CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 26 septembre 2025, n° 24/06610
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Etude Balincourt (SELARL), AJRS (SELARL)
Défendeur :
Approgel (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Salord, M. Buffet
Avocats :
Me Havet, Me Persenot-Louis, SCP P. Bazin ' E. Persenot-Louis ' C. Signoret, Me Ribaut, SCP GRV Associes, Me Fosseprez, AARPI Systhemis Conseil
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 29 janvier 2024 du tribunal de commerce d'Auxerre,
Vu l'appel interjeté selon déclaration du 2 avril 2024 par la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], remplaçant Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Icau France, selon ordonnance rendue le 31 janvier 2024 par le président du tribunal de commerce d'Auxerre, la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], remplaçant Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Delomas, selon ordonnance rendue le 31 janvier 2024 par le président du tribunal de commerce d'Auxerre, Me [V], en procédure de sauvegarde selon jugement rendu le 8 janvier 2024 par le tribunal de commerce d'Auxerre, la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités d'administrateur judiciaire de Me [V] selon jugement rendu le 8 janvier 2024 par le tribunal de commerce d'Auxerre et la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], remplaçant Me [W], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [Y] [V] selon jugement rendu le 8 janvier 2024 par le tribunal de commerce d'Auxerre,
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 mars 2025 par la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, Me [V], la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de Me [V] et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de M. [V],
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 mars 2025 par la société Approgel et Mmes [F] et [L],
Vu l'ordonnance de clôture du 15 mai 2025.
SUR CE, LA COUR,
La société Icau France exerçait une activité dans le domaine de l'achat/vente (grossiste) de produits alimentaires frais et surgelés destinés aux grandes enseignes de la distribution alimentaire.
Mmes [F] et [L] ont respectivement été embauchées par la société Icau France en qualité de commerciales télévendeuses selon contrats de travail des 2 juin 2003 et 3 octobre 2005. Elles ont été licenciées le 18 décembre 2017. Leur contrat de travail ne prévoyait aucune clause de non-concurrence.
Le 16 avril 2018, Mmes [F] et [L] ont constitué avec M. [B] [X] et Mme [A] [X] la société Approgel, dont elles sont devenues co-gérantes.
Cette société a pour activité le négoce de produits alimentaires.
Le 29 décembre 2017, la société Delomas, dont Me [V] est le gérant, est devenue associée unique de la société Icau France.
Considérant avoir été victime d'agissements de concurrence déloyale de la part de ses anciennes salariées par l'intermédiaire de la société Approgel, la société Icau France a présenté une requête le 23 juillet 2020 aux fins de mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile au président du tribunal de commerce d'Auxerre, lequel a, par ordonnance du 24 juillet 2020, commis un huissier de justice avec pour mission de se rendre au siège social de la société Approgel, rechercher notamment les listings clients dans le système informatique de la société Approgel comprenant la liste des clients, ainsi que les commandes et les conditions tarifaires sur la période d'avril 2018 à juin 2019, rechercher les listings fournisseurs existant dans le système informatique de la société Approgel comprenant la liste des fournisseurs ainsi que les commandes et les conditions tarifaires sur la période d'avril 2018 à juin 2019, rechercher les fichiers contenant les factures clients de la société Approgel sur la période du 16 avril 2018 au 30 juin 2019 et rechercher les mails échangés entre la société Approgel et/ou ses dirigeantes et les principaux clients sur la période du 1 er au 30 avril 2018 et du 1 er au 30 septembre 2018.
Les opérations de constat sont intervenues le 21 septembre 2020.
Par ordonnance de référé du 13 janvier 2021, le président du tribunal de commerce d'Auxerre a rétracté l'ordonnance du 24 juillet 2020.
Aux termes d'un arrêt du 1 er juillet 2021, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance de référé du 13 janvier 2021 et rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 24 juillet 2020.
Par arrêt du 17 février 2023, la cour d'appel de Paris a ordonné la levée du séquestre.
Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal de commerce d'Auxerre a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société Icau France, désigné la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités d'administrateur judiciaire et désigné Me [W] ès-qualités de mandataire judiciaire.
Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal de commerce d'Auxerre a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société Delomas, désigné la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités d'administrateur judiciaire et désigné Me [W] ès-qualités de mandataire judiciaire.
Le 13 avril 2022, la société Icau France, Me [W] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Icau France, Me [S] de la Selarl Ajrs, ès-qualités d'administrateur judiciaire de cette société, la société Delomas, Me [W] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Delomas, Me [S] de la Selarl Ajrs, ès-qualités d'administrateur judiciaire de cette société et M. [V] ont fait assigner la société Approgel et Mmes [F] et [L] devant le tribunal de commerce d'Auxerre en concurrence déloyale.
Par jugement du 5 juillet 2022, le tribunal de commerce d'Auxerre a prononcé la conversion en liquidation judiciaire de la procédure ouverte au profit de la société Icau France et désigné Me [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 5 juillet 2022, le tribunal de commerce d'Auxerre a prononcé la conversion en liquidation judiciaire de la procédure ouverte au profit de la société Delomas et désigné Me [W] ès-qualités de liquidateur.
Par jugement du 8 janvier 2024, le tribunal de commerce d'Auxerre a prononcé l'extension de la procédure de sauvegarde ouverte le 24 avril 2023 au bénéfice de la SCI Les Cravatières à l'encontre de son gérant, M. [V]. La Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], a été nommée ès-qualités de mandataire judiciaire et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités d'administrateur judiciaire.
Par jugement du 29 janvier 2024, le tribunal de commerce d'Auxerre a :
- débouté Me [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] de toutes leurs demandes,
- condamné solidairement Me [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] à payer à la société Approgel la somme de 5 000 euros pour procédure abusive,
- condamné Me [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, in solidum avec M. [V] à payer à la société Approgel, Mmes [F] et [L] chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Me [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, in solidum avec M. [V] aux entiers dépens de l'instance.
- liquidé les frais de Greffe à la somme de 120,46 euros.
La Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], remplaçant Me [W], a été désignée ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas par ordonnances rendues le 31 janvier 2024 par le président du tribunal de commerce d'Auxerre.
Par déclaration du 2 avril 2024, ont interjeté appel du jugement du 29 janvier 2024 la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, Me [V], la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités d'administrateur judiciaire de Me [V] et la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de Me [V].
Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce d'Auxerre a arrêté le plan de sauvegarde présenté par la SCI Les Cravatières et Me [V] et maintenu Me [M] comme mandataire judiciaire représentant les créanciers jusqu'à la fin de la vérification des créances. La Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], a été désignée ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 mars 2025, la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, M. [V], la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Maître [I] [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de M. [V], « intervenante volontaire », demandent à la cour de :
à titre principal,
- annuler pour défaut d'impartialité des juges du tribunal de commerce d'Auxerre, le jugement rendu le 29 janvier 2024, et ce, en toutes ses dispositions qui sont les suivantes :
- débouté Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] de toutes leurs demandes,
- condamné solidairement Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] à payer à la société Approgel la somme de 5 000 euros pour procédure abusive,
- condamné Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] à payer à la société Approgel, Mmes [F] et [L] chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas in solidum avec M. [V], aux entiers dépens de l'instance,
- liquidé les frais de greffe à la somme de 120,46 euros.
Et statuant à nouveau,
- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions des appelants,
- juger nouvelle la demande d'irrecevabilité pour prescription et la déclarer irrecevable,
- juger que la demande en concurrence déloyale n'est pas prescrite,
- juger que Mmes [L] et [F] directement et par l'intermédiaire de la société Approgel ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Icau France, de son associée et son dirigeant,
- juger que Mmes [L] et [F] directement et par l'intermédiaire de la société Approgel doivent réparer le préjudice subi du fait de leurs agissements,
En conséquence,
- condamner in solidum la société Approgel, Mmes [L] et [F] à payer à la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Icau France une somme de 500 000 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir conformément à l'article 1153 du code civil se décomposant comme suit :
- 450 000 euros à titre de perte de chiffres d'affaires,
- 50 000 euros à titre de préjudice moral et de perte d'image,
- condamner in solidum la société Approgel, Mesdames [L] et [F] à payer à la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Delomas une somme de 150 000 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir conformément à l'article 1153 du code civil,
- condamner in solidum la société Approgel, Mesdames [L] et [F] à payer à la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] une somme de 50 000 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamner in solidum la société Approgel, Mesdames [L] et [F] à payer à Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,
- débouter Mmes [L] et [F] ainsi que la société Approgel de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum la société Approgel, Mmes [L] et [F] à payer aux concluants une somme globale de 10 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société Approgel, Mmes [L] et [F] aux entiers dépens de la procédure, en ce, comprenant les frais de la procédure sur requête et des frais d'huissier de justice pour la saisie des pièces.
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement rendu le 29 janvier 2024 par le tribunal de commerce d'Auxerre, et ce, en toutes ses dispositions qui sont les suivantes :
- débouté Me [W], es-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] de toutes leurs demandes ;
- condamné solidairement Me [W], es-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] à payer à la société Approgel la somme de 5 000 euros pour procédure abusive,
- condamné Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et M. [V] à payer à la société Approgel, Mmes [F] et [L] chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas in solidum avec M. [V], aux entiers dépens de l'instance,
- liquidé les frais de greffe à la somme de 120,46 euros.
Et statuant à nouveau,
- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions des « demanderesses » (sic),
- juger nouvelle la demande d'irrecevabilité pour prescription et la déclarer irrecevable,
- juger que la demande en concurrence déloyale n'est pas prescrite,
- juger que Mmes [L] et [F] directement et par l'intermédiaire de la société Approgel ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Icau France, de son associée et son dirigeant,
- juger que Mmes [L] et [F] directement et par l'intermédiaire de la société Approgel doivent réparer le préjudice subi du fait de leurs agissements,
En conséquence,
- condamner in solidum la société Approgel, Mmes [L] et [F] à payer à la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Icau France une somme de 500 000 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir conformément à l'article 1153 du code civil se décomposant comme suit :
- 450 000 euros à titre de perte de chiffres d'affaires,
- 50 000 euros à titre de préjudice moral et de perte d'image,
- condamner in solidum la société Approgel, Mmes [L] et [F] à payer à la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Delomas une somme de 150 000 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir conformément à l'article 1153 du code civil,
- condamner in solidum la société Approgel, Mesdames [L] et [F] à payer à la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] une somme de 50 000 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamner in solidum la société Approgel, Mesdames [L] et [F] à payer à Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,
- débouter Mmes [L] et [F] ainsi que la société Approgel de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum la société Approgel et Mmes [L] et [F] à payer aux appelants une somme globale de 10 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société Approgel et Mmes [L] et [F] aux entiers dépens de la procédure, en ce, comprenant les frais de la procédure sur requête et des frais d'huissier de justice pour la saisie des pièces.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 mars 2025, la société Approgel, Mmes [L] et [F] demandent à la cour de, la cour observant cependant que M. [V] ne fait pas l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire :
In limine litis,
- débouter la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Icau France, Delomas, « et M. [V] » (sic), ainsi que M. [V] lui-même de leur demande en nullité formée contre le jugement du tribunal de commerce d'Auxerre du 29 janvier 2024,
Principalement
- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que l'action n'était pas prescrite.
Statuant à nouveau,
- juger que l'action engagée par la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Icau France, Delomas, et « M. [V] » (sic), ainsi que M. [V] par assignation du 13 avril 2022 est prescrite et irrecevable,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Icau France, Delomas de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités « de liquidateur judiciaire de M. [V] » (sic), ainsi que M. [V] lui-même de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société Icau France, Delomas et M. [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toute demande de réparation du préjudice moral et financier du fait du caractère abusif des actions au fond et sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- condamner la Selarl Etude Balincourt en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société Icau France et Delomas à payer la somme de 50 000 euros à la société Approgel en réparation du préjudice subi du fait des procédures, accusations et coûts des procédures depuis 7 ans,
- condamner la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], « ès-qualités de liquidateur judiciaire de M. [V] » (sic), ainsi que solidairement M. [V] lui-même à payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des multiples demandes, accusation et coûts de procédure depuis 7 ans,
Y ajoutant,
- condamner la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société Icau France, Delomas et M. [V] à payer la somme de 10 000 euros à la société Approgel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Selarl Etude Balincourt, en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société Icau France, Delomas et M. [V] aux entiers frais et dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2025.
MOTIFS :
Sur l'intervention volontaire de la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de M. [V] :
En vertu de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Il est rappelé que, par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce d'Auxerre a arrêté le plan de sauvegarde présenté par la SCI Les Cravatières et M. [V] et désigné la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan.
L'intervention volontaire en cause d'appel de la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [J] [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de M. [V], dont l'intérêt à intervenir au soutien des demandes indemnitaires formées par M. [V] n'est pas contesté, est recevable.
Sur la nullité du jugement :
Les appelants rappellent que le juge doit, en toutes circonstances, observer les principes fondamentaux d'objectivité et d'impartialité et ne peut se livrer à des appréciations morales ou personnelles extérieures à ces principes ; que le jugement contient, page 6, une motivation dont la teneur ne respecte pas ces principes fondamentaux ; que cette motivation, qui ne reflète pas la réalité de la présentation du dossier des demandeurs, est partiale et dénigre l'une des parties sans retenir les éléments qu'elle a produits aux débats.
Les intimées répliquent que le tribunal s'est contenté de porter une appréciation sur la confusion du dossier présenté par les demandeurs sans que cette appréciation ne constitue le fondement du jugement et que la motivation contestée est un constat objectif de ce dossier.
Réponse de la cour :
Aux termes de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, l'exigence d'impartialité s'appréciant objectivement.
Aux termes du jugement déféré à la cour, page 6, le tribunal écrit :
« Plus généralement, le tribunal note un grand folklore dans la présentation des pièces par la SARL ICAU France. Ainsi la pièce 20 intitulée « Relevé société.com [B] [X] » est en fait les comptes annuels au 31 mars 2019 de la SARL ICAU France. Certaines pièces ne sont pas listées dans le bordereau ni numérotées. S'agit-il de feuilles non agrafées faisant partie d'autres pièces qui sont mélangées ' Des numérotations sont en double (pièce 13) d'autres numéros sont manquants. Le tribunal n'a pas à faire le travail de la SARL ICAU France et se livrer à un patient et minutieux travail de reconstitution, et rappelle les dispositions de l'article 446-2 concernant l'indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ainsi que la présence d'un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions ! »
« Ainsi non seulement, la SARL ICAU France agit par affirmation sans éléments factuels probants recevables, mais ne sait pas prouver un préjudice et le lien qui le lierait aux éventuels actes de concurrence déloyale. »
Les appelants ne démontrent aucunement que le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il retient que la présentation des pièces est incohérente et en ce que certaines pièces ne figuraient pas dans le bordereau de communication de pièces et n'étaient pas numérotées, étant précisé qu'ils ne contestent pas formellement la motivation antérieure du jugement qui relève déjà que la pièce n°17 ne correspond pas à l'intitulé qui lui était donné.
Par ailleurs, il est observé que la décision contestée n'est pas fondée sur le passage critiqué, mais sur les développements antérieurs qui excluent tout comportement fautif de la société Approgel et de Mmes [L] et [F].
Dans ces conditions, la seule utilisation de l'expression « un grand folklore dans la présentation des pièces » n'est pas suffisante à caractériser un manquement du tribunal à son devoir d'impartialité.
La demande d'annulation du jugement sera donc rejetée.
Sur la prescription de l'action en concurrence déloyale :
La société Approgel et Mmes [L] et [F] font valoir que l'action est prescrite par application de l'article 2224 du code civil. Elles exposent que Mmes [L] et [F] avaient alerté leur employeur dès 2016 sur le fait que des intrusions étaient faites sur les fichiers informatiques de la société, lesquelles étaient imputables à l'employeur dans son comportement de harcèlement, que la société Icau France, informée de ces faits, a sanctionné le 2 janvier 2017 les deux salariées en les accusant de dénigrer le service administratif et entretenir une ambiance malsaine ; que Mmes [L] et [F] ne sont plus jamais revenues dans l'entreprise du fait de leur arrêt maladie pendant l'année 2017 et que la société Icau France n'a saisi le tribunal en imputant ces problèmes informatiques aux salariées que le 13 avril 2022, soit plus de 5 ans après.
Les appelants répliquent que la prescription opposée est une demande nouvelle en cause d'appel comme telle irrecevable, rappelant que ce moyen n'a pas été régulièrement invoqué en première instance dès lors qu'il ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de la société Approgel et de Mmes [L] et [F]. En toute hypothèse, ils font valoir que le point de départ de la prescription ne peut être fixé qu'à compter du jour où la société Approgel a été constituée et les premiers actes de concurrence déloyale commis, de sorte que l'action est recevable, ajoutant que la procédure de saisie de pièces initiée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile a interrompu le délai de prescription de l'action au fond.
Réponse de la cour :
En vertu de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
Aussi, est recevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée pour la première fois devant la cour d'appel.
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Aux termes de leur assignation du 13 avril 2022, la société Icau France, Me [W] ès-qualités de mandataire judiciaire de cette société, la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Icau France, la société Delomas, Me [W] ès-qualités de mandataire judiciaire de cette société, la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Delomas et M. [V] faisaient valoir que depuis leur départ de la société Icau France, Mmes [L] et [F] s'étaient livrées à des actes de concurrence déloyale, le commencement des comportements critiquables de ces anciennes salariées correspondant à la constitution de la société Approgel, motivée par le désir de s'accaparer la clientèle de la société Icau France, les demandeurs ajoutant qu'en janvier 2017, peu de temps avant le départ des salariées de la société Icau France, les fichiers de cette société concernant les clients et les fournisseurs avaient été consultés et copiés sur un support externe du poste de Mme [F], laissant présumer qu'elle était à l'origine de cette opération avec Mme [L].
La société Approgel ayant été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 23 avril 2018, la prescription opposée a commencé à courir au plus tôt à compter de cette date.
Il s'ensuit qu'à la date de l'assignation, le 13 avril 2022, l'action n'était pas prescrite.
La fin de non-recevoir invoquée par la société Approgel et Mmes [L] et [F] sera donc rejetée.
Sur le bien-fondé de l'action en concurrence déloyale :
Les appelants font valoir qu'est constitutive de concurrence déloyale l'utilisation d'un fichier de clientèle d'une société devenue concurrente par d'anciennes salariées qui ont créé une société concurrente.
Ils exposent que les fichiers de la société Icau France concernant les clients et les fournisseurs ont été consultés et copiés sur un support externe du poste de Mme [F], que Mmes [F] et [L] étaient les seules commerciales historiques de la société Icau France et travaillaient quotidiennement sur ces fichiers qu'elles maîtrisaient parfaitement et dont elles connaissaient l'importance ; que, concomitamment, aucun autre salarié n'a quitté la société et aucune personne extérieure à la société n'était en possession des codes et/ou mot de passe permettant d'accéder auxdits fichiers ; que Mmes [F] et [L] ont eu un comportement fautif en utilisant les informations contenues dans ces fichiers sur les centaines de produits proposés contenant les conditions de vente et en les exploitant, ces anciennes salariées ayant disposé au-delà des références clients et fournisseurs des références produits et des conditions de vente exactes proposées aux clients pour pouvoir s'aligner ou baisser la marge des prix des produits auprès des mêmes clients dont elles avaient la confiance, pour emporter les marchés dès la création de la société Approgel, détournant ainsi la clientèle de la société Icau France, cette volonté de s'accaparer cette clientèle découlant de la constitution de la société Approgel avec M. [B] [X], qui était un client important de la société Icau France, représentant approximativement 13% du chiffre d'affaires ; que certains clients qui se fournissaient chez Icau France et qui avaient des relations particulières avec cette société se retrouvaient dès l'ouverture de la société Approgel dans ses fichiers clients avec toutes les références nécessaires pour les mêmes commandes ; que tous les clients de la société Icau France se retrouvaient dans le fichier de la société Approgel et commandaient les mêmes produits en quantité similaire ; qu'il en allait de même des fournisseurs historiques de la société Icau France sur des produits particuliers ou de fournisseurs qui avaient disparu ; que les clients de la société Icau France étaient prévenus de la création de la société Approgel ; que les anciennes salariées ont entretenu une confusion avec les clients et fournisseurs en échangeant sur les prix pratiqués par la société Icau France avec les clients pour négocier avec eux, en utilisant parfois le compte Icau chez certains fournisseurs ou la mention anciennement Icau ; que les intimés ont donc commis des actes de concurrence déloyale, lesquels ont causé un lourd préjudice à la société Icau France qui était dans une période de restructuration.
La société Approgel et Mmes [L] et [F] répliquent que les agissements de concurrence déloyale invoqués ne sont pas caractérisés ; que Mmes [L] et [F] ont dénoncé auprès de leur employeur des intrusions sur les fichiers informatiques, lequel les a sanctionnées le 2 janvier 2017 en les accusant de dénigrer le service informatique et entretenir une ambiance malsaine ; qu'elles ne sont plus en poste dans la société Icau France depuis janvier 2017 alors que cette société subissait déjà une baisse de son chiffre d'affaires ; qu'elles ne sont assujetties à aucune clause de non-concurrence ; que les ventes de la société Icau France au groupe [X] ne représentaient que 1,27% sur l'exercice 2017 ; qu'aucun déplacement significatif de clients de la société Icau France vers la société Approgel n'est caractérisé ; que la chute du chiffre d'affaires de la société Icau France a débuté bien avant la constitution de la société Approgel ; que le bilan économique social et environnemental de liquidation de Me [S], administrateur judiciaire de la société Icau France, de juin 2022 n'identifie pas la société Approgel comme cause des difficultés rencontrées ; que les difficultés de la société Icau France proviennent des conditions financières désastreuses de l'entreprise fin 2017 alors que les salariées n'étaient plus à leur poste depuis un an et des carences de son dirigeant qui ne maintient plus l'activité de la société Icau France, ne relançant pas les clients et laissant sans réponse leurs appels d'offre, le personnel ayant été renouvelé sans cesse ; que la clientèle du secteur d'activité des sociétés Icau France et Approgel est commune, ces sociétés ne faisant que répondre à des consultations nationales adressées à toutes les sociétés agréées sur la liste du ministère de l'agriculture, les seuls critères de différentiation étant les prix et les délais sans aucune considération pour le type de société ; qu'il ne peut être reproché aux intimées de prospecter de nouveaux clients et fournisseurs.
Réponse de la cour :
Fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, la concurrence déloyale suppose l'existence d'une faute commise par la personne dont la responsabilité est recherchée, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux. Elle se définit comme la commission de man'uvres déloyales, constitutives de fautes dans l'exercice de l'activité commerciale, à l'origine pour le concurrent d'un préjudice. Par ailleurs, en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le démarchage de la clientèle d'autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est libre dès lors que ce démarchage ne s'accompagne pas d'un acte déloyal.
Aussi, il incombe à la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, M. [V], la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Maître [I] [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de M. [V] de rapporter la preuve d'un comportement fautif de la société Approgel et de Mmes [L] et [F] à l'origine du détournement de clientèle allégué.
Il est rappelé que Mmes [L] et [F] n'étaient pas liées à la société Icau France par une clause de non-concurrence. M. [B] [X], avec lequel elles ont constitué la société Approgel, est un ancien client de la société Icau France ne représentant en 2017 que 1,21% du chiffre d'affaires réalisé.
Les appelants produisent (pièce n°16) un courrier de la société SG2I du 22 mars 2017 à M. [N], dirigeant de la société Icau France, dont les termes sont les suivants :
« Suite à une demande de votre part j'ai consulté les historiques des fichiers lus et présents sur le poste de Mme [F].
L'historique des consultations d'Adobe Acrobat révèle que les fichiers qui étaient présents sur le serveur dans les répertoires : \\192.168.1.30\Scans\[Localité 10] et \\192.168.1.30\ Scans\OdileHideScan ont été consultés à partir du poste de Mme [F] le 12/12/2016 et le 13/12/2016.
De plus, certains fichiers ont été lus à partir d'un support externe en l'occurrence D:\SCAN O, cela signifie que ces fichiers ont été préalablement copiés sur un support amovible. »
Si les appelants font valoir qu'aucun salarié ou aucune personne extérieure à la société n'était en possession des codes et/ou mots de passe permettant d'accéder à ces fichiers qui auraient été fautivement copiés par Mmes [L] et [F] avant leur départ de la société Icau France pour être ultérieurement exploités, lesquelles opposent qu'elles n'ont réalisé aucune copie ou vol de fichiers, leurs ordinateurs n'étant pas protégés par des mots de passe ou de session et les postes étant en accès libre, il résulte des arrêts de la cour d'appel de Paris du 25 mai 2023 (pièces intimées n°51 et 52), rendus dans le cadre du litige prud'homal opposant Mmes [L] et [F] à la société Icau France, que Mme [F] avait dénoncé à son employeur un message sur son ordinateur faisant état de son utilisation par une autre personne, ce qui a donné lieu à un courrier de l'employeur du 2 janvier 2017 indiquant : « lorsqu'un salarié met en cause un service Administratif ainsi que la Direction, en les soupçonnant d'avoir ouvert son ordinateur au matin, il traduit un sentiment destructeur et malsain pour l'équilibre professionnel. D'autre part et suite à un dysfonctionnement informatique, d'autres faits ont été mis en évidence et ont permis l'accès à des dossiers et autres documents à caractère confidentiel (') ». Les intimées produisent encore une photographie non contestée de l'écran de l'ordinateur professionnel de Mme [F] (pièce intimée n°53) comportant le message « Une autre personne utilise ce PC. Si vous arrêtez le PC maintenant, cette personne risque de perdre les données non enregistrées ».
Il résulte de ces éléments présomption suffisante qu'en décembre 2016, d'autres personnes ont pu accéder à l'ordinateur de Mme [F] et l'utiliser. Les appelants ne démontrent pas formellement que les fichiers qui ont été lus proviendraient d'un support externe utilisé par Mmes [F] et [L].
Par conséquent, le grief tiré de l'exploitation fautive des fichiers clients et fournisseurs de la société Icau France est insuffisamment caractérisé, la preuve n'étant pas rapportée que Mmes [L] et [F] les auraient reproduits et utilisés.
Les intimées établissent que, dans le secteur d'activité concerné, il n'existe pas d'accords d'exclusivité des clients avec les fournisseurs, les clients procédant par appels d'offres auprès de plusieurs intervenants du marché, le choix du fournisseur étant dicté par la recherche de la meilleure offre en termes de prix, qui est renégocié à chaque appel d'offre, de qualité et de service (cf. courriels de la société Val de Cère Traiteur du 26 juillet 2021 et de la société Technique SPS du 27 septembre 2023, pièces intimées 68 et 66, attestations de la société Feyel & Artzner du 27 octobre 2023 et de la société Ets Roux du 23 septembre 2021, pièces intimées 65 et 40), ce qui exclut tout démarchage actif.
Les appelants ne versent aucune pièce susceptible d'établir que la société Approgel et Mmes [L] et [F] auraient de manière déloyale utilisé des connaissances confidentielles sur les produits proposés par la société Icau France pour emporter des marchés au préjudice de celle-ci.
Une telle preuve ne résulte pas formellement des documents saisis lors de la mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Si Mmes [L] et [F] ont pu faire savoir auprès des clients potentiels qu'elles étaient d'anciennes salariées de la société Icau France, un tel comportement n'est pas en soi fautif. Il ne peut pas plus leur être reproché d'avoir porté la création de la société Approgel à la connaissance des entreprises autorisées à émettre des appels d'offre dont la liste est publiée sur le site du ministère de l'agriculture (pièce intimée n°46).
Il n'est pas démontré que Mmes [L] et [F] auraient entretenu une confusion avec l'activité de la société Icau France, ni qu'elles auraient divulgué des informations particulières concernant cette société. Les intimées produisent une attestation de Mme [Z], directrice de la société Gérard [Z], du 31 mars 2021 (pièce 31), fournisseur de la société Approgel, aux termes de laquelle elle indique que Mmes [L] et [F] se sont toujours présentées sous le nom « Approgel », les commandes, bons de livraisons et factures mentionnant l'en-tête de cette société tandis que la société Approgel négocie, passe ses commandes, achète et effectue ses règlements pour son propre compte, aucune confusion avec d'autres sociétés n'étant possible.
Par ailleurs, il ne résulte pas de l'analyse faite par les appelants que les factures comptables saisies sont de nature à établir que tous ses clients ou ses fournisseurs se retrouvaient dans le fichier de la société Approgel, étant souligné que sur le marché particulier dans lequel évoluent les sociétés concurrentes, la présence de clients communs connus de tous est usuelle.
Ils produisent des attestations de salariés de la société Icau France du 22 janvier 2021.
L'attestation de Mme [T] (pièce n°27) n'établit qu'une erreur de libellé de facture émanant d'un fournisseur commun. Mme [O] (pièce n°28) se borne à rapporter des déclarations qui auraient été tenues par des clients sur un comportement dénigrant et diffamant imputé aux représentants de la société Approgel, qui auraient émis des propositions sur des offres dont seule la société Icau France aurait été destinataire, mais sans donner aucun élément concret sur ces déclarations permettant de les vérifier. M. [K] (pièce n°30) se borne à indiquer que la société Approgel proposait des prix systématiquement inférieurs, souvent de quelques centimes, laisser supposer, sans l'établir, qu'elle connaissait les prix de vente de la société Icau France. Enfin, M. [U] (pièce n°29) ne peut reprocher à la société Approgel d'émettre, sur un marché concurrentiel, des propositions tarifaires inférieures.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, M. [V], la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Maître [I] [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de M. [V], échouent à rapporter la preuve d'une faute de la société Approgel et de Mmes [L] et [F] dans leur comportement commercial de nature à avoir causé un préjudice aux sociétés Icau France et Delomas et à M. [V].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale.
Sur les demandes reconventionnelles en procédure abusive de la société Approgel et Mmes [L] et [F] :
Les intimées, relevant appel incident du jugement du chef de l'indemnité allouée au titre de la procédure abusive, exposent que la société Icau France a commis un abus au titre de la procédure de saisie de documents introduite sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, rendue sur la base d'une requête volontairement erronée, de l'action en concurrence déloyale contradictoire dépourvue de tout fondement et en raison de la multiplication des instances depuis plus de 7 ans traduisant un acharnement procédural motivé par l'intention de nuire, leur causant un préjudice moral et financier.
La Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, M. [V], la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Maître [I] [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de M. [V] sollicitent le rejet des demandes indemnitaires de la société Approgel et de Mmes [L] et [F], faisant valoir que les intimées sont à l'origine de certaines procédures dont elles se plaignent et n'ont jamais formulé de telles demandes dans le cadre de ces procédures, l'exercice d'un droit n'étant pas source d'abus.
Réponse de la cour :
En vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est rappelé que M. [V] a introduit l'action en concurrence déloyale le 13 avril 2022 et a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du 8 janvier 2024.
Aux termes de l'article L.622-21 I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
En vertu de l'article L.622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l'article L.625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L.626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendant uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, la société Approgel et Mmes [L] et [F] ne produisent aucune déclaration de créance au passif de la procédure de sauvegarde ouverte au profit de M. [V].
Par conséquent, les demandes indemnitaires formées contre M. [V] ne peuvent qu'être rejetées.
Concernant les sociétés Icau France et Delomas, qui faisaient déjà l'objet d'une procédure de sauvegarde lorsqu'elles ont saisi le tribunal de commerce d'Auxerre le 13 avril 2022, il incombe à la société Approgel et Mmes [L] et [F] de prouver l'existence d'une faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice.
Or, en premier lieu, l'existence d'une faute commise lors du dépôt par la société Icau France de la requête ayant donné lieu à l'ordonnance du 24 juillet 2020 ayant ordonné les mesures in futurum au visa de l'article 145 du code de procédure civile n'est pas caractérisée.
Il n'est pas plus établi que l'action engagée devant le tribunal de commerce d'Auxerre présentait un caractère abusif, les sociétés Icau France et Delomas et les organes de la procédure collective ouverte à leur profit ayant pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits.
L'attitude de la société Icau France dans le cadre de la rupture des contrats de travail de Mmes [L] et [F] étant enfin étrangère au présent litige, le jugement sera infirmé de l'indemnité allouée aux intimées au titre de la procédure abusive.
Sur les demandes accessoires :
M. [V] ne peut être condamné aux dépens de première instance ni au paiement d'une indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile en l'absence de déclaration de créance de la société Approgel et de Mmes [L] et [F].
Il convient de condamner la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Approgel la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
DECLARE recevable l'intervention volontaire en cause d'appel de la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de Me [V],
DEBOUTE la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, M. [V], la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Maître [I] [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de M. [V], de leur demande de nullité du jugement dont appel,
DECLARE recevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Approgel et Mmes [G] [L] et [P] [F],
REJETTE cette fin de non-recevoir,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Me [W], agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas et Me [V] de leurs demandes,
L'INFIRME pour le surplus,
REJETTE les demandes formées par la société Approgel et Mmes [L] et [F] au titre de la procédure abusive,
CONDAMNE la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, aux dépens de première instance et d'appel,
EN APPLICATION de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas à payer à la société Approgel la somme de 10 000 euros et REJETTE la demande formée par la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Icau France et Delomas, M. [V], la Selarl Etude Balincourt, prise en la personne de Me [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [V] et la Selarl Ajrs, prise en la personne de Me [S], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de M. [V].