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CA Lyon, 1re ch. civ. a, 25 septembre 2025, n° 21/07964

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/07964

25 septembre 2025

N° RG 21/07964 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N5MJ

Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 21 octobre 2021

( chambre 10 cab 10 H)

RG : 21/05525

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 25 Septembre 2025

APPELANTE :

S.A.R.L. NJP LOCATION

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant la SELASU SELASU RICHARD R. COHEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SA BRENNTAG

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475

Et ayant pour avocat plaidant la SELARL ELECTA JURIS, avocat au barreau de LYON, toque : 332

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Janvier 2025

Date de mise à disposition : 10 avril 2025 prorogée au 25 septembre 2025 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience tenue par Anne WYON, président, et Julien SEITZ, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Patricia GONZALEZ, président

- Julien SEITZ, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Julien SEITZ, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La société Brenntag a exercé jusqu'en février 2010 une activité industrielle sur un ensemble de parcelles situées [Adresse 2] à [Localité 10] (Yvelines).

Ayant cessé cette activité, elle a conclu entre 2014 et 2018 une série de baux sur ses anciens locaux d'exploitation, au profit de différentes sociétés.

Selon bail dérogatoire du 30 novembre 2016, conclu pour une durée de 3 ans à effet au 1er décembre 2016, elle a notamment consenti à la société NJP location la location à titre précaire d'un espace d'une surface approximative de 800 mètres carrés, pour servir de zone de stockage du matériel nécessaire à l'activité de travaux de terrassement et travaux préparatoires, contre paiement d'un loyer annuel de 12.000 euros HT.

La société Brenntag a ultérieurement envisagé de céder ses locaux à la société Bouygues construction.

Par acte extrajudiciaire du 15 octobre 2020, elle a délivré congé à la société NJP location pour le 30 novembre 2020, pour cause de déménagement.

Par assignation signifiée le 04 août 2021, la société Brenntag a fait citer la société NJP location devant le tribunal judiciaire de Lyon, en sollicitant à titre principal que soit ordonnée son expulsion comme occupante sans droit ni titre. Elle a demandé à titre subsidiaire, pour le cas où la juridiction devait retenir qu'un bail commercial s'était substitué au bail dérogatoire, que soit prononcée la résiliation de ce bail commercial et que soit ordonnée l'expulsion du preneur. Elle a sollicité en tout état de cause que la société NJP location soit expulsée des espaces occupés hors l'emprise du bail. Elle a également sollicité le versement d'une indemnité d'occupation de 6.000 ou 5.000 euros par mois selon le cas et la condamnation de la société NJP location à lui régler la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.

La société NJP location a conclu en retour à l'incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Lyon au profit du tribunal judiciaire de Versailles, subsidiairement à la nullité du congé, ou à la condamnation de la société Brenntag à lui verser une indemnité d'éviction et des dommages-intérêts.

Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- débouté la société NJP location de sa demande de rejet des dernières écritures et pièces de la société Brenntag ;

- rejeté l'exception d'incompétence formée par la société NJP location ;

- rejeté 'l'exception de nullité de congé' ;

- débouté la société NJP location de sa demande d'indemnité d'éviction ;

- ordonné l'expulsion de la société NJP location et de tous occupants de son fait ainsi que la libération des lieux de tout objet mobilier des locaux sis [Adresse 3], avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

- condamné la société NJP location à verser à la société Brenntag une indemnité d'occupation mensuelle de 1.000 euros entre le 1er décembre 2020 et la libération des lieux;

- débouté la société NJP location de ses prétentions indemnitaires ;

- débouté la société Brenntag de ses prétentions indemnitaires ;

- condamné la société NJP location aux dépens ;

- autorisé la société Electra Juris à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux desdépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- condamné la société NJP location à payer à la société Brenntag la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande de la société NJP location tendant à écarter l'exécution provisoire ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraintes formées par les parties.

La société NJP location a relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 03 novembre 2021.

Elle a saisi le premier président de la cour d'appel de Lyon d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire, que le magistrat délégué a rejeté selon ordonnance du 21 février 2022.

Les locaux litigieux ont été restitué le 22 juillet 2022 et leur reprise a donné lieu à constat de commissaire de justice.

***

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 18 novembre 2022, la société NJP location demande à la cour, au visa des articles 9, 42, 48, 75, 90, 142, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, L.145-1, L.145-5, L.145-9, L.145-15, L.145-40-1, R.145-30, R.145-23 du code de commerce, 1103, 1224, 1227, 1353, 1719 et 1731 du code civil, de l'article 1er, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et de l'adage « fraus omnia corrumpit », de :

- infirmer le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il :

- déboute la société NJP location de sa demande de rejet des dernières écritures et pièces de la société Brenntag,

- rejette l'exception d'incompétence formée par la société NJP location,

- rejette l'exception de nullité du congé,

- déboute la société NJP location de sa demande d'indemnité d'éviction,

- ordonne l'expulsion de la société NJP location et de tous occupants de son fait ainsi que la libération des lieux de tout objet mobilier des locaux sis [Adresse 1], avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- condamne la société NJP location à verser à la société Brenntag une indemnité d'occupation mensuelle de 1.000 euros entre le 1er décembre 2020 et la libération des lieux,

- déboute la société NJP location de ses prétentions indemnitaires,

- condamne la société NJP location aux dépens,

- autorise la société Electra Juris à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- condamne la société NJP location à payer à la société Brenntag la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette la demande de la société NJP location tendant à écarter l'exécution provisoire,

- rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,

- le confirmer pour le surplus,

statuant à nouveau in limine litis :

- réputer non écrite la clause attributive de compétence stipulée à l'article 11 du bail en l'absence de spécification de manière très apparente et en l'absence de clarté suffisante,

- déclarer la société NJP location recevable en son exception d'incompétence territoriale du tribunal judicaire de Lyon au profit du tribunal judicaire de Versailles et la dire bien fondée,

- dire que, par application de l'article R145-23 du code de commerce, seule la cour d'appel deVersailles est compétente pour connaître des demandes formées par la société Brenntag, et ce, à l'exclusion de la cour d'appel de Lyon,

- se déclarer, par suite, incompétent pour en connaître et renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Versailles,

toujours in limine litis :

- prononcer la nullité du congé signifié par la société Brenntag le 15 octobre 2020 pour le 30 novembre 2020 'pour cause de déménagement',

- reconnaître à la société NJP location, laissée en possession après expiration du délai de 36 mois du bail dérogatoire, le bénéficie d'un bail commercial en application des dispositions de l'article L145-5 du Code de commerce,

à titre principal :

- débouter la société Brenntag de l'intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire :

- condamner la société Brenntag à payer à la société NJP location la somme de 283.000 euros à titre d'indemnité d'éviction,

en toute hypothèse :

- déclarer la société NJP location recevable et bien fondée en ses prétentions,

- requalifier le 'contrat de location à titre précaire' en date du 30 novembre 2016 en bail commercial à effet du 1er décembre 2019 au profit de la société NJP location soumis aux dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce portant sur les locaux sis à [Localité 8],

- prononcer la nullité et à titre subsidiaire réputer non écrite de la clause de désignation fixée à l'article 4 du bail pour fraude de la société Brenntag SA aux droits de la société NJP location,

- débouter la société Brenntag de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Brenntag à payer à la société NJP location la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Brenntag à payer à la société NJP location la somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Brenntag au règlement des entiers dépens de première instance et d'appel.

***

Par conclusions récapitulatives déposées le 24 octobre 2022, la société Brenntag demande à la cour, au visa des articles L. 145-1 et suivants, notamment L. 145-5 et R. 145-23 du code de commerce, 48 du code de procédure civile, 117 du même code, 1124, 1227, 1728, 1737 et 1738 du code civil, de:

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité d'occupation à 1.000 euros HT par mois entre le 1er décembre 2020 et la complète libération des lieux et débouté la société Brenntag de sa demande de voir condamner la société NJP location à lui régler la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- l'infirmer de ces chefs,

statuant à nouveau :

- condamner la société NJP location à lui payer une indemnité d'occupation de 6.000 euros HT par mois entre le 1er décembre 2020 et la complète libération des lieux occupés,

- condamner la société NJP location à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

subsidiairement, pour le cas où la cour estimerait qu'un bail commercial est né au terme du bail dérogatoire :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail commercial liant les parties sur les lieux sis [Adresse 4] à [Localité 10] (Yvelines),

- ordonner l'expulsion de la société NJP location et de tous occupants de son fait ainsi que la libération des lieux de tout mobilier et autre matériaux et matériels ou autres situés dans les lieux occupés, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- condamner la société NJP location à lui payer une indemnité d'occupation à compter du 1er décembre 2020 et à tout le moins à compter du jugement intervenu de 6.000 euros HT par mois, jusqu'à complète libération des lieux de tout occupant et de tout mobilier,

à titre infiniment subsidiaire et à tout le moins :

- ordonner l'expulsion de la société NJP location et de tous occupants de son fait ainsi que la libération de tous les espaces occupés par elle en dehors de lieux visés au bail commercial ou au bail dérogatoire, lesquels sont occupés sans aucun droit ni aucun titre,

- condamner la société NJP location à lui payer une indemnité d'occupation de 5.000 euros HT à compter du 1er décembre 2016 en contrepartie de son occupation illicite et sauvage des parties communes de l'ensemble immobilier appartenant à la société Brenntag, jusqu'à libération complète desdits lieux occupés indument,

y ajoutant :

- condamner la société NJP location à lui régler la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, distraits au profit de la société Electra Juris, avocat, sur son affirmation de droit.

***

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 07 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle elle a été mise en délibéré au 10 avril 2025. Le délibéré a été prorogé au 25 septembre 2025.

MOTIFS

Sur les chefs de jugement déférés mais non critiqués :

La société NJP location conclut à l'infirmation des chefs de dispositif par lequel le premier juge l'a déboutée de sa demande de rejet des dernières écritures et pièces de la société Brenntag et a rejeté le surplus des demandes des parties, ainsi que la demande tendant à écarter l'exécution provisoire. Elle ne développe cependant de moyen à l'appui de cette prétention.

Il n'y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris de ces chefs de dispositif.

Sur la compétence :

Vu l'article R. 145-23 du code de commerce ;

Vu l'article 42 du code de procédure civile ;

C'est par de justes motifs, qui répondent aux conclusions des parties et que la cour adopte que le premier juge a retenu que la clause attributive de conpétence insérée au contrat de bail précaire est licite et régulière et qu'il a rejeté l'exception d'incompétence élevée par la société NJP location.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur la substitution d'un bail commercial au bail précaire :

Vu les articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce :

En vertu du premier de ces textes, la législation applicable aux baux commerciaux s'appliquent :

- aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce,

- aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal; en cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe.

En application du second, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par la législation applicable aux baux commerciaux.

Dans cette dernière hypothèse, la soumission au statut des baux commerciaux suppose que la convention ait pour objet un immeuble ou un local répondant aux conditions de l'article L. 145-1 du code de commerce.

Il est constant en l'espèce que les parties ont conclu le 30 novembre 2016 un bail précaire d'une durée de trois ans courant à compter du 1er décembre 2016 et qu'elles ont expressément exclus cette location du champ d'application des baux commerciaux en application de l'article L. 145-5 du code de commerce.

En outre, il n'est pas contesté que la société NJP location a été laissée en possession des lieux à l'expiration de la durée de trois ans du bail précaire et que la société Brenntag n'a accompli aucune démarche en vue de son éviction avant la délivrance du congé du 15 octobre 2020.

Il convient en conséquence de rechercher si le bail précaire a porté sur un local répondant aux conditions de l'article L. 145-1 du code de commerce, à dessein de déterminer si un bail commercial s'y est substitué à compter du 1er décembre 2019.

C'est par de justes motifs, qui répondent aux conclusions des parties et que la cour adopte, que le premier juge a retenu que le caractère frauduleux de la clause de destination stipulée au contrat du 30 novembre 2016 n'était pas établi et qu'aucun fonds de commerce n'était exploité dans les locaux pris à bail.

Il s'ensuit que la société NJP location ne peut valablement se prévaloir de l'article L. 145-1 du code de commerce pour conclure à l'existence d'un bail commercial ab initio ou à la substitution d'un bail commercial au bail précaire.

Il ressort en revanche de l'article 4 du bail précaire du 30 novembre 2016 que ' le preneur utilisera les lieux loués pour stocker le matériel nécessaire à l'exercice de son activité pour laquelle il est inscrit au registre du commerce et des sociétés, à savoir la réalisation de travaux de terrassement et de travaux préparatoires'. Les parties ont également précisé, à l'article 3, que le bail 'est consenti pour la durée nécessaire au preneur pour trouver un local lui permettant de stocker l'intégralité de son matériel nécessaire à son activité '.

Il a été précédemment retenu, par adoption de motif, que cette destination était exclusive de toute exploitation d'un fonds de commerce.

Le contrat précise également l'adresse du siège social de la société NJP location, sis [Adresse 5] à [Localité 10] (Yvelines).

Il en résulte que l'intimée n'ignorait pas que l'appelante exploitait son fonds à partir d'un autre établissement, dont elle n'était pas la propriétaire ni la bailleresse, et que le bail précaire était conclu en vue d'une utilisation des locaux jointe à celle de l'établissement principal.

En outre le caractère indispensable d'un local accessoire s'apprécie par rapport à l'exploitation du fonds de commerce, sans considération des possibilités de remplacement du local en question (Cass., 3e Civ., 07/02/1990, n°88-12880).

Or, il résulte des termes du contrat que les locaux litigieux ont été loués pour stocker sinon l'intégralité, à tout le moins une partie très significative du matériel d'exploitation du fonds de la société NJP location, étant observé que leur surface s'établit à près de 800 mètres carrés, ce qui ne les apparente pas à une zone de stockage mineure ou secondaire.

Il ressort au demeurant de l'article 3 du contrat que la société NJP location ne disposait pas d'espace de stockage lui permettant de remiser l'intégralité de son matériel.

Le stockage des matériaux et engins nécessaires à l'activité de terrassement et de travaux du bâtiment revêt un caractère particulièrement sensible pour l'exploitant, dans la mesure ou ces engins sont précieux et que les matériaux sont souvent périssables en cas d'exposition aux éléments naturels.

Il s'ensuit :

- que la privation des locaux litigieux était de nature à compromettre l'exploitation du fonds de la société NJP location, quand même l'intéressée aurait-elle disposé d'autres espaces de stockage secondaires, ce qui n'est pas établi,

- que la société Brenntag ne pouvait ignorer le caractère indispensable des locaux litigieux à l'exploitation du fonds.

Le fait que le bail ait été souscrit 'pour la durée nécessaire au preneur pour trouver un local lui permettant de stocker l'intégralité de son matériel nécessaire à son activité ' et que la société NJP location ne justifie pas avoir recherché un local aternatif du temps de son occupation est totalement indifférent à cet égard et ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 145-1 du code de commerce.

Il n'est pas invoqué enfin de circonstance particulière indépendante de la volonté des parties au sens de l'article L. 145-6 du code de commerce, susceptible de faire obstacle à l'application de l'article L 145-5 du même code.

Il y a lieu en conséquence de retenir que les locaux litigieux présentaient un caractère accessoire et indispensable à l'exploitation du fonds de la société NJP location au sens de l'article L. 145-1 du code de commerce et qu'un bail commercial s'est substitué au bail précaire à compter du 1er décembre 2019, conformément au second alinéa de l'article L. 145-5 du même code.

Sur la régularité du congé :

Vu l'article L. 145-4 du code de commerce ;

Il a été précédemment retenu qu'un bail commercial s'est substitué au bail précaire à compter du 1er décembre 2019.

Or, le congé en date du 15 octobre 2020 n'a pas été délivré pour l'expiration de ce bail, non plus que pour l'expiration de l'une des périodes triennales prévues à l'article L. 145-4 du code de commerce et pour l'un des motifs prévus au troisième alinéa de cette disposition. Ce congé est donc irrégulier et encourt l'annulation.

Le jugement entrepris sera donc réformé en ce qu'il a rejeté 'l'exception de nullité du congé' et le congé sera déclaré nul.

Sur la demande de résiliation pour faute du bail commercial :

Vu les articles 1224, 1227 et 1229 du code civil ;

Vu l'article L. 145-41 du code de commerce ;

L'obligation de délivrer un commandement ou une sommation au preneur en amont de la résiliation d'un bail commercial, prévue à l'article L. 145-41 susvisé, ne concerne que les hypothèses de mise en oeuvre d'une clause résolutoire. Elle n'est pas applicable aux demandes de résiliation judiciaire fondées sur les articles 1224, 1227 et 1229 du code civil, ce dont il suit que le moyen élevé par la société NJP location est impropre à faire obstacle à la prétention de la société Brenntag.

L'huissier de justice ayant procédé aux opérations de constat du 22 juin 2021 a noté au procès-verbal 'je constate depuis l'extérieur que l'activité exercée au sein du hangar est une activité de tri de déchets divers'.

La société NJP location estime que cette mention est emprunte de subjectivité et dépasse le cadre d'une simple constatation matérielle. Elle en déduit que l'huissier instrumentaire a outrepassé ses prérogatives et que son procès-verbal doit être écarté des débats.

L'examen des photographies jointes au constat témoigne toutefois de ce que des piles de gravas et déchets emplissent l'entrepôt pris à bail, correspondant manifestement à une activité de stockage et de tri. La mention littérale portée par l'huissier à son constat ne procède donc pas d'une analyse subjective de l'environnement décrit et il n'y a lieu d'écarter cette pièce des débats.

Les photographies jointes au constat d'huissier du 13 octobre 2020 confirment en tant que de besoin la réalité de l'activité de stockage de déchets, étrangère à la destination contractuelle afférente au stockage du matériel nécessaire à la réalisation de travaux de terrassement et de travaux préparatoires.

Il résulte également du constat du 22 juin 2021 que la société NJP location a inscrit sa raison sociale à la peinture rouge sur la façade du bâtiment, de manière particulièrement grossière, manquant ainsi à son obligation de conserver les locaux en bon état et de s'abstenir de les dégrader.

Ces faits caractérisent des manquements graves à la destination contractuelle des locaux et à l'obligation d'entretien pesant sur le preneur, justifiant la résiliation du bail à effet au 30 novembre 2020.

Le bail étant résilié aux torts de la société locataire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné son expulsion et en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité d'éviction.

Sur l'indemnité d'occupation :

Le bail précaire prévoit un loyer annuel de 12.000 euros HT, au regard duquel le premier juge a estimé la valeur locative à 1.000 euros par mois et fixé l'indemnité mensuelle d'occupation au même montant.

La société Brenntag soutient que le loyer contractuel ne refléterait pas la valeur locative et aurait été lourdement sous-évalué, mais ne le démontre pas.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation au montant mensuel de 1.000 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société NJP location :

Si les procès-verbaux de constat établissent que du matériel et des déchets de chantier se trouvent stockés dans les zones extérieures communes de l'ensemble immobilier, ils ne suffisent à démontrer que l'exploitation de la société NJP location s'en serait trouvée affectée d'une quelconque manière.

Il n'y a donc lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formée au titre du trouble de jouissance et du manquement à l'obligation de délivrance allégués, et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Brenntag :

C'est par de justes motifs, qui répondent aux conclusions des parties et que la cour adopte, que le 1er juge a écarté la demande de dommages-intérêts formée par la société Brenntag du chef de la rupture brutale alléguée de pourparlers.

L'abus de la société NJP dans l'exercice de ses droits à l'occasion des différentes contestations judiciaires n'est pas démontré et la société Brenntag ne justifie pour le surplus que le maintien de la société NJP location dans les locaux jusq'au 22 juillet 2022 aurait fait échouer la vente conclue avec la société Bouygues.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société Brenntag.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La société NJP location succombe à l'instance d'appel. Il y a lieu partant de confirmer les dispositions du jugement de 1ère instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens et de condamner l'appelante à supporter les dépens d'appel.

L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer la somme de 1.000 euros à la société Brenntag en indemnisation de ses frais irrépétibles. Elle commande enfin de rejeter la demande formée par l'appelante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

- Confirme le jugement prononcé le 21 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon entre les parties sous le numéro RG 21/05524, sauf en ce qu'il a rejeté ' l'exception de nullité du congé';

- L'infirme de ce chef ;

statuant à nouveau du chef de jugement infirmé et y ajoutant :

- Prononce l'annulation du congé délivré le 15 octobre 2020 par la société Brenntag ;

- Juge qu'un bail commercial s'est substitué au bail précaire conclu entre les parties, à effet au 1er décembre 2019 ;

- Prononce la résiliation judiciaire de ce bail commercial à effet au 30 novembre 2020 ;

- Condamne la société NJP location aux dépens de l'instance d'appel ;

- Condamne la société NJP location à payer à la société Brenntag la somme de 1.000 euros en indemnisation de ses frais non répétibles ;

- Rejette la demande formée par la société NJP location sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

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