CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 25 septembre 2025, n° 21/20865
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Dupont, Mme Girousse
Avocats :
Me Guizard, Me Beaugendre, Me Cholay, Me Gardon
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 23 août 2024, la société [P] développement, appelante, demande à la Cour de :
infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuer à nouveau comme suit :
Sur la demande de restitution formée par M. [K] :
débouter la partie adverse de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
débouter M. [K] de sa demande de restitution de la somme de 15.000 euros dès lors qu'il résulte de la nature consensuelle du contrat de franchise et des échanges de courriels entre les parties que celles-ci se sont accordées le 15 décembre 2016 pour conclure un contrat de franchise [P] ; que cet accord de volontés a entraîné la formation du contrat ce 15 décembre 2016 ;
déclarer au surplus la formation du contrat au 15 décembre 2016 d'autant plus certaine que celui-ci a reçu exécution ; que le 26 décembre 2016, M. [K] a versé la somme de 15.000 euros en paiement du droit d'entrée (réduit de 5.000 euros compte tenu de la conclusion préalable d'un contrat de réservation de territoire venant à échéance le 31 décembre 2016) ; qu'alors que le franchiseur a mis à disposition sa marque et a organisé le 9 janvier 2017 une séance de formation pour lui transmettre son savoir-faire, le franchisé ne s'y est fautivement pas présenté ; que par suite le franchisé, qui s'est prévalu dans ses rapports avec les tiers de la qualité de franchisé [P] ('), a (') demandé au Franchiseur la modification du territoire contractuel de son contrat de franchise conclu le 15 décembre 2016 ; que le fait que franchisé n'ait finalement pas ouvert de manière effective une agence [P] n'est pas de nature à remettre pas en cause la formation du contrat ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société [P] développement :
déclarer que M. [K] a rompu de manière unilatérale et prématurée le contrat de franchise ; que la société [P] développement n'ayant commis aucun manquement, la résiliation sera prononcée aux torts exclusifs du franchisé ;
condamner de ce chef M. [K] à payer à la société [P] développement la somme de 51.000 euros en réparation du préjudice infligé ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
condamner Monsieur [K] à verser à la société [P] développement la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 21 novembre 2022, M. [N] [K], intimé, demande à la Cour de :
A titre principal :
confirmer le jugement du tribunal de commerce de Evry en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire : sur la condamnation de la société [P] DEVELOPPEMENT au paiement de la somme de 15.000 € :
dire et juger que le contrat de franchise a été résilié d'un commun accord entre les parties ;
condamner la société [P] développement à restituer la somme de 15.000 € ;
condamner la société [P] développement au paiement des intérêts légaux depuis le 3 décembre 2019 ;
ordonner la capitalisation des intérêts ;
Sur la demande reconventionnelle de la société [P] développement :
débouter la société [P] développement de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause et y ajoutant :
condamner la société [P] développement à payer la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE l'ARRÊT
Il ressort notamment de l'article L. 330-3 du code de commerce que toute personne qui, par un contrat de franchise, met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères dont le contenu est précisé par décret ; que lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat de franchise, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie sont précisées par écrit ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit ; que le document d'information préalable ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée ci-dessus.
Il résulte de ces dispositions qu'un écrit est nécessaire au stade de l'information précontractuelle du contrat de franchise pour s'assurer de sa conformité à l'article L. 330-3 et en cas de paiement pour réserver préalablement une zone mais que ce texte n'impose pas l'existence d'un contrat écrit pour la validité du contrat de franchise lui-même. S'agissant d'un contrat consensuel, il se forme par le seul échange des consentements des parties quel qu'en soit le mode d'expression, la volonté des parties pouvant résulter d'un comportement non équivoque de leur part lors de la conclusion du contrat, elle peut être établie notamment par un faisceau d'indices concordants. Parmi ces indices, l'attitude des parties quant à l'exécution du contrat constitue un des éléments pouvant être pris en compte pour apprécier si elle démontre qu'un contrat s'est réellement formé par la volonté des deux parties.
En l'espèce, le 10 mai 2016, un « contrat de réservation [P] » a été signé entre les parties aux termes duquel la société [P] développement consentait à Monsieur [K] une exclusivité sur la zone de [Localité 5]-[Localité 9] jusqu'au 31 décembre 2016 moyennant le paiement immédiat de 5.000 euros, cette somme devant s'imputer sur le montant du droit d'entrée si un contrat de franchise était signé dans ce délai et, à défaut, rester acquise au franchiseur à titre d'indemnité d'immobilisation. Dans cet acte, Monsieur [K] reconnaissait avoir eu à sa disposition dans les délais requis le document d'informations précontractuelles ainsi que le projet de contrat de franchise.
Le projet de contrat de franchise ainsi adressé prévoit à la charge du franchisé une redevance initiale forfaitaire comprenant 20.000 euros HT de droit d'entrée et 5.000 euros HT de formation initiale de quinze jours ouvrés, puis une redevance de franchise mensuelle de 500 euros HT la première année, 750 euros HT les années suivantes. Il précise les prestations du franchiseur au franchisé relatives notamment à l'assistance pour la création de l'établissement, au transfert de savoir-faire, aux apports permanents en animation, marketing, outils de gestion etc et les obligations du franchisé. Il prévoit une possibilité de résiliation anticipée par le franchiseur si le franchisé n'a pas trouvé d'emplacement adéquat et une possibilité de résiliation pour les deux parties si le franchisé n'a pas obtenu de concours bancaire, étant précisé que dans ces deux cas le franchiseur s'engage à rembourser les sommes reçues exceptés ses frais et la somme de 5.000 euros en dédommagement de la réservation de zone.
Il est constant que les parties n'ont pas signé ce contrat de franchise.
Il ressort des échanges de courriels du 15 décembre 2016, dont se prévalent les parties, que répondant à Monsieur [K] demandant une date pour « une journée de formation à l'ouverture », Monsieur [U] dirigeant de la société [P] développement lui a proposé la journée de formation du 9 janvier 2017, ajoutant : « par ailleurs, conformément au contrat de réservation de zone qui expire le 31 décembre prochain, vous trouverez ci-joint le RIB afin d'effectuer le versement complémentaire de 15.000 euros de droit d'entrée compte-tenu des 5.000 euros déjà versés. » ; que Monsieur [K] a demandé son inscription à cette journée de formation et s'est engagé à payer la somme de 15.000 euros. Il est établi qu'il a effectivement payé cette somme le 26 décembre 2016.
Dans ces échanges, pour solliciter le paiement de 15.000 euros la société [P] développement s'est référée au « contrat de réservation » et non au « contrat de franchise [P] » dont elle avait adressé en mai 2016 le projet à Monsieur [V]. A aucun moment elle n'a sollicité la signature de ce contrat de franchise, son affirmation selon laquelle l'absence de signature du contrat par les parties serait le fait de Monsieur [H] n'est pas établie. La société [P] développement n'a pas accusé réception de la somme de 15.000 euros ni indiqué que par l'effet de ce versement, les parties seraient liées par un contrat de franchise.
Les parties n'ont envisagé qu'une seule journée de formation dans les échanges du 15 décembre 2016, à laquelle ne se rendra pas Monsieur [K] malgré son engagement par courriel. Il n'est pas question dans ces échanges de la mise en place de la formation de quinze jours prévue dans le projet de contrat de franchise non signé.
Les échanges du 15 décembre 2016 et le paiement de 15.000 euros ne caractérisent donc pas une volonté non équivoque de conclure et exécuter pleinement un contrat de franchise dans les termes du projet adressé auxquelles elles ne se réfèrent pas.
Quinze mois plus tard, le 22 mars 2018, Monsieur [V] a adressé un courriel à Monsieur [U] indiquant qu'il avait trouvé un accord pour l'achat d'un fonds de commerce et demandant, d'une part, « mon contrat de franchise mis à jour pour la zone [Localité 6] », d'autre part, de lui indiquer auprès de quelle banque solliciter un prêt bancaire. La demande d'un contrat de franchise « mis à jour » démontre la volonté de Monsieur [V] de signer un contrat de franchise mentionnant la nouvelle zone mais ne permet pas d'en déduire de façon certaine que Monsieur [V] s'estimait lié depuis décembre 2016 par le projet de contrat adressé en mai 2016 qu'il n'a pas signé. Il n'apparaît pas que la Société [P] ait apporté une réponse à ce courriel. La vente du fonds de commerce situé à [Localité 6] ne s'est pas effectuée notamment en raison du défaut de réalisation de la condition suspensive du projet de cession relative à l'obtention d'un prêt et d'un désaccord des parties à ce projet auquel il a été mis fin par un protocole d'accord.
Il n'apparaît pas qu'entre le 15 décembre 2016 et le message adressé par Monsieur [V] du 22 mars 2018, la société [P] ait tenté d'exécuter le contrat de franchise dont elle se prévaut, et de fournir les prestations prévues à Monsieur [V], notamment de lui prêter assistance pour la création d'un établissement. De plus, elle n'a pas réclamé le paiement des redevances de franchises mensuelles prévues dans le projet de contrat de franchise. Ce n'est qu'à l'occasion de la présente procédure qu'elle demande reconventionnellement une indemnisation pour la perte de ces redevances.
De son côté, avant son message du 22 mars 2018, Monsieur [V] n'a pas sollicité de prestations auprès de la société [P] développement. La seule circonstance que, par courriel du 20 septembre 2017 adressé à un tiers, Monsieur [F] qui serait son expert-comptable selon l'intimée, signé [K] [N] [P] [T], ce dernier évoque un projet de commerce dans une résidence en construction, projet qu'aucune pièce émanant de la société [P] développement ne corrobore, ne permet pas de caractériser l'existence et l'exécution d'un contrat de franchise consenti par la Société [P] développement.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une volonté dépourvue d'équivoque de chacune des deux parties de conclure en décembre 2016 un contrat de franchise dans les termes du projet remis en mai 2016, qu'elles n'ont pas signé.
C'est donc à juste titre que le jugement déféré a condamné la société [P] développement à restituer la somme de 15.000 euros payée sans cause par Monsieur [K].
C'est également à juste titre que ce jugement a débouté la société [P] de sa demande en paiement de la somme de 51.000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale et prématurée du contrat de franchise, puisque l'existence d'un tel contrat n'est pas démontrée.
Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ''déclarer'', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
La société [P] développement qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur [K] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procedure d'appel. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er novembre 2021 par le tribunal de commerce d'Evry (RG 2020F00174),
Y ajoutant,
Condamne la société [P] développement à payer à Monsieur [K] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procedure civile,
Déboute la société [P] développement de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la société [P] développement aux dépens de la procédure d'appel.