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Décisions

CA Bordeaux, ch. des référés, 25 septembre 2025, n° 25/00072

BORDEAUX

Ordonnance

Autre

CA Bordeaux n° 25/00072

25 septembre 2025

RÉFÉRÉ N° RG 25/00072 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-OI3V

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S.A.S. DLT GROUP

c/

[N] [M], [U] [M], S.A.R.L. T.P.G

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DU 25 SEPTEMBRE 2025

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Grosse délivrée

le :

ORDONNANCE

Rendue par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 25 SEPTEMBRE 2025

Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de BORDEAUX, désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 17 décembre 2024, assistée de François CHARTAUD, Greffier,

dans l'affaire opposant :

S.A.S. DLT GROUP agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 7] - [Localité 6]

représentée par Me Thierry LACOSTE, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Conny KNEPPER membre de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

Demanderesse en référé suivant assignation en date du 02 mai 2025,

à :

Monsieur [N] [M]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 10],de nationalité Française,

Dirigeant d'entreprise, demeurant [Adresse 8] - [Localité 5]

Madame [U] [M]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 9], de nationalité Française, demeurant [Adresse 8] - [Localité 5]

S.A.R.L. T.P.G immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro 494 941 396, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 3] - 3[Localité 4]

représentés par Me Frédéric CUIF membre de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Défendeurs,

A rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Emilie LESTAGE, Greffière, le 11 septembre 2025 :

EXPOSE DU LITIGE

1. Selon un jugement en date du 6 janvier 2025, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- dit n'y avoir lieu à joindre les instances enrôlées sous les numéros 2023F01370 et 2024F00274

- débouté la S.A.S DLT Group de sa prétention visant à obtenir le sursis à statuer

- condamné la S.A.S DLT Group à payer les sommes de 298.259 euros à la S.A.R.L TPG ; 3,00 euros à M. [N] [M] et 1.737 euros à Mme [U] [Z]

- débouté M. [N] [M], Mme [U] [Z] et la S.A.R.L TPG de leurs autres prétentions

- dit la demande reconventionnelle relative à la réduction du prix de cession formée par la S.A.S DLT Group irrecevable dans la présente instance

- débouté la S.A.S DLT Group de sa demande reconventionnelle portent sur les inexécutions contractuelles de M. [N] [M] découlant du contrat d'accompagnement

- débouté la S.A.S DLT Group du surplus de ses demandes

- condamné la S.A.S DLT Group à payer à la S.A.R.L TPG la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la S.A.S DLT Group aux dépens.

2. La S.A.S DLT Group a interjeté appel de cette décision selon une déclaration en date du 5 février 2025.

3. Par actes de commissaire de justice en date du 2 mai 2025, la S.A.S DLT Group a fait assigner M. [N] [M], Mme [U] [M] et la S.A.R.L TPG en référé aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel et d'obtenir leur condamnation solidaire aux dépens et à lui payer 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

4. Dans ses dernières conclusions remises le 10 septembre 2025, elle maintient ses demandes et sollicite également le rejet des demandes de M. [N] [M], Mme [U] [M] et la S.A.R.L TPG.

5. Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement en ce que le tribunal a commis une erreur d'appréciation concernant la demande de jonction en scindant la question du paiement du solde du prix convenu lors de la cession de celle relative de la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif. Elle précise que le tribunal a constaté le lien existant entre les deux instances mais en qualifiant mal la clause de garantie d'actif et de passif, a écarté toute jonction d'instance et sursis à statuer alors que le lien des deux procédures est évident en ce qu'elles présentent une identité de partie et de cause.

6. Elle fait également valoir que le tribunal de commerce a fait droit à tort à la demande de condamnation en paiement du solde du prix de cession sans analyser ses demandes sous l'angle du dol, alors qu'elle a invoqué des manquements commis par les cédants et des man'uvres dolosives, notamment des irrégularités sur les bulletins de paie des chauffeurs, ce qui l'expose à un risque de contrôle URSSAF, des condamnations prud'homales en cas de litige et des poursuites pénales. Elle fait également valoir l'existence de mensonges sur des contrats clefs signés avec des sociétés qui ont été résiliés, sur le poste carburant, un changement de M. [M] sur la méthode d'amortissement des camions de TRSO non porté à sa connaissance et sur l'intégration des dividendes au prix de cession. Elle souligne que le jugement encoure la réformation sur le rejet de ses demandes reconventionnelles du fait des manquements de M. [M] à ses engagements relatifs au développement et à l'assistance.

7. Concernant les conséquences manifestement excessives, elle soutient que les sommes ont transité à plusieurs reprises entre les parties et qu'il est donc important de trancher le litige au fond avec une nouvelle transaction. Elle fait également valoir qu'elle a consenti à un effort de trésorerie suite à cette situation et qu'il existe un risque de non restitution des sommes en cas d'infirmation, M. [M] tentant d'organiser son insolvabilité avec des man'uvres au sein de toutes ses sociétés, dont certaines sont postérieures au jugement.

8. En réponse et aux termes de leurs conclusions du 4 septembre 2025, soutenues à l'audience, [N] [M], Mme [U] [M] et la S.A.R.L TPG sollicitent que la demande de la S.A.S DLT Group soit déclarée irrecevable et condamnée aux dépens et à payer à chacune des parties 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, il sollicite du premier président qu'il déboute la S.A.S DLT Group de ses demandes.

9. Ils exposent que la demande de suspension de l'exécution provisoire est irrecevable car le demandeur n'a pas fait d'observations en première instance. Ils font valoir qu'elle ne rapporte pas la preuve de conséquences manifestement excessives postérieures au jugement et précisent que lors d'une saisie, le commissaire de justice a trouvé des comptes provisionnés et que la société dispose d'un patrimoine. Ils ajoutent que l'exécution d'une décision ne peut pas constituer une conséquence manifestement excessive.

10. Ils exposent qu'il n'existe aucun moyen sérieux de réformation de la décision déférée, car la demande de jonction est un incident d'instance relevant de la compétence du conseiller de la mise en état et non une défense au fond. Ils ajoutent que la demande en interprétation de la clause relève de la juridiction statuant au fond et que l'instance ayant donné lieu à une expertise est éteinte. Ils font valoir que la demande de sursis à statuer est une exception dilatoire et n'a pas été soulevée devant la bonne formation de la Cour de sorte qu'elle désormais irrecevable puisque la S.A.S DLT Group a conclu au fond sans l'invoquer au préalable devant le conseiller de la mise en état.

11. Ils ajoutent que l'appelant reproche au premier juge une inexacte appréciation des circonstances de la cause concernant la demande de condamnation en paiement du solde du prix de cession mais ne rapporte pas la preuve de ses allégations qui ne sont qu'une reprise des conclusions au fond. Ils précisent qu'elle ne rapporte pas la preuve non plus de l'imputabilité de la baisse du résultat aux intimés ni des relations commerciales avec Fedex ou TKW et qu'aucun des risques invoqués quant à la régularité des bulletins de salaire ne s'est réalisé. Ils ajoutent que l'expert a conclu que les prescriptions légales étaient acquises et que la S.A.S DLT Group tentait de tromper la vigilance de l'expert au titre de contrats de travail conclus postérieures à la cession.

MOTIFS DE LA DÉCISION

12. L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

13. Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d'un préjudice irréparable et d'une situation irréversible en cas d'infirmation.

14. En l'espèce, il n'est pas discuté que la S.A.S DLT Group n'a formulé aucune observation relative à l'exécution provisoire devant le premier juge, car l'exécution provisoire étant de droit et le juge ne pouvant l'écarter que dans les conditions des alinéas 2 et 3 de l'article 514 du code de procédure civile, ceci suppose que les parties formulent une prétention en ce sens et développent une argumentation spécifique à son soutien. Par conséquent les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 514-3 sus-cité lui sont applicables et elle doit démontrer l'existence de conséquences manifestement excessives survenues postérieurement au jugement.

15. En l'occurrence, s'agissant de la situation du débiteur, si la S.A.S DLT Group démontre par les pièces qu'elle produit aux débats, notamment les documents comptables, que les résultats d'exploitation de la SARL TRSO sont en baisse depuis 2020, ils ne sont toutefois pas déficitaires. Par ailleurs aucune des pièces qu'elle produit aux débats ne démontre, d'une part, que ces circonstances, qui préexistaient au jugement, ont connu une aggravation depuis le jugement dont appel et, d'autre part, qu'elles ont pour conséquence de la placer dans une situation financière irréversible.

16. En outre, s'agissant de la situation des créanciers, la S.A.S DLT Group soutient que M. [N] [M], Mme [U] [M] et la S.A.R.L TPG organisent leur insolvabilité au travers, en substance, de flux financiers entre les différentes sociétés qu'ils détiennent, dont elle ne justifie pas et a fortiori dont elle ne prouve pas qu'ils sont survenus postérieurement au jugement dont appel, hormis la vente le 26 février 2025 d'un immeuble détenu par la SCI ELYT pour le prix de 900 000€. Toutefois, il n'est pas démontré que cet événement, même s'il est en effet postérieur à la décision contestée, aura des conséquences déterminantes sur la solvabilité des créanciers au point que le risque de non restitution qui en découlerait serait majeur et entraîneraient pour elle des conséquences manifestement excessives, en tant qu'irréversibles.

17. Par conséquent, la S.A.S DLT Group ne rapportant pas la preuve qu'elle remplit les conditions définies par le texte sus-cité, il convient de déclarer irrecevable sa demande sans qu'il soit nécessaire d'analyser l'existence d'un moyen sérieux de réformation de la décision dont appel puisque, dès lors que l'une des deux conditions prévues pour prétendre à l'arrêt de l'exécution provisoire n'est pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner la seconde compte tenu de leur caractère cumulatif.

18. La S.A.S DLT Group, partie succombante dans la présente instance, au sens des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens. Il apparaît conforme à l'équité de la condamner à payer à M. [N] [M], Mme [U] [M] et la S.A.R.L TPG, ensemble, la somme de 2000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera débouté de sa demande du même chef.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de la S.A.S DLT Group tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire résultant du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 6 janvier 2025,

Condamne la S.A.S DLT Group à payer à M. [N] [M], Mme [U] [M] et la S.A.R.L TPG, ensemble, la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande du même chef,

Condamne la S.A.S DLT Group aux entiers dépens de la présente instance.

La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et François CHARTAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier La présidente

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