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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-1, 26 septembre 2025, n° 22/09420

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/09420

26 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 26 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/185

Rôle N° RG 22/09420 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJVB3

[H] [C] [L]

C/

S.N.C. LIDL

Copie exécutoire délivrée le :

26 SEPTEMBRE 2025

à :

Me Chloé FLEURENTDIDIER de la SELARL CABINET FLEURENTDIDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Caroline GIRAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 01 Juin 2022 enregistré au répertoire général sous le n° F 20/00497.

APPELANT

Monsieur [H] [C] [L], demeurant [Adresse 1] [Adresse 3]

représenté par Me Chloé FLEURENTDIDIER de la SELARL CABINET FLEURENTDIDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.N.C. LIDL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Caroline GIRAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Monsieur Fabrice DURAND, Président de chambre

Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

1. M. [H] [L] a été engagé par la société en nom collectif Lidl par contrat à durée indéterminée à temps complet du 6 juin 2011 en qualité de chef caissier, dans le prolongement de plusieurs contrats à durée déterminée intervenus depuis le 7 février 2011.

2. Le contrat de travail est régi par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et à l'accord d'entreprise Lidl en vigueur relatif à l'organisation et au temps de travail. Au dernier état de la relation de travail, M. [L] percevait un salaire brut mensuel de 1 890,68 euros pour 143,02 heures de travail.

3. La société Lidl a notifié à M. [L] deux avertissements le 12 octobre 2017 et le 13 avril 2018 pour des écarts de caisse, pour la mauvaise manipulation des pochettes d'espèces et pour des consignes données aux collaborateurs et à l'agent de sécurité du magasin inadaptées et contraires aux instructions en vigueur.

4. Par courrier du 21 février 2019 remis à l'intéressé en main propre le jour même à 15 heures, la société Lidl a mis à pied M. [L] à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable fixé le 4 mars 2019.

5. Par courrier du 13 mars 2019, la société Lidl a notifié à M. [L] son licenciement pour cause réelle et sérieuse tenant à divers manquements professionnels et absence injustifiée.

6. Par requête déposée le 16 mars 2020, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir condamner la société Lidl à lui payer 16 000 euros d dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

7. Par jugement du 1er juin 2022, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté M. [L] et la société Lidl de toutes leurs demandes et a condamné M. [L] aux entiers dépens.

8. Par déclaration au greffe du 30 juin 2022, M. [L] a relevé appel de ce jugement.

9. Vu les dernières conclusions de M. [L] déposées au greffe le 29 septembre 2022 aux termes desquelles il demande à la cour :

' d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens et en ce qu'il a débouté les deux parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Lidl de ses demandes ;

Et statuant à nouveau,

' dire et juger que son licenciement par la société Lidl est sans cause réelle et sérieuse ;

' condamner la société Lidl à lui verser la somme de 16 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' condamner la société Lidl à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral causé par l'absence de bonne foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail ;

' condamner la société Lidl à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

10. Vu les dernières conclusions de la société Lidl déposées au greffe le 6 décembre 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

' confirmer le jugement dont appel ;

' juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

' juger qu'elle n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat de travail ;

' débouter M. [L] de ses demandes, fins et conclusions ;

' condamner M. [L] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner M. [L] aux entiers dépens ;

11. Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

12. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 mai 2025.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'exécution du contrat de travail,

13. L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

14. L'article L. 11471-1 alinéa 1er du code du travail dispose que « Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. »

15. L'action indemnitaire exercée par M. [L] porte sur l'exécution du contrat de travail. Elle est donc soumise à une prescription de deux ans courant à compter de chacun des faits qui fondent ses demandes.

16. Dès lors, la société Lidl est fondée à soutenir qu'à la date de dépôt par M. [L] de sa requête prud'homale le 16 mars 2020, étaient prescrites les demandes afférentes :

' à la modification de son lieu de travail à plusieurs reprises depuis 2012 et en dernier lieu le 1er juin 2017 ;

' aux sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à son encontre antérieurement au 16 mars 2018 ;

' à son courrier 10 février 2015 (pièce n°18) de signalement de propos et d'attitudes de dénigrements de la part de M. [S] [M] ;

' au courrier établi par M. [V] le 2 septembre 2017 (pièce n°21) décrivant des conversations de salariés Lidl se moquant d'une vidéo réalisée durant un briefing.

17. Les autres faits évoqués par M. [L] ne sont pas prescrits et doivent donc être examinés dans leur matérialité et appréciés quant à leur caractère fautif de la part de l'employeur.

18. M. [L] n'apporte pas la preuve d'une sollicitation abusive par la société Lidl pour qu'il remplace d'autres salariés de l'entreprise et notamment le responsable de magasin. En effet, la date, la durée et le contexte des remplacements évoqués ne sont pas précisés par le salarié au soutien de ses allégations.

19. M. [L] ne sollicite pas l'annulation de l'avertissement notifié le 13 avril 2018 qui est la seule sanction disciplinaire pour laquelle la prescription n'est pas acquise. Cet avertissement sanctionnant un écart de caisse de + 78,80 euros le 1er mars 2018 et un écart de sept rouleaux de pièces de deux euros versés au coffre le 15 février 2018, faits dont la matérialité n'est pas contestée par le salarié, ne traduit aucun exercice fautif de son pouvoir disciplinaire par l'employeur.

20. Concernant l'accusation de vol qu'il a portée le 13 février 2019 contre ses collègues Mmes [O] et [A], M. [L] ne peut pas reprocher à la société Lidl d'avoir été prudente à l'égard de ses deux salariées accusées par leur responsable en l'absence de preuves irréfutables de ce vol.

21. S'agissant des menaces de mort par un « collègue de travail », « menaces tenues devant la directrice du magasin Mme [T] », M. [L] ne précise ni l'auteur, ni la date, ni le lieu des faits allégués, de sorte la cour n'est pas en mesure d'apprécier si la réponse de l'employeur est conforme à son obligation de sécurité au moment et après la survenue des faits évoqués par le salarié.

22. Les trois attestations Pôle Emploi litigieuses comportaient des erreurs matérielles de dates ne résultant d'aucune intention malfaisante de la part de l'employeur. Par ailleurs, le courrier du 8 juillet 2019 de M. [L] à Pôle Emploi (pièce n°6) n'établit pas que ces erreurs lui auraient causé un préjudice moral ou matériel.

23. Enfin, le licenciement de M. [L] ne présente aucun caractère vexatoire. En effet, l'emploi de l'expression « Le fait de demander aux équipiers polyvalents le remboursement de votre écart de caisse s'apparente à une extorsion de fonds » n'est aucunement diffamatoire contre M. [L]. L'employeur a ainsi notifié à M. [L] la gravité potentielle de ses agissements, faisant preuve de sa vigilance particulière à l'égard de toute pression ou exigence illégitime de la part d'un responsable hiérarchique à l'égard de ses subordonnés.

24. Il résulte des développements précédents que les manquements allégués par M. [L] contre la société Lidl sont pour certains prescrits et pour les autres non établis.

25. En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de 5 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral de M. [L] contre la société Lidl.

Sur la rupture du contrat de travail,

26. Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

27. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

28. En l'espèce, la lettre de licenciement de M. [L] du 13 mars 2019 précise les motifs de ce licenciement et fixe les limites du litige, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-2 alinéa 2 du code du travail, dans les termes suivants :

« (')

Nous vous rappelons les faits reprochés.

Tenue commerciale et fraîcheur

Vous étiez le responsable fraîcheur les 28 et 29 janvier 2019 sur votre magasin. Votre mission en tant que responsable fraîcheur consiste, entre autre, en la réalisation du « contrôle date » du rayon viande/volaille. Hors, un contrôle a été effectué le 30 janvier 2019 au matin, et il s'est avéré que 6 uvc fines escalopes de poulet ont été retrouvées en date limite de consommation au 30/01. Il convient de préciser que ces UVC auraient dû être en rabais le 28 janvier 2019 au soir, et retirées de la vente le 29 janvier 2019 après fermeture du magasin.

Vous expliquez qu'il est possible selon vous que du reliquat ait été mis en rayon après votre contrôle date.

Toutefois nous vous rappelons que vous étiez en poste jusqu'à 21h. Le responsable fraîcheur est également responsable de la marchandise en réserve et est en charge de traiter ce reliquat, il lui incombe donc de veiller à la bonne rotation des marchandises.

Absence injustifiée

Le 18/01, vous avez quitté votre lieu de travail, de 17h32 à 20h00, en indiquant à la directrice de magasin « ne pas bien vous sentir ». Depuis nous n'avons réceptionné aucun justificatif de votre part. Vous n'ignorez pas que toute absence doit faire l'objet d'une justification auprès de votre employeur. Nous vous rappelons que l'article 3 Absences du Titre II Dispositions relatives à la discipline prévoit : « Pour éviter de perturber l'organisation du travail du service ou de l'établissement, tout salarié empêché doit, le plus tôt possible, au plus tard dans les 24 heures, sauf en cas de force majeure, prévenir ou faire prévenir son responsable hiérarchique en précisant la cause de son absence et, en cas de maladie ou d'accident du trajet, lui faire parvenir un certificat médical ou un avis d'arrêt de travail dans les trois jours, sauf en cas de force majeure. En cas de prolongation de l'arrêt de travail, dès qu'il en a connaissance, le salarié en avise don responsable hiérarchique dans les délais définis ci-dessus ».

Vous avez reconnu que vous n'aviez pas justifié votre absence.

Argent et écarts de caisse

Le 05 janvier 2019 à 18h15 vous avez effectué des achats sur votre temps de travail d'un montant de 39,80 €. Vous avez acheté plusieurs articles non food en solde alors que la vente aux clients sur ces produits commençait uniquement le mercredi 09 janvier 2019. Vous avez ainsi à nouveau manqué à l'annexe de votre contrat de travail qui précise aux articles 7 et 8 :

- Les achats personnels ne sont pas autorisés pendant les heures de travail. Ils sont autorisés avant la prise de poste ou après la fin de poste ou pendant la coupure, et ce pendant les heures d'ouverture du magasin : le ticket correspondant a l'achat doit être signé par le/la RM ou son/sa remplaçant(e) en cas d'absence du/de la RM. Les achats personnels doivent être payés immédiatement.

- Il est interdit de stocker des marchandises pour soi dans l'enceinte du magasin sans les avoir précédemment payées. Pour les produits Non Food, Fleurs, Plantes, etc., les achats par le personnel ne sont possibles qu'à partir du moment où ces produits sont mis en vente pour le client ; pas de réservation ».

Par ailleurs, nous avons constaté sur vos rapports de comptage les écarts de caisses suivants :

- Le 02 janvier 2019 + 7,84 € ;

- Le 11 février 2019 ' 52,60 € ;

- Le 13 février 2019 ' 69,42 €.

En plus d'avoir réalisé des écarts de caisse conséquents, vous avez admis avoir laissé le 11 février 2019, Monsieur [D] [Z] et le 13 février 2019 Madame [F] [O] et Madame [B] [A] taper sur votre caisson.

En effet, le 13 février 2019, suite à cela, nous avons eu à déplorer un écart de caisse de ' 69,42. Ce faisant, là encore vous avez gravement manqué à l'article 3 de l'annexe de votre contrat de travail qui précise que : « Chaque personne est responsable de son fonds de caisse et de sa clé. Aucun fond de caisse ne peut être destiné à l'utilisation simultanée par plusieurs personnes ».

Le 14 février 2019, vous avez accusé Madame [O] et Madame [A] d'être à l'origine de l'écart de caisse de ' 69,42 €. Vous leur auriez alors demandé le remboursement de l'écart de caisse. Nous ne saurions tolérer une telle attitude.

Le 25 janvier 2019, vous étiez responsable du coffre. Aux alentours de 20h15, Madame [F] [O], équipière polyvalente, positionnée en caisse 1 demande une annulation mais vous étiez dans la salle de coffre. Ne vous voyant pas arriver, une équipière polyvalente, est allée en salle de coffre pour vous chercher. C'est alors que vous lui aviez confié votre badge puis elle est revenue en caisse et l'a donné à Mme [O]. Cette dernière a alors procédé elle-même à l'annulation avec votre badge et votre code encadrant. Ce faisant vous avez gravement manqué à la procédure argent qui indique : « la clé superviseur n'est jamais détenue par un/une équipier(ère) polyvalent mais par un agent de maîtrise ou un/une CC ».

Par ailleurs, l'annexe de votre contrat de travail en son point 3 précise « chaque personne est responsable (') de sa clé ».

Démarque inconnue

Le 02 janvier 2019, vous avez réalisé « deux contrôle qualité encaissement » (CQE) pour lesquels vous avez indiqué que « rient n'est à signaler ». Toutefois le contrôle de l'exhaustivité du document démontre que la partie « qualité encaissement » n'est que partiellement remplie et ne répond absolument pas à nos exigences en matière de contrôle. En effet, une simple accolade est dessinée avec le terme « bon » alors que nous demandons une analyse sur plusieurs clients et item après item.

Vous avez ainsi sciemment ignoré les règles afférentes aux CQE bien que nous attendions de chacun de nos collaborateurs une vigilance sans faille sur les contrôles concernant la démarque inconnue.

Tous ces points sont significatifs de votre négligence concernant les procédure en vigueur dans l'entreprise. En votre qualité de chef caissier, vous devez respecter en tous points les process et contrôles en vigueur. Vous avez également par votre comportement valeur d'exemple.

Le fait de demander aux équipiers polyvalents le remboursement de votre écart de caisse s'apparente à une extorsion de fonds.

Nous vous rappelons que vous avez déjà été sanctionné pour des faits similaires par un avertissement notifié le 13 avril 2018 et par 4 jours de mise à pied le 1er octobre 2017. (') »

Sur le grief tenant à la tenue commerciale et à la fraîcheur,

29. La présence d'escalopes de poulet périmées le 30 janvier 2019 dans le rayon supervisé par M. [L] est établie par la société Lidl (pièces n°13 et 14). La matérialité de ce fait n'est pas contestée par l'intéressé.

30. Les explications données par M. [L] à la présence dans son rayon de ces escalopes périmées n'emportent pas la conviction de la cour dès lors que :

' aucun autre salarié n'a pu déposer ces produits en son absence, M. [L] étant en poste la veille 29 janvier 2019 jusqu'à 21 heures ;

' M. [L] aurait dû prélever ces articles de son rayon dès le 28 janvier 2019 pour les mettre en vente à prix réduit en temps utile ;

' M. [L] n'apporte aucune preuve de ses allégations selon lesquelles « il avait, à plusieurs reprises, informé sa direction que des périmés et des oublis se trouvaient régulièrement en rayon ».

31. La cour partage donc l'analyse du premier juge ayant retenu ce premier grief.

Sur le grief d'absence injustifiée,

32. Il est matériellement établi que M. [L] n'a pas justifié médicalement de son absence pour une « forte migraine » survenue le 18 janvier 2019 de 17h32 à 20h00 et dont il a informé son responsable avant de quitter les lieux.

33. L'absence de déduction de cette absence sur le bulletin de salaire de janvier 2019 tend à établir que la société Lidl a été informée du départ de M. [L] et qu'elle a autorisé ce dernier à récupérer ces heures d'absence sans retenir le salaire correspondant aux heures non effectuées. Contrairement à la position soutenue par la société Lidl, la cour observe que le bulletin de février 2019 (pièce n°16) ne fait pas clairement apparaître la retenue de 2,47 heures mentionnée sur le relevé horaire (pièce n°15).

34. En conséquence, le premier juge était fondé à exclure ce second grief.

Sur les achats non conformes, la manipulation de l'argent et les écarts de caisse,

35. Il est établi que M. [L] a effectué des achats le 5 janvier 2019 à 18h15 pendant son temps de travail et qu'il a acheté par anticipation des articles en solde alors que l'opération de promotion ne débutait que le 9 janvier 2019 (pièce Lidl n°17).

36. De tels achats traduisent une violation des articles 7 et 8 de l'annexe à son contrat de travail. M. [L] soutient avoir été interpellé le jour même par son responsable M. [E] au sujet de cet achat irrégulier. Toutefois, la simple évocation de l'incident au cours d'une discussion avec son responsable ne constitue pas une sanction disciplinaire interdisant à l'employeur de retenir ce grief dans sa lettre de licenciement du 13 mars 2019.

37. Les écarts de caisse constatés les 2 janvier, 11 février et 13 février 2019 constituent des négligences professionnelles répétées tenant au non-respect par M. [L] du principe de l'usage personnel de son caisson.

38. Seul l'échange de caisson du 11 février 2019 n'est pas retenu comme fautif dans la mesure où il s'est produit entre M. [L] et son supérieur hiérarchique M. [Y] (pièce M. [L] n°11).

39. Les faits du 13 février 2019 sont parfaitement établis par les attestations circonstanciées rédigées par Mme [O], par Mme [A] et par M. [K] (pièces Lidl n°20, 21 et 22).

40. L'attestation de Mme [O] est particulièrement explicite sur l'exigence de paiement présentée par son supérieur hiérarchique en ces termes :

« Mercredi 13 février 2019 j'avais pour poste d'être en caisse et MR [P] m'a demandé de roulé sur sa caisse je lui et dit non j'ai un caisson mais il m'a dit prend le mien le lendemain il est venu me voir pour me dire qu'il luit manque 70€ j'était mal par la suite il m'a dit que je lui devait 35€ chaque une moi et marine et que il allait me le faire payée quand il me cloturera ma caisse' ».

41. Le témoignage précité de Mme [O] est exactement confirmé par l'attestation de sa collègue Mme [A], également présente le jour des faits (pièce Lidl n°21).

42. L'explication donnée par M. [L] évoquant une « plaisanterie » est fermement contredite par le témoignage de Mme [O]. L'attestation de Mme [R] produite par M. [L] (pièce n°10) n'est pas circonstanciée et n'est pas de nature à remettre en cause la déclaration précise de Mme [O].

43. Enfin, les explications recueillies le 20 février 2019 par le responsable régional de la société Lidl (pièce Lidl n°22) confirment l'authenticité des déclarations de Mmes [O] et [A] quant au comportement de M. [L] le 13 février 2019.

44. La société Lidl est donc fondée à reprocher à M. [L] d'avoir exercé le 13 février 2019 des pressions sur deux salariées qu'il soupçonnait de vol en raison d'un écart de caisse de ' 69,42 euros, l'exigence d'un tel paiement étant contraire aux procédures en vigueur interdisant à un chef caissier d'exercer une telle voie de fait sur ses subordonnées.

45. Enfin, le prêt de son badge et de son code d'encadrant le 25 janvier 2019 à des salariés subordonnés n'est pas conforme aux procédures internes et traduit une légèreté blâmable de la part de M. [L] quant aux dysfonctionnements qu'un tel comportement peut entraîner au sein de l'entreprise.

46. Les attestations de moralité établies par Mmes [W] [X], [N] et [U] produites par M. [L] (pièces n°12, 13 et 14) sont rédigées en des termes généraux et stéréotypés. Ces attestations sont en outre dépourvues de lien direct avec les faits précisément reprochés à M. [L] par la société Lidl.

47. La cour partage l'analyse du premier juge sur le bien-fondé de ce troisième grief, à l'exception de l'échange de caisson du 11 février 2019.

Sur la démarque inconnue,

48. La cour observe que M. [L] a rempli avec négligence les grilles d'évaluation du « contrôle qualité encaissement par observation ». Ce manquement est d'une faible gravité mais s'ajoute aux autres fautes commises pour révéler une forme de désinvolture de la part de M. [L] dans l'exécution de sa mission d'encadrement du personnel du magasin.

Sur la qualification des griefs fondant le licenciement,

49. Les trois griefs retenus contre M. [L] révèlent des manquements dont le nombre, la diversité et la gravité traduisent un réel désinvestissement de ce dernier au sein de l'entreprise, et notamment un désengagement de sa part au regard de ses responsabilités spécifiques d'encadrant en qualité de chef caissier.

50. En application de l'article L. 1332-4 du code du travail, après un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, un fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuite pénale. En revanche, ce fait peut être retenu avec d'autres à l'appui d'une sanction disciplinaire dans la limite imposée par l'article L. 1332-5 du code du travail selon lequel aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.

51. La cour observe que M. [L] a déjà été sanctionné :

' par un avertissement le 12 octobre 2017 pour des faits similaires tenant à des écarts de caisse le 30 août 2017 et le 2 septembre 2017, des erreurs de ' 110 euros et de ' 4110 euros lors de versements d'espèces le 15 juillet 2017 et le 12 septembre 2017 et un écart de comptage de ' 200 euros sur pochette de versement le 16 septembre 2017 ;

' par un avertissement le 13 avril 2018 pour des faits similaires tenant à des écarts de caisse et de coffre le 15 février 2018 et le 1er mars 2018.

52. Il résulte des développements précédents que la gravité des fautes commises par M. [L], en état de récidive disciplinaire, rendait impossible le maintien dans son emploi de chef caissier.

53. En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ses dispositions ayant retenu que le licenciement de M. [L] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'ayant débouté de sa demande de 16 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Sur les demandes accessoires,

54. Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

55. M. [L] succombe intégralement en appel et doit donc en supporter les entiers dépens.

56. L'équité commande en outre de condamner M. [L] à payer à la société Lidl une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [L] à supporter les entiers dépens d'appel ;

Condamne M. [H] [L] à payer à la société Lidl somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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