CA Besançon, ch. soc., 23 septembre 2025, n° 24/01340
BESANÇON
Arrêt
Autre
ARRÊT N°
CE/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2025
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 17 juin 2025
N° de rôle : N° RG 24/01340 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZ56
S/appel d'une décision
du Pole social du TJ de [Localité 7]
en date du 31 juillet 2024
Code affaire : 88B
Demande d'annulation d'une mise en demeure ou d'une contrainte
APPELANTE
[6] sise [Adresse 2]
représentée par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON, présente
INTIMEE
S.A.S.. [4], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Anne LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE substituée par Me Ludovic PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, présent
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 17 Juin 2025 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Madame Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière
en présence de Mme [L] [T], Greffière stagiaire
en présence des auditeurs de justice Mme [I] [X], Mme [U] [S] et M. [E] [H]
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 23 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe.
**************
Statuant sur l'appel interjeté le 7 septembre 2024 par l'URSSAF Franche-Comté d'un jugement rendu le 31 juillet 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Vesoul, qui dans le cadre du litige l'opposant à la société par actions simplifiée [4] a':
- déclaré les mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 irrégulières,
- annulé la contrainte référencée n° 4370000018408236430041203371 émise le 16 janvier 2024
par l'URSSAF de Franche-Comté, pour un montant initial, majorations comprises, de 30.029,47 euros et actualisée à la somme de 27.647,71 euros,
- débouté la société par actions simplifiée [4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'[5] aux dépens,
Vu les dernières conclusions transmises le 15 avril 2025 par l'[6], appelante, qui demande à la cour de':
- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société [4] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer les mises en demeure en date du 08 novembre 2022 et du 08 août 2023,
- confirmer la contrainte en date du 16 janvier 2024 signifiée par commissaire de justice le 11 janvier 2024 (en réalité le 16 janvier 2024),
- condamner la société [4] au paiement de la somme actualisée de 27.647,71 euros, soit 25.817,71 euros de cotisations et 1.830 euros de majorations de retard outre les frais de signification de la contrainte,
- condamner la société [4] au paiement de la somme de 75,48 euros correspondant aux frais de signification de la contrainte litigieuse,
- débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société [4] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions transmises le 14 avril 2025 par la société [4], intimée, qui demande à la cour de':
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner l'[5] à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, aux conclusions susvisées auxquelles les parties se sont référées à l'audience,
SUR CE
EXPOSE DU LITIGE
La société [4] est immatriculée à l'URSSAF en qualité d'employeur du régime général.
En cette qualité, elle est redevable des cotisations du régime général en application notamment des articles L. 311-1 et suivants et R. 243-6 du code de la sécurité sociale.
La société [4] ne s'étant pas intégralement acquittée de ses cotisations à leur date d'exigibilité, l'[5] lui a adressé le 8 novembre 2022 et le 9 août 2023 les deux mises en demeure suivantes, dont la société [4] a accusé réception respectivement le 15 novembre 2022 et le 30 août 2023':
- mise en demeure n° 0041203371': pour paiement de la somme de 34.480 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes aux périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022';
- mise en demeure n° 0041282472': pour paiement de la somme de 3.101 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes au mois d'octobre 2022.
Ces mises en demeure n'ont pas été suivies d'effets et la société [4] ne les a pas contestées devant la commission de recours amiable.
L'URSSAF a alors décerné le 16 janvier 2024 à l'encontre de la société [4] une contrainte d'un montant total de 30.029,47 euros, qui lui a été signifiée le même jour.
C'est dans ces conditions que par courrier reçu le 29 janvier 2024, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Vesoul d'une opposition à contrainte qui a donné lieu le 31 juillet 2024 au jugement entrepris.
MOTIFS
1- Sur la signature, l'identité et les fonctions du signataire des mises en demeure':
Pour déclarer irrégulières les mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 et annuler en conséquence la contrainte du 16 janvier 2024, les premiers juges ont relevé que la mention «'Le directeur (ou son délégataire)'» ainsi que la signature peu lisible ne pouvaient permettre d'identifier de manière certaine leur auteur, dont les nom, prénom et qualité ne sont pas mentionnés, de sorte que la société [4] ne pouvait connaître l'identité du décisionnaire contrairement aux dispositions de l'article L. 122-1 (en réalité L. 212-1) du code des relations entre le public et l'administration.
La société [4] sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir que les deux mises en demeure litigieuses ne comportent pas le nom du signataire. Elle revendique l'application de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et se prévaut de l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 8 mars 2024 (n° 21-21.230) aux termes duquel, selon elle, la Cour a, d'une part, considéré que la mention des nom, prénom et qualité du signataire de l'auteur de l'acte constituait une formalité substantielle dont l'inobservation est sanctionnée par la nullité et d'autre part, mis fin à la jurisprudence retenant que la dénomination de l'organisme est suffisante en dépit de l'absence d'indication des nom, prénom et qualité de l'auteur de la décision.
L'URSSAF sollicite l'infirmation du jugement sur ce point aux motifs que la jurisprudence retient de longue date que l'absence de la mention des nom, qualité, signature, n'est pas de nature à entraîner une nullité dès lors que le document précise la dénomination de l'organisme qui l'a émis.
* Selon l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, dont se prévaut la société [4], "toute décision prise par une administration comporte outre la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci".
Ce texte est applicable aux personnes de droit privé chargées d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale, en vertu des dispositions de l'article L. 100-3 du même code.
Toutefois, selon une jurisprudence constante, l'omission des mentions prescrites par l'article 4, alinéa 2, de la loi du 12 avril 2000 (désormais l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration) n'affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dès lors que celle-ci mentionne la dénomination de l'organisme qui l'a émise (2è Civ. 5 juillet 2005 n° 04-30.196'; 2e Civ. 28 mai 2014 n° 13-16.918).
Or, tel est bien le cas en l'espèce des deux mises en demeure litigieuses, qui mentionnent clairement qu'elles sont émises par l'URSSAF de Franche-Comté.
Contrairement à l'argumentaire de la société [4], l'arrêt publié au bulletin rendu le 8 mars 2024 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (n° 21-21.230), qui est afférent à un titre de recettes visé à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et son ampliation, n'apparaît pas remettre en cause cette jurisprudence.
Il est relevé en outre que le signataire des deux mises en demeure est identifiable dans la mesure où la signature scannée sur ces actes est très similaire à celle figurant sur la contrainte qui, elle, mentionne son prénom, son nom et sa qualité': «'[R] [Y], Directrice Régionale'».
Dès lors, l'exception de nullité tirée de l'absence, dans les mises en demeure, du prénom, du nom et de la qualité exacte de leur signataire doit être rejetée, le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a retenu le contraire pour déclarer irrégulières à ce titre les mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 et annuler par voie de conséquence la contrainte subséquente du 16 janvier 2024.
2- Sur la validité des mises en demeure au regard des mentions relatives à l'obligation de la cotisante':
Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
Au cas présent, les deux mises en demeure litigieuses des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 mentionnent pour chacune d'elles':
- la nature des cotisations': régime général incluses contribution d'assurance chômage, cotisations [3]';
- le motif de mise en recouvrement':
- mise en demeure relative aux périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022': «'MISE EN DEMEURE RECAPITULATIVE'», chaque motif précis étant ensuite détaillé selon la période': rejet du titre de paiement par la banque pour les mois de février 2022 à septembre 2022 et absence de versement pour les mois de juin 2020 à avril 2021';
- mise en demeure relative au mois d'octobre 2022': «'INSUFFISANCE DE VERSEMENT'»';
- les périodes concernées, mois par mois';
- le montant des cotisations réclamées, mois par mois, en distinguant les cotisations, les majorations et les montants déjà payés, la colonne «'pénalités'» étant quant à elle systématiquement renseignée par la mention 0,00 €'; il est également précisé dans chacune des mises en demeure la date ultime jusqu'à laquelle les déclarations et versements enregistrés ont été pris en compte (3 novembre 2022 dans la mise en demeure du 8 novembre 2022, 4 août 2023 dans celle du 9 août 2023)'';
- le montant total à payer';
- le délai pour s'acquitter de la dette et les voies de recours.
Il résulte de ces mentions que les deux mises en demeure précisent bien la nature des cotisations et contributions réclamées, leur montant, en ventilant les sommes dues entre les cotisations et les majorations compte tenu des montants déjà payés à déduire, les périodes mensuelles à laquelle elles se rapportent et les causes de la mise en recouvrement, distinguées mois par mois.
Contrairement à l'argumentation de la société [4], la mention «'régime général incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS'» permet au cotisant d'avoir une connaissance suffisante de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation (2è Civ. 12 mai 2021 n° 20-12.264).
Contrairement encore à l'argumentaire de la société [4], l'URSSAF n'est pas tenue de fournir de plus amples éléments de calcul.
Dans ces conditions, la cour retient que les deux mises en demeure litigieuses permettaient à la cotisante d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
Il convient donc de valider les deux mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023.
3- Sur la validité de la contrainte au regard des mentions relatives à l'obligation de la cotisante':
Il est de jurisprudence constante que la contrainte décernée en application des articles L. 244-2, L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale doit, à l'instar de la mise en demeure, permettre à son destinataire d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser, à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
Au cas présent, la contrainte émise le 16 janvier 2024 pour un montant de 30.029,47 euros comporte les sommes restant dues, distinguées par mise en demeure, et fait expressément référence aux deux mises en demeure préalablement notifiées, en mentionnant leur numéro et leur date.
Elle indique suffisamment la nature des cotisations par la mention «'EMPLOYEUR DU REGIME GENERAL'» (2è Civ. 12 mai 2021 n° 20-12.264 déjà cité) et distingue, par mise en demeure, d'une part les cotisations et contributions sociales restant dues, d'autre part les majorations restant dues, la colonne «'pénalités'» étant quant à elle systématiquement renseignée par la mention 0,00 €.
Pour ce qui concerne les sommes restant dues au titre des périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022 (première mise en demeure), elles sont aussi ventilées et détaillées mois par mois.
En outre, la contrainte précise quelle était la somme totale restant due (34.480 euros) au titre de cette première mise en demeure, les versements supplémentaires devant être pris en compte (7.551,53 euros) et le solde restant dû au titre des cotisations et majorations visées dans cette mise en demeure (26.928,47 euros).
Elle rappelle aussi les motifs de mise en recouvrement figurant dans les mises en demeure.
La cour retient donc que la contrainte litigieuse met la cotisante en mesure de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, de sorte qu'elle doit être validée.
La société [4] sera en conséquence condamnée à payer à l'[6] la somme actualisée de 27.647,71 euros, soit 25.817,71 euros de cotisations et 1.830 euros de majorations de retard, l'organisme social ayant enregistré deux nouveaux versements de 793,92 euros, le 6 mars 2024 et le 10 avril 2024.
4- Sur les frais irrépétibles et les dépens':
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens de première instance, ses dispositions relatives aux frais irrépétibles n'étant quant à elles pas critiquées.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer à l'[6] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer devant la cour.
Partie perdante, la société [4] n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens de première instance, qui comprendront le coût de la signification de la contrainte (75,48 euros), et les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement rendu le 31 juillet 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Vesoul entre l'URSSAF Franche-Comté et la société [4]';
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Valide la mise en demeure n° 0041203371 du 8 novembre 2022 pour paiement de la somme de 34.480 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes aux périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022';
Valide la mise en demeure n° 0041282472 du 9 août 2023 pour paiement de la somme de 3.101 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes au mois d'octobre 2022';
Valide la contrainte émise le 16 janvier 2024 et signifiée le même jour à la société [4] pour un montant de 30.029,47 euros, actualisé à 27.647,71 euros';
Condamne la société [4] à payer à l'[6] la somme de 27.647,71 euros, soit 25.817,71 euros de cotisations et 1.830 euros de majorations de retard';
Condamne la société [4] à payer à l'[6] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société [4] aux dépens de première instance, qui comprendront le coût de la signification de la contrainte (75,48 euros), et aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt trois septembre deux mille vingt cinq et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,
CE/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2025
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 17 juin 2025
N° de rôle : N° RG 24/01340 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZ56
S/appel d'une décision
du Pole social du TJ de [Localité 7]
en date du 31 juillet 2024
Code affaire : 88B
Demande d'annulation d'une mise en demeure ou d'une contrainte
APPELANTE
[6] sise [Adresse 2]
représentée par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON, présente
INTIMEE
S.A.S.. [4], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Anne LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE substituée par Me Ludovic PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, présent
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 17 Juin 2025 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Madame Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière
en présence de Mme [L] [T], Greffière stagiaire
en présence des auditeurs de justice Mme [I] [X], Mme [U] [S] et M. [E] [H]
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 23 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe.
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Statuant sur l'appel interjeté le 7 septembre 2024 par l'URSSAF Franche-Comté d'un jugement rendu le 31 juillet 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Vesoul, qui dans le cadre du litige l'opposant à la société par actions simplifiée [4] a':
- déclaré les mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 irrégulières,
- annulé la contrainte référencée n° 4370000018408236430041203371 émise le 16 janvier 2024
par l'URSSAF de Franche-Comté, pour un montant initial, majorations comprises, de 30.029,47 euros et actualisée à la somme de 27.647,71 euros,
- débouté la société par actions simplifiée [4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'[5] aux dépens,
Vu les dernières conclusions transmises le 15 avril 2025 par l'[6], appelante, qui demande à la cour de':
- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société [4] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer les mises en demeure en date du 08 novembre 2022 et du 08 août 2023,
- confirmer la contrainte en date du 16 janvier 2024 signifiée par commissaire de justice le 11 janvier 2024 (en réalité le 16 janvier 2024),
- condamner la société [4] au paiement de la somme actualisée de 27.647,71 euros, soit 25.817,71 euros de cotisations et 1.830 euros de majorations de retard outre les frais de signification de la contrainte,
- condamner la société [4] au paiement de la somme de 75,48 euros correspondant aux frais de signification de la contrainte litigieuse,
- débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société [4] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions transmises le 14 avril 2025 par la société [4], intimée, qui demande à la cour de':
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner l'[5] à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, aux conclusions susvisées auxquelles les parties se sont référées à l'audience,
SUR CE
EXPOSE DU LITIGE
La société [4] est immatriculée à l'URSSAF en qualité d'employeur du régime général.
En cette qualité, elle est redevable des cotisations du régime général en application notamment des articles L. 311-1 et suivants et R. 243-6 du code de la sécurité sociale.
La société [4] ne s'étant pas intégralement acquittée de ses cotisations à leur date d'exigibilité, l'[5] lui a adressé le 8 novembre 2022 et le 9 août 2023 les deux mises en demeure suivantes, dont la société [4] a accusé réception respectivement le 15 novembre 2022 et le 30 août 2023':
- mise en demeure n° 0041203371': pour paiement de la somme de 34.480 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes aux périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022';
- mise en demeure n° 0041282472': pour paiement de la somme de 3.101 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes au mois d'octobre 2022.
Ces mises en demeure n'ont pas été suivies d'effets et la société [4] ne les a pas contestées devant la commission de recours amiable.
L'URSSAF a alors décerné le 16 janvier 2024 à l'encontre de la société [4] une contrainte d'un montant total de 30.029,47 euros, qui lui a été signifiée le même jour.
C'est dans ces conditions que par courrier reçu le 29 janvier 2024, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Vesoul d'une opposition à contrainte qui a donné lieu le 31 juillet 2024 au jugement entrepris.
MOTIFS
1- Sur la signature, l'identité et les fonctions du signataire des mises en demeure':
Pour déclarer irrégulières les mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 et annuler en conséquence la contrainte du 16 janvier 2024, les premiers juges ont relevé que la mention «'Le directeur (ou son délégataire)'» ainsi que la signature peu lisible ne pouvaient permettre d'identifier de manière certaine leur auteur, dont les nom, prénom et qualité ne sont pas mentionnés, de sorte que la société [4] ne pouvait connaître l'identité du décisionnaire contrairement aux dispositions de l'article L. 122-1 (en réalité L. 212-1) du code des relations entre le public et l'administration.
La société [4] sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir que les deux mises en demeure litigieuses ne comportent pas le nom du signataire. Elle revendique l'application de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et se prévaut de l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 8 mars 2024 (n° 21-21.230) aux termes duquel, selon elle, la Cour a, d'une part, considéré que la mention des nom, prénom et qualité du signataire de l'auteur de l'acte constituait une formalité substantielle dont l'inobservation est sanctionnée par la nullité et d'autre part, mis fin à la jurisprudence retenant que la dénomination de l'organisme est suffisante en dépit de l'absence d'indication des nom, prénom et qualité de l'auteur de la décision.
L'URSSAF sollicite l'infirmation du jugement sur ce point aux motifs que la jurisprudence retient de longue date que l'absence de la mention des nom, qualité, signature, n'est pas de nature à entraîner une nullité dès lors que le document précise la dénomination de l'organisme qui l'a émis.
* Selon l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, dont se prévaut la société [4], "toute décision prise par une administration comporte outre la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci".
Ce texte est applicable aux personnes de droit privé chargées d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale, en vertu des dispositions de l'article L. 100-3 du même code.
Toutefois, selon une jurisprudence constante, l'omission des mentions prescrites par l'article 4, alinéa 2, de la loi du 12 avril 2000 (désormais l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration) n'affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dès lors que celle-ci mentionne la dénomination de l'organisme qui l'a émise (2è Civ. 5 juillet 2005 n° 04-30.196'; 2e Civ. 28 mai 2014 n° 13-16.918).
Or, tel est bien le cas en l'espèce des deux mises en demeure litigieuses, qui mentionnent clairement qu'elles sont émises par l'URSSAF de Franche-Comté.
Contrairement à l'argumentaire de la société [4], l'arrêt publié au bulletin rendu le 8 mars 2024 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (n° 21-21.230), qui est afférent à un titre de recettes visé à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et son ampliation, n'apparaît pas remettre en cause cette jurisprudence.
Il est relevé en outre que le signataire des deux mises en demeure est identifiable dans la mesure où la signature scannée sur ces actes est très similaire à celle figurant sur la contrainte qui, elle, mentionne son prénom, son nom et sa qualité': «'[R] [Y], Directrice Régionale'».
Dès lors, l'exception de nullité tirée de l'absence, dans les mises en demeure, du prénom, du nom et de la qualité exacte de leur signataire doit être rejetée, le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a retenu le contraire pour déclarer irrégulières à ce titre les mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 et annuler par voie de conséquence la contrainte subséquente du 16 janvier 2024.
2- Sur la validité des mises en demeure au regard des mentions relatives à l'obligation de la cotisante':
Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
Au cas présent, les deux mises en demeure litigieuses des 8 novembre 2022 et 9 août 2023 mentionnent pour chacune d'elles':
- la nature des cotisations': régime général incluses contribution d'assurance chômage, cotisations [3]';
- le motif de mise en recouvrement':
- mise en demeure relative aux périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022': «'MISE EN DEMEURE RECAPITULATIVE'», chaque motif précis étant ensuite détaillé selon la période': rejet du titre de paiement par la banque pour les mois de février 2022 à septembre 2022 et absence de versement pour les mois de juin 2020 à avril 2021';
- mise en demeure relative au mois d'octobre 2022': «'INSUFFISANCE DE VERSEMENT'»';
- les périodes concernées, mois par mois';
- le montant des cotisations réclamées, mois par mois, en distinguant les cotisations, les majorations et les montants déjà payés, la colonne «'pénalités'» étant quant à elle systématiquement renseignée par la mention 0,00 €'; il est également précisé dans chacune des mises en demeure la date ultime jusqu'à laquelle les déclarations et versements enregistrés ont été pris en compte (3 novembre 2022 dans la mise en demeure du 8 novembre 2022, 4 août 2023 dans celle du 9 août 2023)'';
- le montant total à payer';
- le délai pour s'acquitter de la dette et les voies de recours.
Il résulte de ces mentions que les deux mises en demeure précisent bien la nature des cotisations et contributions réclamées, leur montant, en ventilant les sommes dues entre les cotisations et les majorations compte tenu des montants déjà payés à déduire, les périodes mensuelles à laquelle elles se rapportent et les causes de la mise en recouvrement, distinguées mois par mois.
Contrairement à l'argumentation de la société [4], la mention «'régime général incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS'» permet au cotisant d'avoir une connaissance suffisante de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation (2è Civ. 12 mai 2021 n° 20-12.264).
Contrairement encore à l'argumentaire de la société [4], l'URSSAF n'est pas tenue de fournir de plus amples éléments de calcul.
Dans ces conditions, la cour retient que les deux mises en demeure litigieuses permettaient à la cotisante d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
Il convient donc de valider les deux mises en demeure des 8 novembre 2022 et 9 août 2023.
3- Sur la validité de la contrainte au regard des mentions relatives à l'obligation de la cotisante':
Il est de jurisprudence constante que la contrainte décernée en application des articles L. 244-2, L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale doit, à l'instar de la mise en demeure, permettre à son destinataire d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser, à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
Au cas présent, la contrainte émise le 16 janvier 2024 pour un montant de 30.029,47 euros comporte les sommes restant dues, distinguées par mise en demeure, et fait expressément référence aux deux mises en demeure préalablement notifiées, en mentionnant leur numéro et leur date.
Elle indique suffisamment la nature des cotisations par la mention «'EMPLOYEUR DU REGIME GENERAL'» (2è Civ. 12 mai 2021 n° 20-12.264 déjà cité) et distingue, par mise en demeure, d'une part les cotisations et contributions sociales restant dues, d'autre part les majorations restant dues, la colonne «'pénalités'» étant quant à elle systématiquement renseignée par la mention 0,00 €.
Pour ce qui concerne les sommes restant dues au titre des périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022 (première mise en demeure), elles sont aussi ventilées et détaillées mois par mois.
En outre, la contrainte précise quelle était la somme totale restant due (34.480 euros) au titre de cette première mise en demeure, les versements supplémentaires devant être pris en compte (7.551,53 euros) et le solde restant dû au titre des cotisations et majorations visées dans cette mise en demeure (26.928,47 euros).
Elle rappelle aussi les motifs de mise en recouvrement figurant dans les mises en demeure.
La cour retient donc que la contrainte litigieuse met la cotisante en mesure de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, de sorte qu'elle doit être validée.
La société [4] sera en conséquence condamnée à payer à l'[6] la somme actualisée de 27.647,71 euros, soit 25.817,71 euros de cotisations et 1.830 euros de majorations de retard, l'organisme social ayant enregistré deux nouveaux versements de 793,92 euros, le 6 mars 2024 et le 10 avril 2024.
4- Sur les frais irrépétibles et les dépens':
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens de première instance, ses dispositions relatives aux frais irrépétibles n'étant quant à elles pas critiquées.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer à l'[6] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer devant la cour.
Partie perdante, la société [4] n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens de première instance, qui comprendront le coût de la signification de la contrainte (75,48 euros), et les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement rendu le 31 juillet 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Vesoul entre l'URSSAF Franche-Comté et la société [4]';
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Valide la mise en demeure n° 0041203371 du 8 novembre 2022 pour paiement de la somme de 34.480 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes aux périodes de juin 2020 à avril 2021 et de février 2022 à septembre 2022';
Valide la mise en demeure n° 0041282472 du 9 août 2023 pour paiement de la somme de 3.101 euros restant due sur les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations afférentes au mois d'octobre 2022';
Valide la contrainte émise le 16 janvier 2024 et signifiée le même jour à la société [4] pour un montant de 30.029,47 euros, actualisé à 27.647,71 euros';
Condamne la société [4] à payer à l'[6] la somme de 27.647,71 euros, soit 25.817,71 euros de cotisations et 1.830 euros de majorations de retard';
Condamne la société [4] à payer à l'[6] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société [4] aux dépens de première instance, qui comprendront le coût de la signification de la contrainte (75,48 euros), et aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt trois septembre deux mille vingt cinq et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,