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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 25 septembre 2025, n° 24/02390

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/02390

25 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2025

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02390 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI3KG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 février 2023 - Juge des contentieux de la protection de SAINT-OUEN - RG n° 11-22-000307

APPELANTE

Madame [K] [Z] née [L]

née le 1er juillet 1946 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS

assistée de Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉES

La société FRANFINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 719 807 406 00884

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

La SELARL ATHENA en la personne de Maître [T] [R] en qualité de mandataire liquidateur de la société SVH ENERGIE, société par action simplifiée à associé unique prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 27 avril 2010 à son domicile, Mme [K] [Z] née [L] a signé avec la société SVH Energie un bon de commande portant sur une installation photovoltaïque pour un total de 21 490 euros.

Cet équipement a été financé à l'aide d'un crédit de même montant souscrit le même jour auprès de la société Franfinance remboursable en 156 mensualités de 222,43 euros incluant des intérêts au taux nominal de 5,32 % soit un TAEG de 5,45 %.

Par jugement en date du 23 juin 2021 le tribunal de commerce d'Angers a prononcé la liquidation judiciaire de la société SVH Energie (RCS 833 656 218), et a désigné comme liquidateur judiciaire la Selarl Athéna, prise en la personne de Me [T] [R].

Par actes des 29 et 30 mars 2022, Mme [Z] a fait assigner la société GSE Intégration devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Ouen en nullité des contrats, privation de la créance de restitution de la banque, remboursement des sommes versées et du capital emprunté et paiement de dommages et intérêts.

Par acte du 5 décembre 2022, Mme [Z] a fait assigner la Selarl Athéna, prise en la personne de Me [T] [R] en qualité de liquidateur judiciaire de la société SVH Energie.

Par jugement réputé contradictoire du 10 février 2023, le juge des contentieux de la protection de Saint-Ouen a :

- prononcé la jonction sous le numéro 11 22-307 des affaires enrôlées sous les numéros 11 22-307 et 11 22-891,

- donné acte à Mme [Z] de ce qu'elle se désistait de des prétentions à l'encontre de la société GSE Intégration,

- déclaré son action irrecevable comme prescrite,

- condamné Mme [Z] à payer à la société GSE Intégration et à la société Franfinance une somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Z] aux entiers dépens.

Après avoir rappelé les dispositions des article 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que seule l'ignorance des faits et non celle de la loi pouvait être invoquée et que dès lors Mme [Z] n'était pas fondée à soutenir que le délai de prescription n'avait pas commencé à courir car elle ignorait les exigences prescrites par l'article L. 121-23 du code de la consommation, exigences incidemment rappelées au dos du bon de commande comme l'exigeait la loi.

Il a en outre considéré que Mme [Z] ne démontrait pas avoir été victime d'un dol qu'elle n'aurait découvert que bien plus tard alors qu'elle savait en tout état de cause depuis 2012 quelle était précisément sa production effective en kWh de l'installation sans avoir jamais rien contesté avant d'engager subitement la procédure plus de douze ans après la signature du contrat.

Il a en conséquence déclaré l'action en nullité du contrat prescrite.

Il a ajouté que quand bien même ce n'aurait pas été le cas et s'il était vrai que les mentions du bon de commande très succinctes ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article L. 121-23 du code de la consommation à supposer que lesdites exigences puissent jamais être satisfaites, tant elles sont sujettes à interprétation, Mme [Z] n'aurait pas manqué, si les caractéristiques précises dont elle dénonçait l'absence étaient importantes pour elle, de demander au vendeur de les faire figurer, qu'elle n'avait jamais réclamé ou contesté quoi que ce soit et qu'elle avait ainsi implicitement mais nécessairement confirmé son engagement pouvant comparer les exigences légales dûment reproduites au dos du bon de commande avec les mentions de celui-ci.

Il a en outre considéré que Mme [Z] ne démontrait pas de manquement du vendeur quant à la rentabilité et que l'acquisition pouvait avoir été motivée par des considérations autres qu'économiques et notamment écologiques et que si tel n'était pas le cas il appartenait à Mme [Z] de vérifier les prétendues affirmations du vendeur et/ou de demander un écrit sur la rentabilité.

Il a relevé que la banque ne pouvait avoir été complice d'un dol non établi et affirmé que cette dernière n'avait pas à vérifier la légalité des stipulations du bon de commande qui était une tâche éminemment subjective et que seul le juge devait conduire.

Il a enfin souligné que le déblocage des fonds avait eu lieu à la demande de Mme [Z] à laquelle il appartenait de ne pas signer cette demande si elle considérait que la prestation n'était pas achevée.

Par déclaration électronique du 24 janvier 2024, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 5 mai 2025, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action irrecevable comme prescrite, l'a condamnée à payer à la société Franfinance une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la jonction sous le numéro 11 22-307 des affaires enrôlées sous les numéros 11 22-307 et 11 22-891, lui a donné acte de ce qu'elle se désistait de ses prétentions à l'encontre de la société GSE Intégration et l'a condamnée à payer à cette société la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau et y ajoutant,

- de déclarer ses demandes recevables et bien fondées,

- de prononcer la nullité du contrat de vente,

- de mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société SVH Energie l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais, dans le délai de 2 mois à compter de la signification de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la fin de ce délai de 2 mois,

- de prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté,

- de déclarer que la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds à son préjudice et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté,

- de condamner la société Franfinance à lui verser l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :

- 21 490 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution,

- 34 699,08 euros correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés par elle à la banque en exécution du prêt souscrit,

- en tout état de cause, de condamner la société Franfinance à lui payer les sommes suivantes :

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de société Franfinance,

- de condamner la société Franfinance à lui verser l'ensemble des intérêts payés par elle au titre de l'exécution normale du contrat de prêt affecté en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée et de lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé desdits intérêts,

- de débouter la société Franfinance et la société SVH Energie de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,

- de condamner la société Franfinance à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.

La déclaration d'appel et les conclusions de Mme [Z] en leur premier état ont été signifiées au mandataire liquidateur de la société venderesse par actes du 20 mars 2024 et du 24 avril 2024 tous deux délivrés à personne morale.

Par ordonnance du 12 novembre 2024 devenue définitive, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions remises par la société Franfinance le 24 juillet 2024 comme hors délai au regard des dispositions des articles 909 et 911 du code de procédure civile dans leur version applicable au litige.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 24 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente conclu le 27 avril 2010 entre la société SVH Energie et Mme [Z] est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,

que le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre Mme [Z] et la société Franfinance est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats,

- que le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a :

- prononcé la jonction sous le numéro 11 22-307 des affaires enrôlées sous les numéros 11 22-307 et 11 22-891,

- donné acte à Mme [Z] de ce qu'elle se désistait de ses prétentions à l'encontre de la société GSE Intégration.

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur l'action en nullité de la vente

Mme [Z] demande la nullité du contrat de vente pour dol et pour non-respect des mentions obligatoires prévues par le code de la consommation.

Le premier juge a considéré cette action en nullité irrecevable comme prescrite.

Mme [Z] fait valoir que si le contrat a été conclu le 27 avril 2010, soit plus de cinq ans avant l'introduction de l'instance, ses demandes sont parfaitement recevables et que c'est à tort qu'une prescription quinquennale a été retenue car elle est une consommatrice profane et :

- qu'elle n'est pas en mesure de déceler par elle-même les irrégularités dénoncées,

- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévaut à cet égard d'une consultation des Professeurs [F] [H] et [N] [G],

- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité, et que c'est à la banque de le démontrer,

- que doit s'appliquer la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription, que c'est ce qui a d'ailleurs été fait par un arrêt du 25 mars 2025,

- que la jurisprudence européenne applique le principe d'effectivité qui commande d'écarter un régime de prescription qui serait basé sur une présomption de connaissance parfaite par le consommateur des irrégularités renfermées dans le contrat, et ce dès la signature de celui-ci,

- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, la date de la signature du contrat d'autant que la banque ne lui a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire, si bien que son ignorance légitime a été entretenue par la banque,

- qu' aucune prescription ne saurait lui être opposée.

Elle ne développe pas de moyens spécifiques quant à la prescription de son action en nullité pour dol. Elle fait état de réticences dolosives quant aux caractéristiques de l'installation, de l'absence de présentation de la rentabilité de celle-ci, de la présentation du contrat comme étant'sans grande conséquence.

Réponse de la cour

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Le contrat de vente dont l'annulation est demandée a été conclus le 27 avril 2010 et Mme [Z] a engagé l'instance par une assignation délivrée les 29 et 30 mars 2022 soit près de douze ans plus tard.

Toute l'argumentation de l'appelante qui se garde d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait lui être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de son action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle elle a pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme. La suivre dans cette voie reviendrait en réalité à écarter tout délai de prescription hormis le délai butoir de l'article 2232 du code civil, puisque seule la date à laquelle elle l'invoque pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.

En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence.

En l'espèce, Mme [Z] était en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont elle déplore l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux.

La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.

En effet la prescription répond à une exigence de sécurité juridique et a pour but d'éviter la remise en cause d'un contrat dans un temps raisonnable, étant relevé que la réforme de la prescription de 2008 a précisément entendu réduire ce temps à cinq ans pour accroître la sécurité juridique. Permettre une action sur le fondement d'une nullité formelle alors même que le contrat est en cours depuis beaucoup plus longtemps, que le matériel a été utilisé pendant une très longue durée et pourrait avoir de fait pratiquement épuisé sa valeur, voire que certaines des dispositions érigées en causes de nullités formelles pourraient ne plus avoir la moindre utilité faute de pouvoir encore être invoquées (garanties) sans que ceci puisse être opposé puisque le propre des nullités formelles est de n'exiger aucun préjudice en lien et d'avoir un caractère purement automatique, revient à supprimer toute sécurité juridique.

De plus, considérer comme il est finalement soutenu que l'ignorance des textes permet de repousser indéfiniment le point de départ de la prescription d'une action en nullité, revient à supprimer la prescription quinquennale de ce type d'action en nullité purement formelle, et ce alors même que la prescription d'une nullité pour dol ou pour erreur serait bien plus courte et effective puisque c'est au jour de la découverte du dol ou de l'erreur (et non du fait que le dol ou l'erreur sont en droit des causes de nullité) que commence le délai de prescription. Or le dol et l'erreur impliquent une appréciation et ne permettent pas une nullité automatique et suivre ce raisonnement confèrerait donc à l'action en nullité purement formelle quelle que soit sa gravité une automaticité et une longévité que n'aurait pas l'action en nullité pour vice du consentement.

Les seuls cas d'exclusion de prescription résultent soit de situations d'incapacité telles la tutelle ou la minorité qui empêchent la partie concernée d'exercer ses droits dans le délai imparti mais le fait de ne pas être juriste n'est pas une cause d'exclusion, soit de l'extrême gravité des faits poursuivis ce à quoi une nullité formelle, fût-elle prévue par le code de la consommation, ne peut en aucun cas être assimilée.

La cour relève en outre que s'il a pu être jugé dans le cadre du mécanisme de confirmation des contrats que les acheteurs pouvaient légitimement ignorer les vices du contrat c'est-à-dire concrètement le régime juridique des nullités, c'est que ce mécanisme répond à des exigences différentes puisqu'il consiste à tirer des conséquences du comportement du consommateur pour en déduire une volonté dont on peut donc légitimement exiger qu'elle soit particulièrement éclairée. La prescription ne résulte pas d'une volonté supposée des parties mais de l'écoulement du temps au-delà duquel les engagements ne peuvent pas être remis en cause.

Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles internes de prescription ou d'interdire le principe même de la prescription. Le principe d'effectivité doit permettre au consommateur d'avoir un temps suffisant. Il doit donc aussi être apprécié à l'aune de la durée de prescription prévue par les textes.

Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont ainsi conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession des éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre ce qui est clairement le cas d'un délai de cinq ans. En l'espèce, Mme [Z] disposait du bon de commande dès sa signature et l'absence de mentions qu'elle dénonce n'était pas dissimulée.

A titre superfétatoire, il convient de relever que ce délai n'emporte aucune atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus de deux fois plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.

Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle qui n'était donc recevable que jusqu'au 26 avril 2015 inclus, cette action est prescrite et Mme [Z] est irrecevable à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que cette demande de nullité formelle était irrecevable.

S'agissant de la demande en nullité pour dol, commis par le vendeur c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle Mme [Z] a pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point du délai du délai de prescription.

Dès lors qu'elle invoque des réticences dolosives quant aux caractéristiques de l'installation, de l'absence de présentation de la rentabilité de celle-ci, de la présentation du contrat comme sans grande conséquence, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle elle a eu connaissance de ces éléments invoqués comme dolosifs et où elle a pu réaliser l'erreur qui aurait été provoquée. Elle a connu les caractéristiques du bien dès son installation et a reçu la facture détaillée le 24 septembre 2010. Il résulte de ses propres écritures dans lesquelles elle se plaint de la faiblesse des productions depuis 2011 et produit un tableau les reprenant avec les montants en KWh et en euros depuis le 02 décembre 2011 qu'elle connaissait cette production et donc la rentabilité effective de son installation plus de cinq ans avant d'assigner le vendeur et le prêteur et ce sans avoir aucunement besoin de l'« expertise mathématique et financière » au demeurant non contradictoire établie par M. [U] dont les qualifications ne sont ni mentionnées ni justifiées, qui procède à des calculs de rentabilité financière à partir de données de production solaire dont l'exactitude ne peut avoir été débattue et la source est inconnue, et prend en outre pour acquis qu'il y aurait une promesse d'autofinancement. Enfin s'agissant de la présentation du contrat comme sans grande conséquence, à supposer ce point établi, le dol supposé a nécessairement été découvert lors de la signature du contrat de crédit et l'appel de la première mensualité du crédit destiné à financer l'installation est antérieure de beaucoup plus de cinq ans par rapport à l'assignation.

Dès lors cette demande en nullité pour dol est également prescrite, le jugement devant être confirmé sur ce point.

Sur l'action contre la banque

1- en lien avec la validité des contrats

En application de l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, le contrat de crédit affecté n'est anéanti que si le contrat principal est résolu ou annulé. Dès lors que l'action en nullité de la vente est prescrite, la demande en nullité du contrat de crédit ne peut prospérer. Elle doit être déclarée irrecevable.

2- au titre d'une faute

Le premier juge a retenu une prescription de toute l'action mais n'a pas développé de moyen de prescription à ce sujet et a répondu uniquement sur le fond. La cour ne saurait donc soulever de son propre chef la prescription de ces demandes, l'article 2247 du code civil le lui interdisant.

Dès lors que le contrat de vente et crédit ne sont pas annulés, ils se poursuivent et la demande en paiement en raison de la « privation de la créance de restitution » est sans objet puisqu'il n'y a pas de créance de restitution.

Mme [Z] impute à la banque une faute dans le déblocage des fonds sans vérification de la validité du bon de commande.

La question du déblocage des fonds sur la base d'un contrat nul présuppose que soit acquise la nullité du contrat ce qui n'est pas le cas, la prescription de cette demande étant acquise. Cette demande doit donc être rejetée.

Mme [Z] fait encore valoir que le déblocage des fonds a été réalisé sur la foi d'un document insuffisamment précis ne permettant pas de vérifier le bon fonctionnement du matériel, ni, plus largement, la bonne exécution des prestations.

Toutefois dès lors que le matériel installé fonctionne et produit de l'électricité, elle ne justifie d'aucun préjudice à cet égard.

Mme [Z] impute également à la banque un manquement à son devoir de conseil sur l'opportunité économique du projet et à son devoir de mise en garde.

La banque n'a pas de devoir de conseil quant à l'opportunité économique du projet qu'elle finance. Son devoir de mise en garde ne porte que sur le risque d'endettement. Toutefois, Mme [Z] qui ne produit pas de pièce relative à sa situation financière n'établit aucun risque d'endettement excessif et ne démontre pas avoir des difficultés financières pour rembourser le crédit.

Mme [Z] demande encore condamnation de la banque à l'indemniser de son préjudice moral faisant valoir qu'elle en a incontestablement subi un, notamment du fait de la prise de conscience d'avoir été dupé par le vendeur et de s'être engagée dans un système qui la contraint sur de nombreuses années, compte tenu de la non-réalisation des performances et du rendement annoncés par le vendeur.

Cette demande qui se fonde sur des éléments prescrits, est formée contre la banque alors que les agissements dénoncés ne sont pas ceux de cette dernière. Elle doit donc être déboutée sur ce point et le jugement confirmé à cet égard.

3- Au titre de la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Mme [Z] demande en tout état de cause à la cour de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la banque et de condamner celle-ci à lui rembourser l'ensemble des intérêts versés par elle au titre de l'exécution normale du contrat de prêt affecté en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée et de lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé desdits intérêts et dans le corps de ses écritures soutient à titre subsidiaire que la déchéance du droit aux intérêts contractuels est encourue car'la banque :

- a manqué à son devoir d'explication de l'article L. 312-14 du code de la consommation et à son devoir de conseil et de mise en garde,

- a manqué à son obligation d'information pré-contractuelle,

- n'a pas délivré un contrat conforme puisqu'il ne stipule ni le montant total du contrat de crédit affecté avec intérêts et assurance tel que défini par l'article L. 311-1 du code de la consommation, ni l'objet exact du financement, dès lors qu'il se contente d'indiquer « pompe à chaleur / installation photovoltaïque », éléments insuffisants pour permettre à la banque de connaître le matériel ainsi que ses caractéristiques essentielles,

- devra justifier de la consultation et de la réponse du FICP, d'une analyse complète de sa solvabilité et de ce que le crédit a été distribué par un professionnel qualifié, compétent, donc formé.

Il a déjà été spécifiquement répondu au devoir de conseil et de mise en garde qui se résout en dommages et intérêts et non en une déchéance du droit aux intérêts contractuels à la différence des autres points soulevés.

La cour relève que le jugement ne fait nullement état de cette demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels et dès lors la cour soulève d'office en application de l'article 564 du code de procédure civile la question de la recevabilité de cette demande et des demandes subséquentes, Mme [Z] étant invitée à faire valoir ses observations à ce sujet comme prévu au dispositif.

Sur les autres demandes

Les autres demandes sont réservées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire en premier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la jonction sous le numéro 11 22-307 des affaires enrôlées sous les numéros 11 22-307 et 11 22-891, donné acte à Mme [K] [Z] née [L] de ce qu'elle se désistait de des prétentions à l'encontre de la société GSE Intégration, déclaré l' action en nullité de la vente irrecevable comme prescrite ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la demande de nullité du contrat de crédit'irrecevable ;

Rejette les demandes en paiement de Mme [K] [Z] née [L] dirigées contre la société Franfinance des sommes de 21 490 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution, de 34 699,08 euros correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés par elle à la banque en exécution du prêt souscrit et de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Avant dire droit sur la demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la banque et de condamner celle-ci à lui rembourser l'ensemble des intérêts versés par elle au titre de l'exécution normale du contrat de prêt affecté en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée et de lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé desdits intérêts ;

Soulève d'office sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, le moyen tiré de la recevabilité de la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels et de la demande subséquente de condamnation de la société Franfinance à verser à Mme [K] [Z] née [L] l'ensemble des intérêts versés par elle au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement et de lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts ;

Ordonne la réouverture des débats, dans la limite du moyen soulevé d'office ;

Invite Mme [K] [Z] née [L] à faire valoir ses observations sur le moyen soulevés d'office et à produire toutes pièces utiles, avant le 12 décembre 2025 ;

Renvoie l'affaire à l'audience du 6 janvier 2026 à 9h30 pour plaider ;

Réserve les dépens et la question des frais irrépétibles.

La greffière La présidente

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