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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 24 septembre 2025, n° 23/03100

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/03100

24 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30Z

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 SEPTEMBRE 2025

N° RG 23/03100 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V3CT

AFFAIRE :

S.A.S. GO HOLDING SYSTEMS

C/

S.A.R.L. HOTEL RESTAURANT DE [Localité 6]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Avril 2023 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° : 2021J00173

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Karema OUGHCHA

Me Thierry VOITELLIER

TC [Localité 5]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. GO HOLDING SYSTEMS

RCS [Localité 4] n° 843 206 038

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentants : Me Karema OUGHCHA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 285A et Me Sara MONROIG de l'AARPI VICTOIRE AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.R.L. HOTEL RESTAURANT DE [Localité 6]

RCS [Localité 5] n° 397 635 905

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentants : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP Cabinet GOSSELIN, plaidant, avocat au barreau de Rennes

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

Exposé du litige

La société Hôtel Restaurant de [Localité 6] est propriétaire d'un ensemble immobilier, situé à [Localité 6], dans lequel elle exerce une activité d'hôtel avec restaurant.

En octobre 2020, elle a offert en location un local commercial dédié à une activité de restauration et dépendant de cet ensemble immobilier.

La société Go holding systems, présidée par M. [Y] [H], a exprimé son intérêt pour cette offre.

Par courrier du 30 novembre 2020, la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] a adressé à la société Go holding systems un projet de bail établi au nom de la société Food tout court en cours de constitution.

Le 3 janvier 2021, la société Go holding systems a retourné le projet de bail avec ses remarques et proposé, en outre, un protocole d'accord sur une future acquisition des murs lors de la prochaine période triennale.

La société Go holding systems a adressé plusieurs relances, les 27, 30 mars et 10 mai 2021, sans retour puis, le 2 juin 2021, une mise en demeure de la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] d'avoir à respecter ses engagements.

Par acte du 31 novembre 2021, elle a assigné la société Hôtel Restaurant de Châteaudun devant le tribunal de commerce de Chartres en réparation de son préjudice causé par la rupture abusive et fautive des pourparlers.

La société Hôtel Restaurant de [Localité 6] a soulevé le défaut d'intérêt à agir de la société Go holding systems et formé des demandes reconventionnelles indemnitaires.

Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action de la société Go holding systems et débouté la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] de sa demande d'irrecevabilité de l'action menée par la société Go holding systems ;

- déclaré infondée la demande de condamnation de la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] pour rupture abusive des pourparlers et débouté la société Go holding systems de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] de ses demandes de dommages et intérêts pour abus de droit et tracas de procédure ;

- condamné la société Go holding systems à verser à la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 9 mai 2023, la société Go holding systems a fait appel des chefs du jugement l'ayant déboutée de ses demandes et condamnée à verser à la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] la somme de 2.000 euros ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions n°2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 janvier 2024, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré infondée sa demande de condamnation de la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] pour rupture abusive de pourparlers, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- statuant à nouveau, de condamner la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] à lui verser la somme de 32.368 euros au titre de la rupture abusive des pourparlers et des frais engagés à cette occasion, celle de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi et celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- à titre subsidiaire, de condamner la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] à lui verser la somme de 32.368 euros au titre de la rupture abusive des pourparlers et des frais engagés à cette occasion et la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- en tout état de cause, de débouter la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de ses demandes au titre de son appel incident et de la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions n°2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 5 février 2024, la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Go holding systems recevable en son action pour rupture abusive des pourparlers et l'a déboutée de sa demande d'irrecevabilité de l'action menée par la société Go holding systems et de sa demande de dommages-intérêts pour abus de droit et tracas de procédure ;

- statuant à nouveau, de déclarer la société Go holding systems irrecevable en ses demandes pour « défaut d'intérêt de qualité » à agir (sic), de condamner la société Go holding systems au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en ce qu'elle a agi abusivement et d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre des tracas occasionnés par la procédure ;

- en toutes hypothèses, de débouter la société Go holding systems de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2025.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action de la société Go holding systems

La société Hôtel restaurant de [Localité 6] soutient que la société Go holding systems n'ayant ni qualité ni intérêt à agir n'est pas recevable en son action.

Elle fait valoir que les échanges ont eu lieu avec M. [H], que le projet de bail devait être établi au profit de la société Food tout court, qui n'existe pas à ce jour, et que la société Go holding systems ne peut se prévaloir d'un préjudice qu'elle n'a pas personnellement subi dès lors que les actes auraient dû être effectués au profit d'une autre société.

La société Go holding systems soutient, en invoquant l'article L. 210-6 du code de commerce, qu'elle a un intérêt à agir.

Elle fait valoir que M. [H] a agi en sa qualité de président et qu'elle est ainsi la seule à avoir mené les pourparlers de sorte qu'elle a nécessairement un intérêt personnel et direct à agir en raison de la rupture de ces pourparlers, qu'elle avait en outre entrepris des actions liées à l'exploitation des locaux, dont le dépôt d'une marque « Food tout court », et engagé des frais en vue de la conclusion du bail et qu'elle a dès lors subi un préjudice du fait de la rupture abusive des pourparlers.

Sur ce,

L'article L. 210-6 du code de commerce dispose que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ['] » et que « les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ».

La société Go holding systems invoque, au soutien de sa demande indemnitaire, des préjudices subis à raison d'une rupture abusive de pourparlers engagés avec la société Hôtel restaurant de [Localité 6].

Les échanges de courriels matérialisant ces pourparlers émanent de M. [H], alors président de la société Go holding systems, le projet de ce dernier ayant été d'établir le bail en discussion au nom de la SAS Food tout court en cours de constitution. Cette dernière société n'a été ni constituée ni immatriculée au registre du commerce et des sociétés de sorte qu'aucune autre société que la société Go holding systems représentée par M. [H] n'est entrée en pourparlers avec la société Hôtel restaurant de Châteaudun.

En outre la société Go holding systems, qui ne prétend pas à l'indemnisation d'une perte de chance de conclure le contrat avec la société Hôtel restaurant de [Localité 6], se prévaut de préjudices constitués de frais d'études architecturales, de déplacement et de dépôt d'une marque et d'un préjudice moral qu'elle a personnellement subis.

Il s'ensuit que la société Go holding systems a qualité et intérêt à agir à l'encontre de la société Hôtel restaurant de [Localité 6].

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le fond

Sur la faute reprochée à la société Hôtel restaurant de [Localité 6]

La société Go holding systems soutient que la rupture des pourparlers par la société Hôtel restaurant de [Localité 6] a été brutale et, partant, fautive.

Elle fait valoir en premier lieu que le silence gardé par la société Hôtel restaurant de [Localité 6], qui a mené à partir d'octobre 2020 des négociations par l'intermédiaire de M. [T] agissant en qualité de mandataire puis de Mme [M] en charge de la partie juridique, est lui-même fautif en ce qu'après plus de six mois d'investissement dans des discussions très avancées, elle l'a ignorée malgré ses relances et a abandonné unilatéralement le projet sans l'en informer.

La société Go holding systems affirme en deuxième lieu que les éléments essentiels du contrat avaient fait l'objet d'un accord entre les parties et conteste avoir fait d'une clause d'acquisition des murs une condition de son consentement à conclure le bail commercial, ni une condition suspensive du bail et qu'en toute hypothèse l'absence d'accord sur une telle clause ne justifiait pas la rupture brutale des pourparlers.

Elle allègue enfin que la société Hôtel restaurant de [Localité 6] a fait preuve de mauvaise foi en la maintenant volontairement dans une incertitude prolongée tout en menant en parallèle des négociations avec un autre preneur.

La société Hôtel restaurant de [Localité 6] conteste la rupture abusive de pourparlers que la société Go holding systems lui reproche.

Elle fait valoir que les pourparlers n'ont pas porté sur le projet d'acquisition des murs dont la société Go holding systems prétend qu'il aurait échoué, seul ayant été en discussion un projet de bail commercial, qu'en l'absence d'accord sur les éléments essentiels du bail, aucun accord de principe n'ayant été conclu sur un bail contenant une clause d'acquisition du bien, la société Go holding systems ne peut arguer d'une rupture brutale des pourparlers, que c'est la société Go holding systems qui a refusé de signer le bail et fait échouer les discussions en instituant la possibilité d'acquérir les murs comme une condition, nouvelle, de son consentement.

Sur ce,

Les parties ne versent pas au débat les termes initiaux de l'offre de la société Hôtel restaurant de [Localité 6] mais, par courriel du 21 juillet 2020, M. [T], intermédiaire, a, à la demande de M. [H], transmis les plans du restaurant. S'il n'est pas démontré que M. [T] a agi comme mandataire de la société Hôtel restaurant de [Localité 6], une telle transmission des plans n'a pas pu se faire indépendamment de l'intention de celle-ci d'entrer en relation avec des candidats par cet intermédiaire qui apparaît en outre dans tous les échanges ultérieurs.

Ainsi, par courriel du 16 septembre 2020, M. [T] a indiqué à M. [H] que « [U] [G] serait plutôt partant pour une vente des murs du restaurant de [Localité 6] », M. [G] étant, selon l'extrait K-bis de la société Hôtel restaurant de [Localité 6] du 8 novembre 2021, son gérant.

Par courriel du 22 septembre 2020, M. [H] a confirmé à M. [T] l'intérêt qu'il portait à l'exploitation du local offert à la location en précisant que l'acquisition des murs était privilégiée mais qu'à défaut, il étudierait la location.

Les 8 et 10 octobre 2020, après un échange avec un représentant de la société Hôtel restaurant de [Localité 6] elle-même, M. [H] a adressé à M. [T] sa propre proposition de bail commercial tout en confirmant privilégier l'achat des murs et, prenant acte des réticences adverses liées au maintien d'une certaine homogénéité avec l'exploitation de l'hôtel, en suggérant des garde-fous juridiques. Cette proposition porte sur les éléments essentiels du bail à l'exclusion de tout élément sur l'acquisition des murs.

Par courriel du 13 octobre suivant, M. [T] a répondu que la contre-offre était acceptée en précisant que la location porterait sur le restaurant moins le sous-sol et plus la salle de séminaire, située entre le restaurant et l'hôtel. Cette contre-offre vise les seules propositions de M. [H] et ce courriel de réponse n'évoque pas l'acquisition des murs, que ce soit par l'effet d'une clause du bail commercial ou par tout autre contrat.

Par courriel du même jour, Mme [M] a demandé les informations nécessaires à la rédaction du bail commercial après avoir succinctement rappelé les termes des éléments essentiels du bail et suggéré une prise d'effet au 1er novembre 2020 et ce, sans référence à une clause relative à l'acquisition des murs. Le 15 octobre 2020, M. [H] a répondu à Mme [M] sur la seule désignation du cocontractant, sans évoquer le sort des murs ni modifier les éléments du bail précédemment acceptés.

Par courriel du 30 novembre 2020, Mme [M] a transmis à M. [H] le projet de bail.

Le 3 janvier 2021, M. [H] a retourné le projet de bail avec ses propres remarques en relevant qu'il n'y était pas fait référence à la possibilité d'acquérir les murs du restaurant lors de la première échéance triennale et en proposant « un protocole d'accord sur ce point pour formaliser l'échange et encadrer les modalités de cet éventuel achat ». Aucune des remarques insérées dans le projet de bail ne porte sur l'acquisition des murs.

Si, contrairement à ce qu'elle soutient, la société Hôtel restaurant de [Localité 6] est entrée en pourparlers sur l'acquisition des murs, dès lors que M. [H] a répondu à une suggestion évoquée, certes de manière prudente, par un intermédiaire qui apparaît dans tous les échanges ultérieurs, et qu'un échange verbal avec un représentant de la société Hôtel restaurant de [Localité 6] a eu lieu sur ce point, elle a en tout cas rapidement mis un terme à cette partie des discussions puisqu'elle a dès l'expression d'une marque d'intérêt, orale, de M. [H], opposé ses réticences et qu'elle n'a pas elle-même donné suite à la proposition de M. [H] formalisée par courriel les 8 et 10 octobre 2020.

Mais alors que la société Hôtel restaurant de [Localité 6] n'a plus donné suite au processus de négociation et de signature du bail commercial, M. [H] a demandé les 30 mars et 10 mai 2021 une date de signature sans réitérer son offre d'acquisition des murs ni ses propositions de formalisation d'un processus d'achat éventuel et, dans le second courriel, a demandé une position claire quant à la signature du contrat de bail. Son conseil a, par lettre du 2 juin 2021, mis en demeure la société Hôtel restaurant de [Localité 6] de l'indemniser des préjudices subis à la suite de la rupture des pourparlers et du défaut de signature du bail commercial sans non plus évoquer l'acquisition des murs.

M. [H] a ainsi démontré que, conformément à sa position initiale, à défaut d'acquisition des murs, il entendait signer le bail commercial.

Il ne ressort pas de l'échange de courriels et des discussions sur le projet de bail rédigé que M. [H] avait fait de la perspective de l'acquisition des murs une condition de son consentement à la conclusion du contrat ni qu'il entendait en faire une condition suspensive.

Les parties étaient parvenues dès le 13 octobre 2020 à un accord sur les éléments essentiels du bail, soit l'assiette du bail, sa durée, les loyer et franchise, les investissements en travaux à réaliser, le projet de restaurant soumis à validation du bailleur et les propositions de modification du projet de bail formulées par M. [H] en janvier 2021 n'ont pas porté sur ces éléments essentiels.

Il s'ensuit que la rupture des pourparlers, ainsi particulièrement avancés, est imputable à la seule société Hôtel restaurant de [Localité 6]. L'absence de toute réaction aux propositions de modifications, mineures et justifiées, du projet de bail et le silence gardé par la société Hôtel restaurant de [Localité 6] caractérisent son caractère brutal et fautif.

La cour relève que pendant cette période de silence de la société Hôtel restaurant de [Localité 6], M. [H] a été maintenu dans une espérance de contracter puisque M. [T] lui a indiqué, dans un courriel du 30 avril 2021 ayant pour objet « Hôtel [Localité 6] », qu'il pouvait avoir accès à un tableau de bord, qu'ensuite il ferait une lettre d'intention pour le prix, prévoyant un engagement de confidentialité, et qu'après il pourrait faire un audit des comptes, mais que cet échange ne peut être imputé à la société Hôtel restaurant de [Localité 6] elle-même.

Sur les préjudices subis par la société Go holding systems

La société Go holding systems soutient qu'elle est en droit d'être indemnisée des frais qu'elle a engagés dans le cadre des pourparlers. Elle fait valoir que les études d'aménagement des locaux pour un montant de 28.080 euros ont été réalisées conformément à ses engagements pris avec la société Hôtel restaurant de [Localité 6], qu'elle a engagé des frais de déplacements entre octobre 2020 et avril 2021 en raison des discussions en cours et qu'elle a entrepris des démarches relatives à la protection de sa marque auprès de l'INPI en pure perte.

Elle invoque également un préjudice moral consécutif aux circonstances de la rupture des pourparlers, aux négociations que la société Hôtel restaurant de [Localité 6] a menées en parallèle avec un concurrent qu'elle a apprises par hasard, au temps passé en pure perte sur un projet qui aurait pu être consacré à un autre projet.

La société Hôtel restaurant de [Localité 6] soutient que la société Go holding systems ne démontre pas l'existence d'un préjudice en relation causale avec sa faute.

Elle fait valoir que l'appelante n'a pas subi de préjudice, le défaut d'exploitation du restaurant n'ayant pas été de son fait et l'absence de signature du bail commercial n'ayant pas entraîné de préjudice compte tenu de la situation financière complexe rencontrée par les restaurateurs sur la période considérée en raison de la pandémie.

Elle conteste l'indemnisation des frais d'étude aux motifs qu'il n'est pas démontré que les prestations ont bien été réalisées et réglées, qu'il était imprudent et précipité de réaliser de telles dépenses, que ces sommes ont été engagées sans qu'elle en soit informée, et celle des honoraires d'avocat et des frais de déplacement qui ne sont pas justifiés.

Elle affirme que la réalité d'un préjudice moral, tel qu'une atteinte à son image, n'est pas démontré.

Sur ce,

La société Go holding systems ne se prévaut pas de préjudices nés du défaut de signature du bail commercial et d'exploitation du restaurant et c'est à juste titre qu'elle réclame l'indemnisation de dépenses engagées en pure perte.

S'agissant des études d'aménagement, elle justifie d'une facture de la société Studio nomcommun portant sur une mission de création d'un concept global pour le futur Food tout court et l'aménagement d'un espace de « coworking » à [Localité 6] d'un montant total de 28.080 euros TTC, du paiement de deux acomptes de 8.424 euros et 6.816 euros et de courriels de ce prestataire prouvant la réalisation de prestations en mars et avril 2021 alors que la société Hôtel restaurant de [Localité 6] ne l'avait pas informée que le bail commercial ne serait pas signé. Ces dépenses n'ont pas été engagées de manière téméraire alors que la société Hôtel restaurant de [Localité 6] n'avait donné aucune perspective de renonciation au bail commercial et qu'il ressort d'une annotation sur le projet de bail transmis à Mme [M] que des travaux avaient été « acceptés par le bailleur il fut un temps ».

La société Go holding systems produit également des preuves de paiement de péages autoroutiers et de carburants en octobre 2020 et février et avril 2021 correspondant à des déplacements sur le site considéré, pour un montant total de 195,72 euros.

Quant au dépôt d'une marque auprès de l'INPI et à sa défense, l'INPI ayant opposé un refus provisoire à son enregistrement, ils ne constituent pas de vaines dépenses dès lors que la marque était susceptible d'être exploitée dans le cadre d'autres projets, et que les éventuels frais engagés pour exercer un recours contre le refus de l'INPI, qui ne sont au demeurant pas justifiés, résultent de l'énoncé de la marque verbale définie par la seule société Go holding systems. Ce préjudice n'est donc pas en lien de causalité avec la rupture fautive des pourparlers.

L'existence de négociations parallèles avec un concurrent n'est pas suffisamment établie par l'ouverture un an plus tard d'un restaurant d'une chaîne de restauration rapide.

Mais le silence gardé par la société Hôtel restaurant de [Localité 6] à compter de janvier 2021 alors que la société Go holding systems avait investi du temps et des investissements dans son projet d'implantation à [Localité 6] dès l'été 2020 a causé un préjudice moral indéniable, la société Go holding systems n'ayant pu dans le même temps se consacrer à un autre projet. L'absence de toute réaction aux relances de M. [H] de la part de ses interlocuteurs présentés comme intervenant dans la négociation (M. [J] [P]) et la rédaction du projet de contrat (Mme [M]) a d'autant plus aggravé ce préjudice qui sera dès lors justement réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré infondée la demande de condamnation de la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] pour rupture abusive des pourparlers et débouté la société Go holding systems de l'ensemble de ses demandes et la société Hôtel restaurant de [Localité 6] condamnée à payer à la société Go holding systems la somme de 15.435,71 euros au titre de son préjudice financier et celle de 10.000 euros au titre de son préjudice moral.

Sur les demandes indemnitaires de la société Hôtel restaurant de [Localité 6]

La société Hôtel restaurant de [Localité 6] soutient que la société Go holding systems a abusé de son droit d'agir et qu'elle lui a occasionné des tracas de procédure faisant valoir qu'elle a délivré son assignation en ayant conscience de dénaturer le sens et la portée des courriers.

Mais l'issue du litige commande d'écarter ces demandes et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera en outre infirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

Partie perdante, la société Hôtel restaurant de [Localité 6] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et ne peut de ce fait prétendre à une indemnité procédurale. Elle sera condamnée à payer à la société Go holding systems la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Go holding systems, débouté la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] de sa demande d'irrecevabilité de l'action menée par la société Go holding systems et débouté la société Hôtel Restaurant de [Localité 6] de ses demandes de dommages et intérêts pour abus de droit et tracas de procédure ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la société Hôtel restaurant de [Localité 6] a commis une faute en rompant brutalement les pourparlers engagés avec la société Go holding systems ;

Condamne la société Hôtel restaurant de [Localité 6] à payer à la société Go holding systems la somme de 15.435,71 euros au titre de son préjudice financier ;

Condamne la société Hôtel restaurant de [Localité 6] à payer à la société Go holding systems la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ;

Condamne la société Hôtel restaurant de [Localité 6] à payer à la société Go holding systems la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Hôtel restaurant de [Localité 6] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Hôtel restaurant de [Localité 6] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

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