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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 26 septembre 2025, n° 24/20889

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/20889

26 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/20889 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKRD6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Novembre 2024 -Président du TJ de [Localité 5] - RG n° 24/00792

APPELANTS

Mme [X] [J] épouse [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

M. [N] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Et ayant pour avocat plaidant Maître Thierry MONEYRON de la SCP MONEYRON & LEVEILLARD, avocat au barreau de MEAUXn toque : 97

INTIMÉE

S.A.R.L. PIZZA CORNER, RCS de [Localité 5] sous le n°834 135 469, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Défaillante - Déclaration d'appel signifiée le 17 février 2025 - PV 659

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juillet 2025 , en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant , Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Lydia BEZZOU

ARRÊT :

- Par défaut

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte en date du 30 janvier 2015, M. et Mme [O] ont donné à bail à la société Jo et To un local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 6] (Seine-et-Marne).

Par décision du tribunal de commerce de Meaux en date du 16 novembre 2017, le fonds de commerce de la société Jo et To a été cédé à M. [F], lequel a transféré le bail commercial à la société Pizza Corner.

Les loyers n'ayant plus été réglés, M. et Mme [W], venant aux droits de M. et Mme [O], ont fait délivrer, le 18 mars 2024, à la société Pizza Corner un commandement de payer, visant la clause résolutoire insérée au bail commercial, pour la somme de 53.281,86 euros, puis, l'ont assignée, par acte du 8 août 2024, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux aux fins, notamment, de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et condamnation, par provision, au paiement de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance réputée contradictoire du 13 novembre 2024, le premier juge a :

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par M. et Mme [W] ;

laissé les dépens à leur charge et rejeté leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 décembre 2024, M. et Mme [W] ont relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans leurs conclusions remises le 3 avril 2025 et signifiées le 17 avril 2025 à l'intimée, M. et Mme [W] demandent à la cour de :

infirmer l'ordonnance entreprise en ses dispositions dont ils ont relevé appel ;

Statuant à nouveau,

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial ;

condamner par provision la société Pizza Corner à leur payer la somme de 58.139,04 euros au titre des loyers et charges impayés, outre des intérêts de retard au taux de base bancaire le plus haut sur le marché majoré de trois points à compter du 18 mars 2024, date de la délivrance du commandement de payer, et jusqu'au complet paiement, lesquels seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

En conséquence,

ordonner l'expulsion dès la signification de la décision à intervenir de la société Pizza Corner ainsi que de tous occupants de son chef, et ce avec l'assistance de la [Localité 4] publique et d'un serrurier s'il y a lieu ;

assortir l'expulsion d'une astreinte de 150 euros par jour de retard dès la signification de la décision à intervenir ;

fixer l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 729,53 euros à compter du 19 avril 2024 outre une provision sur charges mensuelle de 80 euros ;

condamner par provision la société Pizza Corner à leur payer cette indemnité d'occupation mensuelle et la provision sur charges jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés ;

rappeler que l'exécution provisoire est de droit ;

condamner la société Pizza Corner à leur payer la somme de 5.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel et aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront, notamment, le coût du commandement de payer.

La société Pizza Corner à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 17 février 2025 par acte remis selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti, prévu au bail, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. L'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

Au cas présent, M. et Mme [W] ont fait délivrer à la société Pizza Corner, le 18 mars 2024, un commandement de payer, visant la clause résolutoire, pour la somme 53.281,86 euros au titre de l'arriéré locatif pour la période du 21 juillet 2020 à janvier 2024. Il apparaît que cette somme n'a pas été réglée dans le délai d'un mois imparti au preneur pour faire échec à l'acquisition de la clause résolutoire.

Dans ces conditions, il convient de constater la résiliation du bail au 19 avril 2024 et d'ordonner l'expulsion de la société Pizza Corner dont le maintien dans les lieux loués depuis cette date s'effectue sans droit ni titre, ce qui constitue un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser ainsi qu'il sera précisé au dispositif. L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions.

Il n'y a pas lieu d'assortir l'expulsion d'une astreinte, le recours à la force publique qui sera prévu apparaît suffisant pour assurer l'exécution de cette mesure.

Sur la provision

Selon l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'obligation de la société Pizza Corner au paiement d'une indemnité d'occupation, contrepartie de son occupation sans droit ni titre du local commercial, ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Il convient donc de la condamner, par provision, au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 19 avril 2024 et jusqu'à la libération des lieux, dont le montant sera égal à celui du loyer contractuel majoré des charges.

M. et Mme [W] sollicitent la condamnation de la société Pizza Corner au paiement de la somme provisionnelle de 58.139,04 euros au titre de l'arriéré locatif et d'indemnités d'occupation arrêté au mois de juillet 2024 ainsi qu'il est indiqué en page 6 de leurs conclusions.

Ils versent aux débats (pièce n° 6) un seul décompte arrêté au 29 février 2024 démontrant qu'à la date du 1er janvier 2024, leur créance s'élevait à la somme de 53.281,86 euros (terme de janvier inclus, le loyer étant payable mensuellement et d'avance). Cette somme correspond à celle réclamée dans le commandement de payer.

Il ressort d'un jugement du tribunal judiciaire de Meaux en date du 6 mars 2025 que la société Pizza Corner a été condamnée, à la suite de l'incendie survenu dans les locaux loué ayant entraîné une destruction partielle de ceux-ci, à payer à M. et Mme [W] la somme de 53.281,86 au titre de l'arriéré locatif arrêté à la date du décompte du 29 février 2024. Dans ces conditions, ayant déjà obtenu un titre portant sur cette somme, M. et Mme [W] ne peuvent à nouveau solliciter le paiement de l'arriéré locatif arrêté à cette date.

En revanche, ils sont fondés à solliciter, par provision, le paiement de la somme de 2.428,59 euros (809,53 euros au titre du loyer - 729,53 euros - et provision pour charges - 80 euros - x 3 mois) correspondant à l'arriéré locatif et d'indemnité d'occupation des mois de février à avril 2024, l'obligation de la société Pizza Corner ne se heurtant à aucune contestation à ce titre.

Cette somme non visée dans le commandement de payer, sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2024, date de l'assignation. En effet aucune disposition du contrat ne prévoit le paiement d'un intérêt de retard au taux de base bancaire le plus haut sur le marché majoré de trois points tel que sollicité dans le dispositif des conclusions des appelants, étant en tout état de cause relevé que les bailleurs demandaient l'application du taux légal en page 8 de leurs conclusions.

Il y a lieu d'ordonner leur capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les autres demandes

Il convient de rappeler que le pourvoi susceptible d'être formé contre le présent arrêt n'est pas suspensif d'exécution, de sorte que la demande au titre de l'exécution provisoire ne donnera lieu à aucune mention au dispositif.

La société Pizza Corner supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. et Mme [W] la somme de 5.400 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le premier juge et à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant les parties à la date du 19 avril 2024 ;

Ordonne, à défaut de libération volontaire des lieux, l'expulsion de la société Pizza Corner et celle de tous occupants de son chef, des locaux donnés à bail, dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 6] (Seine-et-Marne), avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si nécessaire ;

Dit n'y avoir lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte ;

Dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants, R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution;

Condamne la société Pizza Corner à payer à M. et Mme [W], à titre provisionnel, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges, qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, à compter du 19 avril 2024 et jusqu'à libération effective des lieux ;

Condamne la société Pizza Corner à payer à M. et Mme [W] la somme provisionnelle de 2.428,59 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnité d'occupation pour les mois de février, mars et avril 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2024, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur le surplus de la provision sollicitée au titre de l'arriéré antérieur pour lequel M. et Mme [W] disposent d'un titre exécutoire ;

Condamne la société Pizza Corner aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront le coût du commandement de payer du 18 mars 2024 ;

Condamne la société Pizza Corner à payer à M. et Mme [W] la somme de 5.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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