CA Paris, Pôle 6 - ch. 12, 26 septembre 2025, n° 21/05009
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 26 Septembre 2025
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/05009 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZQ7
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2021 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 13] RG n° 19/10180
APPELANTE
Madame [E][P] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Abderamane DEMMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0461
INTIMEES
[18] venant aux droits de la [8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0408 substitué par Me Kévin BOUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre
Mme Carine TASMADJIAN, préisdente de chambre
Mme Sandrine BOURDIN, conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [G] [N] d'un jugement rendu le 4 mai 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à la [5].
EXPOSÉ DU LITIGE
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que la [8] a signifié une contrainte le 17 mai 2019 à Mme [G] [N], pour le recouvrement de la somme de 2 102,34 € dont 1 921,25 € de cotisations pour la période du ler janvier 2016 au 31 décembre 2017 et 181,09 € au titre des majorations de retard, suite à la mise en demeure du 26 août 2018, réceptionnée signée le 30 août 2018 portant sur le même montant. Suivant recours enregistré le 29 mai 2019, Mme [N] a formé opposition à la contrainte devant le pôle social du tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 4 mai 2021 rendu en dernier ressort, le tribunal a :
- dit Mme [N] recevable mais mal fondée en son recours,
- validé la contrainte du 12 avril 2019 en son montant de 2 102,34 € dont 1 921,25 € de cotisations pour la période du 1er janvier 2016 au 3l décembre 2017 et 181,09 € au titre des rnajorations de retard, et ce en deniers et quittances,
- rejeté toutes autres demandes des parties,
- invité Mme [N] à solliciter la remise des majorations de retard après paiement du seul principal, le cas échéant après accord de paiement échelonné,
- rappelé que 1'exécution provisoire est de droit,
- rejeté les demandes des parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens et frais de signification et de recouvrernent de la contrainte sont à la charge de Mme [N].
Le 3 juin 2021, Mme [N] a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été appelée à l'audience de la cour le 8 janvier 2025 et renvoyée contradictoirement au 25 juin 2025, avec un calendrier de procédure.
A cette dernière audience, le conseil de Mme [N] requiert le rejet des conclusions n° 3 de l'URSSAF, au motif qu'elles avaient été adressées en violation du calendrier de procédure et la veille de l'audience en violation du principe du contradictoire.
L'URSSAF s'oppose à ce rejet, indiquant avoir parfaitement respecté le calendrier de procédure, et ne s'opposant pas à une éventuelle demande de renvoi si c'était le souhait de l'appelante. Elle ajoute que si ses conclusions n°3 étaient rejetées, elle complèterait à l'oral sa réponse au moyen d'irrecevabilité de son intervention au lieu et place de la [8].
Le conseil de Mme [N] indique vouloir retenir le dossier à l'audience, et s'opposer à tout renvoi. La cour a donc retenu le dossier.
Au terme de ses conclusions récapitulatives n° 2, reprises oralement par son conseil, Mme [G] [N] demande à la cour, de :
In limine litis :
- déclarer l'URSSAF dépourvue de droit d'agir en lieu et place de la [8] dans la présente instance,
- déclarer l'URSSAF irrecevable en ses prétentions dans la présente instance,
A titre principal, si par extraordinaire la cour venait à considérer que l'URSSAF disposait d'un droit d'agir en lieu et place de la [8] dans la présente procédure, il est demandé à la cour de céans de :
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
' débouté l'appelante de sa demande tendant à déclarer sans effet la contrainte qui lui a été signifiée le 12 avril 2019,
' débouté l'appelante de sa demande de dommages-intérêts,
En conséquence :
- dire n'y avoir lieu à l'affiliation de l'opposante à contrainte auprès de la [8],
- en conséquence, dire que la contrainte qui lui a été signifiée au titre des cotisations vieillesse pour les années 2016 et 2017 est sans objet et donc sans effet,
- condamner la [8] à lui verser la somme de 7 000 € au titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil pour affiliation tardive,
- condamner la [8] à lui payer dont distraction à son conseil, Me Demmane la somme de 3 000 € au titre de particle 700 alinéa 2 du code de procédure civile, Me Demmane renonçant alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour de céans venait à considérer que l'affiliation de l'appelante à la [8]était justifiée, il est demandé :
- d'annuler la contrainte en ce qu'el1e est entâchée de plusieurs irrégularités,
- en conséquence, dire qu'il n'y a pas lieu à règlement d'aucune sorte au titre de la contrainte litigieuse qui lui a été signifiée,
A titre infiniment subsidiaire :
- dire, en raison de l'absence de production, par la [8], d'éléments établissant que cette dernière aurait été informée de l'existence d'une déclaration commune de revenus pour l'année 2015, que l'affiliation opérée par la [8]sur cette base ne saurait rétroagir à compter du 1er janvier 2016 comme opérée par l'organisme,
- dire en conséquence que les cotisations vieillesse appelées de ce fait ne sauraient 1'être
pour la période antérieure au 1er janvier 2017,
- en conséquence, cantonner l'appe1 des cotisations vieillesse à la seule année 2017,
- ordonner, conformément aux dispositions de particle 1348 du code civil, la compensation judiciaire entre la créance dont se prévaut la [8] et la demande formulée par l'appelante au titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil.
Au terme de ses conclusions écrites n° 2, reprises oralement par son conseil, l'[19] disant venir aux droits de la [8], sollicite de la cour, de :
A titre principal ' :
- déclarer irrecevable l'appel interjeté par Mme [N],
avec ajout des conclusions n° 3 repris à l'audience,
A titre liminaire :
- juger de la bonne qualité à agir de l'URSSAF venant aux droits de la [8],
A titre subsidiaire ' :
- valider la contrainte du 12/04/2019 en son entier montant, délivrée à Mme [N] pour la période du 01/01/2017 au 31/12/2017 à hauteur de 2 102,34 € représentant les cotisations (1 921,25 €) et les majorations de retard (181,09 €),
- en tant que de besoin, dire et juger que la contrainte produira tous ses effets exécutoires,
- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à verser à la [9]la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager,
- la condamner au paiement des frais de recouvrement conformément aux articles R 133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
- Sur la recevabilité des conclusions n°3 de l'URSSAF
Le conseil de Mme [N] a requis le rejet des conclusions n° 3 de l'URSSAF, au motif qu'elles avaient été adressées en violation du calendrier de procédure et la veille de l'audience, en violation du principe du contradictoire.
L'URSSAF s'est opposée à ce rejet, indiquant avoir parfaitement respecté le calendrier de procédure, et a suggéré un éventuel renvoi si c'était le souhait de l'appelant.
Il sera observé qu'à l'audience du 8 janvier 2025, un calendrier de procédure a été fixé, enjoignant à la [8] de conclure pour le 15 février 2025, et à Mme [N], de répondre pour le 30 mars 2025.
En réalité, l'[19] disant venir aux droits de la [8] a adressé ses conclusions par message rpva du 13/02/2025, Mme [N] y a répondu par conclusions récapitulatives n° 2 envoyées par message du 29 mars 2025. Dans les deux cas, les parties ont conclu la veille de la date limite, et la cour n'avait pas prévu d'autres dates.
Si l'URSSAF a effectivement répondu aux dernières conclusions de Mme [N], seulement la veille de l'audience, il sera relevé que dans les conclusions récapitulatives n° 2 de Mme [N], celle-ci soulevait pour la première fois, la question de la recevabilité de l'URSSAF intervenant au nom de la [8], ce qui amenait nécessairement l'URSSAF à y répondre, soit par de nouvelles conclusions écrites avant l'audience ou orales à l'audience.
Par ailleurs, le jour de l'audience, le conseil de Mme [N] refusait toute demande de renvoi de l'affaire.
En conséquence, il ne peut être retenu de violation du principe du contradictoire, le moyen d'irrecevabilité tiré de la tardiveté des conclusions n° 3 de l'URSSAF sera donc rejeté.
- Sur la recevabilité de l'URSSAF intervenant au nom de la [8]
Au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile, Mme [N] fait valoir qu'en première instance, le présent litige l'opposait à la [8], qu'elle a interjeté appel à l'encontre de cette dernière et qu'alors que la [8] est toujours un organisme habilité à recouvrer des cotisations sociales, l'URSSAF a cru à tort se substituer à elle. Elle ajoute que l'intimée se prévaut d'un texte légal qui ne trouve pas à s'appliquer au présent cas d'espèce et ne concerne que les procédures de recouvrement forcées et que même s'il en était autrement, la loi d'habilitation ne lui permettrait pas de substituer la [8] dans les procédures.
L'URSSAF s'oppose à ce moyen d'irrecevabilité, soutenant que l'article 12-111-C de la loi n° 2021- 1754 du 23 décembre 2021 lui donne compétence pour assurer le recouvrement des otisations sociales et dettes antérieures à 2023 des travailleurs indépendants libéraux qui relevaient de la [8], que si Mme [N] prétend que son activité libérale ne rentre pas dans ce champ, il s'agit d'un problème de fond, alors que depuis le 1er janvier 2023, seules les [17] et [7] se voient confier par la loi de financement de la sécurité sociale la responsabilité de l'ensemble de ce recouvrement, au sein d'un département dédié, le [10], même pour les dossiers en cours.
L'article 31 du code de procédure civile dispose : L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seuls personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 32 poursuit : Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue de droit d'agir.
En application de l'article 12 de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021,
III.C.-Les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale assurent, à compter du 1er janvier 2023, le recouvrement des cotisations et l'acquittement des dettes afférentes aux périodes antérieures, pour le compte de la section professionnelle compétente pour les psychothérapeutes, psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes, ostéopathes, chiropracteurs et diététiciens mentionnés au 1° de l'article L. 640-1 du même code ainsi que pour les experts devant les tribunaux, les experts automobile et les personnes bénéficiaires de l'agrément prévu à l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles mentionnés au 2° de l'article L. 640-1 du code de la sécurité sociale et les professions mentionnées aux 3°, 4° et 6° à 8° du même article L. 640-1.
Un décret prévoit, pour la période du 1er janvier 2022 au 30 juin 2023, les modalités d'organisation des travaux conduits par les deux organismes et la section professionnelle susmentionnés pour le transfert de ces compétences.
Le décret n°2023-148 du 02/03/2023 en son article 3 précise :
I. - [Localité 12] de recouvrement de l'Ile-de-France est compétente pour le recouvrement de l'ensemble des cotisations et dettes mentionnées au premier alinéa du C du III de l'article 12 de la loi du 23 décembre 2021 susvisée selon les règles et sous les garanties et sanctions qui leur étaient applicables avant le 1er janvier 2023.
En l'espèce, le tribunal a été saisi d'une opposition à contrainte signifiée le 17 mai 2019 à Mme [N], traductrice formatrice, par la [8] pour le recouvrement de cotisations et majorations de retard pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.
Peu importe, au stade de la question de la recevabilité des écritures de l'[19], que Mme [N] conteste devoir les cotisations qui lui sont réclamées, puisque l'URSSAF avait bien compétence de part la loi et le décret précité pour intervenir devant la cour à compter du 1er janvier 2023, pour le recouvrement de celles-ci.
En conséquence, l'intervention de l'[19] aux lieu et place de la [8] sera déclarée recevable.
- Sur la recevabilité de l'appel
Au visa des articles 35 et 39 du code de procédure civile, Mme [W] soutient que son appel est parfaitement recevable en ce que sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts est fondée exclusivement sur la demande principale, s'entend d'une demande qui, sans l'existence de celle-ci, n'aurait plus de base et ne serait pas susceptible d'être présentée isolément ni de faire l'objet d'une action distincte, et qu'il pourrait aussi s'agir de demandes connexes.
Se fondant sur l'article R. 211-3-25'du code de l'organisation judiciaire, l'URSSAF fait valoir que la contrainte litigieuse portait sur la somme totale de 2 102,34 € inférieure au taux de ressort fixé à 5 '000 €, qu'en première instance, Mme [N] n'a pas formulé d'autre demande que celle visant à annuler la contrainte et que c'est donc logiquement que le pôle social de [Localité 13] a rendu un jugement en dernier ressort, de sorte que l'appel est irrecevable.
L'article R. 211-3-25'du code de l'organisation judiciaire prévoit : Dans les matières pour lesquelles il a compétence exclusive, et sauf disposition contraire, le tribunal judiciaire statue en dernier ressort lorsque le montant de la demande est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros.
L'article L. 311-1 du même code dispose en outre que la cour d'appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d'autres juridictions, des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort et statue souverainement sur le fond des affaires.
L'article 536 du code de procédure civile ajoute que : La qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours. Si le recours est déclaré irrecevable en raison d'une telle inexactitude, la décision d'irrecevabilité est notifiée par le greffe à toutes les parties à l'instance du jugement. Cette notification fait courir à nouveau le délai prévu pour l'exercice du recours approprié.
Le taux de ressort est déterminé par la demande principale, à l'exception des demandes accessoires relatives aux frais irrépétibles.
L'article 35 du code de procédure civile dispose : Lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément. Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions.
L'article 36 ajoute : Lorsque des prétentions sont émises, dans une même instance et en vertu d'un titre commun, par plusieurs demandeurs ou contre plusieurs défendeurs, la compétence et le taux du ressort sont déterminés pour l'ensemble des prétentions, par la plus élevée d'entre elles.
Ces deux premiers textes ne sauraient recevoir application dans la mesure où, si c'est bien Mme [N] qui a saisi le tribunal, l'opposition à contrainte reste une demande en paiement de la caisse et Mme [N] y est donc défenderesse.
L'article 37 précise encore : Lorsque la compétence dépend du montant de la demande, la juridiction connaît de toutes interventions et demandes reconventionnelles et en compensation inférieures au taux de sa compétence alors même que, réunies aux prétentions du demandeur, elles l'excéderaient.
Selon l'article 38, lorsqu'une demande incidente est supérieure au taux de sa
compétence, le juge, si une partie soulève l'incompétence, peut soit ne statuer que sur la demande initiale, soit renvoyer les parties à se pourvoir pour le tout devant la juridiction compétente pour connaître de la demande incidente. Toutefois, lorsqu'une demande reconventionnelle en dommages-intérêts est fondée exclusivement sur la demande initiale, le juge en connaît à quelque somme qu'elle s'élève.
Or il ne s'agit pas ici de taux de compétence comme dans ces deux articles, mais de taux de ressort.
Enfin, l'article 39 prévoit : Sous réserve des dispositions de l'article 35, le jugement n'est pas susceptible d'appel lorsque aucune des demandes incidentes n'est supérieure au taux du dernier ressort. Si l'une d'elles est supérieure à ce taux, le juge statue en premier ressort sur toutes les demandes. Il se prononce toutefois en dernier ressort si la seule demande qui excède le taux du dernier ressort est une demande reconventionnelle en dommages-intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale.
Encore l'article 70 qui définit les demandes connexes mentionne : Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Cependant, ce texte porte sur la recevabilité de la demande et non sur ses conséquences sur le taux de ressort.
Suivant recours enregistré le 29 mai 2019, Mme [N] a formé opposition à la contrainte devant le pôle social du tribunal judiciaire de Paris en contestant notamment son affiliation à la [8].
Ainsi que l'a rappelé le tribunal, la demande de 7 000 € à titre de dommages et intérêts était fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil, soit la faute de la caisse, se décomposant en une somme de 6 000 € au titre du préjudice subi durant la période prescrite (2008 à 2011) étant dans I'impossibilité de procéder au rachat de période de cotisations vieillesse pour cette période et 1 000 € au titre de son préjudice moral à partir de .janvier 2012 jusqu'au ler janvier 2017, date d'affiliation d'autorité par la [8].
Or, la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour l'absence d'affiliation aurait tout à fait pu être présentée isolément dans le cadre d'une mise en cause de la responsabilité de la caisse, et ainsi faire l'objet d'une action distincte.
Dès lors, supérieure à 5 000 €, elle ne justifiait pas la qualification de dernier ressort au sens de l'article 39 précité. Le jugement entrepris était donc susceptible d'appel, lequel doit être déclaré recevable.
- Sur le principe de l'affiliation de Mme [N]
Pour s'y opposer, Mme [N] fait valoir
- que l'affiliation imposée d'autorité en 2017 avec rétroactivité en 2016 est particulièrement tardive puisqu'elle a créé son activité professionnelle le 7 avril 2008 et que durant près de 10 ans, la [8] ne s'est pas manifestée et qu'elle réglait ses cotisations auprès de l'URSSAF et du [16],
- qu'elle n'a pu effectuer une déclaration d'activité non salariée auprès de la [8], faute d'avoir été avisée d'une telle obligation alors que les statuts régissant la [8] n'évoquent aucunement une obligation à la charge de l'assuré,
- que son activité de traductrice - interprète est exclue du périmètre de gestion de la [8],
l'activité de formation n'étant qu'une composante de son activité et faisant déjà l'objet de versements de cotisations « vieillesse » auprès de l'IRCANTEC,
- que la part non salariée n'est que minoritaire dans son chiffre d'affaires annuel, et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 171-6-1 al.2 du code de la sécurité sociale, le régime d'affiliation est celui correspondant à l'activité principale de l'intéressé,
- que seules certaines professions limitativement énumérées par le législateur (CSS, art. L. 640-1), sont affiliées à la [8], liste de laquelle sont exclus les traducteurs/interprètes.
L'URSSAF au contraire fait valoir que Mme [N] aurait dû s'affilier à la [8] aux motifs que :
- la [8] assure, en application des articles L. 642-1 et L 642-5 du code de la sécurité
sociale, la gestion des trois régimes obligatoires des professions libérales, assurance vieillesse de base, retraite complémentaire et invalidité-décès,
- Mme [N] est affiliéé à la [8] depuis le 01/01/2016 du fait de son activité libérale de formatrice conformément aux articles R 641-1, 11° du code de la sécurité sociale et 1.3
des statuts de la [8],
- le fait que son activité de formateur ne soit qu'une composante de son activité n'a aucune incidence sur son obligation d'affiliation à la [8],
- la [8] n'a été informée de l'activité libérale de l'opposante et de son inscription
à l'URSSAF par la [6]qu'en 2017, d'où son affiliation rétroactive à compter du 01/01/2016, le recouvrement des cotisations antérieures à 2015 étant prescrit,
- ce n'est pas à la [8] de se rapprocher du professionnel libéral mais au professionnel
libéral de sa rapprocher de sa caisse en application de l'article R. 643-1 du code de la sécurité sociale, l'affiliation n'est pas le fait générateur des cotisations puisque l'obligation de cotiser naît de l'exercice de l'activité non salariée,
- Mme [N] n'apporte aucunement la preuve qu'elle cotiserait à un autre organisme que la [8] pour ses cotisations vieillesse liée à son activité libérale de formatrice, alors que
l'article L. 622-2 du code de la sécurité sociale l'oblige à cotiser aux trois régimes gérés par la [8],
- l'activité de traducteur/interprète est bien visée dans les statuts de la caisse.
L'article R. 643-1 du code de la sécurité sociale dispose : Toute personne qui commence ou cesse d'exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d'un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation. La date d'effet de l'immatriculation ou de la radiation est le premier jour du trimestre civil suivant le début ou la fin de l'activité professionnelle.'
L'article 1.4 des statuts de la [8] précise : Toute personne qui commence ou cesse d'exercer une activité énumérée à l'article 1.3 est tenue, en vertu de l'article R. 643-1 du code de la sécurité sociale, de la déclarer à la [8] dans le délai de 1 mois en vue de son immatriculation ou d sa radiation.
Il en résulte que comme le relève l'URSSAF, l'obligation d'immatriculation incombe à celui qui débute une activité libérale, et non aux caisses à le solliciter comme le prétend Mme [N]. S'agissant d'un système déclaratif, le moyen tiré de l'absence de sollicitations de la caisse et la tardiveté de sa réaction est donc inopérant.
Cela explique également la rétroactivité au 1er janvier 2016, compte tenu des effets de la prescription.
L'article L. 171-6-1en vigueur depuis le 1er janvier 2018 invoqué par Mme [N] prévoit:
Les personnes exerçant simultanément plusieurs activités professionnelles indépendantes sont affiliées et cotisent, dans des conditions fixées par décret, au régime d'assurance
vieillesse dont relève leur activité principale.
Or, ce texte n'est applicable que depuis le 1er janvier 2018 et que pour les cotisations vieillesse, alors que les cotisations appelées ici concernent l'ensemble des cotisations (vieillesse de base, retraite complémentaire et invalidité-décès) et de 2016 à 2018.
De plus, l'article 1.3 des statuts de la [8] dipose':
Sont affiliés à la [8] et tenus de cotiser aux trois régimes obligatoires et indissociables visés à l'article 1.2, les personnes qui exercent à titre libéral :
- les professions d'architecte, d'agréé en architecture, de conseil, de dessinateur technique ou projeteur, d'économiste du bâtiment, d'expert, de géomètre, d'ingénieur-conseil, d'interprète, de maître-d'oeuvre, de métreur, de psychologue, de technicien, de traducteur technique, de vérificateur, de vigile,
- ainsi que toute activité professionnelle non salariée non agricole, non commerciale ou non artisanale, et non rattachée à l'une des autres sections professionnelles visées à l'article R. 641-1 du code de la sécurité sociale.
Les fonctions d'interpète et de traducteur sont donc bien visées au titre des professions relevant du régime de la [8], de sorte que Mme [N] qui reconnaît exercer son activité à la fois à titre libéral et salariée devait s'y affilier pour ses activités libérales.
- Sur la régularité de la mise en demeure et de la contrainte au regard de l'étendue des obligations de la cotisante
Mme [N] soutient que la mise en demeure est manifestement entachée de nombreuses irrégularités la rendant donc inopérante, les informations y figurant n'étant pas de nature à permettre à l'appelante de connaître avec précision l'étendue de ses obligations, faute de préciser les trimestres concernés et les sommes prises en compte par la [8] afin de calculer le montant de ces cotisations et d'utiliser des formules incompréhensibles comme provisionnels. Elle ajoute que l'identité de chiffre avec la contrainte est insuffisante à considérer que la contrainte serait régulière en ce que la cotisante connaîtrait l'étendue de ses obligations.
L'URSSAF fait valoir que la mise en demeure et la contrainte permettaient à Mme [N] d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, la contrainte renvoyant à la mise en demeure pour le montant, la nature des cotisations, les majorations, et les périodes, et les deux portant sur les mêmes montants.
L'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale dispose que l'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
Ainsi, la mise en demeure et la contrainte doivent permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. Le renvoi explicite à la mise en demeure régulière adressée au cotisant constitue une motivation suffisante de la contrainte exigée de l'organisme social qui met ainsi le cotisant d'exercer ses droits. En outre, il sera rappelé que les mentions de l'assiette et du taux de cotisations n'ont pas à y figurer puisqu'elles résultent pour la première de la déclaration de revenus faites par le cotisant, et pour le second, de la loi.
En l'espèce, la contrainte du 12 avril 2019 renvoie expressément à la mise en demeure du
26 août 2018 dont elle reprend les montants de cotisations et majorations de retard.
Il y est notamment mentionné la nature des cotisations, les majorations de retard, leurs montants, et la période du 01/01/2016 au 31/12/2017. Il est donc facile d'en déduire les trimestres concernés. Le terme provisionnel renvoit aux cotisations appelées à titre provisionnel.
Ainsi, Mme [N] était parfaitement informée de ses obligations de cotisations.
- Sur la régularité de la signification de la contrainte
Rappelant les dispositions de l'article 693 et 659 du code de procédure civile, Mme [N] soutient que l'huissier de justice instrumentaire de la signification à contrainte a dressé un procès-verbal de recherches infructueuses après des diligences insuffisantes alors qu'elle justifie exercer à ladite adresse et être toujours inscrite au RCS, qu'une simple action sur les moteurs de recherches et sur le site d'annuaires téléphoniques suffit à constater que l'appelante existe effectivement à l'adresse indiquée et qu'elle a reçu à cette même adresse tous les courriers provenant de la [8], et lui a répondu de manière circonstanciée. Elle ajoute que le retard à récupérer l'acte lui a causé un grief, en désorganisant sa défense, l'obligeant à former une opposition avant de déposer un dossier d'aide juridictionnelle, la laissant dans l'incertitude de la décision et du conseil.
L'URSSAF s'oppose à ce moyen, indiquant que l'huissier s'est rendu sur place, a fait toutes diligences qui lui incombaient pour remettre l'acte et ajoute que Mme [N] a pu régulièrement et dans les délais organiser sa défense, ne subissant donc aucun grief dans le retard à récupérer l'acte.
L'article 654 du code de procédure civile pose le principe que la signification doit être faite à personne.
L'article 655 ajoute : Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Dans le cas présent, dans son exploit du le 17 mai 2019, et même si Mme [N] le conteste, l'huissier, agent assermenté, précise être intervenu au [Adresse 1] à [Localité 14], que sur place, le destinataire de l'acte était introuvable, que le gardien de l'immeuble lui aurait indiqué que le destinataire de l'acte lui était inconnu, que les recherches internet principalement depuis le moteur de recherche « GOOGLE » et sur le site des annuaires téléphoniques ne lui auraient pas permis de trouver la nouvelle adresse du destinataire de l'acte.
Il a donc établi un procès-verbal de recherches infructueuses dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, relatant ses vaines démarches pour trouver le destinataire.
Le moyen tiré de l'irrégularité de la signification sera rejeté.
- Sur la régularité de la signature apposée sur la contrainte
Des dispositions de l'article R. 133-4 du code de la sécurité sociale, Mme [N] déduit que la contrainte doit comporter sous peine de nullité, la signature manuscrite de l'agent habilité alors que rien ne justifie de l'exactitude de la signature et de la délégation de pouvoir.
Invoquant l'article 1316-4 du code civil, l'URSSAF répond que la signature du directeur a été insérée par un procédé informatique fiable, qu'elle n'a pas été apposée par un tiers, que la partie adverse n'apporte aucunement la preuve du contraire, que cette signature est sans incidence sur la validité de l'acte, que Mme [N] n'invoque aucun grief et que le signataire était bien le directeur de la caisse.
L'article R. 133-4 du code de la sécurité sociale que la contrainte doit être délivrée par le directeur de l'organisme intéressé ayant reçu délégation de pouvoirs.
L'article 1316-4 du code civil qui énonce': Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Or 'la signature numérisée du directeur qui a émis la contrainte n'est pas une cause de nullité de celle-ci, le procédé informatique d'émission des contraintes étant parfaitement fiable et assurant que la signature n'est pas celle d'un tiers. L'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte.
De plus, il est justifié de ce que le signataire, M. [M] a été nommé directeur de la [8] le 9 décembre 2015, ce qui lui conférait le pouvoir de signer la contrainte en litige.
Ce moyen sera donc écarté.
- Sur les montants réclamés à titre de cotisations, majorations, et pénalités
Mme [N] fait valoir que les montants appelés par la [8] au titre des années 2016 et 2017 sont erronés, qu'elle les a toujours contestés, qu'ils ne peuvent être antérieurs à son l'affiliation intervenue en 2017, que l'année 2016 doit être exclue, qu'il appartient à la [8] de justifier qu'elle n'était pas en possession de la déclaration de revenus pour l'année 2016, que l'assiette de calcul est fausse, que concernant le régime complémentaire,et s'agissant de sa première année d'affiliation, elle aurait dû bénéficier d'une réduction de 100% attribuée au nouvel affilié et qu'une première année d'activité en 2016 ne peut faire l'objet d'une régularisation en 2017. Subdiairement, elle demande la réduction du montant des cotisations et leur cantonnement à la somme de 1 377 € (pénalités et majorations incluses), aux motifs que la [8] ne s'est manifestée (pour la première fois) que le 8 juin 2017 auprès de l'appelante (soit près de 10 ans après le début de son activité !), que sa déclaration des revenus 2016 établie le 12 mai 2017 avait déjà été transmise par celle-ci aux organismes compétents, et que la [8] ne pouvait se prévaloir de la déclaration de 2015. Elle invoque l'article 9 du code de procédure civile pour dire que la [8] n'établit pas le contraire.
L'URSSAF s'oppose à ces moyens, soutenant que les cotisations de l'assurance vieillesse de base sont régies par les articles L. 642-1 et L 131-6-2 du code de la sécurité sociale, celles du régime de la retraite complémentaire et du régime de l'assurance invalidité-décès par les statuts de la [8], que la [8] s'est fondée sur les revenus déclarés par Mme [N] à l'URSSAF (7 496 €), qu'une réduction de 100 % lui a été attribuée en 2016 pour le régime complémentaire à titre de nouvel affilié, qu'une régularisation 2016 a été rendue exigible en 2017 au vu des véritables revenus 2016 (6 866 €), et que les cotisations appelées étant obligatoires, le défaut de paiement dans les délais fixés sur l'appel de cotisation entraîne l'application automatique de majorations de retard.
De la combinaison des articles L. 642-1et L 131-6-2 du code de la sécurité sociale, et des statuts de la [8], il résulte que les cotisations sont assises sur les revenus non-salariés de l'année en cours, appelée à titre provisionnel en fonction des revenus professionnels libéraux de l'avant dernier exercice (N-2) ou, à défaut sur une base forfaitaire, et font l'objet d'une régularisation dès que le revenu professionnel est définitivement connu.
L'article 9 du code de procédure civile invoquée par Mme [N] précise qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Or, en la matière, l'obligation d'acquitter des cotisations résultant de l'exercice d'une activité libérale, c'est au cotisant de justifier de ses revenus et de rapporter la preuve du caractère infondé des cotisations qui lui sont réclamées.
Il s'en déduit que d'une part, les cotisations réclamées peuvent être antérieures à l'affiliation dès lors que l'activité était déjà exercée. C'est bien le cas en l'espèce ainsi que le reconnaît Mme [N] disant exercer depuis 10 ans. S'il n'y avait l'application des règles de la prescription, la période de cotisations pourrait être bien plus étendue.
D'autre part, c'est au cotisant de démontrer qu'il a justifié de ses revenus auprès de la caisse et non l'inverse.
Il est donc vain de contester les montants sans apporter de pièces justificatives, et de dire que la [8] avait connaissance de ses revenus alors que Mme [N] mentionne les avoir adressé 'aux organismes compétents' sans établir la réception de cet envoi par la [8].
En l'espèce, Mme [N] ayant été affiliée en 2018 mais à effet du 1er janvier 2016, c'est à juste titre que la caisse a d'abord calculé ses cotisations 2016 sur la base d'un forfait, s'agissant d'une nouvelle affiliation, avant de les régulariser dans le cadre des cotisations de 2017 au vu de ses revenus réels.
Pour ce qui est du régime complémentaire, il résulte du décompte produit par l'URSSAF qu'une réduction de 100 % lui a bien été attribuée en 2016 en qualité de nouvelle affiliée.
Pour le reste, Mme [N] n'apportant aucun élément pour critiquer le décompte précis produit par l'URSSAF, on ne peut que confirmer le jugement validant les cotisations réclamées.
- Sur la demande relative aux majorations de retard et aux pénalités
Mme [N] invoque l'article R.133-2-1 du code de la sécurité sociale dans la mesure où elle n'a jamais eu d'incident de paiement avant la signification de la contrainte litigieuse, et subsidiairement, la remise compte tenu de sa bonne foi.
L'URSSAF s'y oppose, soutenant que les cotisations sont obligatoires, que le défaut de paiement dans les délais fixés sur l'appel de cotisation entraîne l'application automatique de majorations de retard et que ce n'est qu'après paiement de la contrainte et des frais, et non lors d'une opposition à contrainte, que Mme [N] pourra former une demande de remise des majorations et des pénalités.
L'article R. 133-2-1 du code de la sécurité sociale issu du décret n°2017-864 du 9 mai 2017 dispose :
III.-Si un paiement mensuel n'est pas effectué à sa date d'exigibilité, la somme est recouvrée avec le paiement mensuel suivant. Si deux paiements consécutifs ne sont pas effectués à leur date d'exigibilité, le recouvrement des sommes restant dues au titre de l'année en cours est poursuivi trimestriellement dans les conditions mentionnées au quatrième alinéa de l'article R. 133-2-2.
Les dispositions relatives aux majorations de retard mentionnées à l'article R. 243-18 sont applicables à compter du deuxième incident de paiement consécutif au cours d'une même année civile.
L'article R. 243-18 précise : Il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité fixées aux articles R. 243-6, R. 243-6-1, R. 243-7 et R. 243-9 à R. 243-11.
A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.
Dans le cadre des contrôles mentionnés aux articles R. 243-59 et R. 243-59-3, la majoration complémentaire n'est décomptée qu'à partir du 1er février de l'année qui suit celle au titre de laquelle les régularisations sont effectuées. Le taux de cette majoration complémentaire est abaissé à 0,1 % en cas de paiement des cotisations et contributions faisant l'objet du redressement dans les trente jours suivant l'émission de la mise en demeure.
Or conformément à l'article 17 I du décret n° 2018-174 du 9 mars 2018, les présentes dispositions sont applicables aux majorations complémentaires dues au titre des périodes d'activité courant à compter du 1er janvier 2018. Toutefois, elles sont applicables aux majorations complémentaires rendues exigibles par une mise en demeure émise à compter du 1er avril 2018 lorsque ces majorations portent sur des cotisations et contributions sociales faisant l'objet d'un redressement suite à contrôle.
Il en résulte que l'exigence de deux incidents de paiement ne vaut que pour les majorations, et que pour une période d'activité postérieure au 1er janvier 2018, ce qui n'est pas de la période visée par la contrainte en litige.
Par ailleurs, l'article R. 243-20 en sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020 ajoute:
Les cotisants peuvent formuler une demande gracieuse en remise totale ou partielle des majorations et pénalités mentionnées au 1° de l'article R. 243-19. Cette requête n'est recevable qu'après règlement de la totalité des cotisations et contributions ayant donné lieu à application des majorations ou lorsque le cotisant a souscrit un plan d'apurement avec l'organisme de recouvrement dont il relève. Dans ce dernier cas, la décision accordant une remise peut être prise avant le paiement desdites cotisations et contributions, cette remise n'est toutefois acquise que sous réserve du respect du plan.
En conséquence, c'est à juste titre que la [8] a calculé des majorations de retard et pénalités et faute de paiement des cotisations, la demande de remise ne peut être reçue, le premier juge ayant à juste titre 'invité Mme [N] à solliciter la remise des majorations de retard après paiement du seul principal'.
- Sur la demande de dommages et intérêts
Invoquant les articles 1240 et 1241 du code civil, Mme [N] sollicite une somme de 7 000 € dont 6 000 € au titre du préjudice subi pour perte de droits à retraite et 1 000 € au titre d'un préjudice moral. Elle expose qu'elle s'est faite immatriculée auprès de l'URSSAF en avril 2008, afin d'exercer une activité de traducteur/interprète, que les services de l'URSSAF lui avaient rappelé qu'elle devait régler toutes ses cotisations entre ses mains, à l'exception des cotisations maladie qui devaient l'être auprès du [15], qu'elle réglait l'intégralité de ses cotisations auprès de ces deux organismes ([17] et [16]) en dépit de la faiblesse de ses revenus, avant que la [8] n'exige d'elle un rappel de cotisations vieillesse, qu'un tel comportement inexpliqué et surtout tardif préjudicie nécessairement à ses droits et notamment à ses droits à la retraite car elle ne peut plus procéder au rachat de certaines périodes prescrites, compte tenu de son âge (60 ans), de ses périodes d'activités et de son départ théorique à la retraite dans moins de 10 ans.
L'URSSAF ne répond pas sur ce point mais sollicite la confirmation du jugement entrepris, lequel a rejeté cette demande, et également le débouté de Mme [N] de l'ensemble de ses demandes.
Les organismes de sécurité sociale, en tant qu'organismes de droit privé, sont soumis au droit de la responsabilité civile pour faute dont les conditions sont posées à l'article 1240 du code civil.
Il sera rappelé à cet égard que l'article 1240 du code civil impose pour l'engagement de la responsabilité d'une partie l'existence d'une faute caractérisée, un préjudice établi et un lien de causalité entre le comportement fautif et le préjudice.
Or, comme il a été vu précédemment, alors qu'elle a commencé à exercer en 2008 une activité libérale d'interprète-traducteur, et que le système est déclaratif, elle n'a fait aucune démarche auprès de la [8] pour se faire immatriculer. Dès lors, aucune faute ne peut être reprochée à la [8] pouvant ouvrir droit à des dommages et intérêts.
Cette demande ne peut qu'être rejetée, et le jugement confirmé sur ce point.
- Sur les demandes annexes
L'assurée, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Eu égard à la décision rendue, il convient de rejeter la demande présentée par Mme [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'allouer à l'URSSAF, contrainte d'exposer de nouveaux frais de procédure, une somme de 2 500 € à son adversaire.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
REJETTE le moyen d'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions n° 3 de l'URSSAF,
DÉCLARE recevable l'intervention de l'URSSAF [11] aux lieu et place de la [8],
DÉCLARE recevable l'appel de Mme [G] [N],
INFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il s'est qualifié de jugement rendu en dernier ressort,
LE CONFIRME pour le surplus,
CONDAMNE Mme [G] [N] aux dépens,
REJETTE la demande présentée par Mme [G] [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [G] [N] à payer à l'URSSAF [11] une somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 26 Septembre 2025
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/05009 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZQ7
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2021 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 13] RG n° 19/10180
APPELANTE
Madame [E][P] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Abderamane DEMMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0461
INTIMEES
[18] venant aux droits de la [8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0408 substitué par Me Kévin BOUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre
Mme Carine TASMADJIAN, préisdente de chambre
Mme Sandrine BOURDIN, conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [G] [N] d'un jugement rendu le 4 mai 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à la [5].
EXPOSÉ DU LITIGE
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que la [8] a signifié une contrainte le 17 mai 2019 à Mme [G] [N], pour le recouvrement de la somme de 2 102,34 € dont 1 921,25 € de cotisations pour la période du ler janvier 2016 au 31 décembre 2017 et 181,09 € au titre des majorations de retard, suite à la mise en demeure du 26 août 2018, réceptionnée signée le 30 août 2018 portant sur le même montant. Suivant recours enregistré le 29 mai 2019, Mme [N] a formé opposition à la contrainte devant le pôle social du tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 4 mai 2021 rendu en dernier ressort, le tribunal a :
- dit Mme [N] recevable mais mal fondée en son recours,
- validé la contrainte du 12 avril 2019 en son montant de 2 102,34 € dont 1 921,25 € de cotisations pour la période du 1er janvier 2016 au 3l décembre 2017 et 181,09 € au titre des rnajorations de retard, et ce en deniers et quittances,
- rejeté toutes autres demandes des parties,
- invité Mme [N] à solliciter la remise des majorations de retard après paiement du seul principal, le cas échéant après accord de paiement échelonné,
- rappelé que 1'exécution provisoire est de droit,
- rejeté les demandes des parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens et frais de signification et de recouvrernent de la contrainte sont à la charge de Mme [N].
Le 3 juin 2021, Mme [N] a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été appelée à l'audience de la cour le 8 janvier 2025 et renvoyée contradictoirement au 25 juin 2025, avec un calendrier de procédure.
A cette dernière audience, le conseil de Mme [N] requiert le rejet des conclusions n° 3 de l'URSSAF, au motif qu'elles avaient été adressées en violation du calendrier de procédure et la veille de l'audience en violation du principe du contradictoire.
L'URSSAF s'oppose à ce rejet, indiquant avoir parfaitement respecté le calendrier de procédure, et ne s'opposant pas à une éventuelle demande de renvoi si c'était le souhait de l'appelante. Elle ajoute que si ses conclusions n°3 étaient rejetées, elle complèterait à l'oral sa réponse au moyen d'irrecevabilité de son intervention au lieu et place de la [8].
Le conseil de Mme [N] indique vouloir retenir le dossier à l'audience, et s'opposer à tout renvoi. La cour a donc retenu le dossier.
Au terme de ses conclusions récapitulatives n° 2, reprises oralement par son conseil, Mme [G] [N] demande à la cour, de :
In limine litis :
- déclarer l'URSSAF dépourvue de droit d'agir en lieu et place de la [8] dans la présente instance,
- déclarer l'URSSAF irrecevable en ses prétentions dans la présente instance,
A titre principal, si par extraordinaire la cour venait à considérer que l'URSSAF disposait d'un droit d'agir en lieu et place de la [8] dans la présente procédure, il est demandé à la cour de céans de :
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
' débouté l'appelante de sa demande tendant à déclarer sans effet la contrainte qui lui a été signifiée le 12 avril 2019,
' débouté l'appelante de sa demande de dommages-intérêts,
En conséquence :
- dire n'y avoir lieu à l'affiliation de l'opposante à contrainte auprès de la [8],
- en conséquence, dire que la contrainte qui lui a été signifiée au titre des cotisations vieillesse pour les années 2016 et 2017 est sans objet et donc sans effet,
- condamner la [8] à lui verser la somme de 7 000 € au titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil pour affiliation tardive,
- condamner la [8] à lui payer dont distraction à son conseil, Me Demmane la somme de 3 000 € au titre de particle 700 alinéa 2 du code de procédure civile, Me Demmane renonçant alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour de céans venait à considérer que l'affiliation de l'appelante à la [8]était justifiée, il est demandé :
- d'annuler la contrainte en ce qu'el1e est entâchée de plusieurs irrégularités,
- en conséquence, dire qu'il n'y a pas lieu à règlement d'aucune sorte au titre de la contrainte litigieuse qui lui a été signifiée,
A titre infiniment subsidiaire :
- dire, en raison de l'absence de production, par la [8], d'éléments établissant que cette dernière aurait été informée de l'existence d'une déclaration commune de revenus pour l'année 2015, que l'affiliation opérée par la [8]sur cette base ne saurait rétroagir à compter du 1er janvier 2016 comme opérée par l'organisme,
- dire en conséquence que les cotisations vieillesse appelées de ce fait ne sauraient 1'être
pour la période antérieure au 1er janvier 2017,
- en conséquence, cantonner l'appe1 des cotisations vieillesse à la seule année 2017,
- ordonner, conformément aux dispositions de particle 1348 du code civil, la compensation judiciaire entre la créance dont se prévaut la [8] et la demande formulée par l'appelante au titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil.
Au terme de ses conclusions écrites n° 2, reprises oralement par son conseil, l'[19] disant venir aux droits de la [8], sollicite de la cour, de :
A titre principal ' :
- déclarer irrecevable l'appel interjeté par Mme [N],
avec ajout des conclusions n° 3 repris à l'audience,
A titre liminaire :
- juger de la bonne qualité à agir de l'URSSAF venant aux droits de la [8],
A titre subsidiaire ' :
- valider la contrainte du 12/04/2019 en son entier montant, délivrée à Mme [N] pour la période du 01/01/2017 au 31/12/2017 à hauteur de 2 102,34 € représentant les cotisations (1 921,25 €) et les majorations de retard (181,09 €),
- en tant que de besoin, dire et juger que la contrainte produira tous ses effets exécutoires,
- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à verser à la [9]la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager,
- la condamner au paiement des frais de recouvrement conformément aux articles R 133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
- Sur la recevabilité des conclusions n°3 de l'URSSAF
Le conseil de Mme [N] a requis le rejet des conclusions n° 3 de l'URSSAF, au motif qu'elles avaient été adressées en violation du calendrier de procédure et la veille de l'audience, en violation du principe du contradictoire.
L'URSSAF s'est opposée à ce rejet, indiquant avoir parfaitement respecté le calendrier de procédure, et a suggéré un éventuel renvoi si c'était le souhait de l'appelant.
Il sera observé qu'à l'audience du 8 janvier 2025, un calendrier de procédure a été fixé, enjoignant à la [8] de conclure pour le 15 février 2025, et à Mme [N], de répondre pour le 30 mars 2025.
En réalité, l'[19] disant venir aux droits de la [8] a adressé ses conclusions par message rpva du 13/02/2025, Mme [N] y a répondu par conclusions récapitulatives n° 2 envoyées par message du 29 mars 2025. Dans les deux cas, les parties ont conclu la veille de la date limite, et la cour n'avait pas prévu d'autres dates.
Si l'URSSAF a effectivement répondu aux dernières conclusions de Mme [N], seulement la veille de l'audience, il sera relevé que dans les conclusions récapitulatives n° 2 de Mme [N], celle-ci soulevait pour la première fois, la question de la recevabilité de l'URSSAF intervenant au nom de la [8], ce qui amenait nécessairement l'URSSAF à y répondre, soit par de nouvelles conclusions écrites avant l'audience ou orales à l'audience.
Par ailleurs, le jour de l'audience, le conseil de Mme [N] refusait toute demande de renvoi de l'affaire.
En conséquence, il ne peut être retenu de violation du principe du contradictoire, le moyen d'irrecevabilité tiré de la tardiveté des conclusions n° 3 de l'URSSAF sera donc rejeté.
- Sur la recevabilité de l'URSSAF intervenant au nom de la [8]
Au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile, Mme [N] fait valoir qu'en première instance, le présent litige l'opposait à la [8], qu'elle a interjeté appel à l'encontre de cette dernière et qu'alors que la [8] est toujours un organisme habilité à recouvrer des cotisations sociales, l'URSSAF a cru à tort se substituer à elle. Elle ajoute que l'intimée se prévaut d'un texte légal qui ne trouve pas à s'appliquer au présent cas d'espèce et ne concerne que les procédures de recouvrement forcées et que même s'il en était autrement, la loi d'habilitation ne lui permettrait pas de substituer la [8] dans les procédures.
L'URSSAF s'oppose à ce moyen d'irrecevabilité, soutenant que l'article 12-111-C de la loi n° 2021- 1754 du 23 décembre 2021 lui donne compétence pour assurer le recouvrement des otisations sociales et dettes antérieures à 2023 des travailleurs indépendants libéraux qui relevaient de la [8], que si Mme [N] prétend que son activité libérale ne rentre pas dans ce champ, il s'agit d'un problème de fond, alors que depuis le 1er janvier 2023, seules les [17] et [7] se voient confier par la loi de financement de la sécurité sociale la responsabilité de l'ensemble de ce recouvrement, au sein d'un département dédié, le [10], même pour les dossiers en cours.
L'article 31 du code de procédure civile dispose : L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seuls personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 32 poursuit : Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue de droit d'agir.
En application de l'article 12 de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021,
III.C.-Les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale assurent, à compter du 1er janvier 2023, le recouvrement des cotisations et l'acquittement des dettes afférentes aux périodes antérieures, pour le compte de la section professionnelle compétente pour les psychothérapeutes, psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes, ostéopathes, chiropracteurs et diététiciens mentionnés au 1° de l'article L. 640-1 du même code ainsi que pour les experts devant les tribunaux, les experts automobile et les personnes bénéficiaires de l'agrément prévu à l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles mentionnés au 2° de l'article L. 640-1 du code de la sécurité sociale et les professions mentionnées aux 3°, 4° et 6° à 8° du même article L. 640-1.
Un décret prévoit, pour la période du 1er janvier 2022 au 30 juin 2023, les modalités d'organisation des travaux conduits par les deux organismes et la section professionnelle susmentionnés pour le transfert de ces compétences.
Le décret n°2023-148 du 02/03/2023 en son article 3 précise :
I. - [Localité 12] de recouvrement de l'Ile-de-France est compétente pour le recouvrement de l'ensemble des cotisations et dettes mentionnées au premier alinéa du C du III de l'article 12 de la loi du 23 décembre 2021 susvisée selon les règles et sous les garanties et sanctions qui leur étaient applicables avant le 1er janvier 2023.
En l'espèce, le tribunal a été saisi d'une opposition à contrainte signifiée le 17 mai 2019 à Mme [N], traductrice formatrice, par la [8] pour le recouvrement de cotisations et majorations de retard pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.
Peu importe, au stade de la question de la recevabilité des écritures de l'[19], que Mme [N] conteste devoir les cotisations qui lui sont réclamées, puisque l'URSSAF avait bien compétence de part la loi et le décret précité pour intervenir devant la cour à compter du 1er janvier 2023, pour le recouvrement de celles-ci.
En conséquence, l'intervention de l'[19] aux lieu et place de la [8] sera déclarée recevable.
- Sur la recevabilité de l'appel
Au visa des articles 35 et 39 du code de procédure civile, Mme [W] soutient que son appel est parfaitement recevable en ce que sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts est fondée exclusivement sur la demande principale, s'entend d'une demande qui, sans l'existence de celle-ci, n'aurait plus de base et ne serait pas susceptible d'être présentée isolément ni de faire l'objet d'une action distincte, et qu'il pourrait aussi s'agir de demandes connexes.
Se fondant sur l'article R. 211-3-25'du code de l'organisation judiciaire, l'URSSAF fait valoir que la contrainte litigieuse portait sur la somme totale de 2 102,34 € inférieure au taux de ressort fixé à 5 '000 €, qu'en première instance, Mme [N] n'a pas formulé d'autre demande que celle visant à annuler la contrainte et que c'est donc logiquement que le pôle social de [Localité 13] a rendu un jugement en dernier ressort, de sorte que l'appel est irrecevable.
L'article R. 211-3-25'du code de l'organisation judiciaire prévoit : Dans les matières pour lesquelles il a compétence exclusive, et sauf disposition contraire, le tribunal judiciaire statue en dernier ressort lorsque le montant de la demande est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros.
L'article L. 311-1 du même code dispose en outre que la cour d'appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d'autres juridictions, des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort et statue souverainement sur le fond des affaires.
L'article 536 du code de procédure civile ajoute que : La qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours. Si le recours est déclaré irrecevable en raison d'une telle inexactitude, la décision d'irrecevabilité est notifiée par le greffe à toutes les parties à l'instance du jugement. Cette notification fait courir à nouveau le délai prévu pour l'exercice du recours approprié.
Le taux de ressort est déterminé par la demande principale, à l'exception des demandes accessoires relatives aux frais irrépétibles.
L'article 35 du code de procédure civile dispose : Lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément. Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions.
L'article 36 ajoute : Lorsque des prétentions sont émises, dans une même instance et en vertu d'un titre commun, par plusieurs demandeurs ou contre plusieurs défendeurs, la compétence et le taux du ressort sont déterminés pour l'ensemble des prétentions, par la plus élevée d'entre elles.
Ces deux premiers textes ne sauraient recevoir application dans la mesure où, si c'est bien Mme [N] qui a saisi le tribunal, l'opposition à contrainte reste une demande en paiement de la caisse et Mme [N] y est donc défenderesse.
L'article 37 précise encore : Lorsque la compétence dépend du montant de la demande, la juridiction connaît de toutes interventions et demandes reconventionnelles et en compensation inférieures au taux de sa compétence alors même que, réunies aux prétentions du demandeur, elles l'excéderaient.
Selon l'article 38, lorsqu'une demande incidente est supérieure au taux de sa
compétence, le juge, si une partie soulève l'incompétence, peut soit ne statuer que sur la demande initiale, soit renvoyer les parties à se pourvoir pour le tout devant la juridiction compétente pour connaître de la demande incidente. Toutefois, lorsqu'une demande reconventionnelle en dommages-intérêts est fondée exclusivement sur la demande initiale, le juge en connaît à quelque somme qu'elle s'élève.
Or il ne s'agit pas ici de taux de compétence comme dans ces deux articles, mais de taux de ressort.
Enfin, l'article 39 prévoit : Sous réserve des dispositions de l'article 35, le jugement n'est pas susceptible d'appel lorsque aucune des demandes incidentes n'est supérieure au taux du dernier ressort. Si l'une d'elles est supérieure à ce taux, le juge statue en premier ressort sur toutes les demandes. Il se prononce toutefois en dernier ressort si la seule demande qui excède le taux du dernier ressort est une demande reconventionnelle en dommages-intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale.
Encore l'article 70 qui définit les demandes connexes mentionne : Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Cependant, ce texte porte sur la recevabilité de la demande et non sur ses conséquences sur le taux de ressort.
Suivant recours enregistré le 29 mai 2019, Mme [N] a formé opposition à la contrainte devant le pôle social du tribunal judiciaire de Paris en contestant notamment son affiliation à la [8].
Ainsi que l'a rappelé le tribunal, la demande de 7 000 € à titre de dommages et intérêts était fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil, soit la faute de la caisse, se décomposant en une somme de 6 000 € au titre du préjudice subi durant la période prescrite (2008 à 2011) étant dans I'impossibilité de procéder au rachat de période de cotisations vieillesse pour cette période et 1 000 € au titre de son préjudice moral à partir de .janvier 2012 jusqu'au ler janvier 2017, date d'affiliation d'autorité par la [8].
Or, la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour l'absence d'affiliation aurait tout à fait pu être présentée isolément dans le cadre d'une mise en cause de la responsabilité de la caisse, et ainsi faire l'objet d'une action distincte.
Dès lors, supérieure à 5 000 €, elle ne justifiait pas la qualification de dernier ressort au sens de l'article 39 précité. Le jugement entrepris était donc susceptible d'appel, lequel doit être déclaré recevable.
- Sur le principe de l'affiliation de Mme [N]
Pour s'y opposer, Mme [N] fait valoir
- que l'affiliation imposée d'autorité en 2017 avec rétroactivité en 2016 est particulièrement tardive puisqu'elle a créé son activité professionnelle le 7 avril 2008 et que durant près de 10 ans, la [8] ne s'est pas manifestée et qu'elle réglait ses cotisations auprès de l'URSSAF et du [16],
- qu'elle n'a pu effectuer une déclaration d'activité non salariée auprès de la [8], faute d'avoir été avisée d'une telle obligation alors que les statuts régissant la [8] n'évoquent aucunement une obligation à la charge de l'assuré,
- que son activité de traductrice - interprète est exclue du périmètre de gestion de la [8],
l'activité de formation n'étant qu'une composante de son activité et faisant déjà l'objet de versements de cotisations « vieillesse » auprès de l'IRCANTEC,
- que la part non salariée n'est que minoritaire dans son chiffre d'affaires annuel, et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 171-6-1 al.2 du code de la sécurité sociale, le régime d'affiliation est celui correspondant à l'activité principale de l'intéressé,
- que seules certaines professions limitativement énumérées par le législateur (CSS, art. L. 640-1), sont affiliées à la [8], liste de laquelle sont exclus les traducteurs/interprètes.
L'URSSAF au contraire fait valoir que Mme [N] aurait dû s'affilier à la [8] aux motifs que :
- la [8] assure, en application des articles L. 642-1 et L 642-5 du code de la sécurité
sociale, la gestion des trois régimes obligatoires des professions libérales, assurance vieillesse de base, retraite complémentaire et invalidité-décès,
- Mme [N] est affiliéé à la [8] depuis le 01/01/2016 du fait de son activité libérale de formatrice conformément aux articles R 641-1, 11° du code de la sécurité sociale et 1.3
des statuts de la [8],
- le fait que son activité de formateur ne soit qu'une composante de son activité n'a aucune incidence sur son obligation d'affiliation à la [8],
- la [8] n'a été informée de l'activité libérale de l'opposante et de son inscription
à l'URSSAF par la [6]qu'en 2017, d'où son affiliation rétroactive à compter du 01/01/2016, le recouvrement des cotisations antérieures à 2015 étant prescrit,
- ce n'est pas à la [8] de se rapprocher du professionnel libéral mais au professionnel
libéral de sa rapprocher de sa caisse en application de l'article R. 643-1 du code de la sécurité sociale, l'affiliation n'est pas le fait générateur des cotisations puisque l'obligation de cotiser naît de l'exercice de l'activité non salariée,
- Mme [N] n'apporte aucunement la preuve qu'elle cotiserait à un autre organisme que la [8] pour ses cotisations vieillesse liée à son activité libérale de formatrice, alors que
l'article L. 622-2 du code de la sécurité sociale l'oblige à cotiser aux trois régimes gérés par la [8],
- l'activité de traducteur/interprète est bien visée dans les statuts de la caisse.
L'article R. 643-1 du code de la sécurité sociale dispose : Toute personne qui commence ou cesse d'exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d'un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation. La date d'effet de l'immatriculation ou de la radiation est le premier jour du trimestre civil suivant le début ou la fin de l'activité professionnelle.'
L'article 1.4 des statuts de la [8] précise : Toute personne qui commence ou cesse d'exercer une activité énumérée à l'article 1.3 est tenue, en vertu de l'article R. 643-1 du code de la sécurité sociale, de la déclarer à la [8] dans le délai de 1 mois en vue de son immatriculation ou d sa radiation.
Il en résulte que comme le relève l'URSSAF, l'obligation d'immatriculation incombe à celui qui débute une activité libérale, et non aux caisses à le solliciter comme le prétend Mme [N]. S'agissant d'un système déclaratif, le moyen tiré de l'absence de sollicitations de la caisse et la tardiveté de sa réaction est donc inopérant.
Cela explique également la rétroactivité au 1er janvier 2016, compte tenu des effets de la prescription.
L'article L. 171-6-1en vigueur depuis le 1er janvier 2018 invoqué par Mme [N] prévoit:
Les personnes exerçant simultanément plusieurs activités professionnelles indépendantes sont affiliées et cotisent, dans des conditions fixées par décret, au régime d'assurance
vieillesse dont relève leur activité principale.
Or, ce texte n'est applicable que depuis le 1er janvier 2018 et que pour les cotisations vieillesse, alors que les cotisations appelées ici concernent l'ensemble des cotisations (vieillesse de base, retraite complémentaire et invalidité-décès) et de 2016 à 2018.
De plus, l'article 1.3 des statuts de la [8] dipose':
Sont affiliés à la [8] et tenus de cotiser aux trois régimes obligatoires et indissociables visés à l'article 1.2, les personnes qui exercent à titre libéral :
- les professions d'architecte, d'agréé en architecture, de conseil, de dessinateur technique ou projeteur, d'économiste du bâtiment, d'expert, de géomètre, d'ingénieur-conseil, d'interprète, de maître-d'oeuvre, de métreur, de psychologue, de technicien, de traducteur technique, de vérificateur, de vigile,
- ainsi que toute activité professionnelle non salariée non agricole, non commerciale ou non artisanale, et non rattachée à l'une des autres sections professionnelles visées à l'article R. 641-1 du code de la sécurité sociale.
Les fonctions d'interpète et de traducteur sont donc bien visées au titre des professions relevant du régime de la [8], de sorte que Mme [N] qui reconnaît exercer son activité à la fois à titre libéral et salariée devait s'y affilier pour ses activités libérales.
- Sur la régularité de la mise en demeure et de la contrainte au regard de l'étendue des obligations de la cotisante
Mme [N] soutient que la mise en demeure est manifestement entachée de nombreuses irrégularités la rendant donc inopérante, les informations y figurant n'étant pas de nature à permettre à l'appelante de connaître avec précision l'étendue de ses obligations, faute de préciser les trimestres concernés et les sommes prises en compte par la [8] afin de calculer le montant de ces cotisations et d'utiliser des formules incompréhensibles comme provisionnels. Elle ajoute que l'identité de chiffre avec la contrainte est insuffisante à considérer que la contrainte serait régulière en ce que la cotisante connaîtrait l'étendue de ses obligations.
L'URSSAF fait valoir que la mise en demeure et la contrainte permettaient à Mme [N] d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, la contrainte renvoyant à la mise en demeure pour le montant, la nature des cotisations, les majorations, et les périodes, et les deux portant sur les mêmes montants.
L'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale dispose que l'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
Ainsi, la mise en demeure et la contrainte doivent permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. Le renvoi explicite à la mise en demeure régulière adressée au cotisant constitue une motivation suffisante de la contrainte exigée de l'organisme social qui met ainsi le cotisant d'exercer ses droits. En outre, il sera rappelé que les mentions de l'assiette et du taux de cotisations n'ont pas à y figurer puisqu'elles résultent pour la première de la déclaration de revenus faites par le cotisant, et pour le second, de la loi.
En l'espèce, la contrainte du 12 avril 2019 renvoie expressément à la mise en demeure du
26 août 2018 dont elle reprend les montants de cotisations et majorations de retard.
Il y est notamment mentionné la nature des cotisations, les majorations de retard, leurs montants, et la période du 01/01/2016 au 31/12/2017. Il est donc facile d'en déduire les trimestres concernés. Le terme provisionnel renvoit aux cotisations appelées à titre provisionnel.
Ainsi, Mme [N] était parfaitement informée de ses obligations de cotisations.
- Sur la régularité de la signification de la contrainte
Rappelant les dispositions de l'article 693 et 659 du code de procédure civile, Mme [N] soutient que l'huissier de justice instrumentaire de la signification à contrainte a dressé un procès-verbal de recherches infructueuses après des diligences insuffisantes alors qu'elle justifie exercer à ladite adresse et être toujours inscrite au RCS, qu'une simple action sur les moteurs de recherches et sur le site d'annuaires téléphoniques suffit à constater que l'appelante existe effectivement à l'adresse indiquée et qu'elle a reçu à cette même adresse tous les courriers provenant de la [8], et lui a répondu de manière circonstanciée. Elle ajoute que le retard à récupérer l'acte lui a causé un grief, en désorganisant sa défense, l'obligeant à former une opposition avant de déposer un dossier d'aide juridictionnelle, la laissant dans l'incertitude de la décision et du conseil.
L'URSSAF s'oppose à ce moyen, indiquant que l'huissier s'est rendu sur place, a fait toutes diligences qui lui incombaient pour remettre l'acte et ajoute que Mme [N] a pu régulièrement et dans les délais organiser sa défense, ne subissant donc aucun grief dans le retard à récupérer l'acte.
L'article 654 du code de procédure civile pose le principe que la signification doit être faite à personne.
L'article 655 ajoute : Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Dans le cas présent, dans son exploit du le 17 mai 2019, et même si Mme [N] le conteste, l'huissier, agent assermenté, précise être intervenu au [Adresse 1] à [Localité 14], que sur place, le destinataire de l'acte était introuvable, que le gardien de l'immeuble lui aurait indiqué que le destinataire de l'acte lui était inconnu, que les recherches internet principalement depuis le moteur de recherche « GOOGLE » et sur le site des annuaires téléphoniques ne lui auraient pas permis de trouver la nouvelle adresse du destinataire de l'acte.
Il a donc établi un procès-verbal de recherches infructueuses dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, relatant ses vaines démarches pour trouver le destinataire.
Le moyen tiré de l'irrégularité de la signification sera rejeté.
- Sur la régularité de la signature apposée sur la contrainte
Des dispositions de l'article R. 133-4 du code de la sécurité sociale, Mme [N] déduit que la contrainte doit comporter sous peine de nullité, la signature manuscrite de l'agent habilité alors que rien ne justifie de l'exactitude de la signature et de la délégation de pouvoir.
Invoquant l'article 1316-4 du code civil, l'URSSAF répond que la signature du directeur a été insérée par un procédé informatique fiable, qu'elle n'a pas été apposée par un tiers, que la partie adverse n'apporte aucunement la preuve du contraire, que cette signature est sans incidence sur la validité de l'acte, que Mme [N] n'invoque aucun grief et que le signataire était bien le directeur de la caisse.
L'article R. 133-4 du code de la sécurité sociale que la contrainte doit être délivrée par le directeur de l'organisme intéressé ayant reçu délégation de pouvoirs.
L'article 1316-4 du code civil qui énonce': Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Or 'la signature numérisée du directeur qui a émis la contrainte n'est pas une cause de nullité de celle-ci, le procédé informatique d'émission des contraintes étant parfaitement fiable et assurant que la signature n'est pas celle d'un tiers. L'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte.
De plus, il est justifié de ce que le signataire, M. [M] a été nommé directeur de la [8] le 9 décembre 2015, ce qui lui conférait le pouvoir de signer la contrainte en litige.
Ce moyen sera donc écarté.
- Sur les montants réclamés à titre de cotisations, majorations, et pénalités
Mme [N] fait valoir que les montants appelés par la [8] au titre des années 2016 et 2017 sont erronés, qu'elle les a toujours contestés, qu'ils ne peuvent être antérieurs à son l'affiliation intervenue en 2017, que l'année 2016 doit être exclue, qu'il appartient à la [8] de justifier qu'elle n'était pas en possession de la déclaration de revenus pour l'année 2016, que l'assiette de calcul est fausse, que concernant le régime complémentaire,et s'agissant de sa première année d'affiliation, elle aurait dû bénéficier d'une réduction de 100% attribuée au nouvel affilié et qu'une première année d'activité en 2016 ne peut faire l'objet d'une régularisation en 2017. Subdiairement, elle demande la réduction du montant des cotisations et leur cantonnement à la somme de 1 377 € (pénalités et majorations incluses), aux motifs que la [8] ne s'est manifestée (pour la première fois) que le 8 juin 2017 auprès de l'appelante (soit près de 10 ans après le début de son activité !), que sa déclaration des revenus 2016 établie le 12 mai 2017 avait déjà été transmise par celle-ci aux organismes compétents, et que la [8] ne pouvait se prévaloir de la déclaration de 2015. Elle invoque l'article 9 du code de procédure civile pour dire que la [8] n'établit pas le contraire.
L'URSSAF s'oppose à ces moyens, soutenant que les cotisations de l'assurance vieillesse de base sont régies par les articles L. 642-1 et L 131-6-2 du code de la sécurité sociale, celles du régime de la retraite complémentaire et du régime de l'assurance invalidité-décès par les statuts de la [8], que la [8] s'est fondée sur les revenus déclarés par Mme [N] à l'URSSAF (7 496 €), qu'une réduction de 100 % lui a été attribuée en 2016 pour le régime complémentaire à titre de nouvel affilié, qu'une régularisation 2016 a été rendue exigible en 2017 au vu des véritables revenus 2016 (6 866 €), et que les cotisations appelées étant obligatoires, le défaut de paiement dans les délais fixés sur l'appel de cotisation entraîne l'application automatique de majorations de retard.
De la combinaison des articles L. 642-1et L 131-6-2 du code de la sécurité sociale, et des statuts de la [8], il résulte que les cotisations sont assises sur les revenus non-salariés de l'année en cours, appelée à titre provisionnel en fonction des revenus professionnels libéraux de l'avant dernier exercice (N-2) ou, à défaut sur une base forfaitaire, et font l'objet d'une régularisation dès que le revenu professionnel est définitivement connu.
L'article 9 du code de procédure civile invoquée par Mme [N] précise qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Or, en la matière, l'obligation d'acquitter des cotisations résultant de l'exercice d'une activité libérale, c'est au cotisant de justifier de ses revenus et de rapporter la preuve du caractère infondé des cotisations qui lui sont réclamées.
Il s'en déduit que d'une part, les cotisations réclamées peuvent être antérieures à l'affiliation dès lors que l'activité était déjà exercée. C'est bien le cas en l'espèce ainsi que le reconnaît Mme [N] disant exercer depuis 10 ans. S'il n'y avait l'application des règles de la prescription, la période de cotisations pourrait être bien plus étendue.
D'autre part, c'est au cotisant de démontrer qu'il a justifié de ses revenus auprès de la caisse et non l'inverse.
Il est donc vain de contester les montants sans apporter de pièces justificatives, et de dire que la [8] avait connaissance de ses revenus alors que Mme [N] mentionne les avoir adressé 'aux organismes compétents' sans établir la réception de cet envoi par la [8].
En l'espèce, Mme [N] ayant été affiliée en 2018 mais à effet du 1er janvier 2016, c'est à juste titre que la caisse a d'abord calculé ses cotisations 2016 sur la base d'un forfait, s'agissant d'une nouvelle affiliation, avant de les régulariser dans le cadre des cotisations de 2017 au vu de ses revenus réels.
Pour ce qui est du régime complémentaire, il résulte du décompte produit par l'URSSAF qu'une réduction de 100 % lui a bien été attribuée en 2016 en qualité de nouvelle affiliée.
Pour le reste, Mme [N] n'apportant aucun élément pour critiquer le décompte précis produit par l'URSSAF, on ne peut que confirmer le jugement validant les cotisations réclamées.
- Sur la demande relative aux majorations de retard et aux pénalités
Mme [N] invoque l'article R.133-2-1 du code de la sécurité sociale dans la mesure où elle n'a jamais eu d'incident de paiement avant la signification de la contrainte litigieuse, et subsidiairement, la remise compte tenu de sa bonne foi.
L'URSSAF s'y oppose, soutenant que les cotisations sont obligatoires, que le défaut de paiement dans les délais fixés sur l'appel de cotisation entraîne l'application automatique de majorations de retard et que ce n'est qu'après paiement de la contrainte et des frais, et non lors d'une opposition à contrainte, que Mme [N] pourra former une demande de remise des majorations et des pénalités.
L'article R. 133-2-1 du code de la sécurité sociale issu du décret n°2017-864 du 9 mai 2017 dispose :
III.-Si un paiement mensuel n'est pas effectué à sa date d'exigibilité, la somme est recouvrée avec le paiement mensuel suivant. Si deux paiements consécutifs ne sont pas effectués à leur date d'exigibilité, le recouvrement des sommes restant dues au titre de l'année en cours est poursuivi trimestriellement dans les conditions mentionnées au quatrième alinéa de l'article R. 133-2-2.
Les dispositions relatives aux majorations de retard mentionnées à l'article R. 243-18 sont applicables à compter du deuxième incident de paiement consécutif au cours d'une même année civile.
L'article R. 243-18 précise : Il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité fixées aux articles R. 243-6, R. 243-6-1, R. 243-7 et R. 243-9 à R. 243-11.
A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.
Dans le cadre des contrôles mentionnés aux articles R. 243-59 et R. 243-59-3, la majoration complémentaire n'est décomptée qu'à partir du 1er février de l'année qui suit celle au titre de laquelle les régularisations sont effectuées. Le taux de cette majoration complémentaire est abaissé à 0,1 % en cas de paiement des cotisations et contributions faisant l'objet du redressement dans les trente jours suivant l'émission de la mise en demeure.
Or conformément à l'article 17 I du décret n° 2018-174 du 9 mars 2018, les présentes dispositions sont applicables aux majorations complémentaires dues au titre des périodes d'activité courant à compter du 1er janvier 2018. Toutefois, elles sont applicables aux majorations complémentaires rendues exigibles par une mise en demeure émise à compter du 1er avril 2018 lorsque ces majorations portent sur des cotisations et contributions sociales faisant l'objet d'un redressement suite à contrôle.
Il en résulte que l'exigence de deux incidents de paiement ne vaut que pour les majorations, et que pour une période d'activité postérieure au 1er janvier 2018, ce qui n'est pas de la période visée par la contrainte en litige.
Par ailleurs, l'article R. 243-20 en sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020 ajoute:
Les cotisants peuvent formuler une demande gracieuse en remise totale ou partielle des majorations et pénalités mentionnées au 1° de l'article R. 243-19. Cette requête n'est recevable qu'après règlement de la totalité des cotisations et contributions ayant donné lieu à application des majorations ou lorsque le cotisant a souscrit un plan d'apurement avec l'organisme de recouvrement dont il relève. Dans ce dernier cas, la décision accordant une remise peut être prise avant le paiement desdites cotisations et contributions, cette remise n'est toutefois acquise que sous réserve du respect du plan.
En conséquence, c'est à juste titre que la [8] a calculé des majorations de retard et pénalités et faute de paiement des cotisations, la demande de remise ne peut être reçue, le premier juge ayant à juste titre 'invité Mme [N] à solliciter la remise des majorations de retard après paiement du seul principal'.
- Sur la demande de dommages et intérêts
Invoquant les articles 1240 et 1241 du code civil, Mme [N] sollicite une somme de 7 000 € dont 6 000 € au titre du préjudice subi pour perte de droits à retraite et 1 000 € au titre d'un préjudice moral. Elle expose qu'elle s'est faite immatriculée auprès de l'URSSAF en avril 2008, afin d'exercer une activité de traducteur/interprète, que les services de l'URSSAF lui avaient rappelé qu'elle devait régler toutes ses cotisations entre ses mains, à l'exception des cotisations maladie qui devaient l'être auprès du [15], qu'elle réglait l'intégralité de ses cotisations auprès de ces deux organismes ([17] et [16]) en dépit de la faiblesse de ses revenus, avant que la [8] n'exige d'elle un rappel de cotisations vieillesse, qu'un tel comportement inexpliqué et surtout tardif préjudicie nécessairement à ses droits et notamment à ses droits à la retraite car elle ne peut plus procéder au rachat de certaines périodes prescrites, compte tenu de son âge (60 ans), de ses périodes d'activités et de son départ théorique à la retraite dans moins de 10 ans.
L'URSSAF ne répond pas sur ce point mais sollicite la confirmation du jugement entrepris, lequel a rejeté cette demande, et également le débouté de Mme [N] de l'ensemble de ses demandes.
Les organismes de sécurité sociale, en tant qu'organismes de droit privé, sont soumis au droit de la responsabilité civile pour faute dont les conditions sont posées à l'article 1240 du code civil.
Il sera rappelé à cet égard que l'article 1240 du code civil impose pour l'engagement de la responsabilité d'une partie l'existence d'une faute caractérisée, un préjudice établi et un lien de causalité entre le comportement fautif et le préjudice.
Or, comme il a été vu précédemment, alors qu'elle a commencé à exercer en 2008 une activité libérale d'interprète-traducteur, et que le système est déclaratif, elle n'a fait aucune démarche auprès de la [8] pour se faire immatriculer. Dès lors, aucune faute ne peut être reprochée à la [8] pouvant ouvrir droit à des dommages et intérêts.
Cette demande ne peut qu'être rejetée, et le jugement confirmé sur ce point.
- Sur les demandes annexes
L'assurée, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Eu égard à la décision rendue, il convient de rejeter la demande présentée par Mme [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'allouer à l'URSSAF, contrainte d'exposer de nouveaux frais de procédure, une somme de 2 500 € à son adversaire.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
REJETTE le moyen d'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions n° 3 de l'URSSAF,
DÉCLARE recevable l'intervention de l'URSSAF [11] aux lieu et place de la [8],
DÉCLARE recevable l'appel de Mme [G] [N],
INFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il s'est qualifié de jugement rendu en dernier ressort,
LE CONFIRME pour le surplus,
CONDAMNE Mme [G] [N] aux dépens,
REJETTE la demande présentée par Mme [G] [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [G] [N] à payer à l'URSSAF [11] une somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente