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CA Angers, ch. a - com., 23 septembre 2025, n° 24/01467

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 24/01467

23 septembre 2025

COUR D'APPEL

D'[Localité 6]

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/AF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 24/01467 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FLQF

Ordonnance du 18 Juillet 2024

Juge de la mise en état du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 23/00850

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

S.A.S. ROSEDOR, représentée par son Président, Monsieur [J] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien BRUNEAU de la SCP SORET-BRUNEAU, avocat postulant au barreau du MANS - N° du dossier 2020274 et par Me Eugénie RESSIE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

S.A.S. SICAMUS prise en la personne de son représentant légal, domicilié en, cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71240108, substitué par Me José MORTREAU

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 16 Juin 2025 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 23 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant acte sous signature privée du 24 septembre 2010, la SAS Sicamus a donné à bail commercial à la SAS Vincentflor, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS Rosedor, un local de stockage et négoce et un quai de chargement dans un immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 8][Adresse 1][Localité 7] ainsi que le partage avec un co-occupant de la jouissance des parties communes comprenant un sas d'entrée, des sanitaires, un auvent extérieur et un ensemble d`aménagements extérieurs, pour une durée de dix ans, du 19 avril 2010 au 18 avril 2020, moyennant un loyer annuel provisoire hors taxes d'un montant de 32 110 euros HT. Le loyer initial définitif déterminé en fonction du coût des investissements réalisés par le bailleur, a été fixé, par avenant du 2 novembre 2011, à la somme annuelle de 33 159,23 euros.

L'article 4.2 de ce bail stipule que :

« Les parties conviennent que le loyer tel que défini ci-dessus ne fera l'objet d'aucune indexation pendant toute la durée du présent bail, soit dix (10) ans à compter du 19 avril 2010.

A l'expiration de cette durée contractuelle, et en cas de poursuite par tacite reconduction ou de renouvellement du présent bail, et pour la première fois le1er avril 2021, les parties conviennent expressément que :

- le loyer du présent contrat sera ramené à 80% du montant du loyer initial définitif, et qu'il

- sera indexé chaque année, à la date du 1er avril dans les conditions

suivantes : (...)»

Par acte extra-judiciaire du 27 février 2020, la SAS Rosedor a notifié à la SAS Sicamus une demande de renouvellement du bail commercial pour une durée de neuf ans, moyennant un loyer fixé à la valeur locative qu'elle estimait être de 20 600 euros HT par an.

En l'absence d'opposition de la bailleresse, le renouvellement du bail a pris effet le 19 avril 2020.

Un désaccord est né entre les parties sur le prix du bail renouvelé tenant à l'interprétation à donner à la clause 4.2 du bail : la bailleresse soutenant que le prix du bail renouvelé devait être fixé selon les stipulations de cette clause, contrairement à la preneuse qui a fait valoir que cette clause concernait le prix du bail initial en prévoyant une rétrocession d'une partie des loyers payés à hauteur de 20 % en cas de renouvellement du bail, de sorte qu'elle s'estimait fondée à réclamer la fixation du nouveau loyer à la valeur locative et à demander la restitution d'une somme de 66 318,46 euros HT, soit 79 582, 15 euros au titre d'un surloyer payé au cours du bail initial dès lors que le bail avait été effectivement renouvelé.

Le 10 février 2022, la SAS Rosedor a assigné la SCI Hestia, propriétaire des locaux depuis le 8 septembre 2021, devant le tribunal judiciaire du Mans à la fois en restitution de la somme de 79 582, 15 euros TTC et en fixation du loyer du bail renouvelé (affaire enregistrée au répertoire général sous le numéro 22/00414).

Par ordonnance du 24 janvier 2023, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de la SAS Rosedor formée contre la société Hestia au titre de la restitution des loyers prétendument devenus indus, lesquels avaient été payés à la précédente propriétaire.

Par suite, le 28 mars 2023, la SAS Rosedor a assigné la SAS Sicamus en paiement de ce qu'elle considérait être des surloyers payés au cours du bail initial devant lui être restitués, sollicitant la jonction de cette instance avec celle portant le numéro 22/00414.

La SAS Sicamus a alors saisi le juge de la mise en état d'un incident de prescription de l'action engagée contre elle en soulevant la prescription biennale prévue à l'article L. 145-60 du code de commerce.

Par ordonnance du 18 juillet 2024, le juge de la mise en état a :

- déclaré recevable la fin de non recevoir présentée par la SAS Sicamus;

- déclaré irrecevable la présente action comme étant atteinte par la prescription ;

- dit n'y avoir lieu à joindre cette affaire avec l'affaire 22/00414 ;

- condamné la SAS Rosedor à payer à la SAS Sicamus une indemnité de l 000 euros au titre de l`article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Rosedor aux dépens.

Par déclaration du 13 août 2024, la SAS Rosedor a relevé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Les parties ont conclu.

L'ordonnance de clôture initialement rendue le 2 juin 2025 a été révoquée à l'audience en accord avec les parties et une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue à l'audience, avant l'ouverture des débats.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures d'appelante remises le 3 juin 2025 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la SAS Rosedor demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

- déclarer l'action de la SAS Rosedor non atteinte par la prescription ;

- dire et juger la SAS Rosedor recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter la SAS Sicamus de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- ordonner la jonction de l'instance (RG N° 23/00850) avec l'instance initiale introduite par la SAS Rosedor contre la société Hestia (RG 22/00434) actuellement pendante devant le tribunal judiciaire du Mans ;

- condamner la SAS Sicamus à payer à la SAS Rosedor une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés devant le juge de la mise en état ;

- condamner la SAS Sicamus à payer à la SAS Rosedor une somme de 5 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour d'appel ;

- condamner la SAS Sicamus aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures remises le 12 juin 2025 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la SAS Sicamus demande à la cour de :

- juger la société Rosedor non fondée en son appel, ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions ;

- l'en débouter ;

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans du 18 juillet 2024 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- condamner la société Rosedor à payer à la société Sicamus une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, y compris ceux d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La prescription biennale de l'article L. 145-60 du code civil aux termes duquel les actions exercées en vertu du chapitre V du titre IV se prescrivent par deux ans, ne s'applique pas aux actions qui ne mettent pas en jeu les dispositions du statut des baux commerciaux.

Tel est le cas de l'action engagée par la société Rosedor contre la société Sicamus qui ne tend qu'à la restitution d'une partie des loyers qu'elle a payée au cours du bail initial et qui se fonde sur la clause 4.2 de ce bail qu'elle analyse comme prévoyant un mécanisme de rétrocession des loyers payés au cours du bail initial en cas de renouvellement du bail. Il ne revient pas à la cour, au stade de la recevabilité, de se prononcer sur le bien-fondé d'une telle interprétation de sorte qu'il n'y a pas lieu pour la cour de suivre les parties sur ce point mais seulement de constater que, comme le fait valoir l'appelante, d'une part, l'interprétation de la clause ne mobilise aucune disposition du statut et, d'autre part, sa demande revient, à travers la restitution d'une partie des sommes qu'elle a payées au cours du bail initial, à trancher un litige qui porte sur la fixation du loyer initial, laquelle n'est pas régie par le statut des baux commerciaux, étant laissée à la liberté des parties, à la différence de la révision du loyer par indexation selon une clause d'échelle mobile qui est soumise aux dispositions impératives de l'article L. 145-39 du code de commerce. A cet égard, la circonstance dont se prévaut la société Sicamus que ladite clause figure formellement dans un paragraphe intitulé clause d'indexation n'a pas pour effet de la confondre avec la clause d'indexation qui y est également prévue dès lors que la stipulation litigieuse qui fixe le montant du loyer est indépendante de la clause d'indexation qui pourrait assortir ce loyer. Le litige ne porte donc pas sur une demande de fixation d'un nouveau loyer du bail initial par le jeu d'une clause d'échelle mobile comme l'entend la société Sicamus.

Si la clause litigieuse permet de déterminer le prix du bail renouvelé dans le cas où il serait jugé qu'elle ne vise pas les loyers du bail initial mais bien ceux dus après renouvellement du bail à compter du 1er avril 2021, cela n'a pas pour conséquence de faire appliquer la prescription biennale à l'action relative au prix du bail initial.

Il s'ensuit que c'est à tort que le premier juge a appliqué à cette action la prescription biennale au lieu de la prescription de droit commun prévue à l'article 2224 du code civile.

Les parties s'accordent à fixer le point de départ du délai de prescription à la date de renouvellement du bail, soit au 19 avril 2020. L'action ayant été engagée contre la société Sicamus le 28 mars 2023, la prescription quinquennale n'est pas acquise.

L'ordonnance entreprise sera infirmée et l'action sera déclarée recevable.

La cour d'appel n'a pas à statuer sur le refus du premier juge d'ordonner la jonction des deux instances, mesure d'administration judiciaire.

La société Sicamus, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance sur l'incident et d'appel et à payer à la société Rosedor la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance sur l'incident qu'en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

- INFIRME l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle déclare recevable la fin de non-recevoir soulevée par la société Sicamus et rejette la demande de jonction de l'instance avec celle n° 22/414.

Statuant à nouveau sur les autres chefs,

- DÉCLARE recevable l'action engagée par la société Rosedor contre la société Sicamus.

- CONDAMNE la société Sicamus aux dépens de première instance sur l'incident et aux dépens d'appel.

- CONDAMNE la société Sicamus à payer à la société Rosedor la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance sur l'incident qu'en appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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