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CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 25 septembre 2025, n° 22/13676

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/13676

25 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2025

(n° 159 /2025, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/13676 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGSY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2022-Tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 2ème section)- RG n° 20/09178

APPELANTE

S.A.S. MEXICAN STYLE

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 832 851 216

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry TONNELLIER de la SELASU UTOPIA, avocat au barreau de Paris, toque : D1020

INTIMÉE

S.A.R.L. EURL IMMOBILIERE JRS 2

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 844 244 871

Prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Géraldine ALLARD-KOHN, avocat au barreau de Paris, toque : E2176

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Stéphanie Dupont, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre,

Mme Stéphanie Dupont, conseillère,

Mme Hélène Bussière, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

'

Par acte sous seing privé du 21 février 2013, Mme [Z] a consenti à M. et Madame [R] un renouvellement de bail commercial portant sur une boutique, un local à l'étage et une cave, situés dans un immeuble édifié [Adresse 5] à [Localité 9], pour une durée de 9 années courant à compter du 1er juin 2012.

Aux termes du bail, les lieux loués sont destinés au commerce de':

«'Pâtisserie ' Épicerie fine ' Vins et spiritueux ' Restauration rapide ' Préparation et vente de «'New-Boules'», à l'exclusion de toute autre fabrication'».

Suivant acte du 31 octobre 2017, M. et Madame [R] ont cédé leur fonds de commerce de «'restauration rapide'» à la société Mexicanstyle.

Le 26 septembre 2019, la société EURL Immobilière JRS 2 a acquis l'immeuble dans lequel se trouvent les lieux loués.

Le 24 décembre 2019, la société EURL Immobilière JRS 2 a fait signifier à sa locataire une sommation visant la clause résolutoire du bail':

«'1. De cesser toute activité de restauration consistant à proposer à votre clientèle des plats mexicains particulièrement élaborés, servis dans sa salle de restaurant sur des tables dressées et préparées sur place dans une cuisine équipée';

Pour y substituer l'activité de restauration rapide, ou toute autre activité, telle qu'autorisée par le Bail du 21 février 2013';

2. De justifier de la conformité de son établissement aux normes de sécurité-incendie, notamment en lui communiquant les derniers Procès-verbaux émanant de la Commission de sécurité de la Préfecture de Police de [Localité 8] et l'avis favorable d'exploitation';

3. De justifier de toutes les mesures que vous avez prises en vue de réduire les nuisances olfactives'».

Par courrier du 21 janvier 2020, le conseil de la société Mexicanstyle a envoyé au bailleur le contrat de maintenance du matériel incendie souscrit par sa cliente et a contesté les manquements évoqués dans la sommation précitée.

Le 8 juillet 2020, la société EURL Immobilière JRS 2 a fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier de justice après y avoir été autorisée par ordonnance du Président du tribunal judiciaire de Paris du 11 mars 2020.

Le 25 septembre 2020, elle a fait assigner la société Mexicanstyle devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou de résiliation judiciaire du bail et d'expulsion de la défenderesse.

Par jugement du 22 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a':

-''''' dit la société Mexicanstyle irrecevable à soulever devant le tribunal la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel,

-''''' constaté l'acquisition de la clause résolutoire de bail commercial du 21 février 2013 portant sur les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 9], avec effet au 24 janvier 2020 à 24h00,

-''''' en conséquence, ordonné à la société Mexicanstyle de libérer les lieux susvisés dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision,

-''' ''dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Mexicanstyle pourra être expulsée à la requête de la société EURL Immobilière JRS 2, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,

-'''' 'dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

-''''' condamné la société Mexicanstyle à payer à la société EURL Immobilière JRS 2, à compter du 25 janvier 2020 et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité trimestrielle d'occupation d'un montant égal au montant du loyer contractuel, outre toutes taxes et' charges locatives précédemment exigibles,

-''''' condamné la société Mexicanstyle à payer à la société EURL Immobilière JRS 2 la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-''''' débouté la société EURL Immobilière JRS 2 du surplus de ses demandes,

-''''' débouté la société Mexicanstyle de l'ensemble de ses demandes,

-''''' dit que les frais de la médiation confiée à M. [F] seront répartis à part égale entre les parties,

-''''' condamné la société Mexicanstyle aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'huissier exposés pour la délivrance de la sommation du 24 décembre 2019 et pour l'établissement du procès-verbal de constat autorisé par ordonnance du Président de ce tribunal en date du 11 mars 2020.

Par déclaration du 15 juillet 2022, la S.A.S. Mexicanstyle a interjeté appel du jugement.

'

MOYENS ET PRETENTIONS'

'

Aux termes de ses conclusions notifiées le 10 décembre 2024, la S.A.S. Mexicanstyle, appelante, demande à la cour de':

-''''' recevoir la société Mexicanstyle dans ses demandes et les dire bien fondées.

-'''' 'constater l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision enregistrée sous le numéro de RG n°20/09178 du tribunal judiciaire de Paris condamnant la société Mexicanstyle.

en conséquence,

-''''' réformer le jugement de première instance enregistré sous le numéro de RG n° 20/09178 et rejuger à nouveau l'affaire';

et jugeant à nouveau,

-''''' juger que la société Mexicanstyle exerçait bien une activité de restauration rapide dans les locaux d'exploitation du [Adresse 7] ;

-''''' débouter la société EURL Immobilière JRS 2 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-''''' condamner la société EURL Immobilière JRS 2 à verser 50000 euros à la Société Mexicanstyle au titre de la perte d'exploitation pour privation de son droit à continuer son exploitation dans l'attente de son indemnité d'éviction ;

-''''' condamner la société EURL Immobilière JRS 2 à verser 8000 euros à la Société Mexicanstyle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens ;

-''''' renvoyer la société Mexicanstyle devant le juge de l'indemnité d'éviction pour le calcul de l'indemnité tiré du non renouvellement du bail commercial.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que':

- Sur la man'uvre de la société EURL Immobilière JRS 2 en contestation de l'exécution du droit au bail pour échapper au versement d'une indemnité d'éviction, la bailleresse a développé des stratégies d'éviction, peu de temps après l'acquisition des locaux, visant à éluder le paiement de l'indemnité d'éviction et priver le locataire de ses droits statutaires par une résiliation anticipée du bail sur des motifs contestables';

- Sur le droit à une indemnité d'éviction, sur le fondement de l'article L. 145-14 du code de commerce, du fait que l'acquisition par la bailleresse, le 26 septembre 2019, de l'immeuble litigieux et de la signification à la société Mexicanstyle d'un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction, la bailleresse est tenue d'indemniser le préjudice subi par la locataire du fait de l'éviction ;

- Sur le droit de rétention du locataire jusqu'à paiement de l'indemnité d'éviction sur le fondement de l'article L. 145-28 du code de commerce, au regard du montant proposé par la bailleresse au titre de l'indemnité d'éviction, bien en deçà de la valeur réelle du fonds, la locataire a refusé cette offre et dispose d'un droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement d'une indemnité d'éviction justement évaluée';

- Sur l'absence de base légale pour constater un défaut d'exécution du bail, le jugement entrepris a considéré que la société locataire avait enfreint la clause de destination du bail au motif qu'elle aurait opéré une restauration traditionnelle et non une restauration rapide. Or, le tribunal a créé une distinction arbitraire entre ces notions, ce sans base légale au mépris des dispositions de l'article 5 du code civil, en se fondant exclusivement sur le code INSEE insuffisant à catégoriser un établissement et une activité en dehors d'une seule fin statistique. L'arrêté du 30 juin 1992 relatif à la terminologie du tourisme propose une définition réglementaire de la restauration rapide fondée essentiellement sur le temps de préparation des plats, à laquelle la société Mexicanstyle répond. En l'espèce, le temps de préparation est inférieur à 3 minutes, le coin de préparation des plats est limité et peu équipé, le service est restreint et la carte est succincte. Ces éléments sont corroborés par plusieurs constats d'huissier. La présente et l'usage par la clientèle d'une terrasse extérieure ne disqualifie pas la société locataire de la dénomination d'établissement de restauration rapide.

La cour ne saurait retenir les procès-verbaux d'expulsion et de constat d'état des lieux datant du 11 juillet 2023 qui n'ont pas servi en première instance. De plus, ces constats ne sont pas reproduits en intégralité, ce qui ne garantit pas le respect du principe du contradictoire exigé tant par les articles 15 et 16 du code de procédure civile que sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Aucun état des lieux d'entrée n'est produit pour comparaison. Enfin, le débat ne porte pas sur la salubrité de l'établissement. Au demeurant, ces constats ont été dressés postérieurement à la libération des lieux. Ainsi, la présence d'insectes dans des lieux inhabités depuis plusieurs ne signifie pas qu'ils étaient présents durant l'exploitation du fonds de commerce.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 3 octobre 2024, la société EURL Immobilière JRS 2, intimée, demande à la cour de':

-''''' confirmer le jugement rendu par la 18ème chambre, 2ème section, du tribunal judiciaire de Paris le 22 Juin 2022 (RG n°20/09178) en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 24 janvier 2020, pour non-respect de la destination contractuelle, nonobstant sommation de cessation d'activité non autorisée en date du 24 décembre 2020 ;

Surabondamment ;

-''''' confirmer derechef l'acquisition au 24 janvier 2020 de la clause résolutoire stipulée au bail du 21 février 2013 ;

-''''' condamner la Société Mexicanstyle au paiement de la somme de 4.907,49 euros au titre des indemnités d'occupation pour la période allant du 1er avril 2023 au 11 juillet 2023 ;

-''''' débouter la Société Mexicanstyle de sa demande de dommages et intérêts comme non fondée ;

-''''' débouter la Société Mexicanstyle de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions ;

-''''' condamner la Société Mexicanstyle à verser à la Société EURL Immobilière JRS 2 une somme de 8.000 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile';

-''''' condamner la société Mexicanstyle aux entiers dépens d'appel recouvrés par Maître Géraldine Allard Kohn, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

'

Au soutien de ses prétention, l'intimée oppose que':

- Sur le moyen d'infirmation tiré du défaut à agir de la concluante, soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir qu'elle est indiscutablement propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 4], acquis en totalité par acte notarié le 26 septembre 2019. Par ailleurs, le droit de préemption invoqué par la société Mexicanstyle ne s'applique pas car il s'agit d'une cession globale de l'immeuble, exclue du champ d'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, ce que confirme l'attestation notariale du 16 septembre 2022. Enfin, l'intimée fait valoir qu'aucune action en nullité n'a été intentée par la société Mexicanstyle, qui a d'ailleurs abandonné ce moyen dans ses conclusions n° 2';

- Sur le moyen d'infirmation tiré de « l'absence de base légale » de la décision entreprise, contrairement à ce que soutient la société appelante, la base légale est contractuelle. En effet, la clause résolutoire est acquise en raison de la violation manifeste de la destination contractuelle des lieux, stipulée au bail comme étant une activité de restauration rapide. Le tribunal a, par une appréciation souveraine des faits, constaté l'exercice par la société Mexicanstyle d'une activité de restauration traditionnelle, distincte de l'activité de restauration, ce u mépris de la clause de destination du bail. La sommation du 24 janvier 2020, restée sans effet, a entraîné l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire or le procès-verbal de constat du 9 août 2022 démontre la volonté de la locataire de persister dans la commission de l'infraction.

Le manquement au respect de la destination des locaux est caractérisé par de nombreux procès-verbaux et confirmée par la suppression postérieure à la sommation de l'enseigne « restaurant ». Contrairement à ce qui est soutenu les critères INSEE distinguent restauration rapide et restauration traditionnelle, cette dernière étant caractérisée en l'espèce par un service à table, vaisselle non jetable, plats élaborés, présence de verres à pied et réservation possible. Enfin, l'intimée fait valoir que la clause résolutoire était acquise dès janvier 2020,

- Sur le refus du preneur post-sommation de justifier des derniers procès-verbaux de la préfecture de police de [Localité 8], de l'avis favorable d'exploitation et des justificatifs de conformité des locaux, demandes visées à la sommation visant la clause résolutoire, dès le 22 octobre 2019 des nuisances olfactives, l'absence d'aération réglementaire, la non-utilisation de la hotte aspirante et des risques d'incendie ont été signalés. Malgré une sommation du 24 décembre 2019, la Société Mexicanstyle s'est bornée à produire un contrat de maintenance d'extincteurs, sans communiquer les procès-verbaux de la Commission de sécurité de la Préfecture de Police, ni l'avis favorable d'exploitation. Le procès-verbal de reprise des lieux confirme un état d'hygiène déplorable. Dès lors, la cour ne pourra que constater, en sus de la violation de la destination contractuelle, le refus du preneur de justifier de la conformité des locaux loués.

- Sur la demande nouvelle de dommages et intérêts de la société Mexicanstyle à hauteur de 50.000 euros, « pour privation de son droit à continuer son exploitation dans l'attente de son indemnité d'éviction », le droit à une indemnité d'éviction invoquée par la société Mexicanstyle est contesté par la concluante qui a saisi le juge de la mise en état d'un incident pour irrecevabilité de la demande, en raison du défaut de qualité à agir de la Société Mexicanstyle, occupante sans droit ni titre. De plus, la cour n'est pas compétente pour statuer sur ce droit, qui est de toute façon antérieur à la date d'effet du congé et à l'acquisition de la clause résolutoire.

- Sur l'arriéré d'indemnité d'occupation, la société Mexicanstyle est redevable d'un reliquat d'indemnité d'occupation d'un montant de 4.907,49 euros au titre du 2ème trimestre 2023 et de l'indemnité d'occupation du 1er juillet au 11 juillet 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

A titre liminaire, la cour relève que la société Mexicanstyle ayant renoncé dans ses dernières conclusions à soutenir le moyen tiré du défaut de qualité à agir de la société EURL Immobilière JRS2, il ne sera pas répondu à ce moyen évoqué par l'intimée dont l'appelante ne tirait, en toute hypothèse, aucune conséquence juridique.

Au demeurant, la cour relève que la société Mexicanstyle sollicite aux termes de ses dernières écritures de voir «'juger qu'elle exerçait bien une activité de restauration rapide'» sans en tirer d'autres conséquences juridiques que le débouté des prétentions de l'intimé, laquelle sollicite essentiellement la confirmation du jugement étant rappelé que l'expulsion de la société Mexicanstyle a été mise à exécution le 11 juillet 2023, et une demande indemnitaire.

Sur l'activité exercée

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, le contrat fait la loi des parties et doit être exécuté de bonne foi.

L'article 1728 du code civil énonce notamment que le preneur est tenu d'user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.

Il est constant que la destination précisément définie par les parties les engage et de ce fait interdit au locataire d'exercer dans les lieux d'autres activités que celles autorisées au bail sauf à solliciter du bailleur, dans les termes de la loi, l'autorisation d'adjoindre à l'activité contractuellement prévue des activités connexes ou complémentaires.

L'article L. 145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Il est constant que si la clause résolutoire est régulièrement mise en 'uvre, le juge est tenu de constater son acquisition sans avoir à se prononcer sur la gravité de l'infraction.

Au cas d'espèce, l'acte de renouvellement du bail en date du 21 février 2013 liant les parties comporte, d'un part, une clause de destination des lieux visant le commerce de «'Pâtisserie ' Épicerie fine ' Vins & spiritueux ' Restauration rapide ' Préparation et vente de': «'New-boules'», à l'exclusion de toutes autre fabrication'» et, d'autre part, une clause résolutoire aux termes de laquelle il est expressément convenu que l'inexécution d'une seule des conditions du présent bail entraîne de plein droit la résiliation de celui-ci un mois après un commandement d'exécuter resté infructueux .

Par acte en date du 24 décembre 2019, la société EURL Immobilière JRS 2 a fait signifier à la société Mexicanstyle une sommation visant la clause résolutoire aux termes de laquelle il lui est notamment fait sommation de «'cesser toute activité de restauration, consistant à proposer à votre clientèle des plats mexicains particulièrement élaborés, servis dans une salle de restaurant sur des tables dressés et préparés sur place dans une cuisine équipée,

Pour y substituer l'activité de restauration rapide, ou toute autre activité, telle qu'autorisée par le bail du 21 février2013 ['] ce dans le délai d'un mois à compter de la date figurant en-tête des présentes'».

Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour retient que le tribunal a, par des motifs particulièrement détaillés, précis et pertinents qu'elle approuve et auxquels elle renvoie, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties et a constaté l'acquisition de la clause résolutoire avec toutes conséquences de droit.

Il sera simplement ajouté que l'appelante ne caractérise pas davantage devant la cour les man'uvres alléguées de la part de la société EURL Immobilière JRS 2 aux fins de la priver de son droit à indemnité d'éviction.

La signification par la bailleresse, le 24 décembre 2019 soit environ trois mois après qu'elle ait acquis l'immeuble, d'une sommation visant la clause résolutoire n'est pas de nature à caractériser une quelconque mauvaise foi de sa part destinée à évincer la société Mexicanstyle des lieux alors qu'il ressort d'un courriel adressé par un locataire voisin au gestionnaire de l'immeuble, le 22 octobre 2019, qu'il lui a été fait part de nuisances notamment olfactives subies depuis plusieurs années du fait de l'activité de restauration de la société occupante, en absence de système d'aération conforme, point au demeurant non contesté par l'appelante, légitimant ainsi l'action de la bailleresse, entreprise après avoir fait dresser un procès-verbal de constat.

En outre, contrairement à ce que soutient la société Mexicanstyle, bien que le bailleur ait, aux fins de préserver ses droits, délivré un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction au cours de l'instance devant le premier juge, la délivrance de ce congé n'a produit aucun droit acquis au bénéfice du preneur en ce qu'il stipulait expressément que la bailleresse formait toute réserve quant au droit à l'indemnité d'éviction du preneur, ne renonçait pas à la procédure en cours et aux demandes qu'elle y formulait dont au premier chef l'acquisition de la clause résolutoire.

Plusieurs procès-verbaux dressés avant puis après la sommation du 24 décembre 2019, soit les 20 décembre 2019, 3 février, 8 juillet, 23 septembre et 12 novembre 2020 puis 18 mars 2021 ont précisément détaillés les observations faîtes sur place ou via les sites internet «'Tripadvisor, «'Unilocal'» et de la société Mexicanstyle par les huissiers instrumentaires, constats repris par le tribunal in extenso par motifs détaillés auxquels il est renvoyé.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal a tiré les conséquences de droit des constats opérés par huissiers de justice, dont les procès-verbaux font foi jusqu'à inscription de faux, au regard de la destination contractuelle des lieux loués définie au bail et a justement caractérisé l'infraction opérée par la locataire à cette clause sur la base des éléments de fait y rapportés.

En effet, la société Mexicanstyle a proposé à sa clientèle une carte variée comportant des plats en nombre importants nécessitant une préparation élaborée par assemblage d'ingrédients préalablement cuisinés sur place tel que cela ressort du constat du 8 juillet 2020 qui relève la présence d'une «'table de cuisson équipée de brûleurs gaz et de plaque électrique. Une casserole, contenant de la sauce, est actuellement disposée sur l'un des feux plaques [et] au dessus de la table de cuisson une hotte aspirante dotée d'une extraction, à l'état de fonctionnement'». Or, les gênes olfactives dénoncées par le voisin et non contestées démontrent que la cuisine préparée dépassait le type de cuisine contractuellement autorisée incompatible avec de la cuisson faute de système de ventilation adaptée, ce que le locataire n'ignorait pas, la clause de destination n'autorisant que la «'Préparation et vente de': «'New-boules'», à l'exclusion de toutes autre fabrication'».

Au demeurant, comme le rappelle elle-même l'appelante, l'annexe 1 de l'arrêté du 30 juin 1992 relatif à la terminologie du tourisme définit la restauration comme un «'système de restauration à service et assortiments limités qui permet de consommer sur place ou ailleurs'».

Or, au cas d'espèce, il ressort des cartes proposées par la société Mexicanstyle, jointes en photographie aux divers procès-verbaux susmentionnés que les plats offerts à la vente, soient des «'entrées, plats typiques, enchiladas, desserts'» sont variés, comportent des plats en sauce ce qui ne correspond pas à l'exigence «'d'assortiments limités'», que six formules comportant plusieurs plats et boissons différents sont proposées, que de nombreux cocktails figurent à la carte, que les constats d'huissiers relèvent les commentaires positifs de la clientèle quand à la présence de serveurs efficaces, voire de prise de commande en terrasse ce qui ne correspond pas davantage à l'exigence de «'service limité'».

Le tribunal a ainsi parfaitement caractérisé les manquements de la locataire à la clause de destination des lieux limitée à la pratique d'une «'restauration rapide'».

Enfin, le procès-verbal de constat dressé le 15 novembre 2022 versé devant la cour par l'appelante, chronométrant le temps de préparation de cinq commandes, relève effectivement un temps de préparation court, inférieur minutes, l'absence d'odeur de cuisine et un paiement immédiat à la commande, mais aussi un carte toujours aussi élaborée, la présence de nombreuses bouteilles d'alcool sur une étagère en cuisine et un mixeur sur le plan de travail, un service des plats à table de sorte qu'il n'est pas de nature à contredire les observations faites ci-dessus.

Il s'infère de ces éléments qu'il n'y a pas lieu à réformation du jugement sur ce point de sorte que le le tribunal constatant la persistance de la société locataire dans la commission de l'infraction pendant plus de deux ans après la sommation délivrée a tiré les conséquences légales du comportement du preneur en considérant que, l'infraction reprochée n'ayant pas cessé dans le délai d'un mois après la délivrance de la sommation, la clause résolutoire était acquise.

Il sera ainsi fait droit à la demande de l'intimé de voir confirmer le jugement de ce chef avec toutes les conséquences de droit y attaché.

Sur la prétention relative à la perte d'exploitation

Il s'infère de ce qui précède que la clause résolutoire étant acquise au 24 janvier 2020 à minuit, date de cessation du bail, la société Mexicanstyle était occupante sans droit, ni titre des locaux à compter du 25 janvier 2020 et dès lors déchu de son droit au paiement d'une quelconque l'indemnité d'éviction telle prévue à l'article L. 145-14 du code de commerce.

La société Mexicanstyle sera déboutée de sa demande relative à l'indemnisation de la perte d'exploitation subie par privation de son droit à continuer son exploitation dans l'attente du paiement d'une l'indemnité d'éviction.

Sur l'arriéré d'indemnité d'occupation

En application de l'article 1240 du code civil, celui qui se maintient sans droit dans des lieux après l'expiration de son titre d'occupation commet une faute quasi-délictuelle qui ouvre droit pour le propriétaire au paiement d'une indemnité d'occupation, laquelle en raison de sa nature mixte, à la fois indemnitaire et compensatoire, a vocation à indemniser la poursuite de l'occupation des locaux par l'occupant sans droit ni titre et à compenser le préjudice résultant pour le bailleur de l'impossibilité à disposer librement des lieux.

Le montant de l'indemnité d'occupation est usuellement fixée au montant du dernier loyer acquitté au regard de son caractère mixte indemnitaire et compensatoire de sorte que, c'est à bon droit, que le tribunal l'a fixé à ce montant et a rappelé que la société Mexicanstyle était condamnée à la verser au propriétaire des lieux à compter du 25 janvier 2020 ce jusqu'à libération effective des lieux.

Il ressort des éléments du débats que la société Mexicanstyle a été expulsée des locaux le 11 juillet 2023 et qu'à cette date le décompte versé aux débats par la société EURL Immobilière JRS 2 fait ressortir une créance d'occupation son profit d'un montant total de 4.907,49 euros non contestée par l'appelante.

La société Mexicanstyle sera donc condamnée à payer à la société EURL Immobilière JRS 2 ce montant.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société EURL Immobilière JRS 2, les frais par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société Mexicanstyle sera donc condamnée à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 22 juin 2022 dans toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

Déboute la société Mexicanstyle de sa demande indemnitaire';

Condamne la société Mexicanstyle à payer à la société EURL Immobilière JRS 2 la somme de 4.907,49 euros au titre de l'arriéré d'indemnité d'occupation';

Condamne la société Mexicanstyle à payer à la société EURL Immobilière JRS 2 la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société Mexicanstyle à supporter la charge des dépens d'appel.

La greffière La présidente

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