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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 25 septembre 2025, n° 22/03976

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/03976

25 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 25 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 22/03976 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJCD5

[U] [R]

C/

Etablissement CAISSE D'EPARGNE

Copie exécutoire délivrée

le : 25/09/25

à :

Me Jean-Michel ROCHAS

Me Karine DABOT RAMBOURG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Mars 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/000164.

APPELANT

Maître [U] [R], agissant en qualité de Mandataire à la liquidation judiciaire de la SAS NOUVELLE JCG ENVIRONNEMENT, désigné à ses fonctions par jugement du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 6 octobre 2020.

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Jean-Michel ROCHAS de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A. CAISSE D'EPARGNE CEPAC, poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée et assistée de Me Karine DABOT RAMBOURG de la SELARL SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Leslie NERGUTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre

Mme Magali VINCENT, Conseillère, magistrat rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement en date du 25 juin 2020, le Tribunal de commerce d'Aix en Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS Nouvelle JCG environnement et commis Maître [U] [R] aux fonctions de mandataire judiciaire.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 1er juillet 2020, la Caisse d'épargne a déclaré une créance de 286 222,60 euros trouvant son origine :

1. Sur une créance de prêt d'un montant de 300 000 euros, consenti par acte sous seing privé du 26 février 2018, dont le solde s'élevait à 187 848,64 euros au jour du redressement judiciaire ;

2. Sur une créance de compte courant d'un montant débiteur de 98 373,96 euros.

Par jugement en date du 6 octobre 2020, le Tribunal de commerce d'Aix en Provence a converti, sur requête de l'Administrateur judiciaire, le redressement en liquidation judiciaire. Me [R] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 octobre 2020, Maître [R] a demandé à la Caisse d'épargne de clôturer le compte bancaire de l'entreprise et de lui adresser le solde créditeur du compte bancaire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 octobre 2020, Maître [R] a réitéré sa demande.

Par courrier recommandé en date du 6 novembre 2020, la Caisse d'épargne a adressé au liquidateur une déclaration de créance actualisée « au regard d'une compensation de créance du solde créditeur dudit compte au jour d'ouverture de la procédure de liquidation » d'un montant total de 238 932,33 euros, ventilé comme suit :

- A titre privilégié : 179 581,05 euros à échoir outre intérêts de retard jusqu'à parfait paiement au titre du prêt ;

- A titre chirographaire : 59 351,28 euros au titre du solde débiteur du compte courant.

Par exploit d'huissier en date du 30 décembre 2020, Maître [U] [R], ès-qualités et la société Nouvelle JCG environnement ont assigné la Caisse d'épargne par devant le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins de la voir notamment condamner à verser entre les mains de Maître [U] [R], ès qualité, la somme de 39 022,19 euros correspondant au solde créditeur du compte courant n°08008942618 ouvert dans les livres de cet établissement bancaire par la SAS Nouvelle JCG environnement et ce, avec intérêts aux taux légal à compter du 7 octobre 2020 date de la mise en demeure.

Le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a, dans un jugement du 7 mars 2022 :

- dit que la caisse d'épargne CEPAC est parfaitement fondée à prétendre à la compensation entre la créance du compte bancaire qu'elle a déclaré avant l'ouverture du redressement judiciaire et le solde débiteur du compte courant au jour de la liquidation judiciaire de la Nouvelle JCG environnement,

- Déboute Maître [U] [R], ès-qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la Nouvelle JCG environnement de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne Maître [U] [R], ès-qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la Nouvelle JCG environnement, au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Par déclaration en date du 17 mars 2022, Me [R] a interjeté appel du jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2025 et a été mise en délibéré au 25 septembre 2025.

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS

Par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 7 juin 2022, Me [R] liquidateur de la SAS Nouvelle JCG environnement demande à la cour de :

Vu l'article L. 622-7 du Code de commerce,

Vu la doctrine, la jurisprudence citée et les explications qui précèdent,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d' Aix-en-Provence le 7 mars 2022 en ce qu'il a dit que la Caisse d'épargne CEPAC est parfaitement fondée à prétendre à la compensation entre la créance du compte bancaire qu'elle a déclaré avant l'ouverture du redressement judiciaire et le solde débiteur du compte courant au jour de la liquidation judiciaire de la société Nouvelle JCG environnement et en ce qu'il a débouté Maître [U] [R], ès qualité de l'ensemble de ses demandes ;

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d' Aix-en-Provence le 7 mars 2022 en ce qu'il a condamné Maître [U] [R], ès qualité, au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

dire que la Caisse d'épargne n'établit pas la preuve de sa créance.

dire que la Caisse d'épargne n'est pas fondée à prétendre à la compensation qu'elle invoque entre la créance de compte bancaire qu'elle a déclaré avant l'ouverture du redressement judiciaire et le solde créditeur du compte bancaire « RJ » au jour de la liquidation judiciaire ; et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

Condamner la Caisse d'épargne à verser entre les mains de Maître [U] [R], ès qualité la somme de 39 022,19 euros correspondant au solde créditeur du compte courant n°08008942618 ouvert dans les livres de cet établissement bancaire par la SAS Nouvelle JCG environnement et ce, avec intérêts aux taux légal à compter du 7 octobre 2020 date de la mise en demeure ;

Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil devenu 1343-2 ;

Condamner la Caisse d'épargne à payer à Maître [U] [R], ès qualité, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement compte tenu de la nature du litige et de la procédure collective dont fait l'objet la SAS Nouvelle JCG environnement ;

Condamner la Caisse d'épargne aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions d'intimé n°1 signifiées par RPVA le 24 mai 2022, la Caisse d'épargne demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence le 07 mars 2022 dans l'ensemble de ses dispositions ;

En conséquence,

Debouter Maître [U] [R] ès-qualités de mandataire-liquidateur de la société Nouvelle JCG environnement et la société Nouvelle JCG environnement de l'ensemble de leurs demandes, moyens et conclusions.

Condamner Maître [U] [R] en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Nouvelle JCG environnement au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compensation

Me [R] es qualités soutient qu'en vertu de l'article L622-7 du code de commerce, seul le paiement par compensation de créances connexes n'est possible en cas d'ouverture de la procédure. Or, il conteste le caractère connexe des créances pour l'une issue du contrat de prêt et l'autre d'un compte courant, et donc qui ne découlent pas d'un ensemble contractuel unique, mais de deux contrats distincts.

Par ailleurs, il relève que la clause de connexité prévue dans le contrat de prêt ne prévoit qu'une compensation pour les créances issues du prêt bancaire.

Par ailleurs, il conteste les conditions générales d'ouverture de compte qui ont été produites par la Caisse d'épargne et qui prévoient une clause de connexité dans la mesure où elles comportent des références inconnues et qui ne comportent aucune signature ou paraphe. Elles lui sont donc inopposables.

En conséquence, selon le liquidateur en vertu du principe de l'interdiction des paiements des créances antérieures, le banquier ne peut conserver les sommes dues au titre du solde créditeur du compte courant qui contient des sommes reçues après le jugement d'ouverture et qui proviennent d'un compte « RJ » distinct du compte initial.

En réplique, la Caisse d'épargne soutient que la compensation pour connexité des créances est parfaitement justifiée, car elle sollicite la compensation de deux créances résultant du solde débiteur et créditeur du compte courant, qui résulte donc bien du même contrat à savoir la convention d'ouverture du compte.

Par ailleurs, les créances ont fait toutes les deux objet d'une déclaration régulière, dans le délai.

En application de l'article L622-7 I.du code de commerce, « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. »

Ainsi, il a été jugé que la compensation s'opère de plein droit, même en l'absence de lien de connexité, entre les dettes réciproques des parties, dès lors qu'elles sont certaines liquides et exigibles, avant le prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective de l'une ou l'autre des parties, peu important le moment où elle est invoquée (Com. 27 sept. 2011, n° 10-24.793)

A l'inverse, la compensation dont les conditions sont réunies après le jugement d'ouverture est interdite, sauf s'il s'agit de créances connexes.

La connexité suppose que les deux créances aient le même fondement et qu'elles soient réciproques et certaines.

Toutefois, il résulte de la combinaison des articles L622-7, L622-24 et L622-26 du code de commerce que la compensation de dettes connexes ne peut être prononcée que si le créancier a déclaré sa propre créance.

En l'espèce, il apparaît que la banque sollicite la compensation de créances résultant toutes deux du compte courant de la société JCG Environnement et non du prêt comme le soulève à tort le liquidateur et comme cela ressort très clairement de la déclaration de créance effectuée le 6 novembre 2020 au moment de la liquidation. La différence entre le montant déclaré par la banque au titre de la créance résultant du prêt entre la première déclaration et celle réalisée au moment de la liquidation est sans rapport avec la dette résultant du compte courant et est bien distincte.

Or, il ressort du relevé de compte courant n°[XXXXXXXXXX03] qu'au jour du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société JCG, il présentait un solde débiteur de 98 373,96 euros, somme régulièrement déclarée au passif de la procédure collective par la banque.

À l'ouverture de la procédure collective, la banque a transféré la créance sur un compte dit de « redressement judiciaire », s'agissant d'une opération d'écriture interne. Toutefois, le compte courant initial a continué à fonctionner et a fait l'objet de prélèvements ou paiements, les références du compte restant les mêmes. Or, il résulte qu'au jour de la liquidation judiciaire, ce compte présentait un solde créditeur de 39 022,19 euros, la banque produisant (pièce 6) l'intégralité des mouvements depuis le 15 juin 2020.

Il ne peut donc être contesté que ces créances ont bien le même fondement juridique puisque relevant du même contrat d'ouverture de compte bancaire, que la créance de la banque est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective quand celle de l'entreprise est postérieure et qu'elles présentent donc bien un caractère de connexité, sans qu'il y ait lieu d'étudier l'existence d'une éventuelle clause de connexité contractuelle.

En conséquence, la CEPAC est fondée à solliciter la compensation entre sa créance du compte bancaire déclarée à l'ouverture de la procédure collective et le solde créditeur du compte courant au jour de la liquidation judiciaire. Le jugement sera donc confirmé.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être confirmées.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de Me [R], es qualités.

Me [R], es qualités sera condamné à payer à la CEPAC la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 7 mars 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Me [R] es qualités de liquidateur de la SAS Nouvelle JCG environnement à payer à la Caisse d'épargne la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Me [R] liquidateur de la SAS Nouvelle JCG environnement aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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