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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. a, 25 septembre 2025, n° 23/07498

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 23/07498

25 septembre 2025

N° RG 23/07498 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PHB3

Décisions:

- du Trubunal Judiciaire d'[Localité 5] en date du 21 janvier 2020

( RG 16/705)

- de la Cour d'Appel de Chambery en date du 15 mars 2022

RG 20/129

- de la Cour de Cassation de du 25 mai 2023

Pourvoi n° N22-15.946

Arrêt n° 348 FS.B

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

S.A.S.U. LA MANGEOIRE

[Adresse 13]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1106

Et ayant pour avocat plaidant la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1003

INTIMEE :

COMMUNE DE [Localité 8] prise en la personne de son Maire en exercice,

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

Et ayant pour avocat plaidant la SELAS FIDAL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1702

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Novembre 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Novembre 2024

Date de mise à disposition : 6 février 2025 prorogé au 17 avril 2025 et 25 septembre 2025 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Julien SEITZ, conseilelr pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

La commune de [Localité 8] (la commune) a acquis l'ancien hôtel Bon Séjour par voie de préemption en 2008, en vue de le démolir ou le réhabiliter, afin de créer une crèche municipale, un centre médical et des logements municipaux.

La commune a consenti à la société La Mangeoire une convention d'occupation précaire pour une durée de 7 mois, à effet du 15 novembre 2009 au 15 mai 2010.

Cette convention a été renouvelée une première fois du 1er septembre 2010 au 1er mai 2011, puis a donné lieu à renouvellements annuels d'une durée de 12 mois chacun, la dernière convention ayant pris fin le 31 octobre 2015.

Par lettre du 5 octobre 2015, la Commune a invité la société La Mangeoire à contracter un bail de location saisonnière pour une durée de 7 mois courant du 1er novembre 2015 au 31 mai 2016.

La société La Mangeoire n'a pas donné suite au courrier de la commune et n'a pas quitté les lieux le 31 octobre 2015.

La commune a réitéré sa demande les 4 décembre 2015 et 21 janvier 2016, puis a mis la société La Mangeoire en demeure de régulariser sa situation et souscrire un bail saisonnier, selon lettre recommandée du 24 mars 2016.

Par lettre du 8 avril 2016, la société La Mangeoire a refusé de signer le bail saisonnier exigeant une convention identique aux précédentes.

Les échanges ultérieurs des parties n'ont pu aboutir à un accord.

Par assignation signifiée le 26 mai 2016, la société La Mangeoire a fait citer la commune de Courchevel devant le tribunal de grande instance d'Alberville pour entendre requalifier la dernière convention d'occupation précaire, souscrite le 17 décembre 2014, en bail commercial.

Par jugement du 21 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Alberville a :

- déclaré la demande de requalification irrecevable comme prescrite ;

- rejeté le surplus des demandes de la société La Mangeoire ;

- dit que la société La Mangeoire est occupante sans droit ni titre de l'immeuble "Bon séjour" sis [Adresse 11] cadastrée section AB [Cadastre 1] depuis le 1er novembre 2015 ;

- ordonné son expulsion ainsi que celle de toute personne dans les lieux de son chef, et ce avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu, passé un délai de deux mois suivant la signification du jugement ;

- condamné la société La Mangeoire à payer à la commune de [Localité 8] la somme mensuelle de 5.700 euros à titre d'indemnité d'occupation, outre les charges mentionnées dans la dernière convention d'occupation en sus, depuis le 1er novembre 2015 et jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ;

- condamné la société La Mangeoire à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société La Mangeoire aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Sophie Clatot;

- ordonné l'exécution provisoire.

La société La Mangeoire a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 15 mars 2022, la cour d'appel de Chambéry a :

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à préciser qu'il concerne la société par actions simplifiée La Mangeoire, immatriculé au RCS de [Localité 7] sous le numéro 431 696 561 ;

- condamné la société La Mangeoire à payer à la commune de [Localité 8] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société La Mangeoire aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la société Cochet Barbuat.

La société La Mangeoire a formé pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 15 mars 2022 et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Lyon.

La cour de cassation a retenu :

- qu'en application de l'article L. 145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans,

- que le délai de prescription applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dans la requalification est recherchée,

- que pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de requalification de la convention bail commerciale, l'arrêt énonce, d'abord, que le point de départ du délai de prescription et la date de conclusion de la convention initiale, y compris en cas de reconduction tacite ou de renouvellement par avenant successif et qu'une telle solution s'impose également en cas de renouvellement par conclusion d'un nouveau contrat similaire,

- que l'arrêt relève ensuite que depuis la signature de la première convention en 2009, la relation contractuelle a été renouvelée dans les mêmes conditions, entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux, les locataires n'ayant jamais quitté les lieux ni rendus les clés à l'expiration de chaque période renouvelée pour la même période, ce dont il déduit que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter du 9 novembre 2009, date de conclusion du premier contrat entre les parties,

- qu'en statuant ainsi, alors que la locataire demandait la requalification du dernier contrat conclu entre les parties, en sorte que le point de départ de la prescription de son action pourrait compter du 1er novembre 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

La société La Mangeoire a saisi la présente cour de renvoi selon déclaration enregistrée le 02 octobre 2023.

***

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 12 novembre 2024, la société La Mangeoire demande à la cour de:

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Albertville, et notamment en ce qu'il a :

déclaré irrecevable la demande de requalification en bail commercial formée par la société La Mangeoire,

rejeté pour le surplus des demandes formées par la société La Mangeoire,

dit que la société La Mangeoire est occupante sans droit ni titre de l'immeuble "Bon séjour" sis [Adresse 11] cadastrée section AB [Cadastre 1] depuis le 1er Novembre 2015,

ordonné son expulsion ainsi que celle de toute personne dans les lieux de son chef, et ce avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu, passé un délai de deux mois suivant la signification du jugement,

condamné la société La Mangeoire à payer à la commune de [Localité 8] la somme mensuelle de 5.700 euros à titre d'indemnité d'occupation, outre les charges mentionnées dans la dernière convention d'occupation en sus, depuis le 1er novembre 2015 et jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés,

condamné la société La Mangeoire à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société La Mangeoire aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Clatot,

statuant à nouveau sur la recevabilité :

- juger que l'action en requalification de bail commercial de la société La Mangeoire n'est pas prescrite, comme ayant couru à compter du 1er novembre 2014,

- déclarer recevable la demande de requalification en bail commercial formée par la société La Mangeoire,

à titre subsidiaire :

- juger que les conventions d'occupation précaire régularisées par la commune de [Localité 8] ont dissimulé une fraude visant à éluder l'application du statut des baux commerciaux,

- juger que l'action de la société La Mangeoire en requalification de bail commercial n'est pas prescrite,

- déclarer recevable la demande de requalification en bail commercial formée par la société La Mangeoire,

statuant à nouveau sur le fond :

- juger que les éléments caractérisant la notion de convention d'occupation précaire ne sont pas réunis,

- juger que le bâtiment loué est un local accessoire nécessaire et indispensable à l'exploitation de la société La Mangeoire,

- requalifier la convention liant les parties en contrat de bail commercial, et y attacher toutes conséquences de droit,

à titre subsidiaire :

- débouter la commune de [Localité 8] de sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation à la somme de 6.000 euros par mois, pour la période du 1e novembre 2015 au 2 juillet 2021,

- fixer l'indemnité d'occupation due par la société La Mangeoire à 57.000 euros par an hors taxes et charges, pour la période du 1e novembre 2015 au 2 juillet 2021,

en tout état de cause :

- débouter la commune de [Localité 8] de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes fins, moyens et conclusions,

- condamner la commune de [Localité 8] à payer à la société La Mangeoire la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la commune de [Localité 8] aux entiers dépens de l'instance, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Nathalie Rose.

***

Par conclusions déposées le 05 septembre 2024, la commune de [Localité 8] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à l'indemnité d'occupation,

- réformer la décision dont appel incident sur l'indemnité d'occupation et les charges et taxes,

statuant à nouveau :

- condamner la société La Mangeoire à payer une somme de 6.000 euros à titre d'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er novembre 2015 jusqu'au 2 juillet 2021 date de la libération effective des lieux,

- condamner la société La Mangeoire à payer une somme de 7.276,19 euros correspondant aux charges et taxes dues (eau et taxes principalement) pour la période du 1er novembre 2015 au 2 juillet 2021 date de la libération effective des lieux,

à titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement suite à l'appel formé par la société La mangeoire:

- déclarer que la convention conclue le 17 décembre 2014 entre la commune de [Localité 8] et la société La Mangeoire et ayant pris effet le 1er novembre 2014 est une convention d'occupation précaire,

- déclarer que ni la société La Mangeoire ni l'immeuble Bon Séjour ne remplissent les conditions posées par l'article L. 145-5-1 ° du code de commerce,

- déclarer que la convention conclue le 17 décembre 2014 entre la Commune de [Localité 8] et la société La Mangeoire et ayant pris effet le 1er novembre 2014 n'est pas un bail commercial,

- rejeter la demande de requalification de la convention conclue le 17 décembre 2014 entre la commune de [Localité 8] et la société La Mangeoire en bail commercial,

- réformer la décision dont appel incident sur l'indemnité d'occupation et les charges et taxes,

statuant à nouveau :

- condamner la société La Mangeoire à payer une somme de 6.000 euros à titre d'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er novembre 2015 jusqu'au 2 juillet 2021 date de la libération effective des lieux,

- condamner la société La Mangeoire à payer une somme de 7.276,19 euros correspondant aux charges et taxes dues (eau et taxes principalement) pour la période du 1er novembre 2015 au 2 juillet 2021 date de la libération effective des lieux,

à titre très subsidiaire :

- condamner la société La Mangeoire à payer une somme de 57.000 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er novembre 2015, en contrepartie de son occupation des lieux,

- condamner la société la Mangeoire à payer une somme de 7.276,19 euros au titre des charges et taxes pour la période du 1er novembre 2015 jusqu'au 2 juillet 2021,

en tout état de cause :

- condamner la société La Mangeoire à payer une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la commune de [Localité 8], ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la société Baufumé Sourbe, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

***

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 13 novembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 06 février 2025. Le délibéré a été prorogé au 25 septembre 2025.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande de requalification du bail :

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce ;

La société La Mangeoire fait valoir que le délai biennal de prescription applicable à l'action en requalification d'une convention d'occupation précaire en bail commercial court à compter de la souscription du contrat concerné par la demande, quand même s'inscrirait-il, comme en l'espèce, dans une succession d'engagements de même nature.

Elle rappelle que le contrat litigieux s'entend de celui souscrit le 17 décembre 2014, si bien que le délai de prescription n'était pas expiré à la date de l'exercice de l'action devant le juge de 1ère instance.

Elle précise que les conventions d'occupation précaire successives n'offrent aucun droit au renouvellement, ne font aucune référence aux conventions antérieures et contiennent des clauses parfois différentes. Elle conteste en conséquence l'analyse de la commune de [Localité 8] selon laquelle l'ensemble de ces conventions s'analyserait en une relation contractuelle unique, au regard de laquelle il conviendrait de faire courir le délai de prescription de l'article L. 145-60 du code de commerce à compter de la conclusion de la première convention.

La société La Mangeoire soutient à titre subsidiaire que la commune de [Localité 8] aurait agi en fraude à ses droits en lui proposant une succession de 6 contrats d'occupation précaire à seule fin d'éluder l'application du statut des baux commerciaux, sans être en mesure de justifier de circonstances particulières susceptibles d'expliquer la nécessité de maintenir l'occupant dans une situation précaire.

Elle considère que les explications données par la commune ont été fluctuantes et qu'elles n'emportent pas la conviction.

Rappelant que la fraude suspend le jeu de la prescription, elle conclut à la recevabilité de son action.

La commune de [Localité 8] réplique que l'espèce se caractérise par une succession de conventions d'occupation précaire identiques ou quasi-identiques, conclues entre les mêmes parties, aux mêmes conditions et sur les mêmes biens, ce dont elle déduit qu'il n'existe qu'une relation contractuelle unique et continue et que le délai de prescription n'a pu courir qu'à compter de la conclusion de la première de ces conventions.

Elle conteste la fraude que lui impute la société La Mangeoire, en faisant valoir que le gérant de l'appelante est un homme d'affaire averti, parfaitement avisé des conséquences s'attachant à la conclusion de conventions d'occupation précaire et peu susceptible d'être trompé.

La commune de [Localité 8] rappelle que sa décision de préemption l'oblige à affecter l'immeuble à l'usage de crèche et de logements communaux et ne l'autorise dans l'attente qu'à conclure des conventions d'occupation précaire, dont la souscription ne ressort en conséquence d'aucune intention frauduleuse, mais des contraintes juridiques inhérentes à son projet, ainsi que de sa volonté de n'accepter aucune occupation pérenne de nature à empêcher sa réalisation.

Sur ce :

Conformément à l'article L. 145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

Le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.

Contrairement à ce que soutient la commune de [Localité 8], la souscription de 6 conventions d'occupation précaire successives entre les mêmes parties ne caractérise pas une relation contractuelle unique, alors qu'aucune n'est reconductible et que chacune se caractérise par l'aspect précaire et éminément temporaire de l'occupation consentie.

Le motif tiré du caractère prétendument unique de la relation contractuelle ne saurait en conséquence conduire à écarter les modalités de computation du délai de l'article L. 145-60 du code de commerce précédemment rappelées.

Or, la demande de requalification porte sur la convention d'occupation précaire conclue le 17 décembre 2014, ce dont il suit que le délai de prescription biennale applicable a couru à compter du 17 décembre 2014 et qu'il n'était point encore expiré lorsque la société La Mangeoire 26 mai 2016 a exercé l'action par assignation du 26 mai 2016.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable.

Sur la demande de requalification de la convention d'occupation temporaire du 17 décembre 2014 en bail commercial :

Vu l'article L. 145-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

Vu l'article L. 145-5-1 du même code ;

La société La Mangeoire soutient à titre infirmatif qu'il ne peut y avoir convention d'occupation précaire sans que la précarité de l'occupation ne soit justifiée par des circonstances particulières, indépendantes de la volonté des parties.

Elle ajoute que la caractérisation d'une convention d'occupation précaire nécessite également que le droit de jouissance offert à l'occupant soit limité et que son occupation trouve sa contrepartie dans une redevance financière modique, généralement exclusive de toute répercussion sur le preneur des charges locatives, d'entretien et de réparation.

Elle considère que ces différentes conditions ne sont pas réunies au cas d'espèce.

Elle observe en premier lieu que la convention du 17 décembre 2014, à l'instar des précédentes, ne mentionne aucun motif factuel de nature à expliquer la précarité de l'occupation consentie et soutient que le projet de réhabilitation en crèche et logements communaux, évoqué par la commune de [Localité 8], n'est assorti d'aucune offre de preuve. Elle ajoute qu'un tel projet ressort en tout état de cause de la volonté de l'une des parties et ne peut constituer une circonstance particulière de nature à justifier la précarité de l'occupation consentie au sens de l'article L. 145-5-1 du code de commerce. Elle explique au surplus que ce projet a été abandonné, la commune ayant évoqué en dernier lieu son intention de céder l'immeuble.

La société La Mangeoire expose en second lieu que la convention litigieuse n'opère aucune limitation du droit de jouissance du preneur et que l'occupation n'a pas été consentie pour une contrepartie modique, mais pour un loyer annuel de 68.400 euros TTC, augmenté des charges, impôts et taxes afférentes à l'immeuble, soit un total de près de 100.000 euros pour l'année 2014-2015.

L'intimée estime que le contrat du 17 décembre 2014 répond en revanche aux critères d'application du statut des baux commerciaux, en ce qu'il porte sur un local accessoire à l'exploitation d'un fonds de commerce, dont la privation serait de nature à compromettre cette exploitation, quand même existeraient-il des possibilités de remplacement.

Elle rappelle à cet égard qu'elle exerce une activité de restauration, piano-bar et discothèque au sein de la station de sports d'hiver de [Localité 8] et qu'elle emploie l'immeuble litigieux pour y loger ses salariés saisonniers, qui ne pourraient sans cela trouver à se loger compte tenu du prix du foncier. Elle précise que cet emploi spécifique était connu de l'intimée, puisque mentionné dans les différentes conventions d'occupation précaire.

Elle rappelle également que la location a été consentie contre le versement d'un loyer et qu'elle exploite personnellement le fonds de commerce dont le local litigieux est accessoire à l'exploitation, dans un local distinct dont elle est propriétaire, au vu et au su de la commune de [Localité 8].

Elle rappelle enfin que la convention d'occupation précaire litigieuse met l'entretien des locaux à sa charge, pratique commune en matière de baux commerciaux, mais peu compatible en revanche avec une occupation précaire.

La commune de [Localité 8] soutient en retour que l'existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties constitue le seul critère permettant de caractériser une convention d'occupation précaire.

Elle ajoute que telles circonstances se trouvent caractérisées en matière de préemption, en ce sens que la commune se trouve autorisée en ce cas à consentir des conventions d'occupation précaire dans l'attente de l'affectation définitive du bien, y compris en cas de constitution de réserves foncières, se prévalant en cela de la jurisprudence de la cour de cassation.

Elle estime que la convention d'occupation litigieuse s'inscrit précisément dans cette hypothèse, l'immeuble 'Bon séjour' objet du contrat ayant été acquis par voie de préemption selon décision du 13 août 2008, afin d'y réaliser un projet spécifique d'aménagement d'une crèche municipale, d'un centre médical et de logements communaux.

Elle explique qu'il importe peu que ce motif de précarité n'ait pas été explicité dans la convention, dès lors qu'il existe. Elle affirme que la durée de réalisation de ce projet est indifférente et que l'absence de réalisation s'explique en l'espèce par l'obstruction de la société La Mangeoire, l'intéressée ayant contesté le permis de démolir obtenu le 09 août 2021.

Elle soutient également que la stipulation d'un 'loyer' n'est pas incompatible avec une convention d'occupation précaire et ne constitue point un indice de requalification. Elle ajoute que la redevance qualifiée de loyer est modique, puisque s'élevant à 238 euros HT par chambre disponible, et qu'il est courant, même dans le cadre d'une occupation précaire, que les consommables soient mis à la charge de l'occupant.

La commune de [Localité 8] conclut par ailleurs à l'absence de réunion des conditions permettant de retenir l'existence d'un bail commercial en application de l'article L. 145-1 1° du code de commerce, tenant :

- à l'exploitation par la locataire d'un fonds de commerce dans un local principal,

- au caractère accessoire du local secondaire à l'exploitation de ce fonds,

- à l'information donnée au bailleur, s'il n'est pas propriétaire des locaux principaux d'exploitation, de ce que les locaux secondaires ont été loués à titre accessoire, en vue d'une utilisation jointe à celle des locaux principaux,

- au caractère indispensable des locaux secondaires pour l'exploitation du fonds.

Elle soutient en particulier que l'appelante n'est pas la propriétaire de la totalité du fonds de commerce exploité dans les lots 8, 9, 4 et 10 de l'immeuble dénommé La Grange, dans la mesure où la société Kin déclare y exploiter un fonds de même nature, dans les lots 3 et 6, donné en location gérance à la société La Mangeoire. Elle précise que la société La Mangeoire a effectué des travaux ayant conduit à la réunion matérielle des fonds et qu'elle exploite donc le premier directement, mais le second dans le cadre d'une location gérance toujours en vigueur.

Elle en déduit qu'en l'absence de la qualité de propriétaire du fonds principal, la société La Mangeoire ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-1 du code de commerce relatives aux locaux accessoires à l'exploitation d'un fonds.

Elle ajoute qu'à supposer que la société La Mangeoire soit propriétaire du fonds exploité dans l'immeuble 'La Grange' et qu'elle soit titulaire d'un bail commercial pour l'exploitation de ce fonds, l'appelante ne justifie pas l'avoir informée que l'occupation de l'immeuble 'Bon séjour' constituait l'accessoire de cette exploitation. Elle conteste en conséquence que la convention d'occupation litigieuse ait été consentie en vue d'une utilisation jointe à celle des locaux principaux 'au vu et au su' du bailleur, au sens de l'article L. 145-1 du code de commerce.

La commune de [Localité 8] soutient également que l'occupation des locaux litigieux n'est pas indispensable à l'exploitation du fonds de commerce de la société La Mangeoire. Elle précise que cette société a pu exploiter son activité de 2000 à 2009 sans disposer des logements situés dans l'immeuble 'Bon séjour' et qu'elle a perdu la jouissance de ces locaux en 2021, suite à l'exécution forcée de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, sans que cette circonstance l'ait contrainte à mettre fin à son exploitation.

Elle ajoute qu'il existe d'autres alternatives permettant de loger du personnel sur le ressort de communes adjacentes. Elle fait observer que la société La Mangeoire dispose au demeurant d'autres solutions d'hébergement, puisqu'elle se trouve en mesure d'offrir des emplois avec logement de fonction.

Sur ce :

Conformément à l'article 145-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les dispositions légales afférentes au statut des baux commerciaux s'appliquent non seulement aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, mais également aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal.

En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe.

En vertu de l'article 145-5-1 du même code, n'est pas soumise au statut des baux commerciaux la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.

L'immeuble 'Bon séjour' situé sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 4], commune de [Localité 8], se compose de 20 chambres et de parties communes réparties sur trois niveaux.

La commune l'a acquis par voie de préemption selon décision du 13 août 2008, en vue de la création d'une crèche municipale, d'un centre médical et de logements communaux en application des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur.

Ne pouvant, en application de l'article L. 221-2 du même code, conférer sur cet immeuble que des concessions temporaires qui ne confèrent au preneur aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux lorsque l'immeuble est repris en vue de son utilisation définitive, elle a consenti à la société La Mangeoire six convention d'occupation précaire pour la période comprise entre le mois de novembre 2009 et le mois novembre 2015.

La dernière de ces conventions, dont la requalification est recherchée, a été souscrite le 17 décembre 2014, pour la période du 1er novembre 2014 au 31 octobre 2015.

Aucune de ces conventions ne prévoit de droit quelconque au renouvellement et chacune dispose au contraire que l'occupant devra débarrasser les lieux au terme du contrat, sans pouvoir invoquer de droit au maintien dans les lieux, ni réclamer aucune indemnité.

Ces stipulations expresses caractérisent suffisamment le caractère précaire de l'occupation ainsi consentie au sens de l'article L. 145-5-1 du code de commerce.

Reste à déterminer si la convention du 17 décembre 2014 dont la requalification est recherchée obéit a été consentie à titre précaire pour un motif légitime, en raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.

La décision de préemption du 13 août 2008 précise à cet égard que la création d'une crèche au centre de la station répond à l'insuffisance de l'offre d'accueil pour jeunes enfants au regard des perspectives d'évolution démographique de la station, ainsi qu'à l'inadéquation géoraphique des crèches déja existantes au regard notamment de la situation sanitaire des enfants.

Elle indique que la création d'un centre médical répond à la nécessité de remplacer le centre déja existant, compte tenu de sa vétusté et de sa non-conformité à la réglementation en vigueur, ainsi qu'à la demande des populations et des professionnels de santé de disposer de locaux de soins adaptés.

Elle expose que la création de logements communaux répond à l'impossibilité d'embaucher des salariés médicaux sans pourvoir à leur logement, eu égard aux prix du foncier pratiqués sur la commune.

Ces considérations démontrent que le projet de création d'une crèche, d'une maison médicale et des logements communaux répond à un motif légitime de précarité et qu'il ne résulte pas du bon plaisir de la commune de [Localité 8], mais de la nécessité pour elle de répondre à des enjeux d'accueil et de prise en charge des populations locales, touristiques ou professionnelles independants de sa seule volonté au sens de l'article L. 145-5-1 du code de l'urbanisme.

Il n'est cependant pas établi que ce projet, élaboré dans le courant de l'année 2008, ait perduré jusqu'à la souscription de la convention d'occupation précaire du 17 décembre 2014. La commune n'apporte aucune explication à cet égard, sauf à ce prévaloir de l'obstruction intentionnelle de la société La Mangeoire, compte tenu de son maintien dans les lieux postérieurement au jugement du 21 janvier 2020 ayant ordonné son expulsion et de son recours dirigé contre un permis de démolir obtenu en août 2021. Or, cette obstruction alléguée est largement postérieure à la date de souscription de la convention litigieuse et ne saurait expliquer l'absence totale d'élément relatif à la conduite du projet entre la décision de préemption du 13 août 2008 et la souscription de la convention litigieuse le 17 décembre 2014.

Force est de constater qu'aucun document de nature à attester de la persistance du projet évoqué dans la décision de préemption n'est produit. La commune ne justifie pas avoir déposé une quelconque demande de permis de construire, non plus qu'elle ne démontre avoir effectué la moindre démarche préparatoire à la réalisation du projet, telle la consultation d'un architecte.

Il résulte au contraire du courrier recommandé qu'elle a adressé le 25 avril 2016 à la société La Mangeoire qu'elle entendait obtenir l'évacuation de l'immeuble au 31 mai 2016, en raison d'une offre d'achat de l'immeuble reçue 'au cours des dernières semaines', sans que l'intimée n'allègue ni ne démontre que cette offre se soit inscrite dans le cadre du projet initial d'aménagement de l'imeuble conçu en 2008. Cette circonstance donne foi aux affirmations de la société La Mangeoire relatives à l'abandon de ce projet.

En l'absence de démonstration de la persistance de la cause légitime ayant justifié courant 2009 la précarité de l'occupation consentie à la société La Mangeoire, à la date de souscription de la convention du 17 décembre 2014, celle-ci ne répond pas aux conditions de l'article L. 145-5-1 du code de commerce.

Sa requalification en bail commercial nécessite cependant que les conditions de l'application du statut des baux commerciaux prévues à l'article L. 145-1 du même code soient réunies au cas d'espèce.

Il résulte de l'acte de cession de fonds en date du 20 juin 2000 que la société La Mangeoire a acquis un fonds de commerce de bar, restaurant, snack, glacier, tea-room et dancing exploité dans des locaux situés dans l'immeuble '[Adresse 10] à [Localité 8], lots 8 et 9, loués auprès de la société Le Lodge des neiges, puis de la société City Mageoire. Il n'est pas contesté que l'exploitation de ce fonds perdurait à la date du 17 décembre 2014 et qu'elle perdure à ce jour.

Selon bail du 09 novembre 2000 puis avenant du 05 juin 2001, les lots 4 et 10 du même immeuble ont été adjoints aux lots 8 et 9 pour l'exploitation de ce fonds.

Il résulte par ailleurs d'un acte du 15 novembre 2010 que la société La Mangeoire a pris en location-gérance un fonds de commerce de discothèque, piano-bar, cabaret, dancing, restaurant, bar et vente de plats à emporter appartenant à la société Kin, exploité dans le même immeuble, lots 3 et 6. Ce fonds a été matériellement réuni à celui de la société La Mangeoire et la société Kin a cédé son droit au bail à cette dernière selon acte du 15 mai 2018, ce dont il est résulté la disparition de son propre fonds, ainsi que le précise d'ailleurs l'acte de cession, désormais incorporé à celui de l'appelante.

S'il est vrai que la réunion des deux fonds est intervenue postérieurement à la souscription de la convention du 17 décembre 2014, il n'en reste pas moins acquis que la société La Mangeoire, dûment immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 26 mai 2000, exploite depuis la même année le premier de ces fonds de commerce, dont elle est propriétaire, sur le ressort de la commune de Courchevel. Les contestations élevées par la commune de [Localité 8] sur la propriété du second fonds sont donc indifférentes à la solution du litige.

Les différentes convention d'occupation précaire conclues entre les parties, dont la convention litigieuse du 17 décembre 2014, précisent expressément que la société La Mangeoire a sollicité la commune afin d'occuper l'immeuble 'Bon séjour' 'dans le cadre de son activité d'hôtelier et souhaite occuper ces locaux en vue d'y loger son personnel'. Ces conventions ayant été souscrites par la société La Mangeoire et non par M. [Y], homme d'affaire dont l'intimée prétend qu'il contrôlerait le capital social de l'appelante, il doit être présumé que le personnel hébergé est bien celui de l'appelante, étant observé que l'intimée n'apporte aucun élément de nature à renverser cette présomption.

L'emploi des termes 'activité d'hôtelier' dans la clause précitée peut valablement englober l'activité de restauration exercée par la société La Mangeoire et la commune de [Localité 8] ne saurait en tout état de cause contester avoir eu connaissance de l'activité particulière exercée par l'appelante, alors que son office du tourisme a conclu une convention de partenariat avec l'intéressée depuis l'année 2010 - a minima- en vertu de laquelle il bénéficie d'un forfait restauration.

Il en résulte que l'occupation de l'immeuble 'Bon séjour', consentie aux termes des conventions d'occupation précaire successives a bien constitué l'accessoire de l'occupation du fonds de commerce de la société La Mangeoire et qu'elle s'est exercée en tant que telle au vu et au su de la Commune de [Localité 8].

La cour retient pour finir que les prix locatifs pratiqués à [Localité 8] sont tels qu'il n'est pas crédible d'envisager d'y employer un travailleur saisonnier sans lui fournir un logement de fonction. Il est révélateur à cet égard que les offres d'emploi émises par la société La Mangeoire soient systématiquement assorties de l'usage d'un logement de fonction. La commune de [Localité 8] n'affirme d'ailleurs pas autre chose dans la motivation de sa décision de préempter l'immeuble, aux termes de laquelle il est rappelé, s'agissant de la nécessité de créer des logements communaux que 'vu les prix du marché, toute nouvelle eembauche ne peut se concevoir sans une proposition de logement de la part de l'employeur'.

Il en résulte que la jouissance de l'immeuble 'Bon séjour', permettant de loger le personnel de l'appelante, est indispensable à son modèle économique, en ce sens que l'absence de logement de fonction ne permettrait pas d'embaucher le personnel saisonnier nécessaire à l'exploitation de son fonds et que celle-ci s'en trouverait alors compromise.

Il est indifférent à cet égard, que la société La Mangeoire ait pu disposer de solutions de remplacement, le caractère indispensable d'un local accessoire au sens de l'article L. 145-5-1 du code de commerce devant s'apprécier sans considération de l'existence de telles solutions.

Il s'ensuit que les conditions d'un bail commercial se trouvent réunies au cas d'espèce et que la convention d'occupation précaire du 17 décembre 2014 doit être requalifiée en bail commercial.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification et ordonné l'expulsion de la société La Mangeoire, en l'absence même de congé régulièrement délivré.

Sur l'indemnité d'occupation et le paiement des charges :

Le jugement étant réformé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification, retenu une occupation sans titre et ordonné l'expulsion de la société La Mangeoire, il ne saurait être question de statuer sur l'indemnité d'occupation due par celle-ci et l'appel incident formé de ce chef sera rejeté.

Sur les sommes dues au titre de l'occupation pour la période du 1er novembre 2015 au 02 juillet 2021 :

La requalification de la convention d'occupation précaire du 17 décembre 2014 en bail commercial ne dispense pas l'appelante du paiement du loyer y stipulé. Or, elle ne justifie pas avoir réglé la moindre somme depuis le 1er novembre 2015.

Il convient en conséquence de la condamner à payer la somme totale de 327.109,55 euros (5X57.000 pour la période du 1er novembre 2015 au 31 octobre 2020 + 57.000 X (263/365) pour la période du 31 octobre 2020 au 21 juillet 2021), outre taxe sur la valeur ajoutée si applicable.

Cette condamnation sera prononcée en derniers et quittance, afin qu'en soit déduite toute somme susceptible d'avoir été versée par la société La Mangeoire au titre de l'occupation des locaux litigieux pour la période postérieure au 31 octobre 2015.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Vu les articles 639, 696 et 700 du code de procédure civile ;

La commune de Courchevel succombe à l'instance et il convient de la condamner à supporter l'ensemble des dépens de 1ère instance et d'appel, y compris ceux exposés devant la cour d'appel de Chambéry, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nathalie Rose, avocate, pour ceux des dépens exposés devant la présente cour, sur son affirmation qu'elle en a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

L'équité commande de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Alberville entre les parties sous le numéro RG 16/00705, en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau et y ajoutant :

- Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription élevée par la commune de [Localité 8] et déclare l'action en requalification recevable ;

- Requalifie la convention d'occupation précaire souscrite le 17 décembre 2014 entre les parties et portant sur l'occupation de l'immeuble '[Adresse 6]', section AB [Cadastre 2] commune de [Localité 14], lieut dit '[Adresse 12] à [Localité 8] 1850 en bail commercial ;

- Condamne la société La Mangeoire à payer à la commune de [Localité 8], en deniers et quittance, la somme de 327.109,55 euros, outre taxe sur la valeur ajoutée si applicable, pour l'occupation de l'immeuble susdit sur la période du 1er novembre 2015 au 21 juillet 2021 et dit qu'il sera déduit de ce montant toute somme susceptible d'avoir été versée par la société La Mangeoire au titre de l'occupation des locaux litigieux pour la période postérieure au 31 octobre 2015 ;

- Condamne la commune de Courchevel aux dépens de 1ère instance et d'appel, y compris ceux exposés devant la cour d'appel de Chambéry, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nathalie Rose, avocate, pour ceux des dépens exposés devant la présente cour, sur son affirmation qu'elle en a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- Rejette le surplus des demandes.

La greffière, Le conseiller pour le Président empêché,

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