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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-7, 25 septembre 2025, n° 22/08790

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/08790

25 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 25 SEPTEMBRE 2025

N°2025/337

Rôle N° RG 22/08790 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJS23

[Z] [W]

C/

Syndic. de copro. [Adresse 8]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Emmanuel VOISIN-MONCHO

Me Emmanuelle CORNE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7] en date du 03 Juin 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/03554.

APPELANTE

Madame [Z] [W]

née le 05 Juillet 1966 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Emmanuel VOISIN-MONCHO de la SCP MONCHO - VOISIN-MONCHO, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Syndic. de copro. [Adresse 9] SDC DE LA RESIDENCE PALAIS IMPERIAL est représenté par son syndic en exercice le cabinet BOUMANN IMMOBILIER, SARL au capital de 100 000 €, immatriculée au RCS de Cannes sous le n°434 170 403, dont le siège social est sis [Adresse 1] 06400 [Adresse 6], représentée par son représentant légal domicilié ès-qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Emmanuelle CORNE, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Carole DAUX-HARAND, Président Rapporteur,

et Madame Carole MENDOZA, Conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Madame Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [W] est copropriétaire au sein de la résidence [10].

L'article 14 du règlement de copropriété prévoit que le service de l'immeuble est assuré par un concierge salarié, dont les tâches sont énumérées.

Lors d'une assemblée générale du 28 juillet 2014, Mme [W] ne s'est opposée, ni à la décision de ne pas opérer le recrutement d'un gardien salarié en remplacement de la concierge, ni à la décision de confier un contrat de prestation d'entretien multiservices à la société 2FMC.

Lors d'une l'assemblée générale du 09 août 2018, la demande de Mme [W] tendant à voir recruter un concierge salarié a été rejetée.

Lors d'une assemblée générale du 23 juillet 2021, a été adoptée la résolution n° 22 qui a supprimé l'article 14 du règlement de copropriété prévoyant que le service de l'immeuble est assuré par un concierge salarié, dont les tâches sont énumérées.

Par exploit du 04 août 2021, Mme [W] a fait assigner le syndicat des copropriétaires aux fins principalement de voir prononcer l'annulation de la résolution n° 22 de l'assemblée générale du 23 juillet 2021 et de le voir condamner à des dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 03 juin 2022, le tribunal judiciaire de Grasse a :

- débouté Mme [Z] [W] de sa demande d'annulation de la résolution 22 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 23 juillet 2021,

- débouté Mme [Z] [W] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté Mme [Z] [W] de sa demande d'application à son bénéfice des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

- condamné Mme [Z] [W] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 8] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Z] [W] aux dépens,

- jugé ne pas y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Le premier juge a estimé que la décision de suppression du poste de gardien salarié avait été prise lors d'une assemblée générale du 28 juillet 2014 devenue définitive. Il en a conclu que Mme [W] ne pouvait soutenir que la modification du règlement de copropriété requérait un vote à l'unanimité. Il a estimé qu'elle ne rapportait pas la preuve que la suppression du service de conciergerie portait atteinte à la destination de l'immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives. Il a considéré que la résolution de l'article 22 pouvait être votée à la majorité de l'article 26 et que n'était pas démontrée l'existence d'un abus de majorité.

Par déclaration du 17 juin 2022, Mme [W] a relevé appel de tous les chefs de cette décision.

Le syndicat des copropriétaires a constitué avocat.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2025 auxquelles il convient de se référer, Mme [W] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

- d'annuler la résolution n° 22 de l'assemblée générale du 23 juillet 2021,

- de condamner le syndicat des copropriétaires PALAIS IMPERIAL à lui verser la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour son préjudice moral,

- d'exclure de la quote-part des charges qu'elle doit tous frais correspondant à la procédure de première instance et d'appel,

- de condamner le syndicat des copropriétaires PALAIS IMPERIAL à lui rembourser l'intégralité des sommes perçues en exécution de ladite décision au titre de l'exécution provisoire de droit,

- de débouter le syndicat des copropriétaires PALAIS IMPERIAL de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner le syndicat des Copropriétaires PALAIS IMPERIAL à 10.000 euros au titre de

l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître E.VOISIN-MONCHO, avocat associé.

Elle sollicite l'annulation de la résolution n° 22 de l'assemblée générale du 23 juillet 2021 en raison d'une violation des règles de vote. Elle soutient que cette résolution aurait dû être votée à l'unanimité des copropriétaires. Elle explique que n'a jamais été mise au vote la suppression du service de conciergerie. Elle soutient qu'une modification d'une clause du règlement de copropriété relative à la jouissance des parties communes, de nature à porter atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives, doit être votée à l'unanimité. Elle considère que la suppression de la conciergerie porte atteinte à la destination de l'immeuble ou au modalités de jouissance de ses parties privatives.

Elle relève que l'entreprise mandatée a installé dans la loge un de ses salariés, en violation du règlement de copropriété. Elle conteste l'équivalence de services entre celui d'un gardien et celui de l'entreprise.

Elle soulève également l'annulation de la résolution n°22 pour abus de majorité. Elle fait observer que le syndicat des copropriétaires n'a pas agi dans son intérêt, le service prodigué par l'entreprise étant de moins bonne qualité ; elle soutient que la décision avait uniquement pour but de lui nuire.

Elle considère que l'absence de recours contre la résolution qui a rejeté sa demande de gardien salarié ne signifie pas qu'elle aurait accepté la suppression de ce poste.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 03 mars 2025 auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires demande à la cour :

- de débouter Mme [W] de ses demandes,

- de condamner Mme [W] à lui verser 6000 euros le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outreles dépens, distraits au profit de Maître CORNE.

Il conteste toute annulation de la résolution n° 22 de l'assemblée générale du 23 juillet 2021 pour les raisons suivantes :

- la résolution n° 22 n'avait pas à être votée à l'unanimité puisqu'elle n'emportait pas suppression du poste de gardien, celle-ci ayant déjà été votée par l'assemblée générale du 28 juillet 2014,

- Mme [W] a voté en faveur de deux résolutions, lors de l'assemblée générale du 28 juillet 2014, qui portaient sur l'absence de remplacement du gardien concierge et le recours à une société de prestations d'entretien, comprenant la mise à disposition d'un salarié,

- la résolution n° 22 qui a pour objet la suppression de l'article 14 du règlement de copropriété, ne tend qu'à entériner les modifications des caractéristiques de l'immeuble, liées au vote de la résolution de l'assemblée générale du 28 juillet 2014, et devait être votée à la majorité de l'article 26, puisque la modification du règlement de copropriété concernait la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes,

- le vote de la résolution ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble ni aux modalités de jouissance de ses parties privatives,

- les prestataires de services qui ont remplacé le gardien salarié assurent des missions bien plus larges et de manière plus efficace,

- Mme [W] n'a pas contesté la résolution de l'assemblée générale du 9 août 2018 ayant rejeté sa demande d'engager un nouveau gardien salarié.

Il conteste enfin toute annulation de la résolution n° 22 pour abus de majorité. Il fait état d'une décision prise dans l'intérêt collectif et écarte toute intention de nuire à Mme [W].

Il s'oppose à toute demande de dommages et intérêts.

La clôture a été prononcée le 28 mai 2025.

MOTIVATION

L'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable énonce que :

Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :

a) Les actes d'acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l'article 25 d ;

b) La modification, ou éventuellement l'établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes ;

c) La suppression du poste de concierge ou de gardien et l'aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu'il appartient au syndicat. Les deux questions sont inscrites à l'ordre du jour de la même assemblée générale.

Lorsqu'en vertu d'une clause du règlement de copropriété la suppression du service de conciergerie porte atteinte à la destination de l'immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives, la suppression du poste de concierge ou de gardien et l'aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu'il appartient au syndicat ne peuvent être décidées qu'à l'unanimité.

L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.(...)

Le règlement de copropriété énonce, en son chapitre V 'service de l'immeuble' article 14 que le service de l'immeuble est assuré par un concierge choisi par le syndic(...). Le concierge de l'immeuble sera engagé et payé selon les règles prévues par la législation en vigueur. Il sera logé gratuitement dans les locaux spécialement affectés à cet effet, selon les usages et sera éclairé et chauffé (...). Ce même article liste les missions dévolues au concierge.

La résolution 34-3 de l'assemblée générale du 28 juillet 2014, qui est devenue définitive, a décidé que la copropriété ne recruterait pas un gardien salarié en remplacement de Mme [K] [ancienne gardienne].

Le procès-verbal mentionne, en préambule du vote de la résolution 34-4 relative à la proposition de vote d'un contrat proposé par la société 2FMCque 'le conseil syndical a étudié toutes solutions alternatives pour recourir à un système jugé équivalent à celui d'un gardien d'immeuble salarié, en recourant aux services d'une société de prestations. Plusieurs devis ont été obtenus : le devis de la société 2FMC, [Adresse 4], [qui] a proposé un 'contrat de prestations d'entretien multiservices copropriété' répondant largement aux nécessités et aux impératifs du règlement de copropriété. Ce contrat est analysé et détaillé lors d'un débat complet entre les membres de l'assemblée. Le coût du contrat ressort à 36.000 euros HT par ans (soit TTC 43.200 euros). L'assemblée générale a voté et décidé de retenir la proposition faite par la société 2FMC, qui devait prendre effet à la suite du départ en retraite de Mme [K].

Le procès-verbal de l'assemblée générale indiquait, pour l'examen du point 35 de cette assemblée générale, portant sur la modification du règlement de copropriété, (mentionné sans vote) que 'l'assemblée constate l'accord de la majorité des copropriétaires pour la modification du règlement de copropriété, mais constate que M.et Mme [G] refusent d'adhérer à cette modification, qui, dès lors, ne peut être concrétisée'.

Il ressort clairement de cette assemblée générale devenue définitive, que les copropriétaires ont décidé de ne plus utiliser les services d'un concierge choisi par le syndic, conformément au règlement de copropriété, mais de recourir à un prestataire de services. Le vote ne portait pas sur un remplacement provisoire d'un concierge salarié par une société de prestations de service, lié à la nécessité de trouver une solution après le départ à la retraite de la concierge salariée.

La résolution n°22 de l'assemblée générale du 23 juillet 2021 ne porte pas sur la suppression du poste de concierge ou de gardien et l'aliénation du logement affecté au concierge mais sur une modification du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes. Il s'agit en effet de supprimer l'article 14 portant sur le service de l'immeuble assuré par un concierge.

La suppression de cette clause est la conséquence directe de ce qui avait été voté par l'assemblée générale du 28 juillet 2014. Cette suppression n'entraîne aucune modification à la destination des parties privatives de Mme [W] ou aux modalités de leur jouissance. La suppression de cette clause ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble, alors même qu'a été mis en place un service de substitution. S'agissant d'une modification du règlement de copropriété qui concerne l'administration des parties communes, la règle de majorité n'a pas été violée. Mme [W] ne peut en conséquence solliciter l'annulation de cette résolution sur ce fondement.

Une décision, bien qu'intervenue dans des formes régulières et dans la limite des pouvoirs d'une assemblée, reste susceptible d'un recours en annulation lorsqu'elle lèse un ou plusieurs copropriétaires sans pour autant être conforme à l'intérêt commun. Il appartient aux copropriétaires minoritaires de rapporter la preuve de l'abus commis et d'un préjudice injustement infligé à une minorité. L'abus de majorité suppose donc que la délibération adoptée par la majorité soit sans intérêt réel pour la collectivité et qu'elle soit préjudiciable au demandeur en justice. Un tel abus consiste donc à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire.

Mme [W] ne rapporte pas la preuve que la résolution n° 22 aurait été adoptée dans l'intention de lui nuire. La suppression de la clause n° 14 du règlement de copropriété, qui est la conséquence directe de la volonté de l'assemblée générale exprimée le 28 juillet 2014 de n'avoir plus recours à un gardien salarié mais à un prestataire de services, n'est pas contraire à l'intérêt collectif, puisqu'il s'agissait de mettre en conformité le règlement avec une pratique issue d'une résolution définitive, dont il n'est pas non plus démontré qu'elle serait contraire à l'intérêt collectif.

En conséquence, le jugement déféré qui a rejeté la demande de Mme [W] tendant à l'annulation de cette résolution sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [W]

Mme [W] ne démontre pas une faute commise par le syndicat des copropriétaires ayant entraîné un préjudice à son détriment. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et sur les frais irrépétibles

Mme [W] est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de ses demandes faites au titre des frais irrépétibles.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires les frais irrépétibles qu'il a exposés pour faire valoir ses droits en première instance et en appel.

Le jugement déféré qui a condamné Mme [W] aux dépens et au versement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé. Il sera également confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande tendant à voir appliquer l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Mme [W] sera enfin condamnée à verser la somme de 1800 euros au syndicat des copropriétaires, au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y AJOUTANT ;

CONDAMNE Mme [Z] [W] à verser au syndicat des copropriétaires la résidence [Adresse 8] la somme de 1800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

REJETTE la demande de Mme [Z] [W] au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

CONDAMNE Mme [Z] [W] aux dépens de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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