CA Nîmes, 4e ch. com., 26 septembre 2025, n° 24/03415
NÎMES
Arrêt
Autre
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 25 octobre 2024 par M. [S] [O] et la SARL 2 Le « La pause gourmande » à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 3 octobre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Privas dans l'instance n° RG 24/00145 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 12 novembre 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 janvier 2025 par M. [S] [O] et la SARL 2 Le « La pause gourmande », appelants, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 mars 2025 par Mme [G] [L] et Mme [W] [V], intimées, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 12 novembre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 19 juin 2025.
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Par un contrat de bail commercial du 8 février 2021, Mme [W] [V] et Mme [G] [L] ont donné à bail à la société 2 Le un immeuble à usage commercial situé [Adresse 1], pour un loyer mensuel à hauteur de 1 600 euros.
Les bailleresses ont fait signifier à la SARL 2 Le « La pause gourmande » le 22 mars 2024 un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour la somme de 6 718.07 euros au titre des loyers et charges impayés et la clause pénale, la somme de 2 712,39 euros étant à déduire au titre des sommes déjà versées.
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Par exploit du 17 mai 2024, Mme [G] [L] et Mme [W] [V] ont fait assigner la société 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O], gérant, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Privas aux fins de résiliation de plein droit du contrat par la mise en 'uvre de la clause résolutoire, d'expulsion de la société, de condamnation solidaire des défendeurs par provision à différentes sommes au titre des loyers impayés échus avec intérêts, au titre de la clause pénale et d'une indemnité d'occupation, outre condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
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Par ordonnance de référé du 3 octobre 2024, le président du tribunal judiciaire de Privas a statué ainsi :
« Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent et par provision :
Constatons l'acquisition de plein droit, à la date du 23 avril 2024, de la clause résolutoire insérée au bail ;
Constatons la résiliation, à compter du 23 avril 2024, du bail commercial liant la SARL 2 Le « La Pause gourmande » à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] ;
Disons que la SARL 2 Le « La pause gourmande » devra libérer intégralement les lieux et faute de l'avoir fait, ordonnons son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, en tant que de besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier
Condamnons solidairement la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 2 076 euros par mois à compter de la date de résiliation du bail jusqu'à la date de libération effective des lieux, à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation ;
Condamnons solidairement la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 2 888,84 euros à titre de provision à valoir sur les arriérés de loyers et charges portant sur la période du 1er décembre 2023 au 27 juin 2024 ;
Disons n'y avoir lieu a référé concernant la demande de Mme [W] [V] et Mme [G] [L] au titre de la clause pénale ;
Déboutons la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] de leur demande de délais de paiement ;
Disons n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] aux dépens. ».
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M. [S] [O] et la société 2 Le « La pause gourmande » ont relevé appel le 25 octobre 2024 de cette ordonnance pour la voir infirmer, en ce qu'elle a :
- constaté l'acquisition de plein droit, à la date du 23 avril 2024, de la clause résolutoire insérée au bail ;
- constaté la résiliation, à compter du 23 avril 2024, du bail commercial liant la société 2 Le « La pause gourmande » à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] ;
- dit que la société 2 Le « La pause gourmande » devra libérer intégralement les lieux et faute de l'avoir fait, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, en tant que de besoin le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- condamné solidairement la société 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 2 076 euros par mois à compter de la date de résiliation du bail jusqu'à la date de libération effective des lieux, à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation ;
- condamné solidairement la société 2 Le "La pause gourmande" et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 2 888,84 euros à titre de provision à valoir sur les arriérés de loyers et charges portant sur la période du 1er décembre 2023 au 27 juin 2024 ;
- débouté la société 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] de leur demande de délais de paiement ;
- condamné la société 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] aux dépens.
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Dans leurs dernières conclusions, M. [S] [O] et la société 2 Le « La pause gourmande », appelants, demandent à la cour, au visa de l'article L145-41 du code de commerce, et des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :
« Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Privas le 3 octobre 2024.
Y faisant droit,
Infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- Constaté l'acquisition de plein droit, à la date du 23 avril 2024, de la clause résolutoire insérée au bail ;
- Constaté la résiliation, à compter du 23 avril 2024, du bail commercial liant la SARL 2 Le « La pause gourmande » à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] ;
- Dit que la SARL 2 Le « La Pause gourmande » devra libérer intégralement les lieux et faute de l'avoir fait, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, en tant que de besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- Condamné solidairement la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 2 076 euros par mois à compter de la date de résiliation du bail jusqu'à la date de libération effective des lieux, à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation ;
- Condamné solidairement la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 2 888,84 euros à titre de provision à valoir sur les arriérés de loyers et charges portant sur la période du 1er décembre 2023 au 27 juin 2024 ;
- Débouté la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] de leur demande de délais de paiement ;
- Condamné la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [S] [O] aux dépens.
Statuant à nouveau
A titre principal,
Constatant que le preneur s'est intégralement acquitté des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail signifié par acte du 22 mars 2024
En conséquence,
Débouter Mme [W] [V] et Mme [G] [L] de leurs demandes aux fins de constat d'acquisition du jeu de la clause résolutoire et de résiliation du bail commercial liant les parties,
Juger que les demandes provisionnelles de Mme [W] [V] et Mme [G] [L] se heurtent à des contestations sérieuses
En conséquence,
Débuter Mme [W] [V] et Mme [G] [L] de l'ensemble de leurs demandes,
A titre très subsidiaire,
Autoriser la SARL 2 Le « La pause gourmande » à se libérer de l'arriéré de loyers sur une durée de 24 mois et ordonner en conséquence la suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail pendant cette période les effets de la clause résolutoire qui sera réputée n'avoir jamais été acquise en cas de respect des modalités de paiement,
Condamner Mme [W] [V] et Mme [G] [L] à porter et payer à la SARL 2 Le « La pause gourmande » et M. [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamner aux entiers dépens. ».
Au soutien de leurs prétentions, M. [S] [O] et la société 2 Le « La pause gourmande », appelants, exposent que le jeu de la clause résolutoire ne peut être acquis qu'au titre du non-paiement, partiel ou total, de 2 échéances de loyers sur une durée de six mois, et ce, sans effet de toutes autres sommes qui pourraient être dues au titre des intérêts sur principal, de la clause pénale ou des frais accessoires. Or, ils affirment que le commandement de payer du 22 mars 2024 comporte une mise en demeure de régler un arriéré de loyers, charges et accessoires impayés d'un montant total de 4 285,68 euros dont la SARL 2 LE « La Pause Gourmande » et M. [S] [O] justifient s'être acquittés dans le mois du commandement par versements effectués directement entre les mains du bailleur et, sous déduction des sommes saisies, d'un montant de 4 892,39 euros, soit au-delà du montant dû en principal.
Ils font également valoir qu'il existe une contestation sérieuse affectant la demande provisionnelle présentée par les bailleresses, relativement à son montant outre le fait que les demandes formées au titre de la clause pénale échappent à la compétence du juge des référés et que les bailleresses ne justifient pas avoir accompli les formalités nécessaires à la mise en cause de la caution, telles que prévues par la loi et l'acte d'engagement de caution.
Enfin, M. [S] [O] indique qu'au regard de sa situation personnelle, il convient de l'autoriser à se libérer de l'arriéré de loyer sur une durée de 24 mois.
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Dans leurs dernières conclusions, Mme [G] [L] et Mme [W] [V], intimées, demandent à la cour, au visa de l'article L145-41 du code de commerce :
« De juger que la société 2 Le et M. [S] [O] n'ont pas honoré intégralement les sommes dues au titre du commandement de payer, délivré le 22 mars 2024, avant le 22 avril 2024,
De confirmer intégralement l'ordonnance rendue le 3 octobre 2024 par le juge des référés de Privas,
De condamner in solidum la société 2 Le et M. [S] [O] au paiement de la somme de 1.388,60 euros, correspondant à l'arriéré de loyer actuel, sauf à parfaire,
De condamner in solidum la société 2 Le et M. [S] [O] au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel
De les condamner solidairement en tous les frais et dépens de l'instance, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile. ».
Au soutien de leurs prétentions, Mme [G] [L] et Mme [W] [V], intimées, exposent que la société locataire et M. [S] [O], caution, n'ont pas respecté le commandement de payer, dans le délai imparti et que seule la somme totale de 1028 euros a été versée.
Elles précisent qu'il n'existe aucune contestation sérieuse sur les sommes dues, les parties s'étant accordées sur ce point, à l'exception de la clause pénale.
Les intimés s'opposent à l'octroi de délais de paiement en raison de leurs situations financières et, en raison du fait par ailleurs, que la société 2LE n'a jamais respecté ses obligations contractuelles.
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Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur l'application de la clause résolutoire
Selon l'article L 145-1 alinéa 1 du code de commerce « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».
Selon l'article 9 du code de procédure civile « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
En l'espèce, il est prévu au contrat de bail commercial liant les parties une clause résolutoire selon laquelle « le présent bail sera résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user de la présente clause mentionnant ce délai demeuré sans effet » et ce « à défaut par le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du présent bail ou de payer exactement à son échéance deux échéances mensuelle de loyers sur une période de six mois que le défaut de paiement soit total ou partiel ».
Le commandement de payer délivrer le 22 mars 2024 fait état des impayés suivants :
loyer janvier 2024 (800 €), loyer de février 2024 indexé, loyer de mars 2024 réindexé soit la somme totale de 4 496 €
charges locatives de décembre 2023, janvier 2024, février 2024 et mars 2024 soit la somme totale de 911 €
régularisation des charges à hauteur de 209,43 €
Il fait également état de l'application de la clause pénale à hauteur de 10 % en raison du défaut de paiement du loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme prévu au contrat de bail commercial pour janvier 2024, février 2024 et mars 2024 soit la somme totale de 561,64 euros.
Il est mentionné qu'il a été réglé la somme de 2 712,39 € par le preneur.
Par ailleurs, il ressort du tableau produit par les appelants que seul un virement de 228 € a été exécuté le 19 avril 2024, les autres opérations mentionnées entre avril et juin 2024 ayant été soit supprimées, rejetées ou en attente de validation. Il est également établi par un décompte fourni par les bailleresses que la somme de 800 € a été réglée le 2 avril 2024.
Il s'en suit que les impayés des loyers et charges n'ayant pas été régularisés dans le délai d'un mois, en raison d'un reliquat de 1 876. 04 euros, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail commercial au 23 avril 2024, ordonner l'expulsion du preneur et la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle.
2.Sur la somme due
Selon l'article 835 du code de procédure civile « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable qu'au regard du décompte du 12 mars 2025 établi pour la période de juillet 2024 à août 2024, un reliquat au titre des seuls loyers et des charges de 1 388.60 euros demeure et il n'est pas établi par les appelants que la somme a été réglée intégralement ou partiellement.
Enfin, si les appelants indiquent que les bailleresses n'ont pas accompli les formalités nécessaires à la « mise en cause de la caution », elles ne précisent pas les irrégularités commises pouvant faire l'objet d'une contestation sérieuse. Il sera néanmoins relevé que la caution a bien été destinataire, à sa personne, du commandement de payer et que le contrat ne prévoit pas une formalisme particulier (page 18). Ce dernier rappelle en outre que la caution sera tenue des paiements du loyer, des charges et de tous intérêts de retard, indemnités et autres accessoires solidairement et indivisiblement avec le preneur.
Par conséquent, en l'absence de toute contestation sérieuse, la décision de condamnation sera confirmée sauf en ce qui concerne le montant de la somme allouée à titre provisionnel au regard du dernier décompte actualisé du 12 mars 2025.
3.Sur la suspension de la clause résolutoire
Selon l'alinéa 2 de l'article L 145-41 du code de commerce « les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».
Selon l'article 1343-5 du code civil « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».
En l'espèce, il est produit un compte-rendu d'hospitalisation du 8 novembre 2021 de M. [S] [O] pour la prise en charge d'une lésion interaparenchymateuse gauche entre le 29 octobre 2021 et le 8 novembre 2021.
Cependant, outre le fait que les impayés faisant l'objet de la présente procédure datent de la fin de l'année 2023 et qu'il n'est pas établi que les difficultés financières soient en lien avec l'état de santé de M. [S] [O], il n'est fourni à la cour aucun document comptable ou bancaire permettant de s'assurer qu'à l'issue du délai accordé les bailleresses auront obtenu le recouvrement de la créance.
Par conséquent, la décision sera confirmée sur ce point.
Sur les frais de l'instance :
M. [S] [O] et la SARL 2 Le « La pause gourmande », qui succombent, devront supporter in solidum les dépens de l'instance. Pour des motifs d'équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement la SARL 2 LE « La pause gourmande » et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 2 888,84 euros au titre de provision à valoir sur les arriérés de loyers et charges portant sur la période du 1er décembre 2023 au 27 juin 2024 ;
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement la SARL 2 LE « La pause gourmande » et M. [S] [O] à payer à Mme [W] [V] et Mme [G] [L] la somme de 1 388.60 euros au titre de provision à valoir sur les arriérés de loyers et charges conformément au décompte établi le 12 mars 2025 ;
Confirme la décision pour le surplus,
Dit que M. [S] [O] et la SARL 2 Le « La pause gourmande » supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel ;
Rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.