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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 25 septembre 2025, n° 23/04992

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 23/04992

25 septembre 2025

ARRET



[Y]

[R] [U]

C/

S.C.A. SOC EAUX ASSAINISSEMENT OISE (SEAO)

copie exécutoire

le 25 septembre 2025

à

Me Tabart

Me Pechenard

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025

N° RG 23/04992 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I6BK

JUGEMENT DU TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 12] DU 20 NOVEMBRE 2023 (référence dossier N° RG 22/00947)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Madame [M] [Y] épouse [R] [U]

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentée par Me Philippe TABART de la SCP PHILIPPE TABART, avocat au barreau de BEAUVAIS

Monsieur [V] [R] [U]

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représenté par Me Philippe TABART de la SCP PHILIPPE TABART, avocat au barreau de BEAUVAIS

ET :

INTIMEE

S.C.A. SOC EAUX ASSAINISSEMENT OISE (SEAO) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Emmanuel JALLU de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier PECHENARD, avocat au barreau de PARIS

***

DEBATS :

A l'audience publique du 15 Mai 2025 devant :

Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,

Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,

et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le 25 Septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente de chambre a signé la minute avec Elise DHEILLY, greffière.

*

* *

DECISION

Madame [M] [Y] et son époux M. [V] [R] [U], ont régularisé avec la Société des Eaux et de l'Assainissement de l'Oise, société en commandite par actions (ci-après "la SEAO") un bail commercial le 29 décembre 2016 à effet au 1er février 2017, moyennant un loyer principal annuel de base hors taxes et hors charges de 13.447,35 euros portant sur des locaux, à usage d'activité et de bureaux pour l'activité de traitement et de distribution d'eau, situés à [Localité 13] au [Adresse 5], sur un terrain situé à [Localité 13] au [Adresse 5], de 1104 m², cadastré section BG, numéros [Cadastre 2] (en fait [Cadastre 6]), [Cadastre 7], [Cadastre 8], sur lequel sont édifiés :

- un hangar de 180 m² environ comprenant un vestiaire avec douche et WC, une cabine de peinture,

- un petit bâtiment à usage de bureau,

- un petit bâtiment à usage de réserve,

étant précisé que la cour, côté [Adresse 14], pouvait être utilisée comme parking par le preneur, et le terrain situé à l'arrière du hangar pour le stockage du matériel,

et que la bailleresse conservait pour son usage personnel les dépendances également situées sur ce terrain, désignées ainsi et qui figuraient en rouge sur le plan joint en annexe du bail initial du 30 septembre 1983 (non produit aux débats) , à savoir :

- un petit logement construit sur la partie de la propriété située à l'arrière du hangar,

- un petit bâtiment situé à gauche dans la cour, en entrant dans la propriété,

- un garage situé à droite dans la cour.

Aucun état des lieux n'a été dressé.

Les parties convenaient de maintenir à son niveau le dépôt de garantie antérieurement fixé à 1372,04 euros, le bailleur donnant acte au preneur de son versement antérieur.

Il y était rappelé que Mme [O] [Y], précédente bailleresse, avait autorisé le preneur à pratiquer dans le mur de clôture séparant sa propriété de celle du preneur (cadastrée section BG numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4]), deux ouvertures suffisantes au passage, l'une de véhicules utilitaires de moins de 3,5 tonnes et l'autre, de piétons. Le preneur prenait l'engagement irrévocable, déjà stipulé dans les précédents baux, de remettre en son état initial ledit mur de clôture en cas de rupture du présent bail pour quelque cause que ce soit ou à l'arrivée du terme prévu.

Selon cet acte l'ensemble immobilier objet du bail avait en effet été initialement loué à la SEAO par Madame [O] [Y], décédée depuis au cours de l'année 2016, suivant acte sous seing privé en date du 30 septembre 1983 enregistré à [Localité 12]-Nord le 27 octobre 1983, prenant effet au 1er octobre 1983 pour une durée de 9 ans, s'étant renouvelé tacitement entre les parties jusqu'au 30 septembre 1995, pour être ensuite renouvelé dans les mêmes conditions le 1er octobre 1995, le 1er octobre 2004 et le 1er octobre 2013 (non produits aux débats).

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 mai 2019, la SEAO a délivré congé à effet du 31 janvier 2020 à Mme [M] [Y] épouse [U].

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 décembre 2019, Madame [M] [Y] et son époux Monsieur [V] [R] [U] (ci-après "les époux [R] [U]") ont sollicité auprès de la SEAO la remise en état des lieux loués conformément à leur état d'origine extérieur et intérieur et dans un bon état de fonctionnement général.

Un état des lieux de sortie a été dressé contradictoirement par constat d'huissier en date du 31 janvier 2020 concernant le hangar, le petit bâtiment à usage de bureau n'ayant pu être visité faute de clé rendue par le preneur.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 9 juin 2020, les époux [R] [U] ont mis en demeure la SEAO de procéder aux travaux d'entretien et de réparation.

Par courrier en date du 6 juillet 2020, la SCA SEAO a répondu qu'elle estimait avoir respecté son obligation d'entretien des lieux qui lui servait depuis 30 ans à entreposer du matériel et stationner des véhicules et qu'il ne lui appartenait pas de remettre à neuf les locaux. Néanmoins elle consentait à prendre à sa charge le coût d'intervention d'un serrurier pour permettre l'accès au bâtiment annexe ainsi que la réparation du carreau cassé.

Par une ordonnance en date du 10 décembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Beauvais, saisi par les époux [R] [U], a ordonné une expertise judiciaire concernant l'état des bâtiments qui relevaient du bail commercial, tout en rejetant la demande de provision d'un montant de 11.200 euros à valoir sur le préjudice de jouissance en raison de l'existence d'une contestation sérieuse.

Le rapport d'expertise a été déposé le 11 février 2022 par M. [K], expert judiciaire.

Les époux [R] [U] ont réclamé auprès de la SEAO par lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 février 2022 le paiement de la somme de 300.000 euros à titre de solde de tout compte à la suite de la restitution des immeubles.

Sans réponse de la part de la SEAO les époux [R] [U], par acte d'huissier en date du 17 mai 2022, l'ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Beauvais afin de la voir condamner au paiement de la somme de 259.602 euros au titre de la remise des lieux en bon état de réparations locatives, outre 88.376 euros au titre du préjudice de jouissance.

Par un jugement en date du 20 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Beauvais :

- Rejette l'ensemble des demandes formées par les époux [R] [U] à l'encontre de la SCA SEAO

- Condamne les époux [R] [U] à verser à la SCA SEAO la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette la demande formée par les époux [R] [U] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamne les époux [R] [U] à supporter la charge des dépens de la présente instance, qui comprendront les dépens de la procédure de référé, et notamment le coût des opérations d'expertise;

- Rappelle que le présent jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Par une déclaration en date du 5 décembre 2023, les époux [R] [U] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leur troisième jeu de conclusions en date du 23 octobre 2024, les époux [R] [U] demandent à la cour d'appel d'Amiens de :

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil, Vu les articles 1103, 1231-1 et 1231-5 du nouveau code civil, Vu l'article 1353 du code civil, Vu les articles 606, 1731, 1732 et 1754 du code civil, et la jurisprudence applicable, Vu l'article L.145-40-1 du code de commerce, et la jurisprudence applicable, Vu le contrat de bail commercial renouvelé du 29 décembre 2016 établi par la SA SEAO, Vu l'ensemble des pièces versées au dossier, et notamment le rapport d'expertise judiciaire du 11 février 2022,

- Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- Juger que l'absence d'état des lieux d'entrée ne prive pas les époux [R] [U] du droit de se prévaloir de la présomption de l'article 1731 du code civil ;

- Juger que la SCA SEAO échoue à rapporter la preuve de ce que les lieux loués par elle depuis son entrée en jouissance en 1983 n'étaient pas en bon état d'entretien et de réparations locatives ;

- Juger que la responsabilité des désordres constatés par l'expert judiciaire est uniquement due à l'absence de réparations locatives et d'entretien courant des locaux loués par la SEAO durant son occupation d'une durée de 36 ans et 4 mois et à l'absence d'information par elle du bailleur des éventuels travaux qui auraient pu lui incomber ;

- Fixer le montant total des travaux devant être imputés à la SEAO pour la remise en l'état des lieux et des réparations locatives à la somme totale de 259.602 euros TTC ;

- Fixer le préjudice de jouissance des époux [R] [U] à la somme totale de 125.440 euros, caractérisé par la perte de chance d'encaisser des loyers (2.240 euros x 56 mois) pour la période des mois de février 2020 à septembre 2024 ;

- Juger que la SCA SEAO devra rembourser une somme de 16.603 euros aux époux [R] [U], au titre des taxes foncières qu'ils ont dû régler pour les années 2020 à 2024 en lieu et place d'un éventuel locataire.

En conséquence,

- Débouter la SEAO de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes écritures

- Condamner la SEAO à leur régler :

' Une indemnité de 259.602 euros, correspondant au coût des travaux de la remise en état des lieux et des réparations locatives, avec indexation sur l'indice BT01 ;

' A titre principal, une indemnité de 125.440 euros au titre de leur préjudice de jouissance caractérisé par la perte de chance d'encaisser des loyers pour la période des mois de février 2020 à fin septembre 2024 (2.240 euros x 56 mois), somme restant à parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir ;

' A titre subsidiaire, une indemnité de 100.532 euros (125.440 euros x 80%) au titre de leur préjudice de jouissance caractérisé pour une perte de chance de 80% d'encaisser des loyers pour la période des mois de février 2020 à fin de septembre 2024, somme restant à parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir ;

' Une indemnité de 16.603 euros au titre du remboursement des taxes foncières réglées par eux pour les années 2020 à 2024.

- Condamner la SEAO à leur régler une somme de 10.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SEAO aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise et de l'ordonnance de référé du 10 décembre 2020, du procès-verbal de constat d'huissier valant état des lieux de sortie en date du 31 janvier 2020, et enfin les frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Dans son unique jeu de conclusions en date du 30 avril 2024, la SCA SEAO demande à la cour d'appel d'Amiens de :

Vu l'état des lieux de sortie établi entre les époux [R] [U] et la SCA SEAO, Vu les dires et le rapport d'expertise, Vu les dispositions des articles 606 et 1731 du code civil, Vu les dispositions des articles L.145-40-1, L.145-40-2, R.145-35 1° du code de commerce, Vu les dispositions des articles 246 et 700 du code de procédure civile,

À titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel devait estimer que nonobstant les dispositions des articles L.145-40-1 et R.145-35 du code de commerce, la SEAO doit être condamnée à régler aux époux [R] [U] tout ou partie du coût des réparations du hangar,

- Ordonner la compensation entre la créance de restitution du dépôt de garantie de la SEAO avec la potentielle créance d'indemnité des époux [R] [U] ;

- Réduire le quantum des coûts de remise en état du hangar à de plus justes proportions en tenant compte des montants proposés par les devis des professionnels mandatés par la SEAO ;

- Rejeter les demandes des époux [R] [U] relatives aux grosses réparations de l'article 606 du code civil ainsi que les dépenses de réparation résultant de la vétusté ;

- Rejeter la demande des époux [R] [U] d'indemnisation d'un préjudice de jouissance et de refacturation de la taxe foncière dans la mesure où la preuve de la certitude dudit préjudice n'est pas rapportée.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait par extraordinaire estimer que le préjudice de jouissance était certain,

- Réduire la condamnation de la SEAO à la perte de chance effective des époux [R] [U] de relouer le hangar et refacturer la taxe foncière 2020 et 2021, laquelle perte de chance ne saurait être supérieure à 3% du montant total du loyer couru sur la période hors crise sanitaire Covid-19 avec un loyer mensuel de 1.120 euros.

En tout état de cause,

- Condamner les époux [R] [U] à payer à la SEAO une indemnité de 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les époux [R] [U] aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise et de l'ordonnance de référé du 10 décembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 3 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les époux [R] [U] s'appuient sur les articles 1731, 1732 et 1754 du code civil pour faire valoir que les réparations à effectuer sont de la responsabilité de la preneuse sortante dès lors que le bail commercial consenti le 29 décembre 2016 prévoit expressément aux pages 4 à 7 que cette dernière était tenue des réparations locatives même résultant de la vétusté. Ils s'estiment légitimes à invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil dès lors que le bail du 29 décembre 2016 ne constitue pas un nouveau bail mais un renouvellement du bail initial de 1983, si bien qu'il appartient à la SEAO de prouver qu'elle n'a pas reçu les locaux en bon état, ce qu'elle ne fait pas, et qu'elle devait maintenir les locaux en bon état tout au long de son bail, ce qu'elle n'a pas fait non plus. Par ailleurs, la question de l'absence de travaux par le bailleur est hors sujet dès lors que le preneur ne l'a jamais sollicité et que le chiffrage des travaux ne concerne que des réparations locatives. Le montant total des travaux imputables à la SCA SEAO est ainsi de 216.035 euros HT, soit 259.242 euros TTC, outre le préjudice de jouissance évalué à titre principal à 125.440 euros, à titre subsidiaire à 100.352 euros, sans compter les impôts fonciers de 2020 à 2024 pour un montant total de 16.603 euros.

En réponse, la SEAO estime que l'article L.145-40-1 du code de commerce issu de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 dite loi Pinel, qui exclut la présomption de l'article 1731 du code civil en cas d'absence d'état des lieux d'entrée, s'applique également, aux termes de l'arrêt de la cour de cassation en date du 6 février 2020 (3ème civ, n°19-19.503 répondant à des questions prioritaires de constitutionnalité) aux baux antérieurs à l'entrée en vigueur de cette loi et renouvelés postérieurement, puisque le renouvellement donne naissance à un nouveau bail impliquant une nouvelle prise de possession des lieux, ce qui doit entraîner le rejet pur et simple des prétentions des bailleurs comme l'a apprécié le premier juge et qu'à supposer que la présomption de bon état des biens loués à l'entrée des lieux soit applicable, elle est renversée dès lors que l'expert a lui-même constaté que la vétusté du hangar est très ancienne et date de plus de 30 ans, ce qui implique qu'en 2013 et en 2016, lorsque les derniers contrats ont été signés, les locaux étaient déjà vétustes à tout le moins en partie. Elle relève que l'expert a indiqué qu'au regard des constats panoramiques initiaux et décrits en 1983, le bâtiment dans son état général n'avait fait l'objet d'aucune transformation, si bien que l'état des locaux est similaire à celui de 1983 et que rien ne prouve que l'état du bloc sanitaire, de la plomberie ou de l'électricité et plus généralement l'état du bâtiment ait été dans un état différent à l'origine. En outre, le preneur sortant s'appuie sur l'article R.145-35 1° du code de commerce pour faire valoir que ne peuvent lui être imputées les grosses réparations ni les travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou à la mise en conformité du hangar au titre des grosses réparations que le bailleur doit supporter seul. Elle précise qu'il a été jugé qu'entrent dans les grosses réparations la réfection d'une toiture voire son entretien et sa réparation, ou encore les travaux de réfection d'une dalle de parking ou les travaux de réfection de l'installation électrique dès lors qu'ils répondent à la nécessité d'une reprise totale et générale d'une installation vétuste, ainsi que la réfection des réseaux d'eau d'évacuation et de leur mise en conformité à la réglementation communale; que dans la liste des travaux préconisés par l'expert les éléments suivants intégrent vraisemblablement des grosses réparations : coût de réparation des toitures et du plafond, le coût de réalisation d'un mur, le coût de réparation des locaux sociaux correspondant en réalité à une remise à neuf, l'étude de structure, l'intervention d'un géomètre, l'intervention d'un architecte et la remise à neuf du dallage du hangar soit au total 142.922,80 euros HT. A titre subsidiaire, la SEAO demande à la cour de rejeter toute demande indemnitaire relative aux grosses réparations, de réduire le quantum de la condamnation sollicitée à de plus justes proportions et de dire que les bailleurs ont contribué par leur propre négligence à la consolidation du préjudice dont ils s'estiment victimes. Elle conteste le quantum demandé, sollicite que le montant des travaux de réparation soit chiffré à de plus justes proportions, proposant pour ce faire deux devis de sociétés différentes portant sur la réparation du faux-plafond, la peinture du hangar, la réalisation d'un mur en parpaings et la réparation des locaux sociaux à 32.598,70 euros HT ou 30.541,80 euros HT, estimant que l'expert, qui s'est appuyé sur un référentiel non annexé et introuvable, a pris en compte le devis produit par les époux [R] [U] qui prend en compte des travaux d'amélioration et une évaluation d'un budget d'entretien et de réparations locatives annuelles de 10.000 à 15.000 euros qui est décorrélé de toute réalité économique compte tenu du montant du loyer de 13.447,35 euros par an pour un hangar ayant pour usage le stockage de matériels et le stationnement de véhicules de chantier et de la valeur vénale du hangar de stockage qui est au plus de 190.000 euros. Elle ajoute que l'expert estime à 30% la contribution du bailleur à la remise en état mais que la cour est libre de fixer cette contribution à une plus haute proportion dans la mesure où Mme [Y] qui demeurait sur les lieux durant toute son occupation ne l'a jamais mise en demeure de réaliser les moindres travaux d'entretien ou de réparation et ne pouvait rester passive à tout le moins depuis la loi Pinel qui oblige le bailleur à transmettre au preneur tous les trois ans l'état des travaux qu'il entend réaliser. Enfin, la SEAO s'oppose à l'indemnisation du préjudice de jouissance en ce que celui-ci n'est pas démontré, ni même le lien de causalité entre les désordres et la perte de loyer potentiel, faisant valoir à cet égard que les bailleurs ne démontrent pas qu'ils auraient pu louer au-moins deux fois plus cher depuis février 2020, que subsidiairement durant l'année 2020 du fait de la crise sanitaire Covid 19 les chances de relouer le local étaient totalement inexistantes et qu'après la crise cette perte de chance doit être évaluée à 3% du loyer couru avec un loyer à 1120 euros, étant précisé que la refacturation de la taxe foncière n'est pas un préjudice direct et certain,

Sur l'application de la présomption tirée de l'article 1731 du code civil:

L'article 1731 du code civil : "S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire."

Il est constant qu'aucun état des lieux d'entrée n'a été réalisé par les parties qui s'opposent sur l'application de la présomption de remise par le bailleur en bon état de réparations locatives posée par cet article, mais expressément écartée par l'article L.145-40-1 du code de commerce en cas de carence du bailleur s'il n'a pas fait toutes diligences utiles pour faire un état des lieux.

Aux termes de cet article L.145-40-1 du code de commerce, d'ordre public, entré en vigueur le 20 juin 2014 :

"Lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail, de cession du droit au bail, de cession ou de mutation à titre gratuit du fonds et lors de la restitution des locaux, un état des lieux est établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par eux. L'état des lieux est joint au contrat de location ou, à défaut, conservé par chacune des parties.

Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

Le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil."

En l'espèce le contrat signé le 28 décembre 2016 entrant en vigueur au 1er février 2017 s'analyse en la conclusion d'un bail renouvelé, avec novation relativement à la personne du bailleur, la consistance des locaux loués s'avérant inchangée selon les écritures mêmes du preneur.

La convention fait en effet expressément référence à ce renouvellement à l'article IX intitulé "Rapports techniques- Amiante-Diagnostic de performance énergétique-Plan de prévention des risques" qui précise : " S'agissant d'un renouvellement de bail, et le preneur occupant les lieux depuis 1983, celui-ci exonère le bailleur de la fourniture de ces diagnostics dans le cadre des présentes."

Or les dispositions de l'article L.145-40-1 susvisé imposant l'établissement d'un état des lieux et écartant la présomption de l'article 1731 du code civil en cas de carence du bailleur n'ont vocation à s'appliquer que pour les locaux dont le locataire prend nouvellement possession lors de la conclusion d'un bail, de la cession du droit au bail ou de mutation à titre gratuit.

Elles ne s'appliquent pas lorsque la prise de possession a eu lieu avant l'entrée en vigueur de ce texte ce qui est le cas en l'espèce, les locaux étant loués et occupés sans discontinuer par la SEAO depuis 1983.

Au demeurant la loi du 18 juin 2013 dont est issu l'article L.145-40-1 du code de commerce précise bien dans son article II ayant créé l'article susvisé que pour les baux conclus avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'article L. 145-40-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s'applique à toute restitution d'un local dès lors qu'un état des lieux a été établi lors de la prise de possession si bien qu'il s'en infère a contrario que l'état d'entrée n'est pas obligatoire pour les baux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi et simplement renouvelés après cette entrée en vigueur sans nouvelle prise de possession.

Contrairement aux premiers juges, la cour considère donc en l'espèce que l'établissement d'un état des lieux lors du renouvellement du bail n'était pas obligatoire et que le bailleur peut se prévaloir de la présomption de la remise des locaux loués en bon état de réparations locatives posée par l'article 1731 du code civil.

C'est donc au preneur de démontrer, le cas échéant, qu'il ne les a pas reçus en bon état de réparations locatives.

Le fait que le bailleur ait renouvelé le bail ne l'empêche pas de demander au locataire d'exécuter les réparations dont il est redevable contractuellement et/ou réglementairement et ceci depuis l'origine du bail, sans qu'il ait à se limiter à celles devenues nécessaires pendant le cours du bail expiré (Cass.com, 8 déc.1999, n°98-11.665).

En l'espèce les locaux sont présumés avoir été reçus en bon état de réparations locatives en 1983 et cette présomption n'est pas renversée par l'affirmation au demeurant sybilline de l'expert, qui ne disposait ni du contrat de 1983 ni de ses annexes, selon laquelle "Le bâtiment, dans son état général, et d'après les constats panoramiques initiaux et décrits en 1983 lors de la prise de possession des lieux, n'a fait l'objet d'aucune transformation", ne saurait préjuger de son état de vétusté à l'époque.

En revanche, la présomption peut aisément être renversée lors de la prise d'effet du bail renouvelé au regard des éléments apportés par l'expertise.

Sur l'imputation et le coût des travaux sollicités :

L'article R.145-35 du code de commerce, d'ordre public, dispose que:

"Ne peuvent être imputées au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux,

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent.

Les dispositions des articles R.145-35 à R.145-37 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 6 du décret du 3 novembre 2014, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication de ce décret.

Les grosses réparations sont définies par l'article 606 du code civil comme étant "celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien."

Aux termes du bail renouvelé signé le 29 décembre 2016, à l'article IV page 4, les parties ont prévu que :

"Le preneur maintiendra les lieux loués en bon état d'entretien et effectuera pendant le cours du bail et à ses frais toutes réparations locatives et d'entretien qui seraient rendues nécessaires, y compris par vétusté ou force majeure, ou encore imposée par une quelconque administration, à l'exception des grosses réparations relevant de l'article 606 du code civil, qui demeureront à la charge du bailleur, de telle sorte qu'en fin de bail ou au départ du preneur, les lieux soient rendus en bon état d'usage."

Il est de jurisprudence constante qu'au sens de l'article 606 du code civil, les réparations d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien en bon état de l'immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale (Casses.3ème civile, 13 juillet 2005-04-13764; 3e Ci., 21 avril 2022, pourvoi n°21-14.036), le distinguo relevant du pouvoir souverain des juges du fond.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 1754 du même code :

"Les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, s'il n'y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l'usage des lieux et, entre autres, les réparations à faire :

Aux âtres, contre-coeurs, chambranles et tablettes des cheminées ;

Au recréaient du bas des murailles des appartements et autres lieux d'habitation à la hauteur d'un mètre ;

Aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu'il y en a seulement quelques-uns de cassés ;

Aux vitres, à moins qu'elles ne soient cassées par la grêle ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;

Aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures."

Si aux termes de l'article 1755 du code civil : "Aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires, quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure." il est loisible aux parties à un bail commercial de déroger à ce principe ce qu'elles ont fait en l'espèce.

Par ailleurs il sera rappelé qu'aux termes de l'article 1732 du même code : "Il (le locataire) répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute."

Les bailleurs chiffrent leur demande d'indemnisation à 259.602 euros TTC dont :

* frais de serrurier suivant facture du 9 février 2021 : 360 euros TTC,

* 259.242 euros TTC (dont 20% de TVA) soit 216.035 euros HT, de travaux et honoraires tels que définis et évalués par l'expert judiciaire.

Le chiffrage de l'expert judiciaire, qui reprend le chiffrage de l'architecte des époux [U], en y ajoutant des frais de géomètre, de tranchée pour comptage électrique et d'honoraires d'architecte, est de:

1-réparation des toitures : 22.683 euros HT

2-reprise du faux plafond : 15.600 euros HT

3- bardage et étanchéité à l'eau : 18.980 euros HT

4-VRD (cour) : 5850 euros HT

5-étude de structure pour dimensionnement des ouvrages : 1500 euros HT

6-élévation d'un mur de clôture en parpaings :15.788 euros HT

7- remise à neuf du dallage du hangar (cis cabine peinture) : 45.200 euros HT

8-démolition/reconstruction des locaux sociaux (hypothèse : vestiaire 25 m², WC PMR 2 m², douche 2 m², restauration 15 m²) : 28.899 euros HT

9- reprise de parement en parpaing abîmé :12.180 euros HT

10-divers (remplacement vitrage cassé et porte du local annexe): 2000 euros HT

11-local peinture (reprise à des fins de stockage) : 9.375 euros HT

12-peinture et nettoyage : 17.700 euros HT

13-mise aux normes électricité : 15.8290 euros HT

14-plomberie générale : 6000 euros HT

15'frais annexes (repérage amiante et évacuation gravats) : 15.400 euros HT

16-géomètre : 1252,80 euros TTC soit 1044 HT (selon devis)

17-tranchée pour comptage électrique : 5.142,60 euros (TTC) soit 4675 euros HT (selon devis)

18- honoraires d'architecte-BET-estimation de l'expert : 12.000 euros,

soit un total de 251.370,40 euros, dont il estime que 172.660,50 euros doivent être imputés à la SEAO.

Il ressort essentiellement du rapport de l'expert que :

- Lors de ses opérations d'expertise il ne disposait pas du bail de 1983,

- La SEAO a utilisé les locaux aux fins de stockage,

- L'expert a fait une visite globale des lieux et compte tenu de la neige le jour des opérations d'expertise sur place, il renvoie les parties soit à se reporter aux photos et constats panoramiques qu'il joint à son rapport, soit au constat d'huissier du 31 janvier 2020,

- L'intervention d'un serrurier a été nécessaire pour ouvrir le local annexe à l'arrière à usage de bureau,

- Au vu du constat d'huissier du 31 janvier 2020 l'état général du bâtiment n'a pas évolué depuis la libération des lieux en 2019,

- Le bâtiment est vétuste, l'entretien général des installations fixes, électricité plomberie et sanitaire, et l'ensemble de l'enveloppe couverture, n'a pas fait l'objet de travaux depuis plus de trente ans,

- Le bâtiment, dans son état général, et d'après les constats panoramiques initaux et décrits en 1983 lors de la prise de possession des lieux (sic), n'a fait l'objet d'aucune transformation;

- Les installations intérieures sont vétustes. La couverture et l'étanchéité de sont pas assurées. Le plafond suspendu est dégradé et menace de tomber à certains endroits. Les panneaux fixés sur des cadres intermédiaires avec des profilés sont absents (sic). Il n'a observé aucune trace d'infiltration. L'enveloppe extérieure du bâtiment présente de nombreuses dégradations et usures. Les installations techniques et électriques ne sont pas aux normes et certains fils sont à nu. Il semblerait qu'une modification de l'installation ait été faite par le preneur puisque les dispositifs de coupure du tableau électriques sont postérieures à 1983. Le raccordement électrique du bâtiment était fait par la SEAO depuis le bâtiment voisin (qu'elle louait aussi) et lors de la libération des lieux elle a coupé l'alimentation qui n'est plus assurée concernant le bâtiment principal. Concernant l'eau, à l'examen d'une fosse compteur d'eau il semblerait qu'un départ individuel ait été démonté par l'occupant après sa libération (sic). Il y a deux points de raccordement d'eau. Aucune installation sanitaire n'est raccordée. L'ensemble aurait été démonté par l'occupant;

- La globalité de l'enveloppe du bâtiment est fort dégradée et l'occupant n'a procédé à aucun travaux d'entretien courant ni même de remise en état et réparations locatives y compris dues à la vétusté. Il n'a pas sollicité de travaux de grosses réparations de la part du bailleur pendant ses plus de trente ans d'occupation. Le bailleur n'a effectué aucun gros travaux notamment la couverture et l'enveloppe globale du bâtiment;

L'expert écarte les propositions de chiffrage de la SEAO se fondant sur deux devis au motif qu'ils ne prennent en compte que l'enveloppe intérieure.

Il retient l'étude du bureau spécialisé Atelier d'architecture et de design du 7 avril 2021 produite par les époux [U], indiquant qu'il ne s'agit pas d' une remise en état à neuf et refonte complète du bâtiment mais de travaux de remise en sécurité pour les installations techniques et sanitaires et la mise en place de plafond et réparation de couverture.

Il précise que :

- concernant les travaux d'entretien général et les mises en peinture aucun embellissement n'a été entrepris par la SEAO pendant ses trente années d'occupation,

- le compteur d'eau aurait été enlevé dans la fosse de comptage pour la distribution de l'ensemble des propriétés;

- l'électricité du bâtiment principal n'est pas raccordée; les installations électriques n'ont pu être vérifiées, il s'agit d'installations anciennes non conformes à la réglementation en vigueur; elle a été modifiée dans ces différents comptages et les dispositifs de coupures électriques présents au tableau permettent de confirmer que des modifications ont été apportées par le preneur car ces équipements sont postérieurs à 1983. La SEAO ne produit aucune attestation de conformité.

Il propose une ventilation et une imputation partielle des 251.370,40 euros HT qu'il chiffre notamment à partir de l'étude globale confiée à un architecte en indiquant que les prix correspondent à une rénovation

de bâtiments d'un coût d'environ 780 euros le m².soit 250.000 euros pour 320 m², de travaux de remise en état et non d'amélioration.

Les appelants critiquent cette répartition estimant que c'est à tort que l'expert a mis une partie des frais à leur charge concernant le bardage, le poste VRD, le mur de clôture, la peinture et le nettoyage, les frais annexes (repérage amiante et évacuation gravats) ainsi que la tranchée pour comptable électrique.

La cour examinera le détail de la demande de condamnation poste par poste.

1*frais de serrurier suivant facture du 9 février 2021 :

Il est sollicité 360 euros TTC de ce chef correspondant à une facture de l'entreprise Vision Serrurerie du 9 février 2021.

La société SEAO accepte de régler le coût de cette intervention du serrurier nécessaire pour l'accès au local à usage de bureau.

Etant responsable de la perte de la clé, le coût de son remplacement doit lui être imputé en totalité soit à hauteur de 360 euros TTC.

2*réparation des toitures :

Il est sollicité à ce titre 22.683 euros HT selon le chiffrage de l'architecte d'après le devis Cibetanche du 19 mars 2021 :

Ce chiffrage est ainsi détaillé :

- nettoyage et démoussage hangar et dépendances : 16.350 euros

- réparation des plaques cassées : 5833 euros pour 380 m² (le devis précisant un prix unitaire de 15,35 euros par m² pour réparation des plaques cassées (petite perforation)

- nettoyage et repli du chantier : 500 euros.

L'huissier a constaté que :

- la toiture du petit local à usage de bureau (partie d'un ensemble dont la bailleresse avait conservé l'usage de l'autre partie) en tôle ondulées est couverte de mousse et des dépôts de feuilles mortes sont également visibles; le solin entre cette toiture et le mur de façade du bâtiment principal est déformé à son extrêmité,

- la toiture du bâtiment principal : un trou est visible sur la rive de toiture au-dessus du mur de façade arrière; la dalle de toiture est sale et une conduite PVC partant de la toiture du bâtiment principal n'est pas raccordée avec l'orifice visible sur la toiture du petit local;

- la toiture du bâtiment annexe : une fuite est visible au niveau de la gouttière et la toiture présente un défaut d'entretien manifeste.

L'expert affirme que la couverture et l'étanchéité ne sont pas assurées.

Le prix du démoussage, soit 11.500 euros selon le devis pour la toiture de la dépendance de la cour de 29 m², celle du hangar principal de 380 m² et de la dépendance du jardin de 54 m² , est extrêmement important car il tient compte selon le devis du matériau en plaques fibro-ciment amiantées qui doivent être démoussées manuellement.

L'architecte indique une option de remise à neuf avec un remplacement de la toiture en fibro (précisant "hypothèse amiante", ce qui est le cas au vu du devis présenté et du marché à forfait du 18 avril 1968 passé par M. [Y] garagiste concernant le hangar métallique pour garage qui précise "couverture amiante ciment grandes ondes brun...") : 45.600 euros dont 20.900 euros pour le désamiantage et 24.700 euros pour une nouvelle couverture en bac acier 3/45/1000 posée sur lisse avec traitement anticondensation (compris gouttière et descentes eau pluviale).

Compte tenu du fait que la réparation concerne toute la surface des plaques de fibro-ciment et que le nettoyage devrait être fait manuellement pour tenir compte de la vétusté du support de plus de 50 ans qui contient de l'amiante, ce qui aboutit à un coût égal à celui du remplacement de la toiture qui n'est plus étanche et doit par conséquent être changée compte tenu de la dégradation du matériau comportant de l'amiante, il y a lieu de considérer qu'il s'agit de grosses réparations en ce qu'elles touchent à la structure de l'immeuble, qui n'incombent pas au locataire.

Cette somme ne sera donc pas imputée à la SEAO contrairement à l'avis de l'expert qui propose une imputation totale au preneur tout en indiquant au demeurant que les travaux consécutifs au clos et au couvert sont de la responsabilité du bailleur, sans cependant démontrer ni même alléguer que le défaut d'entretien du preneur a entraîné la dégradation de la couverture, le fait que la SEAO n'ait pas sollicité la bailleresse pour entreprendre les grosses réparations étant indifférent.

3*reprise du faux plafond :

Une somme de 15.600 euros HT est demandée telle que chiffrée et détaillée ainsi qu'il suit par l'architecte des époux [R] [U] :

- dépose des faux-plafonds existants sur 240 m² au prix unitaire de 20 euros : 4800 euros,

- pose d'une nouvelle ossature et de panneaux isolants 60x120 cm au prix unitaire de 45 euros : 10.800 euros.

L'huissier a relevé que dans le hangar plusieurs panneaux de faux-plafond manquaient. L'expert a relevé que l'étanchéité de la couverture n'étaient plus assurée et que le plafond suspendu était dégradé et menaçait de tomber à certains endroits.

La cour considère que le remplacement de la totalité de l'ossature du faux-plafond et de la totalité des panneaux isolants dégradés du fait du défaut d'étanchéité de la toiture relevant des grosses réparations ne peut être imputée au locataire contrairement à ce que propose l'expert.

4* bardage et étanchéité à l'eau :

Il est sollicité de ce chef 18.980 euros qui se répartissent ainsi selon le chiffrage de l'architecte repris par l'expert qui en propose l'imputation par moitié à chaque partie :

- dépose et mise en décharge des bardages abîmés sur 214 m² au prix unitaire de 20 euros : 4280 euros

- pose d'un nouveau bac acier en bardage sur 214 m² au prix unitaire de 50 euros : 10700 euros

- reprise de la porte (peinture rail et bardage) : 4000 euros.

L'huissier a constaté au niveau du mur de façade que les panneaux coulissants de la porte du bâtiment principal qui sont en état de fonctionnement étaient constitués de tôles de bardage altérées par des marques d'oxydation en partie basse et que des marques de coups étaient également visibles sur ce bardage.

Il a également constaté que plusieurs panneaux de bardage sur le bâtiment principal présentaient des marques de coups et étaient déformés. Des coups et déformation étaient visibles également sur le bardage extérieur de l'ancienne cabine de peinture.

L'expert indique que l'enveloppe extérieure du hangar présente de nombreuses dégradations et usures.

Les époux [R] [U] font état du fait que si la SEAO avait pris le soin d'entretenir les bardages côté intérieur par un coup de peinture au-moins tous les dix ans et de solliciter des bailleurs un ravalement extérieur desdits bardage tous les 10-15 ans, lesdits bardages et la porte ne se seraient pas dégradés au point de ne plus être étanches ni à l'air ni à l'eau.

Ils reconnaissent ainsi que le ravalement des bardages extérieurs relevait des grosses réparations incombant au bailleur, qui n'est pas exonéré de ses obligations par le défaut de demande du preneur.

Le remplacement des bardages qui sont un élément de structure du bâtiment, nécessité par un défaut d'entretien par le bailleur des peintures extérieures sur l'ensemble du bardage qui a rouillé par endroits relève donc des grosses réparations et ne peut donc être imputé à la société SEAO.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à ce poste de demande.

5*VRD (cour) :

Les époux [U] sollicitent 5850 euros HT de ce chef, tels que chiffrés par leur architecte, et repris tel quel par l'expert qui l'impute par moitié à chaque partie, comprenant :

- dessouchage sous enrobé côté cour : 300 euros

- reprise d'enrobés sur 30 m² à raison de 35 euros le mètre carré : 1050 euros

- remise aux normes de la collecte des eaux de pluie dont canalisation d'évacuation.

A droite de la façade sur cour l'huissier a constaté la présente d'une souche d'arbre contiguë à la façade en prolongement immédiat du rail guide de la porte empêchant le panneau de cette porte d'arriver en totale butée. Il précise que l'enrobé bitumeux de la cour est en état d'usage.

Dans les notes que les époux [U] ont produites à l'appui de la demande d'expertise (pièce 21) ils ont joint une photo de la cour prise à une date non précisée sur laquelle apparaît l'arbre correspondant à la souche. Cet arbre est d'une grande hauteur d'au-moins deux fois la hauteur de la dépendance et d'une largueur importante débordant sur la porte du local. Ni l'expertise ni aucun autre élément ne permet d'affirmer que l'implantation de cet arbre le long du mur du façade, qui apparaît spontanée, s'est réalisée durant le bail, si bien que le coût du dessouchage ne doit pas être supporté par les locataires.

Par ailleurs les travaux de réfection complète de l'enrobé ainsi que le changement du système de collecte des eaux de pluie pour mise aux normes, font partie des grosses réparations s'agissant d'éléments de structure et les époux [R] [U] ne démontrent pas que la voirie de la cour a été fortement dégradée ni qu'elle l'aurait été du fait de passage de gros engins de chantier du locataire. Au demeurant cette cour était d'usage commun avec la bailleresse.

6*étude de structure pour dimensionnement des ouvrages :

Il est demandé 1500 euros HT de ce chef, comme chiffrés par l'architecte des appelants, dont ces dernier seront déboutés comme pour le précédent poste dont il n'est que l'accessoire.

7*élévation d'un mur de clôture en parpaings :

Les époux [U] sollicitent 15.788 euros HT tels que chiffrés par leur architecte pour l'élévation d'un mur de clôture en parpaings de 37 mètres linéaires dont terrassement, fondation avec libage, parpaings, enduit et chapeau.

L'huissier a constaté l'absence de mur de clôture sur la gauche de la parcelle précisant qu'à chaque extrêmité de la ligne séparative des fonds se trouvent deux pans de mur vétustes en blocage et briques et que sur l'extrêmité gauche, un pan de mur en parpaings prolonge l'ancien mur et un autre pan à l'état neuf a été mis en oeuvre par la société locataire, en prolongement pour s'arrêter à l'angle de la façade du bâtiment voisin. L'expert confirme que le mur de séparation a pour sa plus grande partie disparu, le bardage du bâtiment voisin servant de clôture.

L'existence d'un mur de clôture complet antérieurement au bail, se déduit de l'autorisation donnée par la bailleresse à la SEAO de pratiquer dans ce mur de clôture séparant sa propriété de celle du preneur (cadastrée section BG numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4]), deux ouvertures suffisantes au passage, l'une de véhicules utilitaires de moins de 3,5 tonnes et l'autre, de piétons.

Le preneur a pris l'engagement irrévocable, déjà stipulé dans les précédents baux, de remettre en son état initial ledit mur de clôture en cas de rupture du présent bail pour quelque cause que ce soit ou à l'arrivée du terme prévu.

Il est donc justifié de mettre à la charge de la SEAO les frais d'élévation d'un mur de clôture en parpaings sur la partie manquante, la SEAO ne s'étant pas contentée de réaliser deux ouvertures dans l'ancien mur en briques mais l'ayant démonté sur la quasi totalité de sa longueur, n'en laissant subsister que quelques mètres à chaque bout du linéaire.

La preneuse sera donc condamnée à supporter 15.788 euros HT de ce chef, les devis qu'elle produit chiffrant la réalisation d'un mur en parpaings sur 18 mètres linéaires pour une somme inférieure à 2000 euros n'apparaissant pas être un mur de clôture.

8* remise à neuf du dallage du hangar (compris cabine peinture) :

Les époux [R] [U] sollicitent de ce chef 45.200 euros HT selon le chiffrage de leur architecte soit :

- 1800 euros au titre des études et plans de béton,

- 12.600 euros au titre de la démolition du dallage existant du hangar et terrassement sur 280 m²

- 30.800 euros au titre d'un nouveau dallage sur fondations en grave ciment et isolant.

L'huissier a constaté que la dalle en ciment était sale, altérée en recherches (sic) par des marques d'éclats et/ou d'épaufrures ainsi que quelques marques de fissurations.

L'expert qui en impute la moitié à la locataire n'indique pas quel entretien courant aurait permis d'éviter ces marques d'usure d'un dallage en ciment de plus de 50 ans ni au demeurant, la nécessité, pour l'usage du hangar aux fins de stockage, d'en refaire complètement le terrassement, qui en tout état de cause relève des grosses réparations incombant aux bailleurs.

Les bailleurs seront déboutés de ce chef.

9*démolition/reconstruction des locaux sociaux (hypothèse : vestiaire 25 m², WC PMR 2 m², douche 2 m², restauration 15 m²) :

Les bailleurs demandent à ce titre 28.899 euros HT pour :

- la démolition des locaux existants (wc, cuisine, douche, vestiaire) : 3500 euros

- reprise du réseau sous dalle sur 6 ml : 270 euros

- fondation (dont libage) sur 17 ml : 2040 euros

- parpaings pour 51 m² : 3825 euros

- ossature de plafonds (hypothèse : solive en bois et plancher OSB au dessus) : 1000 euros

- carrelage et plinthes droits sur 44 m² : 3740 euros

- faïence sur 37,5 m² : 2625 euros

- menuiserie (portes, plinthes, placards) : 6000 euros

- doublage thermique collé BA13 +10 cm d'isolant sur 51 m² : 2295 euros

- cloisonnements sur 21,6 m² : 1404 euros

- plafond sur 44 m² : 2200 euros.

Il s'agit donc de la réfection complète des trois pièces dites locaux sociaux se trouvant dans le hangar.

L'huissier a constaté que dans le petit local de trois pièces :

- dans la pièce principale le sol en béton est sale et fissuré, les peintures des murs et plafonds sont sales; une couverte en faïence, sale, altérée par des éclats, fissures et trous de fixation; l'un des carreaux de la fenêtre de ce petit local est fissurée avec éclat; une clé sur la porte ;

- deux petites pièces (initialement douche et toilettes) : absence de tout équipement sanitaire dans ces deux pièces dont les revêtements des sols, plafonds et murs sont sales.

L'expert en impute la moitié à la locataire.

La cour estime que seule la réfection des faïences, soit 2625 euros HT doit être mise à la charge des locataires, le reste des postes dont il est demandé l'indemnisation relèvent des grosses réparations puisque touchant à la structure ou bien d'une amélioration des locaux peu important à cet égard qu'elles soient nécessitées par une remise aux normes.

10* reprise de parement en parpaing abîmé :

Il est sollicité 12.180 euros HT à ce titre par les époux [R] [U] selon le chiffrage de leur architecte, se décomposant ainsi :

- démolition des parements abîmés (3) : 1800 euros

- fondation (dont libage) sur 15 ml : 1800 euros

- parpaings pour 66 m² : 4950 euros

- enduits sur face extérieure sur 66 m²: 3630 euros

- peinture microporeuse sur 66 m² : 1650 euros.

L'huissier a constaté :

- le mur de façade du petit local à usage de bureau établi en contrefort du bâtiment principal laisse apparaître une maçonnerie couverte par des peintures et sales; des marques d'humidité sont visibles sur le soubassement; plusieurs marques de fissures se dessinent sur la maçonnerie;

- le mur de façade avant du bâtiment principal laisse apparaître une maçonnerie en parpaings couvert de peintures défraîchies et sales;

- sur le bâtiment principal les murs sont constitués d'une maçonnerie en parpaings couvertes par des peintures sales et noircies (...);

- une autre marque de fissuration et/ou de décollement est visible au-dessus de la porte d'accès au local à usage de bureau;

- sur le pan de mur à gauche de la porte arrière, la présence d'une marque de fissuration et/ou de décollement avec une marque de coup sur le soubassement;

- quelques marques de fissurations se dessinent sur la maçonnerie des murs et du sol du local à usage de bureau;

- dans le bâtiment annexe l'enduit de parement est sale et noirci, et quelques fissures se dessinent sur la maçonnerie.

Si la réfection des enduits fissurés sur le parement en parpaings et de celle de la peinture noircie relève bien des réparations locatives, pour un coût total de 5280 euros HT (3630 euros +1650 euros), le reste des travaux doit être qualifié de grosses réparations en ce qu'elles concernent des travaux touchant à la structure même de l'immeuble.

11*divers :

Les bailleurs demandent 2000 euros HT, somme conforme au chiffrage de l'architecte, se divisant en 800 euros pour le remplacement du vitrage cassé et 1200 euros pour le remplacement de la porte du local annexe.

Il n'est pas précisé de quel vitrage il s'agit mais l'huissier a constaté concernant le petit local à usage de bureau dans la cour que l'un des carreaux de la baie vitré présentait une marque d'éclat avec fissures et que, concernant le bâtiment annexe, l'un des carreaux de fenêtre est fissuré.

Ce poste de réparation locative est donc justifié et doit être mis à la charge de la SEAO, soit 800 euros HT.

En revanche aucun constat de dégradation de la porte du local annexe, dont les frais remplacement de serrurerie ont déjà été mis à la charge du locataire, n'a été fait, si bien que le surplus de la demande sera rejeté.

12*reprise de l'ancienne cabine de peinture à des fins de stockage :

Les 9.375 euros HT conformes au chiffrage de l'architecte se décomposent en :

- réparation des panneaux agglomérés enchassés dans l'ossature métallique et servant de parois et reprise de l'étanchéité relative du local : 3000 euros l'ensemble;

- reprise de la planéité du sol : 1000 euros l'ensemble

- purge des éléments non utiles à des fins de stockage (ventilation, cheminée) : 2000 euros

- nettoyage peinture mur et plafond du local : 3375 euros.

Sur les éléments intérieurs l'huissier a constaté que l'ensemble de l'ancienne cabine était sale, qu'une marque de décollement se dessine sur toute la longueur de la dalle du sol, que le seuil de la porte arrière est fissuré, que les deux portes sont en état de fonctionnement mais sales, que des éclats sont visibles sur au moins un panneau de porte.

Seuls les travaux de réparation de la fissure de la dalle (reprise de la planéité du sol), le nettoyage et la peinture des murs et plafonds relevant des réparations locatives seront mis à la charge de la société SEAO, soit 4375 euros (1000 +3375 euros), le surplus qui intéresse la structure du bâtiment relevant de grosses réparations ou remise à neuf qui n'apparaissent pas en relation avec l'état du bien ou son défaut d'entretien courant, comme la purge des éléments non utiles à des fins de stockage qui s'avère relever d'une transformation pure et simple des locaux.

13*peinture et nettoyage :

Ce poste évalué à 17.700 euros HT par l'architecte, comprend :

- nettoyage façade et enduit de réparation des fissures (dépendance et local annexe sur la cour avant) sur 55 m² : 2750 euros

- laque acrylique dans locaux sociaux (mur + plafond) sur 150 m² : 4500 euros

- laque acrylique dans local annexe (mur + plafond) sur 65 m² : 1950 euros

- brossage et peinture antirouille sur charpente métallique : 5000 euros

- peinture sur métaux divers : 500 euros

- peinture sur PVC : 1500 euros

- nettoyage : 1500 euros

Il ressort du procès-verbal d'huissier que les murs plafonds et sols de tous les locaux loués sont sales, comme vu ci-dessus pour les locaux sociaux et les enduits fissurés par endroits.

Hormis le brossage et la peinture antirouille sur la charpente métallique, qui relèvent des grosses réparations puisque touchant à la structure de l'immeuble, la totalité des autres postes, pour un montant de 12.700 euros HT, relevant des réparations ou de dépenses d'entretien dues à un défaut d'entretien courant par la société locataire, doivent être mis à sa charge et non pas seulement la moitié des travaux de nettoyage et peinture comme proposé par l'expert.

14*mise aux normes électricité :

L'architecte des époux [R] [U] a chiffré ce poste à 15.8290 euros HT d'après un devis d'entreprise sur une opération similaire non joint aux débats.

Il comprend :

- dépose (sur 320 m²) au prix unitaire de 11 euros : 3520 euros

- mise à la terre de la charpente : 1200 euros

- remplacement général des luminaires du site (intérieur et extérieur) : 5000 euros

- cheminement de câbles : 5000 euros

- alimentation et tableau divisionnaire : 2500 euros

- Censuel et contrôle technique de l'installation par un bureau de contrôle : 600 euros.

Il s'agit du changement complet du circuit électrique et des luminaires du hangar.

Or l'huissier a relevé que l'équipement électrique était en état d'usage mais sale, toutes réserves utiles étant faite sur les équipements qui n'ont pu être testés ou allumés.

L'expert a indiqué que les installations électriques n'ont pu être vérifiées et qu'il s'agit d'installations anciennes non conformes à la réglementation en vigueur. Il indique que l'électricité du bâtiment principal n'est pas raccordée et que les installations électriques ne sont pas aux normes et que certains fils sont à nu, ce dernier point pourtant visible n'ayant cependant pas été relevé par les parties le jour du constat de sortie des lieux.

Il ressort des photos prises par l'huissier et l'expert qu'il existe deux tableaux électriques et les bailleurs ne s'expliquent pas sur le compteur qui manquerait. Il n'est pas démontré comme les époux [R] [U] le prétendent que l'installation électrique a été démontée par la locataire ni que les luminaires seraient hors service, l'absence de compteur divisionnaire n'étant pas en soi une anomalie puisqu'il peut très bien exister un compteur commun à tout l'ensemble immobilier sur les trois parcelles ce que l'installation d'un comptage divisé envisagé par les époux [R] [U] tend à démontrer.

Toujours est-il que la réfection de l'ensemble du câblage électrique relève des grosses réparations structurelles incombant aux bailleurs y compris pour leur mise aux normes actuelles de sécurité électrique.

Les bailleurs seront donc déboutés de ce chef.

15*plomberie générale :

Ce poste évalué par l'architecte des bailleurs à 6000 euros HT comprend sans distinction l'alimentation le réseau d'eau et l'appareillage.

L'huissier a constaté l'absence de tout équipement sanitaire dans les deux pièces du local social devant servir de salle de douche et toilettes.

Le locataire doit être condamné au coût de remplacement des sanitaires préexistants qu'il a enlevés au cours du bail.

La société SEAO produit deux devis détaillés relatifs à la fourniture et pose d'un bac de douche, y compris bonde et mitigeur, fourniture et pose d'un lavabo sur colonne, compris la bonde et le mitigeur, fourniture et pose d'un C avec réservoir et chasse d'eau, fourniture et pose d'un ballon d'eau chaude de 150 litres et fourniture pose et raccordement des réseaux d'alimentation en cuivre et P.C. :

- celui de l'entreprise Dacheux du 7 janvier 2022 de 4178,50 euros HT,

- celui de l'entreprise Baillons du 15 juin 2021 de 3913,80 euros HT.

Il y a lieu de retenir le devis de l'entreprise Dacheux de 4178,50 euros HT qui est détaillé, l'expert qui ne détaille pas son chiffrage n'indiquant pas en quoi il devrait être écarté.

16*frais annexes :

Les époux [R] [U] sollicitent la somme de 15.400 euros HT chiffrés par leur architecte correspondant à :

- réalisation d'un repérage amiante avant travaux : 1400 euros

- frais de sécurité des personnes et moyens d'accès en hauteur : 8000 euros

- évacuation des gravats : 6000 euros

Ces frais étant manifestement liés aux travaux de toiture et de couverture qui ne sont pas mis à la charge des preneurs, les bailleurs se verront déboutés de ce poste de demande.

17*honoraires de géomètre :

Il est sollicité 1252,80 euros TTC soit 1044 HT de ce chef correspondant au devis du cabinet Abcisse relatif au bornage de division des parcelles cadastrées B [Cadastre 6]-[Cadastre 7]-[Cadastre 8] appartenant aux bailleurs aux fins de nouvelles division avec calcul des nouvelles surfaces.

Ce projet ne concernant que la propriété des bailleurs, dont les constructions y compris une maisonnette qu'ils louent donnant sur la cour commune sont à cheval sur les parcelles B [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8], et le présent litige n'ayant pas pour objet la limite séparatrice entre des fonds appartenant aux parties, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts des appelants sur ce point.

18* tranchée pour comptage électrique :

Les époux [R] [U] sollicitent 5.142,60 euros (TTC) soit 4675 euros HT selon devis de l'entreprise Terrassement du particulier tel que repris par l'expert qui propose cependant de mettre ce poste à la charge des époux [U], étant précisé que l'architecte de ces derniers n'a pas évoqué la nécessité de ce poste dans son étude qui comprend la réfection de l'installation électrique.

Les appelants indiquent qu'ils ne comprennent pas que l'expert ait mis ce pose à leur charge alors qu'il a relevé que le raccordement électrique était fait par la SEAO depuis le bâtiment voisin et que lors de sa libération elle a coupé l'alimentation du bâtiment.

Cependant il n'y a pas lieu de mettre à la charge des locataires les travaux de tranchée et remblais dans la cour pour la fourniture et la pose de boîte béton 25x25 et tampon fonte 30x30 pour P.T.T., afin de réaliser un comptage divisé qui correspond à la nouvelle division des parcelles telle qu'évoquée plus haut et qui n'existait pas lors du bail, s'agissant d'une transformation pure et simple de l'installation existante.

19* honoraires d'architecte-bureau d'études :

Les bailleurs sollicitent à ce titre 12.000 euros. Il s'agit d'un chiffrage de l'expert qui ne donne aucun détail sur ce poste.

Les appelants en seront déboutés dans la mesure, hormis l'élévation du mur de clôture, aucun travaux de reprise de gros oeuvre n'est mis à la charge des locataires et que l'expert ne précise pas pour quels travaux l'intervention d'un maître d'oeuvre de conception serait indispensable, la coordination des travaux devant être en tout état de cause, du fait de l'ampleur des travaux relevant des bailleurs, mis à la charge de ces derniers.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice de jouissance :

Les bailleurs demandent à ce titre, sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil devenu l'article 1231-1 du même code, la somme de 125.440 euros TTC correspondant aux loyers qu'ils auraient pu toucher de février 2020 à fin septembre 2024, soit 2.240 euros durant 56 mois, somme restant à parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir.

Ils font valoir que les preneurs ont, le 31 janvier 2020, laissé les lieux dans un état tel qu'il est depuis impossible de les relouer immédiatement sans faire procéder à des travaux très importants qui sont financièrement hors de leur portée. Ainsi les mandats de location qu'ils ont confiés à des agences dès le mois de décembre 2019 et janvier 2020 n'ont abouti à aucun contrat locatif, certaines agences immobilières refusant de procéder à la recherche de preneurs pour ce bien qui est non-conforme et en très mauvais état, qui ne présente pas de conformité électrique, pas d'alimentation en eau, pas de sanitaires.

Ils ajoutent que le loyer mensuel s'élevait à 1120 euros mais qu'ils auraient pu en tirer un loyer au-moins deux fois plus cher si le bien loué avait été maintenu en bon état locatif et d'entretien notamment au regard de la vétusté et des normes administratives applicables.

Subsidiairement ils sollicitent 80% de ce montant, soit 100.352 euros.

La locataire sortante réplique que les bailleurs ne démontrent pas que la valeur locative de leur bien a doublé et que par ailleurs sur l'année 2020 les chances de louer étaient totalement inexistantes du fait de la crise sanitaire et qu'après elles étaient quasi inexistantes de l'ordre de 3%.

La cour rappelle que lorsqu'il est établi que l'inexécution du contrat a provoqué une perte de chance et que cette chance était raisonnable et prévisible, le créancier peut demander à en être indemniser. Dans ce cas, la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

La cour considère que dans la mesure où les bailleurs n'ont pas réalisé les grosses réparations leur incombant de clos et couvert, leur préjudice de jouissance résultant de la perte de chance de relouer ne peut être imputé à la SEAO.

Ils doivent par conséquent être déboutés de ce chef.

Sur la demande en paiement au titre des taxes foncières :

Les appelants sollicitent la condamnation de la locataire sortante à leur régler les impôts fonciers de 2020 à 2024 de 16.603 euros qu'ils ont dû débourser pour le hangar non loué, dont ils demandent l'indemnisation dans le cadre de leur perte de chance de relouer le bien.

L'intimée rétorque que la refacturation de la taxe foncière n'est pas un préjudice direct et certain puisque le potentiel preneur pourrait s'opposer à sa prise en charge et qu'en tout état de cause il ne s'agirait que d'une perte de chance à évaluer à 3%.

La perte de chance de percevoir le montant de la taxe foncière au titre des charges doit suivre le sort du principal qui est la perte de chance de percevoir un loyer.

Il y a donc lieu d'en débouter les bailleurs.

Sur les comptes entre les parties :

Au total, les travaux nécessaires à la remise en état d'usage des locaux, imputables à la SEAO s'élèvent à : 55.255,20 euros TTC, se décomposant en :

- 360 eurosTTC pour la serrurerie

- 15.788 euros HT pour le mur de clôture

- 2.625 euros HT pour la réfection de la faïence des sanitaires

- 5.280 euros HT pour la réparation du parement en parpaings

- 800 euros HT pour le vitrage cassé

- 4375 euros HT pour la réparation et le nettoyage ancienne cabine de peinture

- 12.700 euros HT pour la peinture et nettoyage

- 4.178 euros HT pour les appareils sanitaires

soit total HT 45.746 euros

Le coût des réparations locatives et entretien courant s'élève à 49.938,76 euros HT après indexation suivant l'indice BT 01 actuel (133,40) du coût des travaux tous corps d'Etat en prenant pour base l'indice de février 2022 (122,2), qu'il est légitime d'appliquer compte tenu de l'ancienneté du rapport d'expertise déposé le 11 février 2022 par M. [K], expert judiciaire, soit 122,2, étant précisé qu'à ce jour l'indice est de 133,40.

La TVA de 20% à ajouter est de 9.987,75 euros

Le total TTC du coût des réparations et entretien locatifs y compris le poste serrurerie s'élève en conséquence à (360+49.938,76+9.987,75) = 60.286,51 euros

Le dépôt de garantie de 1.372,04 euros sera déduit, ce qui laisse un solde locatif à la charge de la SCA Eaux Assainissement Oise de 58.914,47 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile (y compris les dépens de l'ordonnance de référé expertise) :

L'intimée succombant à l'instance se verra condamnée à en supporter les dépens et frais hors dépens, y compris les frais d'expertise, le jugement étant réformé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris excepté en ce qu'il a débouté les époux [R] [U] de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et de remboursement des taxes foncières des années 2020 à 2024, et,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SCA Société Eaux Assainissement à verser à Mme [M] [Y] épouse [R] [U] et M. [V] [R] [U] 58.914,47 euros de dommages et intérêts en réparation du coût des réparations et entretien locatifs,

Condamne la SCA Société Eaux Assainissement à verser à Mme [M] [Y] épouse [R] [U] et M. [V] [R] [U] la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCA Société Eaux Assainissement à supporter la charge des dépens de première instance et d'appel ainsi que les dépens de la procédure de référé, y compris le coût des opérations d'expertise.

La Greffière, La Présidente,

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