'irrecevabilité de la demande indemnitaire des époux [Z] en appel à hauteur de 25.000€ conduit à ne pas pouvoir examiner les désordres d'humidité dont ils font état.
S'agissant de M.[T], il est versé au débat deux attestations de témoins rapportant avoir ressenti le 4 janvier 2021 des vibrations dans l'habitation de celui-ci lors des travaux de terrassement, l'un des témoins (M. [X] [I]) rapportant avoir constaté que la maison vibrait, avoir entendu les verres et les assiettes s'entrechoquer dans les placards et que les vitres des fenêtres vibraient bruyamment, l'autre témoin (M.[G] [C]) précisant avoir constaté « que des débris jonchaient le sol la cuisine, visiblement ces débris avaient été générés par les importantes vibrations 'j'ai bien noté et constaté que des débris au sol provenaient de la chute de verres à boisson et de faïence rangés auparavant dans les placards de la cuisine) et constaté « l'état important de stress de [W] [T] choqué par le fait que sa maison tremblait du sol au plafond ».
Ces témoignages caractérisent l'existence pour M. [T], dont le lot situé en parcelle AN [Cadastre 5] est contigu à la parcelle AN [Cadastre 4] (lot 1) et donc immédiatement exposé aux vibrations des travaux de chantier, un trouble anormal de voisinage de par l'intensité de ces vibrations qui doit être indemnisé ; son préjudice sera justement indemnisé par une somme de 1.000€ incluant son préjudice matériel et moral. Le jugement querellé est infirmé en ce sens.
Il n'est pas établi par les pièces du dossier, que les travaux de construction ont causé aux autres appelants un trouble dépassant les troubles habituels du voisinage engendrés par un chantier de construction, en raison de l'importance du chantier et des moyens employés, aucun élément de preuve attestant de nuisances sonores et olfactives, de coupures d'eau et de gaz, de pollutions environnementales ou encore d'une atteinte à leur liberté d'aller et de venir.
En particulier, aucun élément de preuve n'établit la réalité de l'invasion de moustiques en lien avec la présence d'eau stagnante sur le chantier.
Le rapport de recherche de fuite sur le réseau d'adduction d'eau potable daté du 8 août 2022 tel qu'adressé à M. [T] (parcelle AN [Cadastre 5]) et Mme [N] (parcelle AN [Cadastre 11]) à la suite d'une résurgence à 12 mètres de la vanne de sectionnement située [Adresse 21] n'établit pas de manière certaine un lien de causalité entre cette fuite et la réalisation des travaux, la société Eau Réseau ayant procédé à cette recherche de fuite retranscrivant les propres déclarations des riverains : « la canalisation a été découverte à certain endroit ( info fournie par les riverains ) et celle-ci a pu être fragilisée, n'étant plus portée par sa propre fondation » et n'ayant pas à titre personnel constaté que « lors de ces travaux des engins lourds de type camion grue et pelleteuse ont traversé à plusieurs reprises la canalisation afin d'accéder à leur chantier ».
Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ses dispositions relatives au rejet des demandes fondées sur le trouble anormal de voisinage, excepté le cas de M. [T] et sauf à relever l'irrecevabilité de la demande des époux [Z] en appel.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Cette prétention soutenue par les appelants au doit être rejetée, à l'instar du premier juge mais par substitution de motifs (dès lors qu'il avait motivé ce rejet par l'absence de violation du cahier des charges) étant dit d'une part que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constitue pas en soi une faute caractérisant une résistance abusive et que d'autre part les appelants ne démontrent pas en avoir subi un préjudice spécifique.
Sur les mesures accessoires
Les parties succombant partiellement dans leurs prétentions respectives, elles doivent conserver la charge de leurs dépens et frais irrépétibles personnellement exposés tant en première instance qu'en appel ; les mesures accessoires de première instance sont infirmées en conséquence.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté :
la demande reconventionnelle de la société Aty et de la société Gilles Trignat Résidences,
la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive soutenue par M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V], M. [W] [T],
la demande indemnitaire fondée sur le trouble anormal de voisinage de M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V],
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,
Dit que le projet de construction de la société Aty et de la société Gilles Trignat Résidences est contraire au cahier des charges du lotissement [Adresse 35] approuvé par un arrêté préfectoral du 9 octobre 1959,
Ordonne à la société Aty et à la société Gilles Trignat Résidences ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, de reprendre les travaux objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 32] », dans un délai d'une semaine suivant signification du présent arrêt,
Ordonne aux frais de la société Aty et de la société Gilles Trignat Résidences ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Adresse 33] », la remise en état du terrain objet de ces autorisations et travaux dans un délai de quatre mois suivant la signification du présent arrêt,
Ordonne aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, la transcription du présent arrêt au service de la publicité foncière, dans un délai d'un mois suivant signification du présent arrêt,
Déboute M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V], M. [W] [T] de leur demande de prononcé d'une astreinte,
Dit irrecevable en appel la demande de M. [M] [Z] et Mme [D] [H] épouse [Z] en paiement d'une somme de 25.000€ à titre de dommages et intérêts,
Condamne la société Aty et la société Gilles Trignat Résidences à payer à M. [W] [T] la somme de 1.000€ au titre du trouble anormal de voisinage occasionné par le chantier,
Dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens et frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
N° Portalis DBVM-V-B7I-MH6V
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SARL PY CONSEIL
la SELARL LX [Localité 24]-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Chambre civile section A
ARRÊT DU MARDI 23 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un Jugement (N° R.G. 21/02038)
rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 28 mars 2024
suivant déclaration d'appel du 07 mai 2024
APPELANTS :
Mme [D] [H] épouse [Z]
née le 14 novembre 1957 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 15]
M. [M] [Z]
né le 31 janvier 1958 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 15]
M. [U] [F]
né le 19 octobre 1954 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 15]
Mme [A] [P]
née le 05 septembre 1954 à [Localité 26] Roumanie
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 15]
Mme [Y] [J] épouse [N]
née le 13 juillet 1943 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 15]
M. [E] [V]
né le 09 juillet 1945 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 15]
M. [W] [T]
né le 06 novembre 1961 à [Localité 25]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 15]
représentés par Me Aurélien PY de la SARL PY CONSEIL, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Elise NALLET-ROSADO, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
S.A.R.L. GILLES TRIGNAT RÉSIDENCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 17]
[Localité 15]
S.A.R.L. ATY prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 17]
[Localité 15]
représentées par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
Assistées lors des débats de Mme Anne Burel, greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 juin 2025, Mme Clerc a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V], M. [W] [T] (ci-après désignés les consorts [Z] / [F]/[P]/[O] [V]/[T]) sont propriétaires de maisons d'habitation situées [Adresse 34] à [Localité 28] sur les parcelles respectivement cadastrées sections AN [Cadastre 10], AN [Cadastre 11], AN [Cadastre 13], AN [Cadastre 18], et AN [Cadastre 5], l'ensemble faisant partie d'un lotissement comportant 47 lots créé par un arrêté préfectoral le 20 août 1958 ; un cahier des charges « lotissement [Adresse 35] » ou « [Localité 31] [Localité 22] » a été approuvé par un arrêté préfectoral du 9 octobre 1959.
Suivant acte authentique du 5 décembre 2014, la SARL Aty a acquis la parcelle cadastrée section AN [Cadastre 4] sise [Adresse 1], formant le lot n°1 du lotissement .
Afin de mener à bien son projet de construction d'un immeuble à usage locatif de 9 logements sur ce lot, la SARL Aty a fait appel aux services de la SARL Gilles Trignat Résidences.
Un permis de construire n°038 229 15 10019 a été obtenu le 8 décembre 2015, puis un permis modificatif n°038 229 15 10019 M01 le 24 juillet 2019.
Les travaux ont débuté le 3 décembre 2020.
Estimant que cette construction méconnaissait le cahier des charges du lotissement par assignation du 11 décembre 2020, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T], ont, par acte extrajudiciaire du 11 décembre 2020, assigné les sociétés Aty et Gilles Trignat Résidences devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble, en suspension des travaux et remise en état du terrain objet des permis de construire dans l'état où il se trouvait avant le départ du chantier.
Par ordonnance du 10 mars 2021, le juge des référés les a déboutés de leurs demandes.
Par acte extrajudiciaire du 19 avril 2021, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Grenoble, les sociétés Aty et Gilles Trignat Résidences aux fins principalement de voir ordonner la démolition des constructions et la remise en état du terrain.
Par jugement contradictoire du 28 mars 2024, le tribunal précité a :
débouté les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'ensemble de leurs demandes, sauf pour M.[T] à se voir allouer la somme de 100€ en réparation de son préjudice pour trouble de voisinage occasionné par la réalisation des travaux,
condamné la société Gilles Trignat Résidences et la société Aty à verser à M.[T] la somme de 100€ en réparation de son préjudice pour trouble de voisinage occasionné par le chantier,
condamné in solidum les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] à verser à la société Gilles Trignat Résidences et à la société Aty la somme de 2.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] aux dépens.
rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration déposée le 7 mai 2024, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] ont relevé appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 9 décembre 2024 sur le fondement des articles 562 et 954, alinéa 3, et 768 du code de procédure civile, des articles 544, 1182, 1193, 1194, 1221, 1222, 1231, 1240 et 1241 du code civil, des articles L.442-9 et L.442-10 du code de l'urbanisme, les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] demandent à la cour de :
infirmer le jugement déféré,
rejeter l'ensemble des demandes formulées par les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer à titre d'appel d'incident,
statuant à nouveau sur l'ensemble du litige
à titre principal,
en cas de maintien à l'arrêt du chantier :
ordonner l'interdiction de reprendre les travaux réalisés par les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai d'une semaine suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir » et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
en cas de reprise du chantier,
ordonner l'interruption des travaux réalisés par les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
en cas de finalisation du chantier
ordonner la démolition aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, des constructions, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, la remise en état du terrain objet de ces autorisations d'urbanisme dans l'état où il se trouvait avant l'édification des constructions objet desdites autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
à titre subsidiaire,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, la suspension des constructions en cours objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 [Localité 2] M01, la remise en état du terrain objet de ces autorisations d'urbanisme dans l'état où il se trouvait avant l'édification des constructions objet desdites autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Localité 22] », dans un délai de six mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
en tout état de cause,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 31] [Adresse 23] », la remise en état du terrain objet de ces autorisations et travaux dans un délai de deux mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
ordonner aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, la transcription du jugement à intervenir au service de la publicité foncière, dans un délai d'un mois suivant signification du « jugement » (sic) à intervenir et sous astreinte de 2.000€ par jour de retard passé ce délai,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, à payer aux requérants une somme de 20.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts du fait de la résistance abusive à poursuivre la construction litigieuse nonobstant son caractère illicite, des préjudices de jouissance subis par la gêne occasionnée à l'occasion du chantier,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, à payer aux requérants une somme de 35.000€, dont 25.000€ aux époux [Z] sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts en réparation des dommages subis du fait des travaux réalisés en violation du cahier des charges du lotissement, du trouble anormal du voisinage généré par les travaux contestés, des préjudices de jouissance subis par la gêne occasionnée à l'occasion du chantier,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, à leur verser une somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, aux entiers dépens.
Les appelants font valoir notamment que :
en tant que co-lotis du lotissement, ils ont qualité pour se prévaloir du cahier des charges du lotissement, et fondés à invoquer la méconnaissance de ses dispositions quand bien même ils ne subiraient aucun préjudice du fait de cette violation ou quand bien même ils méconnaîtraient eux-mêmes ces dispositions,
ce cahier des charges n'est pas caduc et n'est pas susceptible d'être modifié en l'absence d'accord des co-lotis de la [Adresse 34],
la construction d'un immeuble à usage d'habitation de 9 logements et d'activités est édifiée en violation du cahier des charges qui ne prévoit pas la réalisation d'un projet mixte d'habitation et de commerce, celui-ci ayant prohibé l'habitat collectif des lots 1 à 15 où seule l'habitation individuelle est autorisée, contrairement aux lots 16 à 47 où des immeubles collectifs sont autorisés,
la modification du projet de construction n'est pas envisageable car les travaux de construction ont été engagés en vertu d'un permis de construire qui n'a pas été modifié (en dehors du raccordement des eaux usées) et qui a expiré en été 2023 et depuis janvier 2020, la commune de [Localité 27] est soumise au PLU intercommunal qui impose des règles de construction plus strictes,
les cabanons édifiés sur les lots des époux [Z] et de M.[V] dont les intimés demandent à titre reconventionnel la démolition pour violation de la stipulation de l'article 12 du cahier des charges, se sont pas assimilables à la construction litigieuse de 9 logements et leur installation a été acceptée par 10 co-lotis en conformité avec l'article 17 du cahier des charges et est de plus couverte par la prescription trentenaire,
la méconnaissance des stipulations contractuelles du cahier des charges leur ont occasionné des préjudices en raison de désordres provoqués par les travaux de construction.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 9 mai 2025 au visa des articles 564 du code de procédure civile, des articles 1142 et suivants anciens du code civil, et de l'article 1240 du code civil, les sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty entendent voir la cour :
à titre liminaire,
déclarer irrecevables comme nouvelles en appel, et a fortiori parce que formées après le délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel, les demandes indemnitaires des époux [Z] à hauteur de 25.000€,
sur les demandes adverses de démolition, d'interruption définitive du chantier et de remise en état du terrain,
confirmer le jugement déféré,
en conséquence,
débouter les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
sur les demandes adverses indemnitaires au titre du prétendu non-respect du cahier des charges,
confirmer le jugement déféré,
en conséquence,
débouter les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
sur les demandes adverses indemnitaires au titre d'un trouble anormal de voisinage résultant des travaux,
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
réformer le même jugement en ce qu'il les a condamnées à verser à M. [T] la somme de 100€ en réparation de son préjudice pour trouble de voisinage occasionné par le chantier,
en conséquence,
débouter les consorts les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre reconventionnel, à supposer applicable le cahier des charges de lotissement,
réformer le jugement déféré,
en conséquence,
ordonner à Mme [D] [H] épouse [Z], M. [M] [Z] et M. [E] [V] de démolir toute construction autre que la seule habitation principale érigée sur leur lot, à leurs frais,
en tout état de cause,
condamner solidairement les consorts les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] à leur verser la somme de 8.000€ chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.
Les intimées répondent en substance que :
le cahier des charges du lotissement n'est pas applicable car il est devenu caduc en application de l'article L.449-9 du code de l'urbanisme du fait de l'existence d'un PLU ; le troisième alinéa de ce texte qui ne traite pas des rapports réels les lots eux-mêmes mais des rapports personnels entre co-lotis, ne permet pas le maintien de dispositions ayant la nature d'une prescription d'urbanisme, comme celle figurant à l'article 12 du cahier des charges qui a la nature d'une prescription d'urbanisme,
le cahier des charges a fait l'objet de nombreux et continus manquements ou dérogations par de nombreux co-lotis ce qui le prive de toute portée,
leur projet de construction respecte en tout état de cause ce cahier des charges car la société Aty va conserver l'entière propriété du bien qui n'a pas vocation à être placé sous le statut de la copropriété, et qui louera le local commercial et les studios à construire conformément à son objet social, cette location de meublés constituant une activité commerciale,
la demande de démolition est manifestement disproportionnée ; il existe d'autres solutions alternatives telles que la révision du cahier des charges au visa des articles L.442-10 et L.442-11 du code de l'urbanisme ou encore la modification par la société Aty de son projet qui est en devenir, en revoyant la distribution intérieure pour n'en faire qu'un seul logement ou encore en prévoyant l'implantation d'une résidence para-hôtelière qui constituerait un commerce à part entière,
si le chantier est toujours en cours, c'est du seul fait des actions en justice des consorts et les demandes indemnitaires des appelants ne sont pas fondées ; doit être également rejetée la demande indemnitaire pour trouble anormal de voisinage en lien avec les travaux,
à supposer applicable le cahier des charges, les époux [Z] et M. [V] ayant eux-mêmes édifié plusieurs constructions sur leurs lots respectifs en inobservation du cahier des charges, ils doivent être condamnés à démolir celles-ci.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mai 2025.
MOTIFS
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.
Sur l'application du cahier des charges du lotissement
Selon l'article L.442-6 du code de l'urbanisme,
« Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
De même, lorsqu'une majorité de co-lotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre co-lotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l'article L.115-6. »
Ainsi, selon ce texte, les règles d'urbanisme qui peuvent se trouver soit dans un règlement, soit dans un cahier des charges approuvé, soit dans une clause de nature réglementaire d'un cahier des charges non approuvé deviennent caduques au terme de dix années si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
L'article 12 du cahier des charges litigieux prévoit notamment « sous réserve des restrictions contenues dans le présent cahier des charges et des autorisations prévues par la loi, les divers acquéreurs pourront choisir le type et le mode de construction qu'il leur plaira, à la seule condition que les bâtiments de toute nature présentent un aspect propre et agréable et soient conformes aux règlements sanitaires en vigueur. Les constructions édifiées sur les lots 1 à 15 sont affectés soit à l'habitation individuelle, soit à des commerces n'ayant pas de caractère industriel et bruyant. Sur ces lots une seule construction par lot sera tolérée ('). »
Or, il est dit pour droit, de manière constante, y compris après l'entrée en vigueur de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 dit loi Alur, que le cahier des charges quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les co-lotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, celles-ci ayant force de loi entre les parties dès lors que l'intention de contracter des restrictions au droit de construire est non équivoque, (Cass. 3e civ., 18 déc. 1991, n° 89-21.046 : JurisData n° 1991-003181 Cass. 3e civ., 8 juill. 2014, n° 13-20.031 ; Cass. 3e civ., 16 oct. 2016, n° 15-23.674).
Et plus particulièrement, il a été jugé que les clauses limitant la densité constructible de chaque lot ne sont pas des règles d'urbanisme ayant trait au coefficient d'occupation des sols mais des dispositions destinées à régir les rapports entre les co-lotis et les modalités de vie en commun au sein du lotissement (Cass. 3e civ., 7 janv. 2016, n° 14-24.445 ).
Il s'en déduit que le cahier des charges reste applicable nonobstant l'existence du PLU et que les dispositions de son article 12 ne constituant pas une règle urbanistique, elles n'ont pas été atteinte de caducité.
A cet égard, est dépourvue de portée au regard du présent litige, la clause figurant dans l'acte de vente du 5 décembre 2014 selon laquelle « il résulte d'un courrier de la mairie de [Localité 27] en date du 4 décembre 2014 ci-annexé que les co-lotis n'ont pas demandé le maintien des règles du lotissement » en tant que figurant dans le paragraphe « non-maintien des règles d'urbanisme propres au lotissement » , cette clause ne remettant pas en cause les dispositions de l'article 12 du cahier des charges, qui ont valeur contractuelle et ne constituent pas une règle d'urbanisme.
Sans plus ample discussion, l'ensemble de ces considérations et constatations conduit à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] de leur demande au motif erroné que les restrictions portées dans le cahier des charges concernant la destination des lots et des règles d'urbanisme n'avaient pas vocation à perdurer dans le temps au regard de l'application du texte précité et n'entraient pas dans le cadre de l'alinéa 3 du même texte, en retenant que le plan local d'urbanisme rendait caduc le cahier des charges du lotissement.
Le cahier des charges du lotissement est donc applicable et les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] sont recevables à s'en prévaloir.
Les dispositions de l'article 12 du cahier des charges autorisent sur les lots 1 à 15 l'édification de constructions destinées à l'habitation individuelle soit à des commerces non industriels et non bruyants.
Par référence aux dispositions de l'article L. 231-1 du code le code de la construction l'habitation individuelle ou maison individuelle doit s'entendre d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître d'ouvrage.
Or, le projet de construction des sociétés intimées consiste en l'édification d'un bâtiment comprenant 9 logements sur quatre niveaux (soit près de 10 mètres de hauteur) avec garage en sous-sol, zone de parking pour trois véhicules en extérieur et un local commercial en rez-de chaussée (cf pièces 19-20 des appelants). Aucun élément pertinent ne permet de corroborer l'affirmation des intimées selon laquelle ces logements seraient des studios meublés à louer relevant d'une activité commerciale.
Ce projet est en conséquence, en tant que tel, contraire aux prescriptions du cahier des charges qui a vocation à s'appliquer.
Est sans emport sur la solution du litige que des constructions à vocation d'habitat collectif ont pu être édifiées dans le lotissement sur d'autres lots en méconnaissance des stipulations du cahier des charges, sans qu'ils aient été discutés par des co-lotis, dès lors d'une part,qu'il n'est pas démontré par les intimées que ces constructions ont été édifiées au sien du lotissement, en dehors des parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 9] où la construction d'immeubles en copropriété est autorisée par l'article 12 du cahier des charges et que d'autres part, chacun des co-lotis reste libre ou pas de dénoncer une atteinte au cahier des charges ; en tout état de cause les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] restent recevables à dénoncer le projet de construction en tant qu'étant directement concernés, étant riverains de la [Adresse 34].
Les intimées n'établissent pas être en mesure d'obtenir dès à présent les autorisations nécessaires pour modifier leur projet de construction (construction d'un seul logement ou d'une résidence para-hôtelière) et ce d'autant qu'il résulte de la pièce 27 des appelants que par arrêté du 11 août 2023, la mairie de [Localité 27] a mis en demeure la société Aty d'interrompre immédiatement les travaux en cours sur la parcelle AN [Cadastre 4] au [Adresse 12], après avoir rappelé que la caducité du permis de construire avait été constatée par décision du 23 juin 2023 à la suite d'une interruption de chantier d'une durée supérieure à un an entre le 23 février 2021 et le début du mois de mars 2022.
Pas davantage les intimées ne peuvent utilement soutenir la possibilité d'une révision du cahier des charges au visa de l'article L.442-10 du code de l'urbanisme afin que leur projet de construction soit reconnu conforme, celle-ci supposant l'acceptation des co-lotis, ni celle d'une mise en concordance sur le fondement de l'article L.442-11 après acceptation de l'autorité compétente après enquête publique.
En définitive, dès lors que les travaux sont interrompus en vertu de l'arrêté municipal précité, il y a lieu de dire que les sociétés intimées, ou toute autre personne pouvant se substituer pour l'exécution du permis de construire initial et modificatif, auront d'une part, l'interdiction de reprendre les travaux litigieux et devront d'autre part, remettre en état le terrain à leurs frais et enfin publier le présent arrêt au service de la publicité foncière, et ce conformément aux modalités précisées ci-après au dispositif sans qu'il doit toutefois justifié d'assortir dès à présent ces obligations d'une astreinte provisoire, n'étant pas établi que les sociétés concernées opposeront une résistance abusive à l'exécution de celles-ci, le prononcé d'une telle astreinte pouvant en tout état de cause être sollicité auprès de la juridiction compétente en cas d'inexécution.
La demande reconventionnelle en démolition des abris de jardin situés dans les lots des époux [Z] et de M. [V] n'a pas lieu d'être accueillie, peu important leur ancienneté soutenue être trentenaire, dès lors que ces abris ne constituent pas des constructions en tant que telles et que leur édification et leur conservation ont été autorisées le 25 mai 2021 par plusieurs co-lotis conformément à l'article 17 du cahier des charges (cf pièce 15 des appelants). Le jugement déféré est confirmé sur ce rejet.
Sur les demandes indemnitaires des appelants
Les consorts [Z] / [F] /[P] /[N] /[V] /[T] fondent leur demande indemnitaire sur le trouble anormal de voisinage engendré par les travaux de terrassement lors du commencement de la construction litigieuse, à savoir que le chantier a été inondé en l'absence d'étude hydrologique antérieurement réalisée par la société Trignat , ce qui a entraîné la prolifération de moustiques tigres, la commune de [Localité 27] ayant été conduite à procéder à l'épandage d'insecticides toxiques et que plus précisément l'habitation de M. [T] a subi des vibrations occasionnant le bris d'objets, tandis que les façades et pelouse de la propriété [Z] ont été endommagées par des remontées d'humidité.
La demande des époux [Z] en paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme 25.000€ doit être déclarée irrecevable, non pas en tant que demande nouvelle en appel car celle-ci constitue le complément nécessaire de la demande générale en paiement de dommages et intérêts présentée en première instance par l'ensemble des demandeurs , mais en tant que n'ayant pas été formulée dès leurs premières conclusions d'appel, en violation de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige.
Le trouble anormal est celui qui excède les inconvénients ordinaires du voisinage. Le fait, de nature à justifier un trouble anormal du voisinage, s'apprécie en fonction de l'environnement dans lequel il se produit, de son intensité et de sa durée.
Il donne lieu à indemnisation du préjudice personnellement subi par chacune des victimes à qui il appartient d'en démontrer l'existence.
En l'espèce, les travaux de construction ont débuté en décembre 2020 et ont été interrompus de février 2021 à mars 2022 , puis à compter de l'arrêté précité du 11 août 2023, il a été fait obligation aux intimées d'interrompre le chantier.
L'irrecevabilité de la demande indemnitaire des époux [Z] en appel à hauteur de 25.000€ conduit à ne pas pouvoir examiner les désordres d'humidité dont ils font état.
S'agissant de M.[T], il est versé au débat deux attestations de témoins rapportant avoir ressenti le 4 janvier 2021 des vibrations dans l'habitation de celui-ci lors des travaux de terrassement, l'un des témoins (M. [X] [I]) rapportant avoir constaté que la maison vibrait, avoir entendu les verres et les assiettes s'entrechoquer dans les placards et que les vitres des fenêtres vibraient bruyamment, l'autre témoin (M.[G] [C]) précisant avoir constaté « que des débris jonchaient le sol la cuisine, visiblement ces débris avaient été générés par les importantes vibrations 'j'ai bien noté et constaté que des débris au sol provenaient de la chute de verres à boisson et de faïence rangés auparavant dans les placards de la cuisine) et constaté « l'état important de stress de [W] [T] choqué par le fait que sa maison tremblait du sol au plafond ».
Ces témoignages caractérisent l'existence pour M. [T], dont le lot situé en parcelle AN [Cadastre 5] est contigu à la parcelle AN [Cadastre 4] (lot 1) et donc immédiatement exposé aux vibrations des travaux de chantier, un trouble anormal de voisinage de par l'intensité de ces vibrations qui doit être indemnisé ; son préjudice sera justement indemnisé par une somme de 1.000€ incluant son préjudice matériel et moral. Le jugement querellé est infirmé en ce sens.
Il n'est pas établi par les pièces du dossier, que les travaux de construction ont causé aux autres appelants un trouble dépassant les troubles habituels du voisinage engendrés par un chantier de construction, en raison de l'importance du chantier et des moyens employés, aucun élément de preuve attestant de nuisances sonores et olfactives, de coupures d'eau et de gaz, de pollutions environnementales ou encore d'une atteinte à leur liberté d'aller et de venir.
En particulier, aucun élément de preuve n'établit la réalité de l'invasion de moustiques en lien avec la présence d'eau stagnante sur le chantier.
Le rapport de recherche de fuite sur le réseau d'adduction d'eau potable daté du 8 août 2022 tel qu'adressé à M. [T] (parcelle AN [Cadastre 5]) et Mme [N] (parcelle AN [Cadastre 11]) à la suite d'une résurgence à 12 mètres de la vanne de sectionnement située [Adresse 21] n'établit pas de manière certaine un lien de causalité entre cette fuite et la réalisation des travaux, la société Eau Réseau ayant procédé à cette recherche de fuite retranscrivant les propres déclarations des riverains : « la canalisation a été découverte à certain endroit ( info fournie par les riverains ) et celle-ci a pu être fragilisée, n'étant plus portée par sa propre fondation » et n'ayant pas à titre personnel constaté que « lors de ces travaux des engins lourds de type camion grue et pelleteuse ont traversé à plusieurs reprises la canalisation afin d'accéder à leur chantier ».
Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ses dispositions relatives au rejet des demandes fondées sur le trouble anormal de voisinage, excepté le cas de M. [T] et sauf à relever l'irrecevabilité de la demande des époux [Z] en appel.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Cette prétention soutenue par les appelants au doit être rejetée, à l'instar du premier juge mais par substitution de motifs (dès lors qu'il avait motivé ce rejet par l'absence de violation du cahier des charges) étant dit d'une part que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constitue pas en soi une faute caractérisant une résistance abusive et que d'autre part les appelants ne démontrent pas en avoir subi un préjudice spécifique.
Sur les mesures accessoires
Les parties succombant partiellement dans leurs prétentions respectives, elles doivent conserver la charge de leurs dépens et frais irrépétibles personnellement exposés tant en première instance qu'en appel ; les mesures accessoires de première instance sont infirmées en conséquence.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté :
la demande reconventionnelle de la société Aty et de la société Gilles Trignat Résidences,
la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive soutenue par M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V], M. [W] [T],
la demande indemnitaire fondée sur le trouble anormal de voisinage de M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V],
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,
Dit que le projet de construction de la société Aty et de la société Gilles Trignat Résidences est contraire au cahier des charges du lotissement [Adresse 35] approuvé par un arrêté préfectoral du 9 octobre 1959,
Ordonne à la société Aty et à la société Gilles Trignat Résidences ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, de reprendre les travaux objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Localité 32] », dans un délai d'une semaine suivant signification du présent arrêt,
Ordonne aux frais de la société Aty et de la société Gilles Trignat Résidences ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, objet de ces autorisations d'urbanisme en tant que celles-ci sont contraires au cahier des charges du lotissement « lotissement [Adresse 35] » encore appelé « [Adresse 33] », la remise en état du terrain objet de ces autorisations et travaux dans un délai de quatre mois suivant la signification du présent arrêt,
Ordonne aux frais des sociétés Gilles Trignat Résidences et Aty ou de toute personne pouvant se substituer pour l'exécution des permis de construire initial PC 038229 1510019 et modificatif PC 038 229 15 10019 M01, la transcription du présent arrêt au service de la publicité foncière, dans un délai d'un mois suivant signification du présent arrêt,
Déboute M. [M] [Z], Mme [D] [H] épouse [Z], Mme [Y] [J] épouse [N], M. [U] [F], Mme [A] [P], M. [E] [V], M. [W] [T] de leur demande de prononcé d'une astreinte,
Dit irrecevable en appel la demande de M. [M] [Z] et Mme [D] [H] épouse [Z] en paiement d'une somme de 25.000€ à titre de dommages et intérêts,
Condamne la société Aty et la société Gilles Trignat Résidences à payer à M. [W] [T] la somme de 1.000€ au titre du trouble anormal de voisinage occasionné par le chantier,
Dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens et frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE