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Décisions

CA Rennes, ch. etrangers/hsc, 25 septembre 2025, n° 25/00705

RENNES

Ordonnance

Autre

CA Rennes n° 25/00705

25 septembre 2025

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 437/2025 - N° RG 25/00705 - N° Portalis DBVL-V-B7J-WEGI

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Sébastien PLANTADE, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel formé par courriel de la Cimade reçu le 25 Septembre 2025 à 10 heures 13 pour :

M. [V] [Z] [N] se déclarant sur son acte d'appel né le 22 Novembre 1993 au CAMEROUN (à [Localité 1]), de nationalité Camerounaise

ayant pour avocat Me Samuel MOULIN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 24 Septembre 2025 à 15 heures 10 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [V] [Z] [N] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de quinze jours à compter du 22 septembre 2025 à 24 heures ;

En l'absence de représentant de la PREFECTURE DU FINISTERE, dûment convoquée, qui a fait parvenir ses observations par courriel reçu le 25 septembre 2025 régulièrement communiqué aux parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur Yves DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 25 septembre 2025 lequel a été mis à disposition des parties.

En l'absence de Monsieur [V] [Z] [N] (refus de comparaître), représenté par Me Samuel MOULIN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 25 Septembre 2025 à 14 H 30 l'avocat de l'appelant en ses observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Monsieur [V] [Z] [N] a fait l'objet d'un arrêté du Préfet de la Marne en date du 05 juin 2024, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, notifié le 05 juin 2024.

Le 25 juillet 2025, Monsieur [V] [Z] [N] s'est vu notifier par le Préfet du Finistère une décision de placement en rétention administrative, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de quatre jours.

Par requête motivée en date du 28 juillet 2025, reçue le 28 juillet 2025 à 16h 22 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet du Finistère a saisi le magistrat du tribunal judiciaire de Rennes d'une nouvelle demande de prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention administrative de Monsieur [V] [Z] [N].

Par ordonnance rendue le 30 juillet 2025, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes a rejeté le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [V] [Z] [N] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours, à compter du 28 juillet 2025. Cette décision a été confirmée par la Cour d'Appel de Rennes le 01er août 2025.

Par requête motivée en date du 22 août 2025, reçue le 23 août 2025 à 12h 08 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet du Finistère a saisi le magistrat du tribunal judiciaire de Rennes d'une nouvelle demande de prolongation pour une durée de 30 jours de la rétention administrative de Monsieur [V] [Z] [N].

Par ordonnance rendue le 24 août 2025, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [V] [Z] [N] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 30 jours. Cette décision a été confirmée par la Cour d'Appel de Rennes le 26 août 2025.

Par requête motivée en date du 22 septembre 2025, reçue le 22 septembre 2025 à 18 h 47 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du Préfet du Finistère a saisi le tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 15 jours de la rétention administrative de Monsieur [V] [Z] [N].

Par ordonnance rendue le 24 septembre 2025, le magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [V] [Z] [N] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 15 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour d'Appel de Rennes le 25 septembre 2025 à 10h 13, Monsieur [V] [Z] [N] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, que les conditions pour obtenir une troisième prolongation de rétention ne sont pas remplies, alors que les autorités consulaires n'ont pas répondu aux sollicitations de l'administration malgré plusieurs relances, hypothéquant toute délivrance à bref délai des documents de voyage, et que le critère de la menace à l'ordre public ne peut être caractérisé sans tenir compte de l'effectivité des perspectives d'éloignement à bref délai, d'autant plus que l'intéressé n'a pas été condamné pour des faits de violence et a juste été incarcéré en 2022 en exécution d'une peine prononcée pour des faits de vol, commis dans un contexte de précarité.

Le procureur général, suivant avis écrit du 25 septembre 2025, sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Suite à son refus d'être acheminé à la Cour d'Appel, Monsieur [V] [Z] [N] n'a pas comparu à l'audience devant la Cour.

Demandant l'infirmation de la décision entreprise, son conseil s'en rapporte aux arguments développés dans la déclaration d'appel, soulignant que pouvait se poser un problème d'interprétation de la volonté de l'intéressé de faire obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement, qu'un entretien aurait pu permettre de dissiper.

Non comparant à l'audience, le représentant de la Préfecture du Finistère demande aux termes d'observations écrites reçues le 25 septembre 2025 à 14h 05, la confirmation de la décision entreprise, soulignant qu'en fournissant des renseignements inexacts sur son identité à l'autorité consulaire, l'intéressé a fait obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement, alors que par ailleurs, le critère de la menace à l'ordre public est repris et a déjà été retenu et développé précédemment.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré du non-respect des conditions pour demander une troisième prolongation de la rétention administrative

Selon les dispositions de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues de la Loi du 26 janvier 2024, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

En outre, l'article L.741-3 du CESEDA impose à la préfecture de justifier de ses diligences en vue de la mise à exécution de la mesure d'éloignement, cet article prévoyant qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ. Par plusieurs arrêts en date du 9 juin 2010, la Cour de Cassation a imposé que l'administration justifie de l'accomplissement des diligences dès le placement en rétention et en toute hypothèse dès le premier jour ouvrable suivant cette mesure.

En l'espèce, alors que Monsieur [V] [Z] [N] a été placé en rétention administrative le 25 juillet 2025 à 17h 25, à l'issue de sa garde à vue, le Préfet du Finistère justifie avoir, dès le lendemain, 26 juillet 2025, saisi directement les autorités consulaires camerounaises aux fins de délivrance d'un laissez-passer, et concomitamment le service de l'UCI, joignant des pièces justificatives, comprenant la copie d'un acte de naissance de l'intéressé. Le 29 juillet 2025, le Préfet a été avisé de la fixation d'une audition consulaire le 04 septembre 2025. Le compte-rendu de l'audition consulaire a conclu à une absence de reconnaissance, aux motifs que l'intéressé avait prétendu être de nationalité soudanaise et que l'acte de naissance ne lui appartenait pas, ajoutant que la bonne foi de Monsieur [V] [Z] [N] pouvait être mise en doute. Fort de ces nouveaux éléments, le Préfet a saisi le même jour les autorités soudanaises aux fins d'identification. Les autorités soudanaises ont répondu le lendemain en accordant une audition consulaire le 17 septembre 2025. A l'issue de la présentation, le représentant du consulat soudanais a écarté la nationalité soudanaise de l'intéressé, précisant que ce dernier avait déclaré que sa mère était camerounaise. Les services de la police aux frontières ont spécifié le même jour que Monsieur [V] [Z] [N] s'était montré très agressif au cours de l'audition consulaire. Dans les suites de cette nouvelle audition, les services du Préfet ont demandé une poursuite de l'étude du dossier de l'intéressé auprès des autorités camerounaises et attendent désormais la réponse des autorités saisies.

Il s'ensuit, à l'aune de la lecture des dispositions précitées qu'eu égard aux éléments de la procédure, le deuxième cas prévu par ce texte n'est pas rempli en l'espèce puisqu'il n'apparaît pas que Monsieur [V] [Z] [N] ait, dans les quinze derniers jours, déposé une demande de protection contre l'éloignement ou une demande d'asile.

Le troisième cas permettant une troisième prolongation de la rétention administrative impose que l'administration, n'ayant pu obtenir la délivrance d'un document de voyage par le consulat, justifie que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Or, il ressort des éléments de la procédure que les autorités consulaires camerounaises, saisies une seconde fois, n'ont pas encore communiqué leurs conclusions et qu'aucune pièce de la procédure ne vient établir, en l'état, une délivrance à bref délai des documents de voyage de la part du consulat dont relèverait le susnommé.

Or, force est de constater que les conditions posées par l'article L.742-5 1° sont bien remplies eu égard à l'obstruction manifeste opposée par Monsieur [V] [Z] [N] dans les quinze derniers jours, lors de l'audition consulaire du 17 septembre 2025 au cours de laquelle, à rebours de ses précédentes déclarations devant les autorités consulaires camerounaises le 04 septembre 2025, il a fait part de la nationalité camerounaise de sa mère et adopté un comportement agressif, contraignant le Préfet à saisir à nouveau les autorités camerounaises, selon des man'uvres visant clairement à retarder son identification.

En outre, la Loi du 26 janvier 2024 prévoit désormais au titre des dispositions précitées que le juge puisse également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir pour l'avenir les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national. Le juge apprécie in concreto la caractérisation de la menace pour l'ordre public au regard d'un faisceau d'indices permettant ou non d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé et le cas échéant sa volonté d'amendement, sans qu'une temporalité ne puisse être opposée à l'appréciation de ce critère eu égard à l'agencement syntaxique de la disposition textuelle et aux décisions rendues récemment par la Cour de Cassation (9 avril 2025 ' 1ère chambre civile ' pourvois numéros 24-50.023 et 24-50.024).

Or, dans sa nouvelle requête du 22 septembre 2025, motivée en fait et en droit, le Préfet du Finistère mentionne expressément que Monsieur [V] [Z] [N], qui a été placé en garde à vue pour des faits de violence par conjoint ou concubin, est défavorablement connu en Allemagne selon la fiche SIRENE jointe, ayant fait l'objet d'une détention provisoire à [Localité 3] du 24 novembre 2022 au 21 juin 2023 pour des faits de tentative d'extorsion de type vol aggravé, et ayant déjà été condamné par les autorités judiciaires allemandes, pour des faits de vol, menace et extorsion, et que le comportement de l'intéressé constitue une menace actuelle, réelle et suffisamment grave pour l'ordre public.

Ce critère, développé par le Préfet dans sa requête, de menace représentée par le comportement délictueux de Monsieur [V] [Z] [N] pour l'ordre public, réelle et actuelle, peut justifier en l'espèce une nouvelle prolongation de la rétention administrative au sens des dispositions de l'article L742-5 précité, l'actualité de cette menace étant suffisamment établie en particulier par la nature des faits majorant le risque de nouveau passage à l'acte. Il est rappelé que ce critère a déjà été expressément retenu par le Préfet pour motiver en partie la décision de placement en rétention administrative du 25 juillet 2025 ainsi que dans les décisions judiciaires du 30 juillet 2025 et 01er août 2025.

Par conséquent, deux des critères fixés à l'article susvisé pour permettre une troisième prolongation de la rétention étant bien satisfaits, le moyen sera écarté.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [V] [Z] [N] à compter du 22 septembre 2025, pour une période d'un délai maximum de 15 jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 24 septembre 2025,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à [Localité 2], le 25 Septembre 2025 à 16 heures 30.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [V] [Z] [N], à son avocat et au préfet,

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier,

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