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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 23 septembre 2025, n° 25/00262

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 25/00262

23 septembre 2025

COUR D'APPEL

D'[Localité 10]

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/ET

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 25/00262 - N° Portalis DBVP-V-B7J-FNYX

Jugement du 22 Janvier 2025

Tribunal de Commerce d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2024009461

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

S.A.R.L. G.H.F. prise en la personne de Monsieur [E] [M], en qualité de représentant légal dont le domicile est sis [Adresse 9]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Alexandre BEAUMIER, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 25GHF008

INTIMES :

MINISTERE PUBLIC

Parquet Général - Cour d'Appel

Palais de Justice

[Localité 7]

Représenté par M. Hervé DREVARD, avocat général, près la Cour d'Appel d'ANGERS

S.E.L.A.R.L. LEX MJ, en qualité de « Mandataire liquidateur » de la société « GHF », elle-même représentée par Maître [F] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire

[Adresse 1]

[Localité 6]

N'ayant pas constitué avocat,

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 24 Juin 2025 à 14 H 00, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M.CHAPPERT, conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

Greffière lors du prononcé : Mme TAILLEBOIS

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté par M. Hervé DREVARD, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 23 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

La société (SARL) GHF exerce une activité principale d'aménageur, lotisseur, constructeur, marchand de biens, d'administration et d'exploitation par bail de tous biens immobiliers. Son siège social était situé [Adresse 5] [Localité 11] (49).

Son attention s'étant portée sur la situation de la SARL GHF, le procureur de la République d'Angers a saisi, par requête, le président du tribunal de commerce d'Angers, sur le fondement des articles L. 631-1 et suivants, R. 631-4, R. 631-5, L. 640-1, R. 640-1 et suivants du code de commerce, sollicitant à titre principal, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, et à titre subsidiaire, d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL GHF.

Par acte de commissaire de justice du 20 septembre 2024, pris en exécution d'une ordonnance du président du tribunal de commerce d'Angers, le greffe dudit tribunal a fait citer la SARL GHF à comparaître à l'audience du 23 octobre 2024, pour qu'elle présente ses observations sur sa situation financière et sur l'éventuelle ouverture à son égard d'une procédure de redressement ou liquidation judiciaire.

La SAS GHF n'était ni présente ni représentée, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 22 janvier 2025 à laquelle elle était encore défaillante.

Compte tenu de l'absence à l'audience de la SARL GHF, le ministère public a sollicité une liquidation judiciaire directe.

Par jugement réputé contradictoire du 22 janvier 2025, le tribunal de commerce d'Angers a :

- constaté la cessation des paiements de la société SARL GHF, aménageur, lotisseur, constructeur, marchand de biens, administration et exploitation par bail de tous biens immobiliers, [Adresse 4], siren : 448 851 592,

- prononcé la liquidation judiciaire immédiate,

- dit qu'il sera fait application des articles L. 641-1 et suivants du code de commerce,

- fixé en l'état la date de cessation des paiements au 22 janvier 2025,

- désigné M. [N] [K] en qualité de juge-commissaire,

- nommé la SELARL LEX MJ, prise en la personne de Maître [F] [B], [Adresse 2], en qualité de liquidateur judiciaire,

- désigné en qualité de chargé d'inventaire : SELARL [G] - [D] prise en la personne de Maître [L] [G] avec mission de réaliser l'inventaire et la prisée des biens meubles du débiteur prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce,

- fixé à quatorze jours le délai pour dresser et déposer l'inventaire auprès du greffe, à charge pour le chargé d'inventaire d'en remettre copie aux organes de la procédure ; dit que ce délai passé, le mandataire saisira le juge commissaire,

- désigné, en cas de besoin, le président de la chambre départementale des notaires avec faculté de substitution, pour réaliser la prisée des biens immobiliers du débiteur,

- dit que, conformément à l'article L. 621-4 du code de commerce, le comité social et économique est invité à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise et qu'en l'absence de comité social et économique, les salariés éliront leur représentant, et que lorsque aucun représentant des salariés ne peut être désigné ou élu, un procès-verbal de carence est établi par le chef d'entreprise,

- dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence, sera immédiatement déposé au greffe,

- fixé le délai d'établissement de la liste des créances à 12 mois à compter de la date de parution au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure collective conformément à l'article L. 624-1 du code de commerce,

- fixé à deux ans le délai au terme duquel la clôture devra être examinée, conformément à l'article L. 643-9 du code de commerce,

- dit que le présent jugement sera signifié par le greffe au débiteur, conformément aux dispositions de l'article R. 641-6 du code de commerce, et communiqué aux personnes visées à l'article R. 621-7 du code de commerce,

- ordonné les mesures de publicité légales,

- dit que l'exécution provisoire est de droit,

- employé les dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Le tribunal de commerce a constaté qu'au vu des pièces versées par le ministère public, la SARL GHF présentait pour les bilans 2009 à 2021, des capitaux propres négatifs et des pertes aux bilans de 2009 à 2016 ; que régulièrement les convocations de la cellule prévention adressée en recommandé revenaient avec la mention 'inconnu'. Il a retenu qu'il ne pouvait que prendre acte de la nouvelle absence de la SARL GHF à l'audience et de l'impossibilité pour le commissaire de justice de la retrouver elle ou ses dirigeants, les citations étant faites selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile ; qu'il convenait de constater l'état de cessation des paiements et l'impossibilité manifeste de tout redressement et de prononcer la liquidation judiciaire conformément aux articles L. 640-1 et suivants du code de commerce.

Par déclaration du 14 février 2025, la SARL GHF a formé appel de ce jugement en attaquant chacune de ces dispositions.

Bien que s'étant vue signifier la déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai par acte de commissaire de justice du 2 avril 2025 (remis à personne habilitée), puis les conclusions de l'appelante par acte de commissaire de justice du 11 avril 2025, la SELARL LEX MJ ès qualités n'a pas constitué avocat.

Par lettre du 23 avril 2025 adressée au premier président de la cour d'appel d'Angers, Mme [F] [B], en qualité de liquidateur judiciaire, a précisé que le délai accordé aux créanciers pour déclarer leurs créances avait expiré le 28 mars 2025 et qu'elle n'avait été destinataire d'aucune déclaration.

Par ordonnance de référé du 7 mai 2025, le premier président de la cour d'appel d'Angers, faisant droit à la demande de la SARL GHF, a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 22 janvier 2025 par le tribunal de commerce d'Angers, a laissé les dépens à la charge du Trésor public.

La SARL GHF et le ministère public ont conclu.

Une ordonnance du 23 juin 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire, conformément à l'avis adressé aux avocats et au procureur général le 4 juin 2025, après révocation de l'ordonnance rendue le 2 juin 2025 faite par mention au dossier.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL GHF demande à la cour de:

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* constaté la cessation des paiements de la société SARL GHF, aménageur, lotisseur, constructeur, marchand de biens, administration et exploitation par bail de tous biens immobiliers, [Adresse 4], siren : 448 851 592,

* prononcé la liquidation judiciaire immédiate,

* dit qu'il sera fait application des articles L. 641-1 et suivants du code de commerce,

* fixé en l'état la date de cessation des paiements au 22 janvier 2025,

* désigné M. [N] [K] en qualité de juge-commissaire,

* nommé la SELARL LEX MJ, prise en la personne de Maître [F] [B], [Adresse 2], en qualité de liquidateur judiciaire,

* désigné en qualité de chargé d'inventaire : SELARL [G] - [D] prise en la personne de Maître [L] [G] avec mission de réaliser l'inventaire et la prisée des biens meubles du débiteur prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce,

* fixé à 14 jours le délai pour dresser et déposer l'inventaire auprès du greffe, à charge pour le chargé d'inventaire d'en remettre copie aux organes de la procédure ; dit que ce délai passé, le mandataire saisira le juge commissaire,

* désigné, en cas de besoin, le président de la chambre départementale des notaires avec faculté de substitution, pour réaliser la prisée des biens immobiliers du débiteur,

* dit que, conformément à l'article L. 621-4 du code de commerce, le comité social et économique est invité à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise et qu'en l'absence de comité social et économique, les salariés éliront leur représentant, et que lorsque aucun représentant des salariés ne peut être désigné ou élu, un procès-verbal de carence est établi par le chef d'entreprise,

* dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence, sera immédiatement déposé au greffe,

* fixé le délai d'établissement de la liste des créances à 12 mois à compter de la date de parution au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure collective conformément à l'article L. 624-1 du code de commerce,

* fixé à 2 ans le délai au terme duquel la clôture devra être examinée, conformément à l'article L. 643-9 du code de commerce,

* dit que le présent jugement sera signifié par le greffe au débiteur, conformément aux dispositions de l'article R. 641-6 du code de commerce, et communiqué aux personnes visées à l'article R. 621-7 du code de commerce,

* ordonné les mesures de publicité légales,

* dit que l'exécution provisoire est de droit,

* employé les dépens en frais privilégiés de procédure collective ;

statuant à nouveau,

- déclarer qu'il n'y a pas lieu à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire vis à vis d'elle-même ;

en tout état de cause,

- débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes contraires,

- condamner le ministère public à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le ministère public aux entiers dépens outre les éventuels frais d'exécution.

L'appelante expose qu'elle n'a pas mis à jour son siège social dans ses statuts, ce qui ne lui a pas permis d'être jointe par les convocations du tribunal. Elle soutient qu'elle ne pouvait être placée en liquidation judiciaire alors que les conditions de l'article L. 640-1 du code de commerce ne sont pas remplies. Elle conteste se trouver en état de cessation des paiements au vu de ses bilans financiers pour les années 2021 à 2023, dont elle estime qu'il s'évince que si ses capitaux propres sont négatifs, pour autant elle présente un bilan annuel à zéro euro, l'actif et le passif se compensant. Elle remarque que le tribunal a constaté que le pertes figuraient aux bilans entre 2009 et 2016 mais plus après.

Le ministère public demande à la cour de :

- déclarer recevable l'appel interjeté pour le compte de la SARL GHF le 14 février 2025 et enregistré au greffe de la cour d'appel d'Angers le 17 février 2025, à l'encontre du jugement du tribunal de commerce d'Angers en date du 22 février 2025 ayant, notamment, prononcé la liquidation judiciaire immédiate de cette SARL,

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions.

Le ministère public constate que la SARL GHF a reconnu avoir omis de déclarer le changement d'adresse de son siège social, que le liquidateur judiciaire a indiqué n'avoir été destinataire d'aucune déclaration de créances en temps utiles et qu'il n'intervenait pas à la présente procédure, que le tribunal n'a évoqué aucun passif exigible ni l'actif disponible de la SARL GHF. Il en déduit que la preuve d'un état de cessation des paiements que ce soit à la date du jugement ou à ce jour, n'est pas rapportée.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 9 avril 2025 pour la SARL GHF,

- le 5 juin 2025 pour le ministère public.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Parmi les deux conditions posées par l'article L. 640-1 du code de commerce pour qu'un débiteur puisse être placé en liquidation judiciaire figure en premier lieu celle tenant à son état de cessation des paiements, lequel se définit, selon l'article L. 631-1 du code du commerce, comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

L'état de cessation des paiements se distingue ainsi de l'insolvabilité, de la gêne momentanée ou de la poursuite d'une activité déficitaire. Des capitaux propres négatifs ne suffisent pas à le caractériser.

Dans le cas présent, le tribunal par les motifs qui ont été exposés ci-dessus pour justifier l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société GHF n'a pas caractérisé l'état de cessation des paiements de cette société.

Des pièces remises à la cour il ressort, d'une part des derniers bilans comptables produits correspondant aux exercices clos au 31 décembre 2021, 2022 et 2023, que si les capitaux propres de la société GHF sont restés négatifs et si elle n'a perçu aucun produit d'exploitation, ses résultats nets comptables ont néanmoins été positifs et aucun élément ne permet de savoir si les dettes figurant aux bilans étaient alors exigibles ni dans quelle proportion les créances inscrites aux bilans étaient disponibles, d'autre part, que le mandataire liquidateur n'a reçu aucune déclaration de créance dans le délai légal imparti. Il en résulte qu'il n'est démontré aucun passif exigible, de sorte que l'état de cessation des paiements de la société GHF n'étant pas caractérisé, le jugement sera infirmé.

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la société GHF qui, par sa négligence fautive, n'a pas répondu à la convocation du président du tribunal de commerce, a été défaillante en première instance et n'a pas de ce fait donné au tribunal l'éclairage nécessaire sur sa situation financière réelle.

Pour ce même motif, la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par la société GHF sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective de la société GHF.

Condamne la société GHF aux dépens de première instance et d'appel.

Rejette la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par la société GHF.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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