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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 25 septembre 2025, n° 24/13058

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/13058

25 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 25 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/363

Rôle N° RG 24/13058 N° Portalis DBVB-V-B7I-BN4HZ

SELARL MJ [Y]

C/

[W] [P]

[T] [N] [U] épouse [P]

[A] [O] S.A. CENTRALE KREDIETVERLENING NV

[C]

[X] [K] [B] [D] veuve [M]

Etablissement Public TRESOR PUBLIC DE [Localité 15]

Etablissement Public TRESOR PUBLIC DE [Localité 15]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle FICI

Me Radost VELEVA-REINAUD

Me Joseph MAGNAN

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de DRAGUIGNAN en date du 18 Octobre 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01675.

APPELANTE

SELARL MJ [Y] immatriculée au RCS d'ANTIBES sous le n° 840 911 234, prise en la personne de son gérant en exercice Me [E] [Y], mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [W] [P] selon jugement de conversion en liquidation judiciaire du tribunal de commerce de FREJUS en date du 05 juin 2023, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8] - [Localité 2]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Frédéric MASQUELIER de l'AARPI MASQUELIER-CUERVO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMÉS

Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 12] 1962 à [Localité 26],

demeurant [Adresse 9] - [Localité 16]

Madame [T] [N] [U] épouse [P]

née le [Date naissance 11] 1959 à [Localité 27],

demeurant [Adresse 9] - [Localité 16]

Tous deux représentés par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistés de Me Laurent LATAPIE de la SELARL LAURENT LATAPIE AVOCAT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

Monsieur [A] [O]

inscription d'hypothèque conventionnelle prise à son profit au bureau du service de la publicité foncière de Draguignan le 17 mars 2017, volume 2017 V n° 1605

né le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 18] (COTE D'IVOIRE),

demeurant [Adresse 24] - [Localité 18] - COTE D'IVOIRE

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Veronica VECCHIONI de la SELARL ASTRA JURIS, avocat au barreau de NICE,

S.A. CENTRALE KREDIETVERLENING NV désormais dénommée BANK B

venant aux droits de la SA RECORD BANK

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 22] - [Localité 17] BELGIQUE

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Caroline JEGOU-HUNTLEY de la SELARL ALYONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Monsieur [C]

Inscription d'hypothèque conventionnelle prise à son profit au bureau du service de la publicité foncière de [Localité 20] le 26 juillet 2016, volume 2016 V n°3860

domicilié Chez Me [F] [G], - Notaire, [Adresse 14] - [Localité 1]

Signification DA le 15 Novembre 2024 à personne habilitée

Signification conclusions le 26 Mai 2025 à domicile

défaillant

Madame [X] [K] [B] [D] veuve [M]

prise en sa qualité de légataire universel de Monsieur [S] [I] [J], né le [Date naissance 10] 1946 à [Localité 21] et décédé le [Date décès 4] 2015 à [Localité 25] (ALPES MARITIMES),

Inscription d'hypothèque judiciaire prise à son profit au 1e bureau du service de la publicité foncière de DRAGUIGNAN le 02 juin 2014 volume 2014 V n°2822)

née le [Date naissance 7] 1941 à [Localité 19],

demeurant [Adresse 13] - [Localité 16]

Signification DA le 22 Novembre 2024 à personne

Signification conclusions le 14 Mai 2025 à personne

défaillante

LE TRÉSOR PUBLIC DE [Localité 15]

Inscription d'hypothèque légale prise à son profit au bureau du service de la publicité foncière de DRAGUIGNAN le 26 juillet 2016, volume 2016 V n° 3608, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège Centre des Finances PubliquesVAR AMENDES, [Adresse 5] - [Localité 15]

Signification DA le 14 Novembre 2024 à personne habilitée

Signification conclusions le 14 Mai 2025 à personne habilitée

défaillant

LE TRÉSOR PUBLIC DE [Localité 15]

inscription d'hypothèque légale prise à son profit au bureau du service de la publicité foncière de DRAGUIGNAN le 22 mars 2018, volume 2018 V n° 1634, inscription d'hypothèque légale prise à son profit au bureau du service de la publicité foncière de DRAGUIGNAN le 27 avril 2018 volume 2018 V n° 2392 prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège [Adresse 23] - [Localité 15]

Signification DA le 14 Novembre 2024 à personne habilitée

Signification conclusions le 14 Mai 2025 à personne habilitée

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Juin 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025,

Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS :

Aux termes d'un acte notarié du 14 septembre 2012, la Record Bank consentait aux époux [P] un prêt se composant en deux tranches, le prêt in fine venant à échéance le 5 octobre 2017 tandis que le prêt amortissable avait une dernière échéance fixée le 5 octobre 2022.

Le 14 novembre 2018, la société de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Bank faisait délivrer aux époux [P] un commandement de payer la somme de 1 093 100,25 € valant saisie de leur bien immobilier situé sur la commune de [Localité 16]. Ses effets étaient prorogés pour une durée de cinq ans, dans un dernier temps, par jugement du 7 octobre 2022 du juge de l'exécution de Draguignan.

Un arrêt du 24 février 2022 de la présente cour confirmait le jugement du 26 mars 2021 de rejet des contestations des époux [P] et d'orientation en vente forcée. Un arrêt du 13 septembre 2023 de la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre l'arrêt précité.

Un jugement du 9 mai 2022 du tribunal de commerce de Fréjus prononçait l'ouverture du redressement judiciaire de monsieur [P], lequel était converti en liquidation judiciaire par jugement du 5 juin 2023.

Un jugement du 9 septembre 2022 du juge de l'exécution de Draguignan suspendait les poursuites de saisie immobilière.

Un jugement du 17 juin 2024 du tribunal de commerce de Fréjus prononçait l'extension de la liquidation judiciaire de monsieur [P] à madame [P] sur le fondement de la confusion des patrimoines.

Un jugement du 18 octobre 2024 du juge de l'exécution de Draguignan :

- rejetait la demande de suspension des poursuites de saisie immobilière,

- disait n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

- ordonnait la reprise des poursuites de saisie immobilière et fixait l'audience d'adjudication au 7 février 2025.

Par déclaration du 28 octobre 2024, la Selarl MJ [Y] ès qualités de liquidateur de monsieur [P], formait appel du jugement précité.

Le 4 novembre suivant, la Selarl MJ [Y] en qualité de liquidateur de monsieur [P] notifiait ses conclusions d'appelant.

Par actes des 14 novembre 2024, 15 novembre 2024 et 22 novembre 2024, la déclaration d'appel était signifiée respectivement au Trésor Public de [Localité 15], monsieur [C] et madame [D] veuve [M].

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la Selarl MJ [Y] en qualité de liquidateur de monsieur [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- suspendre la procédure de saisie immobilière et ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la décision qui doit être rendue par le juge commissaire sur l'autorisation qui doit être donnée au liquidateur pour reprendre ou non la procédure de saisie immobilière suspendue par le jugement d'ouverture,

- suspendre la procédure et à tout le moins subsidiairement surseoir à statuer du fait de la confusion des patrimoines avec madame [U] époux [P] ordonné par jugement du 17 juin 2024 du tribunal de commerce de Fréjus,

- réserver les dépens.

Elle invoque la suspension de la procédure de saisie-immobilière en raison de la liquidation judiciaire de monsieur [P].

Elle soutient que l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 24 février 2022 confirmant l'orientation de la saisie immobilière en vente forcée ne peut lui être opposée dès lors que l'ouverture de la procédure collective a suspendu l'exécution de cet arrêt et que toute reprise doit désormais être autorisée par le juge commissaire en vertu de l'article L 642-18 et R 642-24 du code de commerce.

Elle soutient que le droit d'ordre public des procédures collectives prime le droit commun de la procédure de saisie immobilière et dessaisit le juge de l'exécution au profit du juge commissaire qui apprécie l'opportunité d'une vente amiable ou forcée afin de préserver l'intérêt des créanciers. Il dispose d'un pouvoir exclusif confirmé par l'article R 322-5 CPCE pour autoriser la vente amiable compte tenu du risque de décote évalué de 10 à 20 % notamment en présence d'un bien à caractère unique.

Elle affirme que le jugement déféré qui ordonne la reprise de la saisie immobilière en vente forcée ne respecte pas l'effet interruptif de plein droit des poursuites individuelles et l'argumentation du créancier poursuivant ne respecte pas la hiérarchie des normes, peu important l'inaction du débiteur en faillite.

Elle fonde aussi sa demande de suspension de la procédure de saisie immobilière sur la confusion des patrimoines des époux [P] suite au jugement du 17 juin 2024 d'extension de la liquidation judiciaire à madame [P] sur ce fondement de sorte que le bien immobilier saisi est, intégralement, un actif de la liquidation judiciaire.

Elle soutient que l'article L 642-18 du code de commerce impose l'autorisation du juge commissaire pour vendre un bien immobilier et que le juge de l'exécution est dessaisi et ceci d'autant plus que la vérification du passif de madame [P] est en cours.

Elle rappelle que le juge commissaire fixe les conditions essentielles de la vente en vertu de l'article R 624-44 du code de commerce et considère que le droit autonome de poursuite des créanciers de l'indivision, reconnu par l'article 815-17 du code civil, ne peut primer les dispositions d'ordre public du code de commerce lorsque le bien immobilier est un actif de la liquidation judiciaire. Lorsque les deux co-indivisaires sont en liquidation judiciaire, l'article L 642-18 impose l'autorisation du juge commissaire qui se substitue au commandement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, madame et monsieur [P] formulaient les mêmes demandes fondées sur les mêmes moyens que la Selarl MJ [Y] es qualité de liquidateur de monsieur [P].

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SA Centrale Kredietverlening désormais dénommée Bank B demande à la cour de :

- déclarer irrecevables l'ensemble des contestations formées par madame [U] épouse [P] ès-qualités comme étant dessaisie au profit de la Selarl MJ [Y], elle-même ès-qualités de liquidateur judiciaire de monsieur [P] à la suite du jugement d'extension de liquidation judiciaire du 17 juin 2024 du tribunal de commerce de Fréjus,

En tout état de cause :

- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- condamner la Selarl MJ [Y], prise en la personne de Maître [E] [Y], ès-qualités de liquidateur judiciaire de [W] [P], ainsi que monsieur et madame [P], à lui payer la somme de 5.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, avocats.

Elle invoque l'irrecevabilité des demandes de madame [P] en liquidation judiciaire depuis un jugement du 17 juin 2024 en application de la règle du dessaisissement de l'article L 641-9 I du code de commerce.

Elle soutient que sa demande de reprise de la procédure de saisie immobilière est valablement fondée sur l'article 815-17 du code civil, lequel consacre un principe d'autonomie du droit de poursuite individuel des créanciers de l'indivision à l'encontre de la procédure collective de l'un des indivisaires. Or, les époux [P] ont adopté la séparation des biens par contrat du 11 juin 1996 et le prêt consenti aux époux [P], co-emprunteurs solidaires, est en date du 14 septembre 2012 de sorte que l'indivision préexiste à l'ouverture de la procédure collective et le bien immobilier saisi échappe à la procédure collective.

Elle rappelle que sa créance a été fixée par jugement d'orientation du 26 mars 2021, lequel a autorité de la chose jugée sur ce point.

Elle soutient que la demande de vente amiable est irrecevable en l'état de l'autorité de la chose jugée du jugement d'orientation qui ordonne la vente forcée du bien immobilier saisi en l'absence de demande de vente amiable à l'audience d'orientation.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, monsieur [O] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la Selarl MJ [Y] es qualité et madame [P] recevable en leur action,

- statuant à nouveau, juger la Selarl MJ [Y] irrecevable à agir pour défaut d'intérêt,

- juger madame [P] irrecevable à agir pour défaut de qualité,

- juger irrecevable l'exception d'incompétence des juridictions judiciaires soulevées par les appelantes,

Sur le fond,

- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et y ajoutant,

- condamner la Selarl MJ [Y] et madame [P] à une amende civile,

- débouter tous concluants de leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner la Selarl MJ [Y] à lui payer une somme de 8 000 € au titre de l'article 700 CPC en cause d'appel.

- condamner madame [P] au paiement d'une somme de 8 000 € au titre de l'article 700 CPC en cause d'appel.

- condamner solidairement la Selarl MJ [Y] et madame [P] aux entiers dépens en particulier aux frais d'huissiers exposés pour des significations à l'étranger alors que l'intimé était déjà constitué.

Il soutient avoir prêté aux époux [P], selon acte notarié du 1er mars 2017, un prêt de 600 000 € au taux d'intérêt de 10 % par an.

Il invoque l'irrecevabilité de la demande du liquidateur au motif que son rapport transmis au tribunal de commerce exclut le bien immobilier saisi de l'actif de la procédure collective.

Il soutient que le moyen relatif à l'incompétence du juge de l'exécution est une exception de procédure qui n'a pas été soulevée en première instance et avant tout débat au fond.

Sur le fond, il soutient que le bien immobilier échappe à la procédure collective au motif que les créanciers de l'indivision préexistante, née le 11 juin 1996, à la procédure collective de l'un des indivisaires, ne sont pas soumis à la suspension des poursuites et à l'autorisation préalable du juge commissaire en l'état des dispositions de l'article 815-17 du code civil.

Il fonde sa demande d'amende civile sur les mentions du rapport du liquidateur au tribunal de commerce selon lesquelles le bien immobilier n'est pas un actif disponible conformément à la jurisprudence en vigueur.

Le Trésor public de [Localité 15], monsieur [C] et madame [D] veuve [M], auxquels la déclaration d'appel a été signifiés, n'ont pas constitués avocat devant la cour.

L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 20 mai 2025.

Par note RPVA du 19 juin 2025, la cour demandait la production du jugement du 17 juin 2024 d'extension de la procédure de liquidation judiciaire de monsieur [P] à madame [V], lequel était transmis le 23 juin suivant.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

- Sur la recevabilité des demandes des époux [P],

L'article L 641-9 du code de commerce dispose que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée.

Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

En l'espèce, la liquidation judiciaire de monsieur [P] prononcée par jugement du 5 juin 2023 a été étendue à madame [P] par jugement du 17 juin 2024. Ils sont donc dessaisis de la gestion de leur patrimoine et leurs demandes formées à titre personnel par voie de conclusions du 16 janvier 2025 seront donc déclarées irrecevables.

- Sur l'intérêt à agir du liquidateur de monsieur [P],

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 du même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En l'espèce, bien que la Selarl MJ [Y] ès qualités de liquidateur de monsieur [P] a établi un rapport soumis au tribunal de commerce de Fréjus concluant à l'absence d'actif disponible, elle n'a pas renoncé à l'application des règles de la procédure collective pour obtenir du juge commissaire l'autorisation de vente amiable du bien immobilier saisi qu'elle considère comme plus favorable aux intérêts des créanciers. Son défaut d'intérêt à agir n'est donc pas établi de sorte que sa demande est recevable.

- Sur la recevabilité de la demande fondée sur l'incidence de la procédure collective sur la reprise de la saisie immobilière,

L'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d'irrecevabilité des exceptions.

Les dispositions de l'alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l'application des articles 103,111,112 et 118.

En l'espèce, la Selarl ML [Y], ès qualités, soutient que la saisie immobilière en cours est désormais soumise aux dispositions spéciales applicables aux procédures collectives et que par voie de conséquence, sa reprise est soumise à l'autorisation du juge-commissaire.

Cette prétention n'est pas constitutive d'une exception d'incompétence du juge de l'exécution au profit du juge-commissaire puisque la Selarl MJ [Y] es qualité demande l'application des dispositions légales relatives aux procédures collectives aux lieu et place de celles du droit commun du code des procédures civiles d'exécution.

Or, cette demande relève de la seule compétence du juge de l'exécution en charge de la procédure de saisie immobilière et s'il faisait droit à cette demande, la saisine du juge-commissaire ne serait qu'une conséquence de sa décision. Elle ne doit donc pas être soulevée in limine litis et sa tardiveté ne peut donc être utilement opposée comme cause d'irrecevabilité.

- Sur l'incidence de la procédure collective sur la reprise de la procédure de saisie immobilière,

L'article 815-17 du code civil dispose que les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.

Les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles.

Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coindivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis.

Ainsi, les créanciers de l'indivision bénéficient d'une situation préférentielle par rapport aux créanciers personnels des indivisaires ; ils sont payés par prélèvement sur l'actif avant le partage selon l'article 815-17 alinéa 1.

Les deux règles posées par l'alinéa premier de l'article 815-17 (paiement des créanciers de l'indivision par prélèvement sur l'actif et possibilité de saisir les biens indivis) et par l'alinéa 2 (interdiction faite au créancier personnel de saisir la part de leur débiteur dans les biens indivis) créent une séparation complète des gages qui exclut tout concours entre créancier de l'indivision et créancier personnel d'un indivisaire.

La loi hiérarchise les deux groupes de créanciers. Le créancier de l'indivision titulaire d'une sûreté doit être payé avant partage sur la masse affectée à son gage. Le créancier personnel d'un indivisaire, quelque fut son droit de poursuite, n'a de droit que sur une autre masse, le lot de son débiteur après partage sur lequel porte son hypothèque, son premier rang ne pouvant lui donner effet sur la masse qui n'est pas son gage.

La question posée est celle, de l'articulation du droit du créancier de l'indivision de saisir le bien indivis avant tout partage et la règle de l'interdiction des poursuites individuelles et de savoir si le droit de poursuite est maintenu ou paralysé par l'effet de la règle de l'interdiction des poursuites individuelles.

Le droit positif considère que les dispositions des articles 154 et 161 de la loi n° 85-88 du 25 janvier 1985 n'étant pas applicables au créancier hypothécaire de l'indivision préexistante à l'ouverture de la procédure collective d'un indivisaire, ce créancier, lorsqu'il entend poursuivre la saisie immobilière de biens indivis en vertu de ce droit, n'est pas tenu de saisir le juge-commissaire (Civ 1ère 24 mai 2018 n°16-26.378).

Ainsi, tant que le partage n'a pas été ordonné, les créanciers de l'indivision eux, peuvent toujours exercer leur droit de poursuite sur l'immeuble, le faire vendre et se payer par prélèvement sur le prix, avant partage, primant ainsi les créanciers personnels de l'indivisaire, et ce, nonobstant l'interdiction des poursuites individuelles : le bien indivis est leur gage exclusif.

Le droit positif fait donc primer le droit de l'indivision sur le droit des procédures collectives pour assurer l'effectivité du droit du créancier de l'indivision de se payer directement sur le bien indivis, avant tout partage. Le bien indivis n'ayant pu être saisi dans sa globalité par la procédure collective, il est resté le gage exclusif des créanciers de l'indivision.

En l'espèce, il résulte des conditions de mise en oeuvre de l'article 815-17 du code civil en cas de procédure collective de l'un des indivisaires que la société Bank B conserve son droit de poursuite et de saisir le bien immobilier des époux [P] si elle établit sa qualité de créancière de l'indivision préexistante à leur procédure collective.

Or, les époux [P] se sont mariés le [Date mariage 3] 1996 sous le régime de la séparation des biens et ont contracté deux prêts par acte notarié du 14 septembre 2012 dont ils sont codébiteurs solidaires à l'égard de la banque poursuivante. Ainsi, l'indivision préexiste au jugement de redressement judiciaire de monsieur [P] du 9 mai 2022 converti en liquidation judiciaire par jugement du 5 juin 2023 et au jugement d'extension de la liquidation judiciaire à madame [P] du 17 juin 2024.

En l'absence de partage des droits indivis des époux [P], la société Bank B, créancière de l'indivision [P] est donc fondée à poursuivre la saisie et la vente forcée de leur bien immobilier indivis et n'est pas soumise aux règles de la procédure collective, notamment à la suspension des poursuites et à l'autorisation du juge-commissaire aux fins de réalisation d'un actif.

La Selarl MJ [Y] ne peut disconvenir du maintien du droit de poursuite du créancier saisissant en tant que créancier d'une indivision préexistante à l'ouverture de la procédure collective puisque son rapport adressé au juge-commissaire ( pièce n°11 [O]) mentionnait que les biens immobiliers du débiteur 'ne représentent pas un actif disponible conformément à la jurisprudence en vigueur'.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que le bien immobilier saisi échappe à la procédure collective.

- Sur les demandes accessoires,

Il n'y a pas lieu de condamner la Selarl MJ [Y] ès qualités et madame [U] épouse [P] au paiement d'une amende civile.

La Selarl MJ [Y] es qualité, monsieur [P] et madame [U] épouse [P], parties perdantes, supporteront les dépens d'appel. Ces derniers incluent les frais de signification des actes de la procédure d'appel sans qu'ils soient nécessaires de le préciser.

L'équité commande de condamner la Selarl MJ [Y] es qualité de liquidateur, monsieur [P] et madame [U] épouse [P] à payer, chacun, à la société Bank B, une indemnité de 1 500€ au titre de ses frais irrépétibles.

La demande de monsieur [O] d'indemnité pour frais irrépétibles n'est pas formée contre Selarl MJ [Y] en qualité de liquidateur; elle est donc irrecevable contre la Selarl MJ [Y] à titre personnel.

En revanche, madame [T] [U] épouse [P] sera condamnée à lui payer une indemnité de 4 000 € au titre de ses frais irrépétibles en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt de défaut, prononcé par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE irrecevables devant la cour les demandes formées par monsieur [W] [P] et madame [T] [P],

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la Selarl MJ [Y] en qualité de liquidateur de [W] [P], monsieur [W] [P] et madame [T] [U] épouse [P] à payer, chacun, à la société Centrale Kredietverlening, désormais dénommée Bank B, venant aux droits de Record Bank, une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE madame [T] [U] épouse [P] à payer à monsieur [A] [O] une indemnité de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉCLARE irrecevable la demande d'indemnité pour frais irrépétibles de monsieur [A] [O] à l'encontre de la Selarl MJ [Y] à titre personnel,

CONDAMNE in solidum la Selarl MJ [Y] en qualité de liquidateur de [W] [P], monsieur [W] [P] et madame [T] [U] épouse [P] aux dépens d'appel avec pour ceux de la société Bank B, droit de recouvrement direct des frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision préalable au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval-Guedj, avocats.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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