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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 25 septembre 2025, n° 23/04426

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Kreatic (SAS), Leasecom (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Soreau

Avocats :

Me Levasseur, Me Kebe, Me D'humières, Me Briffaut, Me Laurent, Me Sigrist

T. com. Lille Metropole, du 26 sept. 202…

26 septembre 2023

FAITS ET PROCEDURE

Le 8 juillet 2021, M. [I], entrepreneur individuel exerçant une activité de travaux de plâtrerie, a conclu avec la société Kreatic, spécialisée dans la création et le développement de sites internet, un contrat ayant pour objet la création d'un site internet destiné à promouvoir son activité professionnelle, d'une durée de 48 mois.

Le même jour, M. [I] a conclu avec la société Leasecom un contrat de location ayant pour objet le site internet à créer par la société Kreatic, pour la même durée de 48 mois, stipulant des loyers de 200 euros HT par mois.

Le 20 juillet 2021, M. [I] a signé le procès-verbal de réception du site internet au profit de la société Kreatic et un procès-verbal de « réception de la solution » auprès de la société Leasecom.

M. [I] n'a payé aucun loyer à la société Leasecom.

Par des lettres du 16 octobre 2021, M. [I] a notifié aux sociétés Kreatic et Leasecom son droit de rétractation et, en conséquence, les a mises en demeure de lui restituer les sommes perçues au titre de chacun des contrats, en vain.

Le 16 novembre 2011, la société Kreatic a contesté la validité de la rétractation ainsi exercée.

Le 10 mars 2022, la société Leasecom a mis en demeure M. [I] de lui payer la somme de 2 360 euros TTC au titre des loyers impayés et accessoires.

Par des actes des 16 et 17 mars 2022, M. [I] a assigné les sociétés Kreatic et Leasecom, à titre principal, en anéantissement de toute l'opération contactuelle par l'effet de la rétractation, subsidiairement, en annulation de cette opération et, plus subsidiairement encore, en résolution des contrats.

Par un jugement du 26 septembre 2023, le tribunal de commerce de Lille métropole a :

- rejeté l'ensemble des demandes de M. [I] ;

- constaté que le contrat de location n° 221L159768 était résilié de plein droit à compter du 25 mars 2022 ;

- condamné M. [I] à payer à la société Leasecom la somme de 11 160 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2022, date de réception de la mise en demeure ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- ordonné à la société Kreatic de désinstaller le site internet www.dg-menuisier.fr à ses frais dans le délai de 15 jours à compter de la signification du jugement ;

- condamné M. [I] à payer à chacune des sociétés Kreatic et Leasecom une indemnité de procédure de 2 000 euros ;

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;

- condamné M. [I] aux dépens.

Le 4 octobre 2023, M. [I] a relevé appel de ce jugement en intimant les sociétés Kreatic et Leasecom

PRETENTIONS DES PARTIES

' Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 avril 2025, M. [I] demande à la cour d'appel de :

Vu les articles L.221-1 et suivants du code de la consommation

Vu l'article L.242-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1130 et suivants du code civil,

Vu les articles 1194 et suivants du code civil,

Vu les articles 1178, 1128, 1163, 1216, 1225 et 1353 du code civil,

Vu le Règlement général sur la protection des données personnelles,

Vu les articles 226-16 et suivants du code pénal,

' Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU,

A TITRE PRINCIPAL :

' Déclarer toute l'opération contractuelle litigieuse anéantie par l'effet de la rétractation exercée par lui le 16 octobre 2021 ;

En conséquence,

' Débouter les sociétés Kreatic et Leasecom de toutes leurs demandes ;

' Condamner la société Kreatic à lui restituer la somme de 960 euros, avec intérêts calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation, et capitalisation ;

PREMIER NIVEAU DE SUBSIDIARITÉ :

' Annuler toute l'opération contractuelle litigieuse notamment pour les motifs suivants :

o Violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ou d'exécution des prestations ;

o Violation de l'obligation d'indiquer le total des coûts mensuels ;

o Violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du site et

des prestations ;

o Erreur sur les qualités essentielles du site internet ;

En conséquence,

' Débouter les sociétés Kreatic et Leasecom de toutes leurs demandes,

' Condamner la société Kreatic à lui restituer la somme de 960 euros, avec intérêts calculés selon les modalités de l'article L. 242-4 du code de la consommation, et capitalisation ;

SECOND NIVEAU DE SUBSIDIARITÉ :

' Prononcer « la résolution rétroactive des contrats litigieux et ce, avec effet rétroactif » (sic) à la date de leur conclusion ;

En conséquence,

' Débouter les sociétés Kreatic et Leasecom de toutes leurs demandes,

' Condamner la société Kreatic à lui restituer la somme de 960 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, à compter de l'assignation ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

' Prononcer la caducité de tous les autres contrats interdépendants en conséquence de l'anéantissement de l'un quelconque des contrats ;

En conséquence,

'Débouter les sociétés Kreatic et Leasecom de toutes leurs demandes,

' Condamner la société Kreatic à lui restituer la somme de 960 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, à compter de l'assignation ;

' Débouter la société Leasecom de ses demandes en paiement dans la mesure où elle ne justifie pas du paiement du prix allégué d'acquisition du site internet ;

' Ordonner à la société Kreatic de désactiver le site internet sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du 15e jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

' Condamner in solidum les sociétés Kreatic et Leasecom à lui verser une indemnité procédurale de 8 000 euros, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier.

' Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 avril 2025, la société Kreatic demande à la cour d'appel de :

Vu l'article 1103 du code civil, l'article L. 221-28 du code de consommation,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence,

- le condamner à lui payer une indemnité procédurale de 4 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

' Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er mars 2024, la société Leasecom demande à la cour d'appel de :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu les dispositions des articles L. 221-3 et suivants du code de la consommation,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter la société Kreatic de ses demandes telles que dirigées à l'encontre des sociétés « NBB Lease France 1» (sic) et Leasecom ;

' A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions [expressément visées dans le dispositif des conclusions, p. 35] ;

' A défaut, « dans l'hypothèse d'une résolution/caducité ab initio des contrats de location par l'application des conséquences de l'interdépendance des contrats » :

- prononcer l'anéantissement du contrat de vente conclu entre la société Kreatic et elle-même, société Leasecom ;

- condamner la société Kreatic à lui restituer le montant du prix de vente, soit la somme de 7 552,38 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter des présentes conclusions ;

- condamner la société Kreatic à lui payer la somme de 3 967,62 euros au titre de son préjudice financier, dans l'hypothèse où l'anéantissement du contrat de location serait consécutif à l'anéantissement du contrat d'abonnement, majorée des intérêts au taux légal à compter des présentes conclusions ;

' Y ajoutant et, en tout état de cause :

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros 'chacune' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens d'appel.

MOTIVATION

A - Sur l'interdépendance des contrats en cause

A titre liminaire (pp. 5-6), M. [I] se prévaut de l'interdépendance des contrats en cause, ce dont il déduit que l'anéantissement de l'un d'eux entraîne, par voie de conséquence, l'anéantissement de l'autre, peu important le régime juridique dont se prévaut la société Leasecom, la perfection du contrat conclu par cette société et les stipulations des contrats.

La société Kréatic ne développe aucune argumentation sur ce point.

La société Leasecom fait notamment valoir que :

- en conséquence du libre choix exercé par M. [I] et au égard à la nature de l'opération de location, le

locataire s'interdit d'exercer quelque recours que ce soit à l'égard du bailleur au titre des biens financés, son véritable interlocuteur restant l'éditeur du site internet. Elle, société Leasecom, a rempli l'intégralité de ses obligations au titre du contrat de location, dès que le site internet a été mis en ligne et que le locataire l'a réceptionné sans réserve (p. 6) ;

- aucune nullité ou résolution « du contrat d'abonnement » (sous-entendu du contrat conclu avec la société Kréatic) n'étant encourue, aucune caducité subséquente du contrat de location ne peut être prononcée (p. 29, point E).

Réponse de la cour :

L'article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause eu égard à la date de conclusion des contrats en cause, dispose que :

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

En application de ces dispositions, la Cour de cassation juge que :

- les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement (Com. 10 janv. 2024, n° 22-20466, publié) ;

- et que, dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance (même arrêt).

En l'espèce, il importe, au préalable, de relever que, si deux contrats ont successivement été signés entre M. [I] et la société Kréatic, les 6 et 8 juillet 2021, ces deux contrats ont exactement le même objet et contiennent les mêmes conditions, celui du 8 juillet précisant cependant le nom de domaine et l'adresse courriel choisis par M. [I], ainsi que l'admet la société Kréatic (p. 2 de ses conclusions). Au plan de l'analyse, la cour d'appel estime donc que, tel que l'indique M. [I] (p. 3 de ses écritures) sans d'ailleurs être explicitement critiqué sur ce point, le second contrat du 8 juillet 2021 a annulé et remplacé celui du 6 juillet précédent. Dès lors, s'agissant du contrat de création de site internet conclu avec la sociétré Kréatic, il sera seulement tenu compte de ce second contrat.

Les contrats conclus entre M. [I] et, respectivement, les sociétés Kréatic et Leasecom ont été régularisés le même jour (soit le 8 juillet 2021), ils ont pour objet le même site internet et ils s'inscrivent dans une opération incluant une location financière. En outre, la société Leasecom ne dément pas qu'elle avait connaissance de l'opération contractuelle d'ensemble - à telle enseigne, d'ailleurs, que, dans la partie réservée aux nom et adresse du fournisseur du site internet figurant dans le contrat de location conclu entre la société Leasecom et M. [I], est mentionné le nom de la société Kréatic (pièce n° 2 de la société Leasecom).

Les contrats en cause sont donc interdépendants au sens de l'article 1186 précité, ce qu'il y a lieu de constater, peu important les stipulations du contrat de location financière dont se prévaut la société Leasecom et qui interdisent au locataire d'exercer un recours contre elle lorsque celle-ci a rempli ses obligations contractuelles.

Par conséquent, si l'un quelconque des contrats est anéanti, quelle qu'en soit la cause, cela doit entraîner automatiquement la caducité par voie de conséquence de l'autre contrat.

Dès lors, l'enjeu du présent litige consiste à déterminer si l'un des contrats est anéanti comme le soutient M. [I], ce qu'il convient à présent d'examiner concernant, d'abord, le contrat afférent au site internet.

B - Sur le sort du contrat conclu avec la société Kréatic

A titre principal (pp. 6 à 18), M. [I] estime que « l'opération contractuelle » se trouve anéantie par l'effet de la rétractation qu'il a exercée.

Il soutient, au préalable, que les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation lui sont applicables, dès lors qu'il remplit toutes les conditions édictées par ce texte. Il réfute les arguments adverses sur ce point, en faisant notamment valoir que les moyens de défense de la société Leasecom doivent être rejetés, dans la mesure où l'anéantissement du contrat conclu avec la société Kreatic emporte nécessairement la caducité du contrat conclu avec la société Leasecom (p. 8).

Il critique le jugement entrepris, qui a refusé d'appliquer le code de la consommation par des motifs tirés, d'une part, d'une interprétation erronée du champ de l'activité principale et contraire à la jurisprudence, d'autre part, de l'application d'une clause contraire aux dispositions d'ordre public du code de la consommation.

Sur le fond (pp. 10 à 14), il se prévaut de manquements commis concernant son droit de rétractation par la société Leasecom comme par la société Kréatic. A cette dernière, il reproche trois manquements :

- une information erronée sur l'exercice du droit de rétractation, l'article 4.1 du contrat de création de site internet exigeant la preuve du nombre de salariés dans le délai de rétractation de 14 jours ;

- l'indication d'un point de départ erroné, le même article 4.1 indiquant que le délai de rétractation part de la date de signature du contrat, alors que, s'agissant d'un contrat mixte, le délai commence à courir à compter de la réception ;

- et la stipulation d'une clause illicite de renonciation au droit de rétractation, en application de l'article L. 242-3 du code de la consommation. Une telle renonciation ne peut se faire que postérieurement à l'information sur le droit de rétractation et si cette information a été régulièrement donnée. En l'occurrence, la renonciation est nulle pour trois raisons : d'abord, elle résulte d'une clause contractuelle, ce qui est contraire à l'article L. 242-3 précité ; ensuite, elle est concomitante à l'information sur le droit de rétractation, et non postérieure ; enfin, l'information sur le droit de rétractation est erronée.

M. [I] fait grief au jugement entrepris (pp. 14 à 16) d'avoir admis la validité de la clause de renonciation en application de l'article L. 221-28 du code de la consommation et exclu le droit de rétractation aux motifs que le site internet était un bien « nettement personnalisé ». En effet :

- le site internet n'est pas un bien « nettement personnalisé » ;

- en tout état de cause, même si tel était le cas, l'exclusion du droit de rétractation est subordonnée à une information préalable, exacte et loyale, sur le droit de rétractation, conformément à l'article L. 221-5 du code de la consommation. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, l'information fournie sur ce droit étant erronée. En application de ce texte, pour pouvoir se prévaloir de l'article L. 221-28, les sociétés intimées auraient dû lui indiquer à lui, appelant, préalablement à la conclusion du contrat, qu'il ne bénéficiait pas du droit de rétractation ou des circonstances dans lesquelles il le perdait. Une telle information ne lui a jamais été donnée, notamment via la clause de renonciation, illicite, dont se prévaut la société Kréatic. Il n'a jamais été informé de ce qu'il ne bénéficiait pas de ce droit ou des circonstances le lui faisant perdre (p. 15).

En réplique aux arguments adverses, M. [I] ajoute notamment que :

- au plan chronologique, la renonciation au droit de rétractation suppose de suivre deux étapes : au préalable, les informations sur l'existence ou l'exclusion du droit de rétractation, et postérieurement à la conclusion du contrat, la renonciation à ce droit dans les formes qui conviennent au bénéficiaire de ce droit ;

- la société Kréatic tente de tromper la cour d'appel sur le droit applicable, qui est, en l'espèce, l'article « L. 221-1 » dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 décembre 2021, eu égard à la date de conclusion du contrat - texte qui assimile le contrat mixte à un contrat de vente, et fixe le point de départ du délai de rétractation à la date de livraison ;

- en application des articles L. 221-18, L. 221-20, alinéa 1, et L. 221-21, quel que soit le point de départ du délai de rétractation, il a, en l'espèce, valablement exercé son droit de rétractation dans le délai d'un an suivant l'expiration du délai initial (p. 18).

La société Kréatic indique d'abord ne pas contester l'application des dispositions du code de la consommation (p. 6).

Ensuite, sur le droit de rétractation, elle fait valoir plusieurs éléments :

' à titre principal (pp. 6 à 9) :

- selon l'article L. 221-28, du code de la consommation (prévoyant la faculté de renoncer au droit de rétractation), en cas de contrat de fourniture de contenus numériques non fournis sur un support matériel, le droit de rétractation peut être écarté « par une stipulation expresse au contrat à la fois de la demande d'exécution immédiate du contrat et de la renonciation [à ce] droit » (p. 7) ;

- en l'espèce, lorsqu'elle crée un site internet, elle fournit bien un service et des contenus numériques, le support non matériel étant le lien URL permettant d'accéder au site, comme le rappelle le contrat (article 2). Ce contrat est donc soumis aux exceptions du code de la consommation sur le droit de rétractation ;

- M. [I] a renoncé à son droit de rétractation et donné son accord au commencement immédiat du contrat ; il a bien été informé des circonstances dans lesquelles il a perdu son droit de rétractation conformément à l'article L. 221-5 de ce code ;

- y ayant valablement renoncé, M. [I] ne bénéficie pas de ce droit, la clause de rétractation étant légale et reprenant les dispositions de l'article L. 221-28, 13°, précité ;

' subsidiairement (pp. 9 à 11) : le droit de rétractation doit être écarté, dès lors que le contrat consiste en la fourniture d'un bien confectionné selon les spécifications de M. [I] et donc nettement personnalisé, au sens de l'article L. 221-28, 3°, du code de la consommation, s'agissant d'un site internet « sur mesure ». Tel qu'indiqué ci-dessus, M. [I] a été informé, conformément à l'article L. 221-5, sur le droit de rétractation. Le droit de rétractation ayant été exclu par le contrat, il [comprendre en réalité « le délai de rétractation »] ne peut donc avoir été prolongé et le contrat ne peut être anéanti ;

' plus subsidiairement encore (pp. 11 à 13) : le droit de rétractation a été écarté conformément à l'article L. 221-28, 1°, précité. Et la renonciation au droit de rétractation a été réalisée conformément aux dispositions du code de la consommation. Le droit de rétraction, exclu conformément à ce code, ne peut donc être prolongé et le contrat ne peut être anéanti.

Sur le point de départ du délai de rétractation (pp. 15 à 19), la société Kréatic soutient, en substance, que :

- l'article L. 221-1 ne permet l'assimilation d'un contrat mixte à un contrat de vente qu'en cas d'existence d'un transfert de propriété ;

- en l'espèce, le « contrat Kréatic » est un « contrat d'abonnement de fourniture de contenus numériques personnalisés » emportant location d'un bien (le site internet du client), et non un contrat emportant transfert de propriété de ce bien. Il ne s'agit donc pas d'un contrat mixte assimilable à un contrat de vente. Le point de départ du délai de rétractation est donc la signature du contrat.

La société Leasecom fait valoir (pp. 7 à 16) que M. [I] ne remplit pas les conditions de l'article L. 221-3 du code de la consommation. Ainsi :

- sur la première condition : le contrat de location n'a pas été conclu en la présence physique et simultanée des parties ;

- s'agissant de la seconde, tenant au « champ d'activité principale », chacun des contrats stipule que le site internet a pour finalité de présenter l'activité professionnelle ou économique de M. [I] (p. 12). En tout état de cause, « la notion de champ de l'activité principale doit être appréciée selon que l'objet du contrat permet au professionnel de réaliser une partie de son activité professionnelle, peu important que celui-ci soit compétent ou non dans le domaine de l'objet du contrat » (p. 15 in fine) ;

- enfin, même si M. [I] démontre que le nombre de salariés était inférieur à 5, à défaut de réunion des trois conditions cumulatives prévues à l'article L. 221-3 du code de la consommation, il ne peut se prévaloir des dispositions protectrices de ce code.

Subsidiairement (pp. 19 à 22), sur la rétractation, la société Leasecom invoque ces éléments :

- aucun défaut d'information sur le droit de rétractation ne peut être retenu : un formulaire de rétractation figure bien dans le contrat « d'abonnement » et le contrat de location respecte les dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation ;

- l'argumentation relative au point de départ du délai est indifférente car, que le délai ait couru à compter de la signature du contrat ou (en retenant la qualification de contrat mixte) à compter de la livraison, dans tous les cas, le droit de rétractation a été exercé hors délai ;

- en outre, en application de l'article L. 221-28, la création d'un site internet concerne la fourniture d'un bien nettement personnalisé selon les spécifications de M. [I]. Le contrat d'abonnement le souligne d'ailleurs (v. ses articles 1 et 2). M. [I] ne pouvait donc bénéficier de la faculté de rétractation, d'autant plus qu'il était parfaitement informé, par les deux contrats, « du délai théorique du délai de rétractation lorsque celui-ci est applicable » (p. 22, § 5). Ainsi, le contrat d'abonnement vise expressément les articles L. 111-1, L. 221-3, L. 221-5 et L. 221-28 du code de la consommation. M. [I] était donc parfaitement informé de ses droits. L'article L. 221-28 avait vocation à s'appliquer en l'espèce.

Réponse de la cour :

En premier lieu, sur l'applicabilité du code de la consommation, contestée par la société Leasecom, il convient de rappeler que l'article L. 221-3 (anciennement L. 121-16, III) du code de la consommation, issu de la loi Hamon du 17 mars 2014, dispose que :

Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Il résulte de ce texte que, pour qu'un professionnel puisse bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation, trois conditions cumulatives sont requises :

- le contrat doit avoir été conclu hors établissement, au sens de l'article L. 221-1, 2°, du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 applicable en la cause, eu égard à la date de conclusion du contrat conclu avec la société Kréatic (8 juillet 2021) ;

- le professionnel considéré doit employer 5 salariés tout au plus ;

- et l'objet du contrat ne doit pas entrer « dans le champ de l'activité principale » de ce professionnel.

Cette troisième condition s'est substituée à l'ancien critère de contrat ayant « un rapport direct avec l'activité » du professionnel en cause, ce qui avait pour conséquence qu'antérieurement, il importait peu que le professionnel ait agi en dehors de sa sphère habituelle de compétence, seule comptant la finalité, professionnelle ou non, de l'opération effectuée.

Bien que, en application l'article L. 221-3 précité, les juges du fond apprécient souverainement si un contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel concerné (V. Civ. 1re, 27 nov. 2019, n° 18-22525, publié), ils doivent retenir une motivation appropriée, la Cour de cassation exerçant son contrôle sur ce point. Ainsi, sont censurées les décisions se fondant sur des motifs impropres à établir que le contrat entrait dans le champ d'application de l'activité principale du professionnel, tels les motifs suivants : le fait que le professionnel disposait de toutes les compétences pour apprécier les conditions financières d'un contrat de location portant sur du matériel indispensable à son activité (Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-11455, publié) ; le fait que le contrat de location a été conclu entre deux professionnels, qu'il porte sur du matériel de reproduction nécessaire à l'activité administrative et commerciale du locataire et que celui-ci a certifié, dans le contrat, que le bien loué était destiné exclusivement à des fins professionnelles (Civ. 1re, 20 déc. 2023, n° 22-18025) ; le fait que le contrat a été passé entre deux sociétés commerciales pour les besoins de l'activité professionnelle d'une pharmacie, ce que celle-ci a attesté dans le contrat (Civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 21-23312).

La Cour de cassation a notamment censuré une décision qui, pour écarter l'application du code de la consommation, avait retenu que la création et la maintenance d'un site Internet était en rapport direct avec l'activité professionnelle du cocontractant et que le contrat avait été conclu à la faveur exclusive de son activité (Civ. 1re, 17 mai 2023, n° 21-24086).

A l'inverse, la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel ayant jugé que la communication commerciale et la publicité via un site Internet n'entraient pas dans le champ de l'activité principale d'un architecte (Civ. 1re, 12 sept. 2018, n° 17-17319).

En l'espèce, la société Leasecom prétend que la première condition imposée par l'article L. 221-3 n'est pas remplie concernant le contrat de location. S'agissant de l'autre contrat - soit le contrat de création de site internet conclu avec la société Kréatic -, seul examiné à ce stade, c'est par des motifs, que la cour d'appel adopte, que les premiers juges ont retenu qu'il était justifié qu'il avait été conclu hors établissement.

Concernant la seconde condition, c'est également par des motifs qui méritent adoption que les premiers juges ont estimé qu'il était justifié de ce que M. [I] employait un nombre de salariés employés n'excédait pas cinq lors de la conclusion du contrat - ce qu'admet d'ailleurs la société Leasecom (p. 16 de ses conclusions).

Quant à la troisième et dernière condition, déniée par les deux intimées, la cour d'appel observe qu'il est constant que M. [I] exerce une activité de travaux de plâtrerie et maçonnerie à titre individuel, tandis que l'objet du contrat conclu avec la société Kréatic porte sur la création et l'installation d'un site internet. Un tel objet étant totalement étranger à l'activité professionnelle exercée par M. [I], il n'entre pas dans le champ de son activité principale, le site internet fût-il destiné à promouvoir cette activité. Il est donc indifférent que le contrat conclu mentionne que ce site avait pour finalité de présenter l'activité professionnelle ou économique de M. [I].

C'est à tort que, pour écarter l'application du code de la consommation, les premiers juges se sont fondés sur des motifs, impropres, tirés de ce que le site internet créé par la société Kréatic avait vocation à promouvoir l'activité professionnelle de M. [I] (cf. pp. 12-13 du jugement).

En deuxième lieu, sur le droit de rétractation, l'article L. 221-1, II, du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 applicable en la cause, eu égard à la date de conclusion du contrat (8 juillet 2021), dispose que :

Les dispositions relevant du titre II de ce code [intitulé « Règles de formation et d'exécution de certains contrats » et incluant les articles L. 221-1 à L. 224-108] s'appliquent aux contrats portant sur la vente d'un ou plusieurs biens, au sens de l'article 528 du code civil, et au contrat en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix. Le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.

Relèvent en particulier du titre II visé par ce texte les dispositions réglementant le droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement (correspondant au chapitre 1 du titre II). Ce droit de rétractation est consacré à l'article L. 221-18 du code de la consommation.

En l'espèce, les intimées contestent le droit de rétractation de M. [I], en soulevant plusieurs moyens.

D'abord, la société Kréatic se prévaut de l'exclusion du droit de rétractation sur le fondement du 13° de l'article L. 221-28 du code de la consommation qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 applicable en la cause, dispose que :

Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats [...]

13° De fourniture d'un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation.

Cependant, l'exclusion du droit de rétractation dans ce cas de figure présuppose la fourniture d'une information, ainsi qu'en dispose l'article L. 221-5 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance du 14 mars 2016 :

Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

[...]

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

[...]

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

[...]

Il résulte donc explicitement de ce dernier texte :

- d'une part, au plan temporel, que l'information sur l'absence de faculté de rétractation résultant de l'application de l'article L. 221-28 doit précéder la conclusion du contrat en cause. C'est dire qu'en toute logique, une telle information ne peut être stipulée dans une clause du contrat lui-même, sous peine de priver la partie débitrice de la faculté d'être informée de l'étendue de ses droits avant de s'engager contractuellement ;

- d'autre part, concernant le contenu de l'information elle-même, que le consommateur doit être informé de l'absence de tout droit de rétractation ou des circonstances qui lui font perdre ce droit.

En l'espèce, la clause dont se prévaut la société Kréatic stipule que :

Je renonce expressément à l'exercice du droit de rétractation dont je bénéfice en vertu de l'article L. 221-28 du code de la consommation.

Or, cette clause est stipulée dans le contrat de création d'un site internet lui-même, sur la première page intitulée « contrat d'abonnement de fourniture de contenus numériques personnalisés », peu important qu'elle soit imprimée au sein d'un encadré intitulé - artificiellement - « information précontractuelle ». En effet, de ces seuls éléments, il ressort que l'information fournie par cette clause n'a pas été portée à la connaissance de M. [I] « préalablement à la conclusion du contrat », comme l'exige l'article L. 221-5 précité, mais concomitamment à la conclusion du contrat, ce que souligne pertinemment M. [I] (p. 14 de ses conclusions). Ce dernier n'a donc pas été informé, avant la conclusion du contrat, de ce qu'il ne bénéficiait d'aucun droit de rétractation ou des conditions lui faisant perdre le bénéfice de ce droit, en application de l'article L. 221-5, 5°, précité.

Au surplus, eu égard à sa rédaction, la clause ci-dessus reproduite n'a pas pour objet d'informer M. [I] de l'absence de son droit de rétractation, puisqu'elle sous-entend que l'intéressé bénéficiait d'un droit de rétractation, auquel il renonçait dans le contrat.

Et cette clause ne précise pas davantage « de manière lisible et compréhensible » les « circonstances » qui auraient fait perdre à M. [I] ce droit de rétractation en application de l'article l'article L. 221-28, 13°, précité, la simple référence à « l'article L. 221-28 », dans la clause litigieuse, étant à l'évidence insuffisante à répondre aux exigences légales édictées à l'article L. 221-5.

Le contenu de l'information ainsi délivrée à M. [I] n'est donc pas conforme aux exigences de l'article L. 221-5.

Surabondamment, même à considérer que cette clause est une clause de renonciation au droit de rétractation, c'est à bon droit que M. [I] rappelle que l'article L. 242-3 du code de la consommation dispose qu' « est nulle toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation défini à l'article L. 221-18 » , et que, la renonciation à un droit ne pouvant intervenir que postérieurement à la naissance de ce droit, est nulle la clause qui, tel qu'en l'espèce, est concomitante, et non postérieure, à la conclusion du contrat en cause.

Il résulte de tout ce qui précède que le droit de rétractation ne peut être dénié à M. [I] sur le fondement de l'article L. 221-28, 13°.

Ensuite, les deux sociétés intimées prétendent que M. [I] ne peut bénéficier d'un droit de rétractation par application du 3° de l'article L. 221-28. Aux termes de ce texte, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :

[...]

3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;

Néanmoins, pour les motifs déjà développés précédemment, il n'est pas établi que M. [I] aurait été informé « de manière claire et compréhensible », avant la conclusion du contrat, de ce qu'il ne bénéficiait pas d'un droit de rétractation ou des circonstances dans lesquelles il perdait ce droit, notamment au regard des dispositions de l'article L. 221-28, 3°.

Dès lors, en tout état de cause, à supposer même que le contrat conclu avec la société Kréatic puisse être qualifié de contrat de « fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés » au sens de ce dernier texte, M. [I] n'a pas reçu l'information préalable exigée par l'article L. 221-5.

Par conséquent, c'est à mauvais escient que les sociétés intimées contestent le droit de M. [I] à se prévaloir d'un droit de rétractation en application de l'article L. 221-28, 3°.

Enfin, la société Kréatic soutient (p. 11) que le droit de rétractation de M. [I] doit être écarté conformément au 1° de l'article L. 221-28. Aux termes de ces dispositions :

Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :

1° De fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;

Toutefois, même en supposant que le contrat conclu avec la société Kréatic relèverait de ces dernières dispositions, il a été exposé, ci-dessus, en quoi M. [I] n'a pas été informé de manière lisible et compréhensible, avant la conclusion du contrat, de l'absence de droit de rétractation ou des circonstances lui faisant perdre ce droit en considération des dispositions de l'article L. 221-8, 1° précité, ce qui caractérise une méconnaissance des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation.

Ce dernier moyen n'est donc pas non plus fondé.

Il découle de tout ce qui précède que le contrat n'a pas valablement écarté le droit de rétraction de M. [I]. L'appelant doit donc bénéficier de ce droit au titre du contrat conclu avec la société Kréatic.

S'agissant des sanctions encourues en cas de non-respect de l'obligation d'information relative au droit de rétractation, elles sont prévues par la loi et identiques, que les informations sur ce droit soient absentes du contrat ou erronées :

- d'abord, la nullité du contrat est encourue, conformément aux articles L. 221-9 et L. 242-1 du même code (v. par ex. Civ. 1re, 12 juill. 2023, n° 22-14020, publié) ;

- ensuite, le délai de rétractation est prorogé de 12 mois, en application de l'article L. 221-20, alinéa 1, du code de la consommation (v. par ex. Civ. 1re, 17 mai 2023, n° 21-25670, publié).

Ces deux sanctions peuvent être mises en oeuvre (Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-10075, publié).

En l'espèce, M. [I] soutient, à titre principal, que le contrat conclu avec la société Kréatic a été anéanti à la suite de l'exercice de son droit de rétractation.

Les parties divergent, cependant, sur le point de départ du délai de rétractation : la société Kréatic, réfutant la qualification de contrat mixte, estime qu'il doit être fixé au jour de la signature du contrat, et les deux intimées estiment que ce délai n'a pas été prolongé compte tenu de l'information régulièrement donnée à M. [I].

Dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 applicable en la cause, eu égard à la date de conclusion du contrat dont s'agit (8 juillet 2021), l'article L. 221-1 du code de la consommation dispose que :

Les dispositions relevant du titre II de ce code [intitulé « Règles de formation et d'exécution de certains contrats » et incluant les articles L. 221-1 à L. 224-108] s'appliquent aux contrats portant sur la vente d'un ou plusieurs biens, au sens de l'article 528 du code civil, et au contrat en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix. Le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.

L'article L. 221-18 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ici applicable, dispose que :

Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :

1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;

2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

[...]

Toutefois, ainsi que le rappelle M. [I] (p. 17 de ses conclusions), l'article L. 221-20 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 applicable en la cause, dispose que :

Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18.

Et il convient de rappeler que l'article L. 221-5, 2°, auquel renvoient ces dernières dispositions, est rédigé comme suit :

Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

[...]

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

Toute erreur dans les informations fournies quant au droit de rétractation entraîne la prolongation du délai de rétractation de douze mois prévue à l'article L. 221-20 précité.

Par ailleurs, au plan formel, l'article L. 221-21, alinéa, du même code, dans sa version issue de l'ordonnance de 2016 précitée, précise que :

Le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d'ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.

Enfin, au plan de l'analyse juridique, il est considéré que l'exercice du droit de rétractation entraîne l'anéantissement du contrat depuis la date de sa conclusion.

En l'espèce, le contrat conclu avec la société Kréatic a été conclu le 8 juillet 2021.

Ainsi que le relève M. [I] (p. 11), les conditions générales du contrat conclu avec la société Kréactic contiennent un article 4.1, intitulé « rétractation », libellé en ces termes :

Sous réserve que le contrat entre dans le cadre de l'application des articles L. 221-3 et suivants de 'code la consommation' (sic), notamment lorsque l'effectif de l'abonné est inférieur ou égal à cinq, celui-ci dispose d'un délai de 14 jours calendaires à compter de la signature du présent contrat pour exercer s'il le souhaite son droit de rétractation. Si l'abonné souhaite se rétracter, il lui appartient de notifier sa décision aux prestataires par tout moyen, le cas échéant au moyen du bordereau de rétractation ci-dessous, au plus tard le 14e jour suivant la signature du contrat et de joindre un document officiel, type récépissé DADSU de l'année en cours, justifiant l'effectif de son entreprise au jour de la signature du contrat, étant entendu que la 'charge de preuve' de l'exercice du droit de rétractation dans les conditions légales pèse sur l'abonné. [...]

Une telle rédaction aboutit à laisser entendre à l'abonné ' c'est-à-dire au cocontractant de la société Kréatic ' que l'exercice de son droit de rétractation est subordonné à la production d'un justificatif du nombre de salariés de l'entreprise de l'abonné, cependant qu'aucun texte ne prévoit une telle condition.

Dès lors, la clause litigieuse est a minima ambiguë, n'explicitant pas de manière claire et précise les conditions et modalités d'exercice du droit de rétractation, d'où il suit que M. [I] n'a pas été informé « de manière lisible et compréhensible » sur ces conditions et modalités, à l'inverse de ce qu'impose l'article L. 221-5, 2°.

Surabondamment, il sera observé que la présence, dans un même contrat, de la clause ci-dessus évoquée par laquelle M. [I] déclarait renoncer à son droit de rétractation, et de clauses des conditions générales relatives à l'exercice du droit de rétractation, ne pouvait qu'accroître la confusion dans l'esprit du bénéficiaire de ce droit et, partant, nuire à son information « lisible et compréhensible » concernant ce droit de rétractation.

Il s'ensuit que, conformément à l'article L. 221-20, le délai de rétractation de 14 jours fixé à l'article L. 221-18 a été prolongé de 12 mois à compter de son expiration.

Ainsi, à supposer même que, ainsi que le prétend la société Kréatic, le point de départ de ce délai soit fixé au jour de la conclusion de ce contrat (soit le 8 juillet 2021), ce délai a été prolongé jusqu'au 22 juillet 2022 et n'était donc pas expiré lorsque M. [I] a envoyé à la société Kréatic, le 16 octobre 2021, une lettre exprimant sa volonté de se rétracter du contrat, et ce sans aucune ambiguïté - les intimées ne le contestent d'ailleurs pas.

Il convient donc d'accueillir la demande principale de M. [I] tendant à voir dire que le contrat conclu avec la société Kréatic a été anéanti par l'exercice du droit de rétractation.

C- Sur les conséquences de l'anéantissement du contrat afférent au site internet

1°- Sur le sort du contrat de location conclu avec la société Leasecom

Tel qu'énoncé précédemment, il résulte de l'article 1186 du code civil que lorsque des contrats sont interdépendants et que l'un quelconque d'eux disparaît, l'autre devient caduc si la partie qui subit cette caducité connaissait l'opération d'ensemble.

La caducité par voie de conséquence intervient automatiquement à la date à laquelle l'anéantissement de l'autre contrat produit ses effets (Com. 11 sept. 2019, n° 18-11401 ; Com. 5 févr. 2025, n° 23-16749, publié).

En l'espèce, pour les motifs ci-dessus explicités, le contrat afférent au site internet étant interdépendant du contrat de location financière conclu le même jour avec la société Leasecom, qui connaissait l'opération contractuelle d'ensemble, l'anéantissement du premier contrat, depuis la date de sa conclusion, entraîne, par voie de conséquence, la caducité du second à la même date.

Il convient donc de constater la caducité du contrat conclu avec la société Leasecom, ainsi que le demande, en tout état de cause, M. [I], sans qu'il y ait lieu, dès lors, d'examiner les autres moyens par lui soulevés à l'encontre du contrat de location conclu avec la société Leasecom.

2°- Sur la demande de restitution formée par M. [I] contre la société Kréatic

M. [I] fait valoir (pp. 31-32) que :

- en application des articles 1178, 1352-3 et 1352-7 du code civil, en cas d'anéantissement rétroactif d'un contrat, chaque partie doit restituer ce qu'elle a reçu ;

- en l'espèce, doit donc lui être restituée la somme de 540 euros versée à la société Kréatic, avec les intérêts calculés selon les modalités de l'article L. 242-4 du code de la consommation.

La société Kréatic ne fait valoir aucun argument en défense sur ce point.

Réponse de la cour :

Le contrat de création d'un site internet étant anéanti en conséquence de l'exercice de son droit de rétractation par M. [I], la société Kréatic lui doit remboursement de la somme versée au titre des frais de dossier - ce que cette société ne conteste nullement.

S'agissant du montant dû à ce titre, M. [I] demande, dans le dispositif de ses conclusions, l'octroi de la somme de 960 euros mais, dans les motifs (p. 32), celle de 540 euros. Selon les mentions figurant sur le contrat, c'est cette dernière somme qui est due par la société Kréatic au titre des restitutions.

Par ailleurs, M. [I] demande que cette somme soit assortie des intérêts « calculés selon les modalités de l'article L. 242-4 du code de la consommation. »

Cet article L. 242-4 dispose que :

Lorsque le professionnel n'a pas remboursé les sommes versées par le consommateur, les sommes dues sont de plein droit majorées du taux d'intérêt légal si le remboursement intervient au plus tard dix jours après l'expiration des délais fixés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 221-24, de 5 % si le retard est compris entre dix et vingt jours, de 10 % si le retard est compris entre vingt et trente jours, de 20 % si le retard est compris entre trente et soixante jours, de 50 % entre soixante et quatre-vingt-dix jours et de cinq points supplémentaires par nouveau mois de retard jusqu'à concurrence du prix du produit, puis du taux d'intérêt légal.

En application de ce texte, la majoration des sommes dues par le professionnel, qui est progressive, ne s'applique qu'à l'issue d'un délai de quatorze jours à compter de la date à laquelle le professionnel est informé de la décision du consommateur de se rétracter (v. Civ. 1re, 17 janv. 2018, n° 17-10255, publié).

En l'espèce, M. [I] a exercé son droit de rétractation par une lettre recommandée avec accusé de réception reçue par la société Kréatic le 20 octobre 2021 (v. pièce n° 7 de l'appelant).

Pour échapper à l'obligation de verser des intérêts sur les frais de dossiers qu'elle avait reçus, cette société aurait donc dû restituer la somme correspondante au plus tard le 3 novembre 2021. Il est constant qu'elle n'a, à ce jour, toujours pas remboursé cette somme. Elle doit donc être condamnée à ce remboursement avec les intérêts calculés selon les modalités prévues par l'article L. 242-4 précité, ainsi que le demande M. [I].

Enfin, ce dernier demande, sans que cela lui soit contesté, que les intérêts soient capitalisés. Il y a donc lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en application de l'article 1343-2 du code civil.

3°- Sur la demande de condamnation au paiement de la somme de 11 160 euros formée par la société Leasecom contre M. [I]

En droit, l'application de la clause du contrat caduc qui stipule une indemnité de résiliation est exclue (Com. 12 juill. 2017, n° 15-27703 ; Com. 6 déc. 2017, n° 16-22809 ; Ch. mixte, 13 avr. 2018, n° 16-21.345, publié). Cette solution se fonde, d'une part, sur la différence entre la résiliation et la caducité, l'une sanctionnant la faute d'un cocontractant, l'autre frappant un contrat valide à l'origine mais qui perd l'un de ses éléments essentiels en cours d'exécution, d'autre part, sur le principe d'interprétation stricte de telles clauses, qui interdit de les appliquer au-delà des hypothèses qu'elles prévoient.

En l'espèce, la somme de 11 160 euros obtenue en première instance par la société Leasecom inclut, selon les motifs du jugement (p. 18), le montant de 8 loyers mensuels impayés entre août 2021 et mars 2022 (1 920 euros), des frais de mise en demeure (120 euros), l'indemnité forfaitaire de recouvrement pour les 8 factures impayées (40 euros X 8 = 320 euros), et 40 loyers à échoir (8 000 euros) et une majoration de 10 % de cette somme (800 euros).

Or, d'abord, la caducité du contrat de location financière, pour les motifs précédemment exposés, justifie le rejet de la demande en paiement des loyers impayés stipulés par ce contrat caduc depuis la date de sa conclusion, de même que la demande en paiement des frais de mise en demeure et d'indemnité forfaitaire de recouvrement.

Ensuite, il résulte de ses termes clairs et précis que l'article 9 de ce contrat, intitulé « résiliation », n'oblige le locataire à payer, à titre d'indemnité, les loyers à échoir majorés de 10 % qu'en cas de résiliation du contrat. Cette clause n'est donc pas applicable en l'espèce, où le contrat a pris fin via une caducité.

Le jugement entrepris mérite donc infirmation en ce qu'il a condamné M. [I] au paiement de la somme de 11 160 euros au profit de la société Leasecom, cette demande devant, au contraire, être rejetée.

4°- Sur la demande de désactivation du site internet formée par M. [I] contre la société Kréatic

M. [I] soutient notamment que :

- selon la jurisprudence, lorsqu'un contrat de création ou de location de site internet stipule une clause selon laquelle le locataire doit restituer le site internet en fin de contrat, en procédant à la désinstallation des fichiers sources du site internet sur son ordinateur, cette clause doit être interprétée en ce sens qu'il appartient à l'agence web et à la société de location, qui sont les seules à détenir les codes de sécurité permettant d'administrer le site internet, de le désactiver du réseau internet ;

- cette jurisprudence est cohérente car la clause litigieuse est interprétée conformément à l'article 1188 du code civil, c'est-à-dire dans le sens que lui donnerait une personne raisonnable. En effet, un site internet n'est pas une chose matérielle qu'il est possible de prendre et de restituer. Pour des raisons de sécurité, seuls l'agence web et le propriétaire du site peuvent accéder aux fichiers sources pour les supprimer ou les modifier, et donc le désactiver ou le faire désactiver ;

- en l'espèce, le site internet est toujours en ligne, alors qu'il ne cesse d'en demander la désactivation. Il est donc demandé à la cour d'appel d'ordonner cette désactivation sous astreinte, pour « faire cesser un trouble manifestement illicite ». Notamment, tant que le site reste en ligne, un autre site internet ne peut être référencé. Enfin, seuls l'agence web et le propriétaire du site disposent des identifiant et mot de passe permettant d'accéder aux fichiers sources et de désactiver le site.

La société Kréatic ne développe aucune argumentation en défense sur ce point, pas davantage que la société Leasecom.

Réponse de la cour :

Les premiers juges ont ordonné à la société Kréatic de désinstaller le site internet dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement, mais sans assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il ressort de ses conclusions (p. 34) que M. [I] critique la décision entreprise uniquement en ce que cette condamnation n'a pas été assortie d'astreinte.

De son côté, la société Kréatic ne demande pas la réformation du jugement entrepris de ce chef.

La cour d'appel est, dès lors, tenue de confirmer le jugement concernant la désinstallation du site internet. Elle estime, en outre, que c'est à raison qu'aucune astreinte n'assortit cette obligation. Le jugement sera donc confirmé en totalité à cet égard.

5°- Sur la demande de la société Leasecom tendant au prononcé de l'anéantissement du contrat de vente conclu entre elle et la société Kreatic en cas de résolution/caducité ab initio « des » contrats de location en conséquences de l'interdépendance des contrats

Ainsi que l'expose elle-même la société Leasecom (p. 6 de ses conclusions), il n'existe en l'espèce que deux contrats :

- le contrat de location conclu entre elle et M. [I] ;

- et le contrat relatif à la création du site internet conclu avec la société Kréatic et lors de la conclusion duquel M. [I] agissait en tant que mandataire de la société Leasecom, qui correspond donc à ce que cette dernière désigne comme étant « le contrat de vente. » Or, pour les motifs ci-dessus développés, il a été jugé que ce contrat-là s'est trouvé anéanti par l'effet de la rétractation régulièrement exercée par M. [I].

La demande de la société Leasecom tendant au prononcé de l'anéantissement de ce contrat est donc en quelque sorte redondante et, partant, sans objet.

6°- Sur la demande de condamnation à la restitution du prix de vente et à la réparation de son préjudice formée par la société Leasecom contre la société Kréatic

La société Leasecom demande à titre subsidiaire (p. 30 de ses conclusions), en cas d'anéantissement du contrat de location, la condamnation de la société Kréatic à lui restituer le prix d'acquisition du prix du site internet, soit la somme de 7 552,38 euros TTC, outre les intérêts au taux légal, en raison du lien existant entre le contrat de vente portant sur le site internet et le contrat de location.

En outre, elle fait valoir (pp. 31 à 34) que :

- la Cour de cassation a jugé que, dès lors que l'anéantissement de l'un quelconque des contrats interdépendants entraîne l'anéantissement des autres, il appartient à la partie à l'origine de cet anéantissement d'indemniser le préjudice causé par sa faute ;

- en l'espèce, si l'anéantissement du contrat de location financière est consécutif à un manquement de la société Kréatic ayant emporté l'anéantissement du « contrat d'abonnement », la faute de cette dernière lui causerait à elle, société Leasecom, un préjudice financier, puisqu'elle ne pourrait percevoir les loyers dus au titre du contrat de location. Le préjudice « réside dans le manque à gagner causé par l'interruption d'un contrat à durée irrévocable et la non-perception des loyers », à la « contrepartie de ce que l'établissement financier escomptait de l'opération. » Il ne se limite donc pas à ce que le bailleur a versé au fournisseur pour acquérir le site objet du contrat de location.

En l'occurrence, si le contrat de location avait été exécuté jusqu'à son terme, elle aurait perçu la somme de 48 X 240 euros TTC = 11 520 euros TTC. La société Kréatic doit donc être condamnée à payer la différence entre cette somme et le prix de vente du site, soit 3 967,62 euros en réparation de son préjudice, outre les intérêts.

La société Kréatic répond que :

- si la société Leasecom a débloqué les fonds pour financer la location du site internet, c'est qu'elle avait validé, auprès de M. [I], la parfaite réception du site, ainsi qu'en atteste la signature du procès-verbal de réception (cf. sa pièce n° 5) ;

- elle s'en remet néanmoins à l'appréciation de la cour d'appel quant à son éventuelle condamnation à ce titre.

Réponse de la cour :

Dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la société Leasecom demande la condamnation de la société Kréatic à lui payer deux sommes distinctes :

- 7 552,38 euros TTC en restitution du prix de vente ;

- et 3 967,62 euros au titre de son préjudice financier « dans l'hypothèse où l'anéantissement du contrat de location serait consécutif à l'anéantissement du contrat d'abonnement. »

La cour d'appel comprend des motifs des conclusions de la société Leasecom venant au soutien de ces demandes en paiement , que la jurisprudence issue d'un arrêt du 12 juillet 2017, qui y est mentionnée, n'est invoquée qu'au soutien de sa seconde demande.

En premier lieu, la caducité du contrat de location financière conclu entre M. [I] et la société Leasecom est la conséquence de l'anéantissement du contrat de création d'un site internet par la société Kréactic, qui lui est interdépendant.

La société Kréatic ne fait valoir aucun moyen de droit pour s'opposer à la restitution du prix de vente qu'elle a perçu de la part de la société Leasecom au titre du contrat de vente qui, tel qu'indiqué ci-dessus, s'est trouvé anéanti par la rétractation exercée par M. [I].

La demande de restitution du prix de vente sera donc accueillie, avec intérêts au taux légal à compter des conclusions du 1er mars 2024, ainsi que le requiert la société Leasecom dans le dispositif de ses conclusions, sans observation de la société Kréactic sur ce point.

En second lieu, s'agissant de la demande formée au titre d'un préjudice financier, la société Kréatic ne conteste pas l'applicabilité, au cas d'espèce, du principe juridique invoqué par la société Leasecom à l'appui de sa demande, et tiré d'un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2017 (pourvoi n° 15-27703), publié, qui, en matière d'interdépendance contractuelle, a énoncé que « Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute. »

Cela étant, outre la circonstance qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile la cour d'appel est tenue de se conformer à l'objet du litige tel qu'il résulte des conclusions des parties, il résulte de l'article 9 du même code qu'il appartient à la société Leasecom, en tant que demanderesse à la réparation d'un préjudice financier, de caractériser la faute précise qu'elle reproche à la société Kréatic.

Or, force est de constater que, dans ses conclusions (p. 33), elle se borne à faire état d'un « manquement » de la société Kréatic qui serait à l'origine de l'anéantissement du contrat de création d'un site internet, sans toutefois caractériser ce manquement, cependant que l'exercice régulier, par M. [I], d'un droit de rétractation légalement octroyé, ne peut, à lui seul, suffire à caractériser une faute de la part de la société Kréatic.

En l'absence de caractérisation d'une faute civile imputable à la société Kréatic et à l'origine de l'anéantissement des contrats interdépendants en cause, la société Leasecom ne peut donc qu'être déboutée de sa demande en réparation d'un préjudice financier.

D- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'attitude respective des sociétés Kréatic et Leasecom étant à l'origine du présent litige, elles doivent être condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, ainsi que le demande M. [I]. Toutefois, contrairement à ce que demande encore celui-ci, les dépens ne peuvent inclure le coût du constat d'huissier qui, ayant été établi à l'initiative de l'appelant, ne fait pas partie de la liste limitative des dépens fixée à l'article 695 du code de procédure civile.

Les sociétés intimées seront également condamnées in solidum au paiement d'une indemnité de procédure au profit de M. [I], et leurs demandes respectives d'indemnité procédurales seront rejetées.

Dès lors, les chefs du jugement relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile doivent être infirmés.

PAR CES MOTIFS

- INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il :

' ordonne à la société Kréatic de désactiver le site internet dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement ;

' et dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- DIT que le contrat afférent à la création et à l'installation d'un site internet conclu avec la société Kréatic et le contrat de location financière conclu avec la société Leasecom sont interdépendants ;

- DIT que, concernant le contrat afférent au site internet, le code de la consommation est applicable à M. [I], conformément aux dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation ;

- DIT que M. [I] bénéficie d'un droit de rétractation au titre du contrat afférent au site internet ;

- DIT que le contrat afférent au site internet conclu avec la société Kréatic a été anéanti par l'effet de la rétractation exercée par M. [I] ;

- En conséquence, CONSTATE la caducité du contrat de location financière conclu entre M. [I] et la société Leasecom, et ce depuis la date de sa conclusion, le 8 juillet 2021 ;

- CONDAMNE la société Kréatic à payer à M. [I] la somme de 540 euros, assortie des intérêts calculés selon les modalités prévues par l'article L. 242-4 précité :

- Concernant la condamnation à la somme de 540 euros ci-dessus prononcée, ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- REJETTE la demande de la société Leasecom tendant à la condamnation de M. [I] au paiement de la somme totale de 11 160 euros au titre des loyers échus et impayés, des frais de mise en demeure, des indemnités de recouvrement et d'indemnité de résiliation majorée de 10 % ;

- REJETTE la demande de M. [I] tendant à ce que la désinstallation du site internet par la société Kréatic soit assortie d'une astreinte ;

- DIT sans objet la demande de la société Leasecom tendant au prononcé de l'anéantissement du contrat de vente conclu entre elle et la société Kreatic en cas de résolution/caducité ab initio « des » contrats de location en conséquences de l'interdépendance des contrats ;

- CONDAMNE la société Kréatic à payer à la société Leasecom la somme de 7 552,38 euros TTC, correspondant au prix de vente payé au titre du contrat afférent à la création d'un site internet, et DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2024 ;

- REJETTE la demande de la société Leasecom tendant à la condamnation de la société Kréatic à lui payer la somme de 3 967,62 euros en réparation de son préjudice financier ;

- CONDAMNE in solidum les sociétés Kréatic et Leasecom aux dépens de première instance et d'appel, ces dépens n'incluant pas le coût du constat d'huissier établi à l'initiative de M. [I] ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes respectivement formées par les sociétés Kréatic et Leasecom, et LES CONDAMNE in solidum à payer à M. [I] la somme globale de 6 000 euros.

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