CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 25 septembre 2025, n° 24/11179
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/519
Rôle N° RG 24/11179 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNVMU
SASU L'AILE OU LA CUISSE
C/
[N] [U] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Didier CAPOROSSI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du TJ de [Localité 7] en date du 30 Juillet 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/01064.
APPELANTE
SASU L'AILE OU LA CUISSE
dont le siège social est [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée par Me Lucien SIMON de la SELARL SIMON AVOCAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alma SIGNORILE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
INTIMÉ
Monsieur [N] [U] [J]
né le 12 Juillet 1952 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Didier CAPOROSSI de l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Laurent DESGOUIS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Laurent DESGOUIS, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025,
Signé par M. Laurent DESGOUIS, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique du 7 septembre 2022, M. [N] [J] a donné à bail commercial à la société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) L'aile ou la Cuisse un local commercial, situé [Adresse 3] à [Localité 5], moyennant le paiement d'un loyer annuel de 24 000 €, hors charges et taxes.
Dès loyers étant demeurés impayés, M. [N] [J] a fait, suivant exploit du 1er mars 2024, délivrer un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire à la SASU L'aile ou la Cuisse pour une somme de 10 537, 40 € € au titre des loyers et charges impayés, impayé arrêté au 5 janvier 2024.
Suivant exploit délivré le 29 avril 2024, M. [N] [J] a fait assigner la SASU L'aile ou la Cuisse devant le président du tribunal judiciaire de Toulon, statuant en référé, aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail et d'ordonner l'expulsion de la locataire.
Suivant ordonnance réputée contradictoire, rendue le 30 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a :
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 10 537, 40 € à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 5 janvier 2024 ;
constaté la résiliation du bail à compter du 1er avril 2024 ;
ordonné, à défaut de libération volontaire dans les deux semaines après la signification de son ordonnance, l'expulsion de la SASU L'aile ou la Cuisse et de tous occupants de son chef des lieux situés section DR n°1, [Adresse 3] à [Localité 5], avec au besoin le concours de la force publique ;
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à verser à M. [J] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer, le procès-verbal de constat et les frais d'assignation.
Suivant déclaration transmise au greffe le 28 août 2024, la SASU L'aile ou la Cuisse a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dument reprises.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour l'infirmation de l'ordonnance entreprise en tous les chefs déférés et, statuant à nouveau qu'elle :
déboute M. [J] de toutes ses demandes ;
condamne M. [J] à lui payer la somme de 3 000 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, M. [N] [J] sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et y ajoutant :
condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à lui payer la somme de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025, au titre des loyers et charges impayés, outre indemnité d'occupation depuis la résolution du bail ;
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à lui payer la somme de 2 680 € à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux ;
condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à lui payer, en cause d'appel, la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
Par conclusion transmises le 10 juin 2025, la SASU L'aile ou la Cuisse a repris l'intégralité de ses prétentions précédentes, sollicitant en outre de la cour qu'elle lui octroi des délais de paiement de 24 mois pour lui permettre de s'acquitter de sa dette locative.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance au 11 juin 2025.
Par conclusions transmises le 11 juin 2025, M. [N] [J] a repris l'intégralité de ses prétentions précédentes, demandant par ailleurs à la cour de rejeter la demande formée par la SASU L'aile ou la Cuisse au titre des délais de paiement.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'admission aux débats des conclusions, transmises le 11 juin 2025, par M. [N] [J] et, le 10 juin 2025 par la SASU L'aile ou la Cuisse :
L'article 15 du code de procédure civile dispose que « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ».
L'article 16 du même code dispose que « le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction : il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ».
Par application des dispositions de ces textes doivent être considérées comme tardives les conclusions déposées le jour ou la veille de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l'avance.
En l'espèce, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 11 juin 2025, l'affaire devant être appelée à l'audience du 25 juin suivant.
L'information de la date de clôture de l'instruction de l'affaire ayant été communiquées aux parties par ordonnance de fixation en date du 14 octobre 2024, soit plusieurs mois avant l'intervention de celle-ci, il convient de considérer comme tardives les conclusions de M. [J], transmises le 11 juin 2025 à 9h29, soit postérieurement à l'intervention de l'ordonnance de clôture, étant observé qu'aucune demande de révocation ne figure au dispositif de ces dernières. Elles seront écartées des débats
De la même manière, les conclusions transmises par la SASU L'aile ou la Cuisse le 10 juin précédent, soit la veille de la clôture, doivent être considérées comme tardives. Elles seront également écartées des débats.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences :
L'article 834 du code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».
L'article 835 du code de procédure civile dispose que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
L'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».
En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.
En page 16 du bail régularisé le 7 septembre 2022 est stipulée une clause résolutoire qui se lit comme suit « en cas de non-exécution, totale ou partielle, ou de non-respect, par le preneur 5'), du paiement à son échéance de l'un des termes du loyer, des charges et impôts récupérables par le bailleur ('), le présent bail sera résilié de plein droit un mois après une sommation d'exécuter ou un commandement de payer délivré par acte extra-judiciaire au preneur ou à son représentant légal (') de régulariser sa situation ».
En l'espèce, la régularité du commandement de payer du 1er mars 2024 n'est pas interrogée. Partant, il ressort du décompte de créance locative, arrêté par le bailleur au 25 mai 2025, que les causes de ce commandement n'ont pas été apurées dans le délai requis d'un mois à compter de sa délivrance. Par ailleurs, les éléments produits par la SASU L'aile ou la Cuisse en pièce n°5 restent, à l'évidence, insuffisants à caractériser l'absence de dette locative à l'expiration de ce délai, soi le 1er avril 2024. Il doit, à ce titre, être relevé que cette pièce ne vise que les règlements opérés et non les sommes appelées à échéances.
Par ailleurs, le moyen tiré de ce que les parties seraient en pourparlers pour renégocier les termes du bail régularisé le 7 septembre 2022, s'avère inopérant. S'il est en effet démontré que les parties ont échangé par courriel à cette fin entre le 31 mai et le 4 juin 2025, cette circonstance n'est pas de nature à mettre en échec les dispositions de l'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce sus énoncées. En outre, il doit être observé que l'intimé n'a pas abandonné sa demande de confirmation du constat de la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire, aux termes de ces dernières écritures admissibles aux débats, en date du 3 juin 2025, concomitantes auxdits pourparlers.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a :
constaté la résiliation du bail à compter du 1er avril 2024 ;
ordonné, à défaut de libération volontaire dans les deux semaines après la signification de son ordonnance, l'expulsion de la SASU L'aile ou la Cuisse et de tous occupants de son chef des lieux situés section DR n°[Cadastre 1], [Adresse 3] à [Localité 5], avec au besoin le concours de la force publique.
Sur la demande de provision :
Le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile dispose que « dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, (le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence) peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision, tant en son principe qu'en son montant. En ce sens, une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés à ses prétentions laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait intervenir par la suite sur ce point.
A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle, le montant de la provision n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
En l'espèce, l'intimé sollicite la condamnation de la SASU L'aile ou la Cuisse à lui verser la somme de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025, au titre des loyers et charges impayés, outre indemnité d'occupation depuis la résolution du bail.
Cette somme, qui ressort de la pièce n°14 qu'il produit, n'est pas sérieusement contestée par les éléments produits en pièce n°5 par l'appelant.
Dès lors, le montant non contestable de la provision à valoir sur la dette de loyers, charges, taxe et indemnité d'occupation doit être fixée à la somme de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025. L'ordonnance entreprise sera ainsi infirmée en ce qu'elle a condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 10 537, 40 € à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 5 janvier 2024. L'appelante sera condamnée à verser la somme provisionnelle de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025, à valoir sur la dette locative.
Par ailleurs, et dès lors que, d'une part, le premier juge a constaté la résiliation du bail litigieux au 1er avril 2024 et que, d'autre part, l'appelante s'est maintenue dans lieu depuis lors, cette dernière sera condamnée au paiement d'une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, d'un montant mensuel de 2 680 €, à compter du 1er avril 2024 et jusqu'à parfaite libération des lieux.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Dès lors que l'appelante succombe en ses prétentions en cause d'appel, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. [N] [J] la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer et de l'assignation.
Elle sera néanmoins infirmée en ce qu'elle a dit que les dépens comprendraient le coût du procès-verbal de constat. En effet, ces derniers s'analysent comme des frais afférents au recueil d'éléments de preuve et non aux instances, actes et procédure d'exécution, au sens des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile, en sorte qu'ils relèvent du régime des frais irrépétibles.
Par ailleurs, l'appelante qui succombe en appel sera condamnée aux dépens d'appel.
Pour la même raison, elle sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'il a dû engager en cause d'appel. Il lui sera allouée une somme de 1 500 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Écarte des débats les conclusions transmises le 11 juin 2025 par M. [N] [J] et le 10 juin 2025 par la SASU L'aile ou la Cuisse ;
Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 10 537,40 € à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 5 janvier 2024 ;
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse au paiement du procès-verbal de constat au titre des dépens ;
La confirme pour le surplus de ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] une provision de 29 046,56 €, au titre des loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 20 mai 2025 ;
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, d'un montant mensuel de de 2 680 €, à compter du 1er avril 2024 et jusqu'à parfaite libération des lieux ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation de la SASU L'aile ou la Cuisse aux frais du procès-verbal de constat, au titre des dépens de première instance ;
Déboute la SASU L'aile ou la Cuisse de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse aux dépens d'appel.
La greffière Le président
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/519
Rôle N° RG 24/11179 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNVMU
SASU L'AILE OU LA CUISSE
C/
[N] [U] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Didier CAPOROSSI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du TJ de [Localité 7] en date du 30 Juillet 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/01064.
APPELANTE
SASU L'AILE OU LA CUISSE
dont le siège social est [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée par Me Lucien SIMON de la SELARL SIMON AVOCAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alma SIGNORILE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
INTIMÉ
Monsieur [N] [U] [J]
né le 12 Juillet 1952 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Didier CAPOROSSI de l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Laurent DESGOUIS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Laurent DESGOUIS, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025,
Signé par M. Laurent DESGOUIS, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique du 7 septembre 2022, M. [N] [J] a donné à bail commercial à la société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) L'aile ou la Cuisse un local commercial, situé [Adresse 3] à [Localité 5], moyennant le paiement d'un loyer annuel de 24 000 €, hors charges et taxes.
Dès loyers étant demeurés impayés, M. [N] [J] a fait, suivant exploit du 1er mars 2024, délivrer un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire à la SASU L'aile ou la Cuisse pour une somme de 10 537, 40 € € au titre des loyers et charges impayés, impayé arrêté au 5 janvier 2024.
Suivant exploit délivré le 29 avril 2024, M. [N] [J] a fait assigner la SASU L'aile ou la Cuisse devant le président du tribunal judiciaire de Toulon, statuant en référé, aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail et d'ordonner l'expulsion de la locataire.
Suivant ordonnance réputée contradictoire, rendue le 30 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a :
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 10 537, 40 € à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 5 janvier 2024 ;
constaté la résiliation du bail à compter du 1er avril 2024 ;
ordonné, à défaut de libération volontaire dans les deux semaines après la signification de son ordonnance, l'expulsion de la SASU L'aile ou la Cuisse et de tous occupants de son chef des lieux situés section DR n°1, [Adresse 3] à [Localité 5], avec au besoin le concours de la force publique ;
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à verser à M. [J] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer, le procès-verbal de constat et les frais d'assignation.
Suivant déclaration transmise au greffe le 28 août 2024, la SASU L'aile ou la Cuisse a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dument reprises.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour l'infirmation de l'ordonnance entreprise en tous les chefs déférés et, statuant à nouveau qu'elle :
déboute M. [J] de toutes ses demandes ;
condamne M. [J] à lui payer la somme de 3 000 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, M. [N] [J] sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et y ajoutant :
condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à lui payer la somme de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025, au titre des loyers et charges impayés, outre indemnité d'occupation depuis la résolution du bail ;
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à lui payer la somme de 2 680 € à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux ;
condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à lui payer, en cause d'appel, la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
Par conclusion transmises le 10 juin 2025, la SASU L'aile ou la Cuisse a repris l'intégralité de ses prétentions précédentes, sollicitant en outre de la cour qu'elle lui octroi des délais de paiement de 24 mois pour lui permettre de s'acquitter de sa dette locative.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance au 11 juin 2025.
Par conclusions transmises le 11 juin 2025, M. [N] [J] a repris l'intégralité de ses prétentions précédentes, demandant par ailleurs à la cour de rejeter la demande formée par la SASU L'aile ou la Cuisse au titre des délais de paiement.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'admission aux débats des conclusions, transmises le 11 juin 2025, par M. [N] [J] et, le 10 juin 2025 par la SASU L'aile ou la Cuisse :
L'article 15 du code de procédure civile dispose que « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ».
L'article 16 du même code dispose que « le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction : il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ».
Par application des dispositions de ces textes doivent être considérées comme tardives les conclusions déposées le jour ou la veille de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l'avance.
En l'espèce, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 11 juin 2025, l'affaire devant être appelée à l'audience du 25 juin suivant.
L'information de la date de clôture de l'instruction de l'affaire ayant été communiquées aux parties par ordonnance de fixation en date du 14 octobre 2024, soit plusieurs mois avant l'intervention de celle-ci, il convient de considérer comme tardives les conclusions de M. [J], transmises le 11 juin 2025 à 9h29, soit postérieurement à l'intervention de l'ordonnance de clôture, étant observé qu'aucune demande de révocation ne figure au dispositif de ces dernières. Elles seront écartées des débats
De la même manière, les conclusions transmises par la SASU L'aile ou la Cuisse le 10 juin précédent, soit la veille de la clôture, doivent être considérées comme tardives. Elles seront également écartées des débats.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences :
L'article 834 du code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».
L'article 835 du code de procédure civile dispose que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
L'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».
En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.
En page 16 du bail régularisé le 7 septembre 2022 est stipulée une clause résolutoire qui se lit comme suit « en cas de non-exécution, totale ou partielle, ou de non-respect, par le preneur 5'), du paiement à son échéance de l'un des termes du loyer, des charges et impôts récupérables par le bailleur ('), le présent bail sera résilié de plein droit un mois après une sommation d'exécuter ou un commandement de payer délivré par acte extra-judiciaire au preneur ou à son représentant légal (') de régulariser sa situation ».
En l'espèce, la régularité du commandement de payer du 1er mars 2024 n'est pas interrogée. Partant, il ressort du décompte de créance locative, arrêté par le bailleur au 25 mai 2025, que les causes de ce commandement n'ont pas été apurées dans le délai requis d'un mois à compter de sa délivrance. Par ailleurs, les éléments produits par la SASU L'aile ou la Cuisse en pièce n°5 restent, à l'évidence, insuffisants à caractériser l'absence de dette locative à l'expiration de ce délai, soi le 1er avril 2024. Il doit, à ce titre, être relevé que cette pièce ne vise que les règlements opérés et non les sommes appelées à échéances.
Par ailleurs, le moyen tiré de ce que les parties seraient en pourparlers pour renégocier les termes du bail régularisé le 7 septembre 2022, s'avère inopérant. S'il est en effet démontré que les parties ont échangé par courriel à cette fin entre le 31 mai et le 4 juin 2025, cette circonstance n'est pas de nature à mettre en échec les dispositions de l'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce sus énoncées. En outre, il doit être observé que l'intimé n'a pas abandonné sa demande de confirmation du constat de la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire, aux termes de ces dernières écritures admissibles aux débats, en date du 3 juin 2025, concomitantes auxdits pourparlers.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a :
constaté la résiliation du bail à compter du 1er avril 2024 ;
ordonné, à défaut de libération volontaire dans les deux semaines après la signification de son ordonnance, l'expulsion de la SASU L'aile ou la Cuisse et de tous occupants de son chef des lieux situés section DR n°[Cadastre 1], [Adresse 3] à [Localité 5], avec au besoin le concours de la force publique.
Sur la demande de provision :
Le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile dispose que « dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, (le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence) peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision, tant en son principe qu'en son montant. En ce sens, une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés à ses prétentions laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait intervenir par la suite sur ce point.
A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle, le montant de la provision n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
En l'espèce, l'intimé sollicite la condamnation de la SASU L'aile ou la Cuisse à lui verser la somme de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025, au titre des loyers et charges impayés, outre indemnité d'occupation depuis la résolution du bail.
Cette somme, qui ressort de la pièce n°14 qu'il produit, n'est pas sérieusement contestée par les éléments produits en pièce n°5 par l'appelant.
Dès lors, le montant non contestable de la provision à valoir sur la dette de loyers, charges, taxe et indemnité d'occupation doit être fixée à la somme de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025. L'ordonnance entreprise sera ainsi infirmée en ce qu'elle a condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 10 537, 40 € à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 5 janvier 2024. L'appelante sera condamnée à verser la somme provisionnelle de 29 046, 56 €, arrêtée au 20 mai 2025, à valoir sur la dette locative.
Par ailleurs, et dès lors que, d'une part, le premier juge a constaté la résiliation du bail litigieux au 1er avril 2024 et que, d'autre part, l'appelante s'est maintenue dans lieu depuis lors, cette dernière sera condamnée au paiement d'une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, d'un montant mensuel de 2 680 €, à compter du 1er avril 2024 et jusqu'à parfaite libération des lieux.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Dès lors que l'appelante succombe en ses prétentions en cause d'appel, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. [N] [J] la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer et de l'assignation.
Elle sera néanmoins infirmée en ce qu'elle a dit que les dépens comprendraient le coût du procès-verbal de constat. En effet, ces derniers s'analysent comme des frais afférents au recueil d'éléments de preuve et non aux instances, actes et procédure d'exécution, au sens des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile, en sorte qu'ils relèvent du régime des frais irrépétibles.
Par ailleurs, l'appelante qui succombe en appel sera condamnée aux dépens d'appel.
Pour la même raison, elle sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'il a dû engager en cause d'appel. Il lui sera allouée une somme de 1 500 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Écarte des débats les conclusions transmises le 11 juin 2025 par M. [N] [J] et le 10 juin 2025 par la SASU L'aile ou la Cuisse ;
Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 10 537,40 € à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 5 janvier 2024 ;
condamné la SASU L'aile ou la Cuisse au paiement du procès-verbal de constat au titre des dépens ;
La confirme pour le surplus de ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] une provision de 29 046,56 €, au titre des loyers, charges et indemnité d'occupation, arrêtée au 20 mai 2025 ;
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, d'un montant mensuel de de 2 680 €, à compter du 1er avril 2024 et jusqu'à parfaite libération des lieux ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation de la SASU L'aile ou la Cuisse aux frais du procès-verbal de constat, au titre des dépens de première instance ;
Déboute la SASU L'aile ou la Cuisse de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse à payer à M. [N] [J] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU L'aile ou la Cuisse aux dépens d'appel.
La greffière Le président