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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 23 septembre 2025, n° 24/01690

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 24/01690

23 septembre 2025

COUR D'APPEL

D'[Localité 9]

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/AF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 24/01690 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FMAT

Ordonnance du 25 Septembre 2024

Tribunal de Commerce d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2024009941

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

S.C.I. BRETONN

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Romain BLANCHARD, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier P04001, substitué par Me Delphine BRETON

INTIMES :

Monsieur [H] [U]

né le 23 Mai 1982 à [Localité 11] (Maroc)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Société TAST EAT, représentée par son président, Monsieur [H] [U]

Dont le siège social est [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Me Ludovic BAZIN, avocat au barreau d'ANGERS

S.E.L.A.R.L. ATHENA prise en son établissement sis [Adresse 2], représentée par Maître [F] [N], mandataire judiciaire, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [Adresse 10], fonction à laquelle elle a été désignée par jugement du Tribunal de Commerce d'Angers en date du 19 juin 2024, domiciliée ès-qualités audit établissement,

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Aurélien GOGUET de la SELARL ASTROLABE AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2024-40

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 16 Juin 2025 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 23 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE :

La SCI Bretonn est propriétaire de locaux commerciaux situés dans le centre commercial du Chapeau de gendarme à Angers, divisés en cinq cellules commerciales données à bail commercial, l'une d'elles ayant été donnée à bail à la société [Adresse 10] qui y exploitait une activité de restauration.

Le contrat de bail interdit expressément au locataire la possibilité de 'céder le droit au bail si ce n'est en totalité à son successeur dans son fonds de commerce. Dans le cas où les cession ou mutation de jouissance seraient permises, celles-ci devraient au préalable être constatées par un acte écrit où interviendrait le bailleur ou son représentant, dont copie lui sera remise immédiatement'.

Par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 19 juin 2024, la société La villa des roses a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL Athéna, prise en la personne de Mme [N], a été désignée liquidateur judiciaire.

A la requête du liquidateur judiciaire du 4 juillet 2024 tendant à être autorisé à céder le fonds de commerce de la société [Adresse 10], le juge commissaire a, par ordonnance du 17 juillet suivant, fixé les conditions de la cession projetée, fixé la date limite de dépôt des offres au 3 septembre 2024 et l'audience d'ouverture des plis au 4 septembre 2024 à 14 heures. Lors de l'audience d'ouverture des plis, il a été constaté qu'une seule offre avait été remise, celle de la société Tast eat, représentée par M. [U], qui portait uniquement sur le droit au bail de la société [Adresse 10], au prix de 52 000 euros, pour exercer dans les lieux une restauration rapide.

Le 17 septembre 2024, le liquidateur judiciaire, après avoir indiqué qu'une offre avait été présentée par M. [U] pour le compte de la société Tast eat, portant sur le fonds de commerce et précisé que l'intégralité du prix serait affectée aux éléments incorporels, a requis du juge commissaire de bien vouloir, conformément aux articles L. 642-19 et R. 642-37-2 du code de commerce, autoriser la vente de gré-à-gré du fonds, 'conformément aux termes de l'offre' qui était annexée à la requête.

Par ordonnance du 25 septembre 2024, le juge commissaire a :

- autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce de la SARL [Adresse 10] au profit de M. [U] pour le compte de la SAS Tast Eat au prix de 52 000 euros, ventilé de la manière suivante : éléments incorporels 52 000 euros ;

- acté que la somme de 39 000 euros, représentant 75% du prix de cession, a d'ores et déjà été remise en garantie entre les mains du liquidateur judiciaire, au moyen d'un chèque de banque lié sur le compte du Crédit mutuel du 3 septembre 2024 ;

- dit que le prix de cession devra être versé dans son intégralité au liquidateur judiciaire ès qualités au plus tard lors de la signature de l'acte de cession ;

- dit que le repreneur s'engage à reconstituer le dépôt de garantie à qui de droit ;

- dit que les frais et honoraires de l'acte ainsi que ceux qui en seront la suite et la conséquence seront supportés par l'acquéreur ;

- dit que l'entrée en jouissance interviendra au lendemain de la présente ordonnance ;

- dit également que le cessionnaire d'une part exécutera, à partir du jour de l'entrée en jouissance, en lieu et place du défaillant toutes les charges et obligations du bail cédé et réglera les loyers, charges, assurances et impôts afférents au fonds cédé, le tout de manière à ne donner lieu à aucun recours contre quiconque ;

- dit que l'acquéreur prendra possession du fonds de commerce en l'état avec tous ses éléments incorporels en dépendant dans l'état où le tout se trouvera lors de la prise en possession, et fera son affaire de la situation locative, sans pouvoir exercer aucun recours contre le liquidateur, ni demander aucune indemnité ou réduction de prix ;

- dit que l' ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception :

* au débiteur, M. [I] [C] ;

* au créancier inscrit, la société Caisse régionale;

* au bailleur, SCI Bretonn ;

* à l'acquéreur, SAS Tast eat ;

* au liquidateur, la SELARL Athéna en la personne de Me [N].

Par déclaration du 3 octobre 2024, la SCI Bretonn a formé appel de l'ordonnance en attaquant toutes ses dispositions sauf en celles relatives à la notification de la décision, intimant la SELARL Athéna, ès qualités, M. [U] et la société Tast eat.

Le 20 février 2025, l'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai à l'audience du 16 juin 2025.

Par conclusions notifiées au greffe le 17 avril 2025, signifiées les 17 et 18 avril à M. [U] et à la société Tast eat , la SCI Bretonn a conclu à l'infirmation du jugement et au rejet de la requête initiale de la SELARL Athéna, ès qualités en opposant la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer pendant plus de trois mois après le prononcé de la liquidation judiciaire, rappelant à ce sujet qu'elle avait déposé au juge commissaire une requête aux fins de la voir constater, et en exposant que cette cession au profit d'une activité de restauration rapide serait de nature à nuire à ses intérêts et à dévaloriser son fonds de commerce, raison pour laquelle elle s'y opposait.

Par conclusions notifiées le 30 mai 2025, le liquidateur judiciaire a conclu à la confirmation de l'ordonnance en s'opposant aux moyens invoqués par l'appelante.

M. [U] et la société Tast eat ont constitué avocat le 30 mai 2025 et, par conclusions notifiées le même jour, ont demandé à la cour de :

'- déclarer sinon décider sinon prononcer irrecevable le recours initié par la société SCI Bretonn à l'encontre de M. [U], tiers au litige ;

- constater que la société Tast Eat s'en rapporte à justice sur la demande de réformation du chef de l'ordonnance du 25 septembre 2024 autorisant la vente sauf en ce qu'elle a autorisé la vente du fonds de commerce de la société [Adresse 10] en lieu et place de son seul droit au bail ;

En conséquence,

- Infirmer l'ordonnance du 25 septembre 2024 en ce qu'elle a autorisé la vente du fonds de commerce de la société La Villa des Roses en lieu et place de son seul droit au bail ;

Et statuant à nouveau :

- décider que l'offre d'achat de la société Tast eat portait uniquement sur le droit au bail de la société [Adresse 10] et non le fonds de commerce et l'activité de la cette société ;

Et tirant toute conséquence de la décision à intervenir sur ce chef :

* En l'hypothèse de l'infirmation du chef de l'ordonnance du 25 septembre :

- Infirmer l'ordonnance du 25 septembre 2024 en toutes ses dispositions et notamment celles inhérentes à l'entrée en possession ;

- constater sinon ordonner la résolution de la vente et en tirer toutes conséquences de droit ;

- ordonner la restitution à la société Tast eat par la Société Athena ès qualités du chèque de 39 000 euros remis en garantie ;

* En l'hypothèse d'une confirmation du chef de l'ordonnance du 25 septembre 2024 autorisant la vente :

- Infirmer l'ordonnance du 25 septembre 2024 en ce qu'elle a :

dit que l'entrée en jouissance interviendra au lendemain de sa date ;

dit que l'acquéreur prendra possession du fonds de commerce en l'état avec tous les éléments incorporels en dépendant dans l'état où ils se trouveront lors de la prise en possession, et fera son affaire personnelle de la situation locative, sans pouvoir exercer aucun recours contre le liquidateur, ni demander aucune indemnité ou réduction de prix

Et statuant à nouveau :

- constater sinon décider sinon relever que l'entrée en jouissance ne pourra intervenir qu'au lendemain de l'ordonnance du juge commissaire amenée à statuer sur la demande de résiliation du contrat de bail initiée par la société SCI Lebretonn ;

En tout état de cause,

- Condamner la société SCI Bretonn à devoir à M. [U] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner toute partie succombante à devoir à la société Tast eat la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l'instance'.

Par conclusions notifiées le 2 juin 202, la SCI Bretonn s'est désistée de son recours en précisant qu'un accord amiable avait été trouvé et a demandé le rejet des demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées contre elle par la société Tast eat et M. [U].

Par conclusions notifiées le même jour, la SELARL Athena ès qualités a demandé à la cour de donner acte à la SCI Bretonn de son désistement d'instance et d'action, de ce qu'elle acceptait ce désistement et de statuer ce que de droit sur les dépens. Par conclusions notifiées le 11 juin 2025, la SELARL d'appel de la bailleresse, l'ordonnance attaquée est devenue définitive et de ce que le bail commercial n'est pas résilié, précisant que la bailleresse s'était également désistée de son instance en résiliation du bail qui était pendante devant le juge commissaire, s'est opposée aux prétentions de la société Tast eat.

Le 14 juin 2025, M. [U] et la société Tast eat ont notifié au greffe et aux parties des dernières conclusions auxquelles la SELARL Athena ès qualités a répondu par conclusions notifiées le 16 juin suivant.

L'ordonnance de clôture a été rendue à l'audience.

La Cour a autorisé la société Tast eat à lui remettre une note en délibéré, en particulier sur la recevabilité de ses prétentions au regard de la règle de la concentration des prétentions en appel.

Le 1er juillet 2025, la société Tast eat a déposé une note en délibéré à laquelle, le 16 juillet 2025, la SELARL Athena ès qualités a répondu par une note en délibéré.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SCI Bretonn demande à la cour de :

- constater son désistement ;

- débouter la société Tast eat et M. [U] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société Bretonn ;

- laisser à chaque partie la charge de ses frais et dépens.

M. [U] et la société Tast eat demandent à la cour de :

- déclarer sinon décider sinon prononcer irrecevable le recours initié par la société SCI Bretonn à l'encontre de M. [U], tiers au litige ;

- constater le refus de désistement opposé par la société Tast eat au désistement de la société SCI Bretonn ;

- déclarer sinon décider sinon prononcer que le recours initié par la société SCI Bretonn est recevable ;

- déclarer sinon décider que les prétentions de la société Tast eat sont recevables ;

* A titre principal et subsidiaire :

- Infirmer l'ordonnance du 25 septembre 2024 en ce qu'elle a autorisé la vente du fonds de commerce de la société [Adresse 10] en lieu et place de son seul droit au bail ;

Et statuant à nouveau :

- constater sinon ordonner la résolution de la vente et en tirer toutes conséquences de droit ;

- ordonner la restitution à la société Tast eat par la Société Athena ès qualités du chèque de 39 000 euros remis en garantie ;

* A titre infiniment subsidiaire :

- condamner la société Athena à restituer à la société Tast eat le prix de vente des éléments du fonds de commerce vendus (licence IV, meubles meublants etc..) à son seul préjudice ;

En tout état de cause,

- condamner la société SCI Bretonn à devoir à M. [U] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner toute partie succombante à devoir à la société Tast eat la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l'instance.

La SELARL Athéna, ès qualités, demande à la cour de :

- juger la société Tast eat tant irrecevable que mal-fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater que le bail commercial n'est pas résilié ;

- constater que l'ordonnance du 25 septembre 2024 est aujourd'hui définitive ;

En conséquence,

- débouter la société Tast eat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Tast eat à une amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner la société Tast eat à verser à la SELARL Athena ès qualités la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions déposées au greffe :

- le 2 juin 2025 pour la société Bretonn,

- le 14 juin 2025 pour la société Tast eat,

- le 16 juin 2025 pour la SELARL Athéna, ès qualités,

et aux notes en délibéré remises par ces deux dernières parties le 1er et le16 juillet 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours formé contre M. [U]

M. [U] fait justement valoir qu'il n'a remis l'offre d'achat du droit au bail qu'en sa qualité de gérant de la société Tast eat, pour le compte et au nom de celle-ci. Il n'a donc aucun intérêt légitime à agir en défense à une action relative à la cession de ce droit au bail.

Le recours formé contre lui sera déclaré irrecevable en application de l'article 31 du code de procédure civile.

Sur le recours de la société Tast eat

Le liquidateur judiciaire soulève l'irrecevabilité du recours formé par la société Tast eat. Il soutient que les dernières conclusions remises pour la société Tast eat sont contradictoires avec ses précédentes et caractérisent une volonté de se rétracter alors que l'ordonnance est aujourd'hui définitive à la suite du désistement pur et simple de la SCI Bretonn, ce qui démontrerait non seulement l'existence d'un cas d'estoppel, mais encore et surtout l'abus de procédure dont fait usage la société Tast eat.

Sur la recevabilité du recours incident formé par la société Tast eat

En application de l'article L. 642-19 du code de commerce, le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu'il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur que les immeubles, lorsqu'elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci.

Aux termes de l'art. R. 642-37-3 du code de commerce, 'les ordonnances rendues en application de l'article L. 642-19 sont, à la diligence du greffier, notifiées au débiteur et communiquées par lettre simple aux contrôleurs. Les recours contre ces décisions sont formés devant la cour d'appel'.

Pour s'opposer à la recevabilité du recours de la société Tast eat, le liquidateur judiciaire soutient que la société Tast eat n'a pas qualité de partie à l'ordonnance et que cette ordonnance ne préjudicie pas à ses droits en ce qu'elle a retenu purement et simplement l'ensemble des termes de l'offre de reprise, en rappelant que la société Tast eat a déposé une offre de reprise de fonds de commerce circonscrite strictement aux seuls éléments incorporels du fonds et, encore plus précisément, au seul droit au bail, en répondant à un appel de cession pur et simple de l'ensemble des éléments composant le fonds de commerce.

La société Tast eat réplique à juste titre que le recours n'est pas ouvert exclusivement aux personnes qui étaient parties en première instance mais également aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par les ordonnances de ce juge-commissaire rendues en application de l'art. L. 642-19 précité.

Reste à la société Tast eat à démontrer que l'ordonnance dont elle demande l'infirmation affecte ses droits. Si elle fait un long développement sur la nature du recours prévu à l'article R. 642-37-3, elle ne caractérise pas précisément en quoi ses droits seraient affectés par l'ordonnance.

En premier lieu , il est relevé que l'ordonnance attaquée autorise formellement la vente de gré à gré du fonds de commerce en précisant que le prix de vente sera affecté aux éléments incorporels, sans dire qu'il ne s'agissait que du seul droit au bail. Néanmoins, il est établi que l'offre de la société Tast eat ne porte que sur le droit au bail et le liquidateur judiciaire reconnaît que l'ordonnance attaquée n'a, en réalité, qu'autorisé la cession du droit au bail dès lors que sa requête renvoyait expressément à l'offre. La société Tast eat ne prétend pas le contraire. Ce n'est qu'à titre subsidiaire, dans ses dernières conclusions, qu'elle invoque une vente du fonds de commerce, ce qui n'a jamais été soutenu et en toute hypothèse ne pourrait qu'être sans effet à son égard puisque le cessionnaire ne peut être tenu que dans les termes de son offre. Le liquidateur judiciaire indique d'ailleurs qu'il a vendu les autres éléments du fonds de commerce.

Ce n'est donc non pas en raison de l'indétermination de l'objet de la vente ou parce que l'autorisation de vente porterait sur le fonds de commerce que l'ordonnance affecterait les droits de la société Tast eat. Par ailleurs, la vente de l'élément corporel du fonds de commerce que constitue le droit au bail est bien autorisée aux conditions de l'offre de la société Tast eat.

Dès lors, le liquidateur judiciaire en tire la conséquence que cette ordonnance ne préjudicie pas aux droits de la société Tast eat.

Mais en réalité, la société Tast eat fait grief au mandataire liquidateur de ne pas avoir obtenu l'accord du bailleur préalablement à la cession du droit au bail, en violation du contrat de bail.

A cet égard, la société Tast eat rappelle exactement que lorsque la cession du droit au bail n'a pas lieu dans le cadre d'un plan de cession mais de façon isolée, le liquidateur ne peut céder le droit au bail, selon l'article L. 641-12, alinéa 5, du code de commerce, que dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent, à l'exception de la clause qui rend le cédant solidaire du cessionnaire qui est réputée non écrite par l'article L. 641-12 du code de commerce. A la différence de ce qui a lieu en cas de cession du fonds de commerce (incluant le droit au bail), l'article L. 145-16 du code de commerce prohibant alors une interdiction absolue et générale de toute cession mais autorisant les clauses limitatives ou restrictives, dans le cas d'une cession isolée du droit au bail, la clause dite 'd'agrément', qui exige l'accord préalable du bailleur, soit sur le seul principe de la cession, soit sur la personne même du cessionnaire, s'applique et en cas de non-respect, la cession du bail est inopposable au bailleur, ce qui fait obstacle à ce que le cessionnaire soit reconnu comme étant titulaire du contrat de bail ; ce cessionnaire étant occupant sans droit ni titre, le bailleur peut obtenir son expulsion ; de plus, la cession réalisée au mépris d'une clause du bail, constitue une cession irrégulière de nature à justifier la résiliation du bail aux torts du preneur à raison d'un manquement grave aux clauses de ce contrat.

C'est pour cette raison que la société Tast eat fait valoir que l'ordonnance, en ce qu'elle visait formellement une cession de fonds de commerce et non du seul droit au bail, est à l'origine de son recours en faisant le reproche au liquidateur judiciaire d'avoir fait croire à une cession de fonds de commerce pour éluder l'autorisation du bailleur. Et ce n'est d'ailleurs que pour cela qu'elle demandait, dans ses conclusions remises le 30 mai 2025, à la cour de dire que l'offre d'achat de la société Tast eat portait uniquement sur le droit au bail de la société [Adresse 10] et non le fonds de commerce et l'activité de la cette société et d'en tirer toute conséquence.

Ainsi, la société Tast eat se plaint du défaut d'accord préalable du bailleur et même, dans un premier temps, jusqu'au désistement d'appel de celui-ci, de son refus de donner son autorisation et du risque de constatation de la résiliation du bail sur la requête du bailleur, pour considérer que ce défaut d'accord du bailleur justifierait la résolution de la vente dès lors que le liquidateur ne serait pas en mesure de lui garantir l'existence du droit au bail, en partant de la règle selon laquelle la cession autorisée par le juge commissaire est parfaite dès le prononcé de l'ordonnance, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée.

C'est donc à cet égard qu'il faut considérer que, selon la société Tast eat, l'ordonnance affecterait ses droits.

Mais cette conclusion repose sur le postulat erroné selon lequel la vente serait parfaite du seul fait de l'ordonnance dès lors qu'elle acquière force de chose jugée et que la société Tast eat serait alors inéluctablement liée. Or, si la cession du bien est parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée, de sorte que le cessionnaire ne peut ensuite refuser de procéder à la vente ordonnée en retirant l'offre d'achat retenue par le juge-commissaire, il n'en reste pas moins que la personne au profit de laquelle la cession est autorisée, d'une part, comme il a été dit plus haut, ne peut être tenue que dans les termes de son offre et, d'autre part, qu'elle peut refuser de signer l'acte de vente en invoquant un motif légitime ou l'absence d'un élément déterminant pour la conclusion du contrat dans la mesure où l'ordonnance du juge-commissaire qui autorise la vente reste soumise aux principes généraux du droit commun gouvernant le droit des contrats. Tel serait le cas d'une cession du droit au bail non autorisée par le bailleur en violation du bail. En effet, la cession de bail constitue l'acte juridique par lequel le preneur cède son contrat de location à un tiers qui va l'exécuter à sa place. Il en résulte que le défaut d'accord préalable du bailleur, condition de la cession du droit au bail, constitue un élément qui aurait autorisé la société Tast eat à rétracter son offre dans le cas où l'absence d'autorisation n'aurait pas été régularisée. Et d'ailleurs, dans ces circonstances, un cessionnaire peut refuser de signer l'acte de vente même si l'ordonnance du juge-commissaire l'autorisant n'a fait l'objet d'aucun recours et est passée en force de chose jugée.

Dans ces conditions, l'ordonnance qui, par ailleurs, autorise la cession aux conditions correspondant à son offre, n'est pas de nature à affecter les droits de la société Tast eat.

En tout cas, le fait que le bailleur se désiste de son appel et renonce à s'opposer à la cession du droit au bail à la société Tast eat rend sans objet le recours incident de celle-ci, ce qui rend illégitime son refus du désistement comme cela va être vu ci-dessous.

Sur le désistement d'appel de la SCI Bretonn

Le désistement pur et simple de la SCI Bretonn de son appel a été accepté par le liquidateur judiciaire du débiteur mais refusé par la société Tast eat.

Aux termes de l'article 401 du code de procédure civile, le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.

Tel est le cas dans le cas présent.

En effet, dans ses conclusions notifiées le 30 mai 2025, soit avant le désistement d'appel de la SCI Bretonn, la société Tast eat avait fait un recours incident en demandant l'infirmation de l'ordonnance du 25 septembre 2024 en ce qu'elle autorise la vente du fonds de commerce de la société [Adresse 10] en lieu et place de son seul droit au bail dont la cession était soumise à l'autorisation préalable du bailleur et appel incident sur la date de son entrée en jouissance, au constat de ce que la bailleresse avait demandé, par une requête séparée, au juge commissaire la résiliation du bail, ce qui l'exposait à un risque de non-délivrance du droit au bail.

Il s'ensuit qu'en vertu de l'article 401 précité, son acceptation était requise pour que le désistement de l'appel principal de la SCI Bretonn puisse dessaisir la cour à l'égard de tous les intimés.

Toutefois, l'article 396, applicable en appel par renvoi de l'article 405, dispose que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime. En qualifiant d'abus de procédure la persistance de la société Tast eat à maintenir son recours, le liquidateur judiciaire invoque par-là même l'absence de motif légitime du refus d'accepter le désistement d'appel du bailleur.

Et dès lors que le bailleur, en se désistant de son appel, renonce à s'opposer à la cession du droit au bail dans les conditions fixées à l'ordonnance du juge commissaire, le cessionnaire ne justifie d'aucun motif légitime à refuser le désistement d'appel du bailleur. Il est constaté d'ailleurs qu'elle ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles la société Tast eat maintient, à titre principal, sa prétention tendant à la résolution de la vente, faisant ainsi abstraction de l'accord du bailleur, sans même soutenir que l'accord du bailleur qui résulte de ses désistements serait inefficace ou tardif quand le liquidateur judiciaire fait précisément valoir que les désistements du bailleur mettent définitivement un terme à toute contestation du bailleur et viennent, rétroactivement, valider la cession isolée du droit au bail.

En conséquence, il y a lieu de retenir que le désistement d'appel de la société Bretonn est parfait à l'égard de tous les intimés.

Sur la recevabilité des prétentions émises par la société Tast eat dans ses dernières conclusions

En outre, à titre superfétatoire dès lors que le recours de la société Tast eat est lui-même déclaré irrecevable, il est fait observer que la société Tast eat ne demande pas, ensuite de l'infirmation du jugement, de rejeter la demande d'autorisation de la cession présentée par le liquidateur judiciaire dans sa requête mais de prononcer la résolution de la cession, ce qui supposerait, d'ailleurs, que l'autorisation de cession ait été donnée et donc que l'ordonnance soit confirmée. En tout état de cause, une telle prétention est irrecevable en ce qu'elle excède les pouvoirs de la cour d'appel qui, statuant sur l'appel d'une décision rendue par le juge commissaire dans le cadre de l'article L. 642-19 du code de commerce, ne peut avoir plus de pouvoir que celui-ci et ne peut donc statuer sur une demande de résolution d'une vente.

Enfin, la recevabilité de la demande 'infiniment' subsidiaire présentée pour la première fois dans les dernières conclusions de la société Tast eat, en ce qu'elle porte cette fois-ci non pas sur la résolution de la vente du droit au bail mais sur la restitution du prix de vente des éléments du fonds de commerce qui présuppose une vente du fonds de commerce, ce qui n'avait jamais été prétendu avant, se heurte à la règle de la concentration des prétentions édictée à l'article 915-2 du code de procédure civile, une telle prétention n'étant en rien destinée à répliquer au liquidateur judiciaire qui a toujours dit que la cession ne portait que sur le droit au bail, ni à faire juger des questions nées du désistement du bailleur.

Sur la demande de prononcer une amende civile

L'article 32-1 du code civil permet de prononcer une amende civile contre celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive.

Dans le cas présent, le liquidateur judiciaire ne prétend pas que la société Tast a introduit son recours de façon abusive.

Si le recours de la société Tast eat s'avère irrecevable, il n'était pas pour autant abusif lorsqu'il a été formé dans la mesure où l'ordonnance entreprise, non seulement, était mal formulée sur l'objet de la cession autorisée mais n'avait effectivement pas été précédée de l'accord du bailleur et que le refus du bailleur d'autoriser cette cession, porté par la suite à la connaissance de la société Tast eat, a pu légitimement conduire celle-ci à vouloir se prémunir contre le risque encouru d'inopposabilité de la cession au bailleur. Dans ces circonstances, l'abus de la société Tast eat d'exercer un recours incident, auquel ne peut être assimilée la simple erreur dans l'appréciation de ses droits, n'est pas caractérisé. En revanche, le maintien de ses contestations après le désistement d'appel du bailleur, alors même que le bailleur entend ratifier la cession, procède d'un abus de droit en ce que la société Tast eat ne vise, sans aucun fondement ni justification, qu'à se voir délier de son offre.

Au vu de ces considérations, la société Tast eat sera condamnée au paiement d'une amende civile d'un montant de 3 000 euros.

Sur les frais et dépens

Il n'est pas inéquitable de laisser à M. [U] la charge de ses frais irrépétibles.

En vertu de l'article 399 du code de procédure civile, le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte. En l'absence de production de l'accord intervenu et le liquidateur ayant conclu à ce qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens, les dépens seront mis à la charge de la société Bretonn.

La société Tast eat qui succombe sur son recours, sera condamnée à payer à la SELARL Athéna, ès qualités, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

- DÉCLARE irrecevable l'appel formé contre M. [U].

- DÉCLARE irrecevable le recours incident formé par la société Tast eat.

- CONSTATE le désistement d'appel de la société Bretonn.

- DÉCLARE ce désistement parfait à l'égard de tous les intimés.

- En conséquence de ce désistement, CONSTATE l'extinction de l'instance d'appel.

- REJETTE les demandes de M. [U] et de la société Tast eat en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNE la société Tast eat au paiement d'une amende civile d'un montant de 3 000 euros.

- CONDAMNE la société Tast eat à payer à la SELARL Athéna, ès qualités, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNE la société Bretonn aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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