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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 24 septembre 2025, n° 22/03457

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/03457

24 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2025

(n° /2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03457 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIYS

Décision déférée à la Cour : jugement du 20 décembre 2021- tribunal de commerce de PARIS- RG n° 2020059185

APPELANTE

S.A.S. SOCIETE FONCIERE D'EXPERTISE ET GESTION IMMOBILIERE 'FODEGI' prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Antoine GENTY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A.R.L. SCALFFOLDING prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée à l'audience par Me Audrey CAGNEAUX-DUMONT de la SCP CAGNEAUX-DUMONT GALLION, avocat au barreau de MEAUX

PARTIES INTERVENANTES

S.A.S. [Adresse 9] prise en la personne de sa gérante, la SAS FONCIEREEXPERTISE GESTION IMMOBILIERE 'FODEGI' domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Antoine GENTY, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. LES METIERS DU BOIS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

Ordonnance d'irrecevabilité de l'intervention forcée de la S.A.S. LES METIERS DU BOIS en date du 17 septembre 2024

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ,conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Viviane SZLAMOVICZ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Tiffany CASCIOLI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Foncière expertise gestion immobilière (la société Fodegi), gérante de la société [Adresse 6], propriétaire de la galerie éponyme, et la société Les Métiers du bois ont signé le 17 juillet 2017 un acte d'engagement lui confiant le lot n° 1 charpente menuiserie serrurerie dans le cadre d'un chantier de restauration des verrières et de l'intérieur de la galerie Vivienne à [Localité 8].

En janvier et février 2018, la société Les Métiers du bois a signé deux devis émis par la société Scaffolding pour la location et l'installation d'une sapine d'accès, une sapine de levage ainsi qu'une plateforme d'échafaudage pour les besoins du chantier, pour un montant total de 36 991 euros HT.

Ces prestations ont été formalisées par un contrat de sous-traitance, signé le 28 février 2018, par la société Les Métiers du bois et la société Scaffolding.

Par acte d'huissier du 14 décembre 2020, la société Scaffolding a assigné la société Fodegi devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de paiement des factures restées impayées.

Par jugement du 20 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

Déboute la société Fodegi de ses demandes ;

Condamne la société Fodegi à payer à la société Scaffolding la somme de 9 244,47 euros, majorée des intérêts au taux de 3 fois l'intérêt l'égal à compter du 22 octobre 2020 ;

Condamne la société Fodegi à payer à la société Scaffolding la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Fodegi aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA ;

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration en date du 10 février 2022, la société Fodegi a interjeté appel du jugement intimant devant la cour la société Scaffolding.

Par conclusions en date du 9 janvier 2024, la société [Adresse 6] est intervenue volontairement à l'instance.

Par acte en date du 12 janvier 2024, la société Fodegi et la société [Adresse 6] ont assigné en intervention forcée la société Les Métiers du bois.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 17 septembre 2024, l'assignation en intervention forcée de la société Les Métiers du bois a été déclarée irrecevable.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2024, la société Fodegi et la société [Adresse 6] demandent à la cour de :

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement 20 décembre 2021 et statuant à nouveau :

Déclarer la société Scaffolding irrecevable et non fondée en sa demande à l'encontre de la société Fodegi ;

Mettre purement et simplement la société Fodegi hors de cause ;

Condamner la société Scaffolding à restituer à la société Fodegi le montant des condamnations payées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel, augmentée des intérêts de droit à compter du paiement ;

Débouter la société Scaffolding de toutes demandes à l'encontre de la société [Adresse 6] ;

Condamner, au visa de l'article 700 du code de procédure civile, la société Scaffolding à payer à :

- la société Fodegi la somme de 6 500 euros,

- la société [Adresse 6] la somme de 2 500 euros,

La condamner en tous les dépens d'instance et d'appel, avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2024, la société Scaffolding demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris ;

Débouter la société Fodegi de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société Fodegi à payer à la société Scaffolding la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Fodegi aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser la société Cagneaux-Dumont Gallion à en poursuivre le recouvrement sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

Condamner la société [Adresse 6] à payer à la société Scaffolding la somme de 9 244,47 euros au titre des factures impayées, avec intérêts au taux de 3 fois l'intérêt légal à compter du 22 octobre 2020 ;

Confirmer le jugement pour le surplus ;

Condamner la société [Adresse 6] à payer à la société Scaffolding la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société [Adresse 6] aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser la société Cagneaux-Dumont Gallion à en poursuivre le recouvrement sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 29 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 mai 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Fodegi

Moyens des parties

Les sociétés Fodegi et [Adresse 6] soutiennent que la demande de la société Scaffolding à l'encontre de la société Fodegi est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, seule la société [Adresse 6] ayant qualité de maître d'ouvrage dès lors qu'elle est propriétaire de l'ensemble immobilier sur lequel est intervenue la société Scaffolding et qu'elle est bénéficiaire des travaux effectués par cette dernière.

Elles ajoutent que la société Fodegi n'a agi qu'en qualité de représentante de la société [Adresse 6].

La société Scaffolding soutient que les documents contractuels désignent la société Fodegi comme le maître d'ouvrage et que le maître de l'ouvrage n'est pas nécessairement le propriétaire de l'ouvrage.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action (1re Civ., 17 mai 1993, pourvoi n° 91-15.761, Bull. 1993, I, n° 169) et l'existence du droit invoqué, tant par le demandeur que par le défendeur, n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès (3e Civ., 23 juin 2016, pourvoi n°15-12.158).

Au cas d'espèce, la question de savoir si la société Fodegi peut être considérée comme maître de l'ouvrage au sens de l'article 12, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1975 est relative aux conditions de mise en 'uvre de l'action directe prévue par cet article et touche au bien-fondé de l'action.

Par conséquent cette contestation au fond des défenderesses ne suffit pas à établir l'absence d'intérêt à agir de la société Scaffolding à l'encontre de la société Fodegi.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur le fond

Moyens des parties

La société Scaffolding soutient que les factures dont elle demande le paiement n'ont jamais été contestées par la société Les Métiers du bois et que ses travaux ont fait l'objet de procès-verbaux de réception sans réserve.

Elle fait valoir que les parties ayant déclaré adopter le principe de transparence dans le contrat de sous-traitance il en découle un agrément du sous-traitant par le maître de l'ouvrage.

Elle ajoute qu'elle a mis en demeure par lettre du 25 avril 2019 la société Les Métiers du bois de régler les factures litigieuses, qu'une copie de cette lettre a été adressée à la société Fodegi et qu'elle est donc bien fondée à exercer l'action directe prévue par l'article 12 alinéa 1 de la loi du 31 décembre 1975 à son encontre.

Les sociétés Fodegi et [Adresse 6] font valoir que la société Scaffolding est mal fondée en ses demandes à leur encontre dès lors qu'il lui appartenait d'actionner, à titre principal, la société Les métiers du bois avec laquelle elle a contracté.

Réponse de la cour

Aux termes du premier alinéa de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.

Il résulte de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 que les sous-traitants n'ont une action directe contre le maître de l'ouvrage que si celui-ci a accepté chaque sous-traitant et agréé les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance (Ch. mixte., 13 mars 1981, pourvoi n° 80-12.125, Bull. civ., chambre mixte, n° 3).

Si l'agrément peut être tacite, il ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant (Com., 14 juin 1988, pourvoi n° 86-18.010, Bull. 1988 IV N° 200)

Au cas d'espèce, la société Scaffolding ne justifie pas que la société Fodegi ou la société [Adresse 6] l'aurait agréée en qualité de sous-traitant ni que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance auraient été acceptées par le maître d'ouvrage, quel qu'il soit.

La mention dans le contrat de sous-traitance selon laquelle les parties adoptent le principe de transparence, signifiant, selon les termes du contrat, qu'elles " veulent dans la mesure du possible rendre contractuels entre (elles) les droits et obligations du marché principal ", ne constitue pas une preuve de l'agrément tacite du maître de l'ouvrage, qui n'a pas signé ce contrat.

Par conséquent, la société Scaffolding ne peut se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes sur le fond de la société Scaffolding et la demande à titre subsidiaire de la société Scaffolding formée à l'encontre de la société [Adresse 6] sera rejetée.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Scaffolding, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Fodegi la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Foncière expertise gestion immobilière ;

Le confirmant sur ce point et statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette toutes les demandes de la société Scaffolding ;

Condamne la société Scaffolding aux dépens de première instance et d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Scaffolding et de la société [Adresse 6] et condamne la société Scaffolding à payer à la société Foncière expertise gestion immobilière la somme de 3 000 euros.

La greffière, Le président de chambre,

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