CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 25 septembre 2025, n° 22/08008
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08008 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMED
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/01879
APPELANTE
Madame [Z] [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Paul BEAUSSILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099
INTIMEE
Mutuelle MUTUELLE INTERIALE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre
Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre
Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES
ARRET :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [J] a été engagée par la mutuelle Mutuelle des étudiants pour une durée indéterminée à compter du 27 juin 2016.
Le 28 juin 2018, son contrat de travail a été transféré à la mutuelle Mutuelle Intériale avec reprise d'ancienneté, en qualité de "directeur pôle collectif" au sein de la direction du développement. Ce transfert a pris effet le 1er juillet 2018.
Elle était soumise à une convention de forfait annuel de 218 jours par an.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne était en dernier lieu de 8 503,80 euros.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale de la mutualité.
Le 28 février 2020, alors qu'elle occupait les fonctions de Directrice du pôle collectif, Mme [J] a été placée en arrêt de travail pour maladie, puis en congé pathologique du 20 mars 2020 au 2 avril 2020 et en congé maternité jusqu'au 11 septembre 2020.
A l'issue d'une visite du 27 octobre 2020 avec le médecin du travail, elle a été déclarée apte à la reprise de son poste.
A son retour de congé maternité, la salariée a signé un avenant régularisant la modification de son contrat de travail suite à une réorganisation de la mutuelle, mise en place pendant son absence.
Cette réorganisation prévoyait la création du poste de "Directeur collectif courtage et partenariat", objet de l'avenant à son contrat de travail et poste qu'elle occupait en dernier lieu.
Par lettre du 5 janvier 2021, Mme [J] était convoquée pour le 15 janvier à un entretien préalable à son licenciement. Son licenciement lui a été notifié le 25 janvier 2021 pour faute simple, caractérisée, d'une part, par un désinvestissement du suivi des dossiers avec les clients et partenaires induisant l'insatisfaction de trois clients, dont un ayant rompu son contrat, et, d'autre part, une attitude inadaptée et fautive dans son management et ses relations interservices.
Le 4 mars 2021, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul avec réintégration pour discrimination en raison de sa grossesse, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 23 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Paris, après avoir débouté Mme [J] du surplus de ses demandes et la mutuelle de sa demande reconventionnelle et de sa demande relative aux frais de procédure, a :
- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires de Mme [J] à 8 503,80 euros ;
- dit le licenciement de Mme [J] sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la Mutuelle Intériale à payer à Mme [J] les sommes suivantes :
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 euros ;
article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros ;
les intérêts au taux légal ;
les entiers dépens.
Mme [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 septembre 2022 en visant expressément les dispositions critiquées.
La Mutuelle Intériale a constitué avocat le 05 octobre 2022.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [J] demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à prononcer la nullité de son licenciement discriminatoire en raison de sa grossesse, ordonner sa réintégration et condamner la mutuelle à lui payer le rappel de salaires du entre le 26 avril 2021 jusqu'à sa réintégration.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de réformer le quantum des condamnations, de condamner la mutuelle à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes, de juger que la convention de forfait en jours est nulle et en toute hypothèse privée d'effet, et de condamner la mutuelle à lui verser les sommes suivantes :
- dommages-intérêts pour discrimination en raison de la grossesse : 10 000 euros ;
- dommages-intérêts pour conditions de licenciement vexatoire : 8 503,80 euros ;
- rappel d'heures supplémentaires : 60 507,14 euros ;
- congés payés afférents : 6 050,70 euros ;
- contrepartie obligatoire en repos : 33 293 euros ;
- reliquat de la part de rémunération variable 2020 : 15 000 euros ;
- congés payés afférents : 1 500 euros ;
- dommages-intérêts pour violation du droit au repos : 5 000 euros ;
- article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros ;
- les entiers dépens.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Mme [J] expose que :
- son licenciement constitue en réalité une mesure discriminatoire en raison de sa grossesse ; elle établit des éléments laissant supposer l'existence d'une telle discrimination ;
- elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement très peu de temps après la fin de la période de protection qui expirait le 20 novembre 2020 ;
- l'annonce de sa grossesse en décembre 2019 est concomitante au projet de réorganisation de la direction du développement ayant modifié son poste de directrice du pôle collectif, projet auquel elle n'a pas été associée ; en février 2020 elle a refusé de signer un avenant pour le poste de directrice collectif, courtage et partenariats ; le médecin du travail a constaté sa souffrance au travail ;
- elle n'a pas été informée à son retour de nombreux éléments importants de la réorganisation intervenue ; l'échange qu'elle a eu avec M. [H] le 11 septembre 2020 ne constitue en rien un entretien au sens de l'article L. 6315-1du code du travail ;
- une partie de ses tâches et de son périmètre lui ont été retirés à son retour de congé maternité, notamment l'ensemble du périmètre courtage ;
- les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont infondés ;
- le reproche tenant à de prétendues difficultés avec des clients et partenaires est fallacieux, les erreurs avancées ne lui étant pas imputables ; elle a insisté pour conserver le client APCA (Assemblées permanentes des chambres d'agriculture), pris les mesures nécessaires au redressement de ce contrat et multiplié les rendez-vous physiques avec ses dirigeants ; les plaintes du client SDIS 54 ne lui sont pas plus imputables en ce qu'elles préexistaient à son retour de congé et relevaient d'un commercial n'étant pas sous sa responsabilité ; elle avait alerté sur les carences ayant conduit à la résiliation par le client CD 70 de son contrat collectif ; le grief relatif au partenaire Gras Savoye est postérieur à l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, et est en tout état de cause imprécis et renvoi à des manquements non-datés ; elle démontre avoir en réalité subi des propos déplacés et agressifs de la part d'un collaborateur de Gras Savoye ;
- elle a fait l'objet de compliments sur son travail peu de temps avant le licenciement ; sa direction était en sous-effectif ;
- le prétendu "comportement managérial inadapté" n'est pas non plus démontré et aucune remarque de cette nature ne lui avait été formulée auparavant ;
- en conséquence et à titre principal, il convient de prononcer la nullité de son licenciement et d'ordonner sa réintégration à son poste sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- sa demande de rappel de salaires et accessoires dus entre son licenciement et sa réintégration (d'un montant de 8 503,80 euros) est donc bien fondée ;
- à titre subsidiaire, son licenciement est à tout le moins dénué de cause réelle et sérieuse ;
- le recours à un huissier pour lui signifier sa convocation à l'entretien préalable était vexatoire, de même que la dispense d'activité avec coupure de l'accès à la messagerie pendant la procédure ;
- elle est fondée à solliciter le rappel du reliquat (60%) de la part de rémunération variable 2020 ; elle établit en effet que l'employeur lui a transmis tardivement ses objectifs sans les lui faire signer contrairement aux années précédentes ; elle a en tout état de cause amplement satisfait aux objectifs fixés ;
- sa convention de forfait en jours est nulle et en toute hypothèse inopposable ;
- l'encadrement par l'accord collectif des conventions de forfait-jours au sein de la mutuelle n'est pas conforme aux prescriptions légales, en ce qu'il ne garantit pas une amplitude et une charge de travail raisonnable ; en tout état de cause, l'employeur a méconnu les garanties fixées par la convention individuelle de forfait, faute d'avoir organiser un entretien annuel relatif à la charge de travail ;
- elle est en conséquence bien fondée à solliciter un rappel d'heures supplémentaires au regard du tableau et des courriels versés au débat ;
- elle réclame également à bon droit une contrepartie obligatoire en repos, celle-ci démontrant avoir dépassé le contingent annuel fixé à 100 heures par l'article 5.2 de la convention collective de la mutualité ; cette demande est parfaitement recevable en ce qu'elle n'est pas une prétention nouvelle mais l'accessoire ou la conséquence directe des heures supplémentaires demandées;
- la violation de l'employeur de son droit effectif au congés payés et au repos étant caractérisée, sa demande indemnitaire formée à ce titre est fondée.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la mutuelle Intériale demande à la cour de :
- constater l'irrecevabilité de la demande de condamnation de la mutuelle au versement de la somme de 33 293 euros bruts au titre du prétendu défaut de contrepartie obligatoire en repos sollicité uniquement en cause d'appel ;
- à titre subsidiaire, débouter Mme [J] de cette dernière demande ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de caractère discriminatoire de la rupture du contrat de travail et débouté Mme [J] du surplus de ses demandes
- juger que la réintégration est impossible et que le salaire de base mensuel devant servir au calcul de l'indemnité d'éviction est égal à 6 277,69 euros bruts.;
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la mutuelle de sa demande tendant à constater que la rupture du contrat de travail repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- à titre subsidiaire, ramener la demande de dommages-intérêts formés par Mme [J] au titre du défaut de cause réelle et sérieuse au montant minimum, soit 3 mois de salaires (25 000 euros) en confirmant alors le jugement ;
- à titre reconventionnel, condamner Mme [J] à verser à la mutuelle les sommes suivantes :
o à titre subsidiaire, à titre de remboursement des sommes perçues au titre des JRTT perçues sur la période 2018-2021, si par extraordinaire la cour faisait droit à la demande d'inopposabilité du forfait jours : 835,46 euros bruts ;
o article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros ;
o les frais et dépens.
L'intimée fait valoir que :
- à titre principal, le caractère discriminatoire du licenciement n'est pas établi ; le licenciement est intervenu plus de 3 mois après le retour de congé maternité de l'intéressée ; les éléments allégués par la salariée sont impropres à laisser présumer une quelconque situation de discrimination en raison de la grossesse ;
- le projet de réorganisation de la direction du développement, invoquée par celle-ci, a fait l'objet d'une information-consultation auprès du CSE dès le 25 novembre 2019 (soit avant le départ en congé maternité de la salariée) et elle en a été pleinement informée à cette période ;
- ces changements organisationnels ont été évoqués dès son retour de congé maternité le 11 septembre 2020 avec son supérieur hiérarchique ; ses nouvelles fonctions avaient un périmètre plus large et une augmentation de sa rémunération était prévue ;
- son poste n'a nullement été vidé de sa substance à son retour de congé maternité ; elle a été associée aux projets mis en place pendant son absence ; Mme [P] n'a pas remplacée Mme [J] ;
- en tout état de cause, le poste occupé par Mme [J] n'existe plus ce qui rend impossible la réintégration de Mme [J] ; cette dernière occupe un nouvel emploi ; au regard du dernier bulletin de paie, le salaire de référence est de 6 277, 69 euros ;
- le licenciement pour cause réelle et sérieuse est parfaitement justifié au regard des manquements récurrents à ses obligations contractuelles ; les griefs reprochés sont établis ; en fin d'année 2020, l'envoi par des clients de la Mutuelle de courriers de demandes de résiliation et de mise en demeure ont mis à jour de multiples défaillances de la part de Mme [J] dans la gestion des contrats collectifs dont était en charge sa direction ;
- le désinvestissement dans le suivi des dossiers entrainant une insatisfaction des clients et partenaires de la mutuelle est démontré ; aucune initiative n'a été prise concernant le client APCA et la salariée tente de s'attribuer les mérites de ses collaborateurs durant son absence ; le manquement relatif au client SDIS 54, à savoir le défaut d'envoi de pièces contractuelles, est caractérisé ; la résiliation du contrat collectif par le CD 70 fait suite à " différents dysfonctionnements " imputables à l'appelante ; l'attitude " peu constructive " de la salariée envers ses interlocuteurs du partenaire Gras Savoye est démontrée ;
- le comportement managérial et interservices inapproprié est caractérisé ; la direction a dû apaiser les relations entre les services ;
- à titre subsidiaire, il convient à tout le moins de confirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts accordés au titre d'un défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, au minimum prévu par le barème issu de l'article L.1235-3 du code du travail (soit 3 mois de salaire) ; dès le mois de juin 2021, Mme [J] est devenue députée à l'Assemblée nationale ; elle est à ce jour adjointe à la Maire de [Localité 6] en charge de l'urbanisme, de l'architecture, de l'aménagement de l'espace public, du [Localité 5] [Localité 6], de l'accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap ;
- la demande indemnitaire formée par l'appelante au titre du caractère vexatoire de sa procédure de licenciement est infondée, faute d'établir un tel caractère vexatoire ;
- la demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires est infondée ; la convention de forfait annuel en jour est parfaitement valable ;
- l'employeur produit l'accord collectif autorisant le recours au forfait-jours et démontre avoir respecté les prescriptions légales résultant de l'article L.3121-64 du code du travail ;
- le plein effet de la convention de forfait annuel en jours est établi, la salariée ayant bénéficié d'un entretien afin d'envisager sa reprise d'activité à son retour de congé maternité ;
- les éléments produits au soutien de la demande des heures supplémentaires alléguées sont dénués de valeur probante et insuffisamment précis ;
- à titre subsidiaire et reconventionnel, la mutuelle est bien fondée à réclamer le remboursement des sommes perçues au titre des JRTT ;
- la demande au titre du prétendu défaut de contrepartie obligatoire en repos est, à titre principal, irrecevable car nouvelle en cause d'appel et à titre subsidiaire, infondée dès lors que les heures supplémentaires ne sont pas établies ;
- il convient de débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable de 2020 ; le défaut d'atteinte de ses objectifs est démontré, en attestent les divers manquements établis au soutien de son licenciement ; ses objectifs ont été valablement fixés par son responsable dans le cadre de son pouvoir de direction ;
- aucun manquement de l'employeur au droit au repos de la salariée n'étant établi, il y a lieu de débouter celle-ci de sa demande indemnitaire formée à ce titre.
MOTIFS
Sur les demandes au titre du temps de travail
Sur la convention de forfait et les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3121-63 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : "Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche."
Mme [J] soutient que la convention de forfait est privée d'effet dès lors qu'elle n'a jamais bénéficié d'entretien annuel sur sa charge de travail.
L'employeur se contente d'indiquer que la période des entretiens est fixée à juin et que Mme [J] était en congé maternité en juin 2020.
Pour autant, il n'explique pas l'absence d'entretien en juin 2019 et la raison pour laquelle l'entretien de juin 2020 n'a pas été reprogrammé au retour de congé maternité de Mme [G].
Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la convention de forfait annuel en jours était privée d'effet.
Compte-tenu de ce qui précède, Mme [J] est en droit de prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale de travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles.
Le salarié soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail.
Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
La charge de travail confiée dans le cadre du forfait en jours irrégulièrement mis en place, étant connue de l'employeur, les heures de travail exécutées pour y faire face répondent à sa commande, fût-elle implicite.
Au soutien de sa demande, Mme [J] produit un tableau de son planning de travail et des courriels adressés pendant l'exercice de ses fonctions.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.
Aucun autre élément n'est produit par l'employeur de nature à établir la durée du travail accomplie par la salariée et se contente de dire que rien ne justifiait que Mme [J] traite ces courriels en urgence ou qu'ils ne révèlent pas une prestation de travail effective, ce que dément le contenu des messages.
Il résulte de ce qui précède que la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires est fondée en son principe.
En conséquence, au regard de l'ensemble des éléments versés aux débats, il y a lieu, par voie d'infirmation du jugement, de considérer que la salariée a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas donné lieu à rémunération mais en nombre inférieur à ce qu'elle revendique, et de condamner la Mutuelle Intériale à payer à Mme [J] les sommes de 50 800 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires et 5 080 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Sur la recevabilité
Tout d'abord, l'employeur soulève l'irrecevabilité de cette demande, nouvelle en cause d'appel.
Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La demande de la salariée d'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos est la conséquence de la demande qu'elle avait formée devant le conseil de prud'hommes d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires. Elle est donc recevable.
Sur le bien-fondé
L'article L.3121-30 alinéa 1er du code du travail dispose : "des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos ".
L'article 5.2 de la convention collective de la mutualité prévoit que le contingent annuel
d'heures supplémentaires est fixé à 100 heures.
L'article L.3121-33 I 3° du code du travail prévoit notamment que la contrepartie obligatoire en repos ne peut être inférieure à 50% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel prévu par l'article L.3121-30 précité pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.
Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos, a droit à l'indemnisation du préjudice subi et cette indemnisation comporte à la fois l'indemnité de repos visée à l'article D.3121-19 du code du travail et le montant de l'indemnité de congés payés y afférente.
Le nombre des heures supplémentaires dont l'existence a été retenue dépassant le contingent annuel, la cour condamne la mutuelle Intériale à payer à Mme [J], au titre de la contrepartie obligatoire en repos, congés payés compris, la somme de 30 747, 06 euros.
Sur la violation du droit effectif aux congés payés et au repos
La salariée soutient qu'elle a travaillé certains de ses jours de congés.
Elle n'invoque pas de violation de son droit au repos quotidien ou hebdomadaire.
Dès lors, Mme [J] n'établit pas l'existence d'un préjudice qui n'a pas été réparé par le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires octroyé par la cour.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle de remboursement des jours de RTT
Il résulte des dispositions de l'article 1302-1 du code civil que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui qui l'a indûment reçu.
La convention de forfait en jours étant privée d'effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.
Par infirmation du jugement, Mme [J] sera condamnée à payer à la Mutuelle Intériale la somme de 835,46 euros bruts au titre des JRTT payés en application de la convention individuelle de forfait.
Sur la demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
En outre, selon l'article L.1235-1 de ce même code, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné au besoin, les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il est constant que le licenciement de Mme [J] est un licenciement disciplinaire pour faute.
La lettre de licenciement du 25 janvier 2021 fait état des griefs suivants :
- Perte des clients APCA, SDIS54, CD70 et dégradation de la relation avec le partenaire Institution Gras Savoye en raison de son désengagement,
- Difficultés relationnelles avec le service juridique et absence d'accompagnement adapté de son équipe.
Sur le client APCA, l'employeur produit le courriel de mécontentement du client retransmis par M. [R], un subordonné de Mme [J] et la réponse de cette dernière dont il soutient qu'elle était insuffisante à rétablir la qualité de la relation avec ce client.
Il produit des pièces pour établir que les subordonnés de Mme [J] avaient amélioré le marché avec ce client pendant le congé maternité de cette dernière, qui avait déjà eu des difficultés avec ce client en octobre 2019.
Sur le client SDIS 54, l'employeur produit le courrier de mécontentement du client de décembre 2020. Il ressort des pièces produites par Mme [J] que le suivi de ce dossier a été complexe entre les différentes directions. Aucun élément ne permet d'imputer à Mme [J] le retard pointé par le client.
Sur le client CD70, l'employeur produit le courriel de Mme [J] du 26 novembre 2020 à la suite de la perte du client et soutient que cette dernière s'est contentée de rejeter la faute sur d'autres et n'a pas proposé de plan d'actions comme demandé.
Toutefois le courriel de Mme [J] ne fait qu'un rapide résumé de l'historique et l'employeur ne définit pas les actions qui auraient dû être menées.
Sur le partenaire Gras Savoye, l'employeur produit deux échanges de courriels dont il ressort un refus de travailler avec la mutuelle Intériale sur deux dossiers. Aucun lien n'est fait avec le travail de Mme [J].
En conséquence, sur ce premier grief, si l'employeur établit des pertes de contrats avec des clients et partenaires relevant du service de Mme [J] et le fait que l'action de cette dernière n'a pas participé à rétablir une meilleure situation, il n'établit pas l'existence de comportements fautifs de cette dernière ou un manquement délibéré à son rôle de coordination, le licenciement ayant été décidé pour faute et non pour insuffisance professionnelle.
Sur le second grief, l'employeur produit un compte-rendu d'une réunion interservices au sein de la mutuelle du 26 octobre 2020, destinée à clarifier les fonctionnements et apaiser les tensions entre les services. Il produit aussi un courriel du 25 novembre 2020 dont il soutient qu'il contenait des propos polémiques. Il produit enfin un compte-rendu d'une réunion du 11 décembre 2020 dont il soutient qu'il répondait de nouveau à des relations dégradées.
Mais ces pièces établissent des difficultés de fonctionnement entre les services notamment sur le traitement des dossiers prioritaires et n'établissent pas un rôle problématique de Mme [J] qui ne ressort pas du courriel du 25 novembre 2020.
L'employeur ne produit d'ailleurs aucun élément quant à un recadrage spécifique de Mme [J].
Enfin, l'employeur produit un échange de courriels du 16 décembre 2020 avec sa supérieure hiérarchique dans lequel Mme [J] prétend défendre les droits de l'un de ses subordonnées et adopte un ton ironique. Cet échange révèle surtout que Mme [J] ne supportait pas de ne pas être informée de certains évènements.
Si son message était inadapté dans la forme et a d'ailleurs été suivi d'une réponse de sa supérieure hiérarchique le lui signifiant clairement, il ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes au titre d'une discrimination en raison de l'état de grossesse
L'article L.1225-1 du code du travail dispose :
"L'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ou, sous réserve d'une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L.1225-7, L.1225-9 et L.1225-12, pour prononcer une mutation d'emploi.
Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l'état de grossesse de l'intéressée."
L'article L.1225-2 :
"La femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte. "
L'article L.1225-3 :
"Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1225-1 et L.1225-2, l'employeur communique au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision.
Lorsqu'un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte. "
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail :
"Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ('), de sa situation de famille ou de sa grossesse, (') ".
L'article L.1134-1 du même code dispose que : " Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (')".
Ainsi, en application des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il ressort des pièces 5, 9 et 10 produites par la salariée qu'avant son congé maternité, elle s'est plainte de ne pas avoir été associée à la réorganisation de la direction du développement et elle a refusé de signer un avenant à son contrat de travail établissant ses nouvelles fonctions en revendiquant une évolution salariale qui avait été promise en 2019. Elle soulignait aussi sa forte charge de travail et les difficultés d'effectifs de son service. Elle s'étonnait du recrutement de Mme [P] sur des sujets la concernant.
Au soutien de ses demandes, Mme [J] soutient que son licenciement est intervenu pour des motifs fallacieux immédiatement après son retour de congé maternité, peu de temps après la fin de la période de protection légale, et elle présente les éléments de fait suivants :
- absence d'association à la réorganisation à son retour
- retrait d'une partie des tâches et de son périmètre
Sur le premier point, elle produit :
- Un courriel du 10 novembre dans lequel elle s'étonne d'avoir appris qu'un comité existant antérieurement avait été fusionné avec une autre instance.
- Un courriel du 14 décembre 2020 dans lequel elle demande un retour du dernier CA à sa supérieure hiérarchique et elle fait part de son absence de connaissance des dernières modalités de circularisation de l'information.
Elle soutient que l'entretien qu'elle a eu avec son supérieur hiérarchique le 11 septembre 2020 ne constitue pas l'entretien prévu à l'article L.6315-1 du code du travail.
Sur le second point, elle produit :
- Un courriel de la directrice générale indiquant que l'une des personnes de son équipe qui coordonne le projet Drakkar devait se rapprocher d'une autre personne.
- Un courriel d'invitation à la réunion de lancement du projet Drakkar.
- Un courriel de sa supérieure hiérarchique du 24 novembre 2020 dans lequel sa supérieure hiérarchique indique qu'elle pilote en direct le projet Drakkar.
- Un courriel de sa part du 14 octobre 2020 sur le projet ITEHA dans lequel elle indique qu'elle n'est pas directrice de projet.
- Un échange de courriels du 13 octobre 2020 sur le sujet Sofaxis dans lequel son subordonné a envoyé une note sans la faire valider par elle.
- Un courriel du 30 octobre 2020 dans lequel elle indique ne pas avoir eu un niveau d'information suffisant, ce que reconnaît sa supérieure hiérarchique.
- Un courriel du 26 octobre 2020 dans lequel elle demande à être incluse dans des boucles de diffusion internes.
- Un échange de courriels de novembre 2020 sur sa participation à un comité de développement.
- Deux attestations de M. [Y] et M. [S] évoquant une mise à l'écart.
L'employeur indique que M. [S] ne travaillait plus au sein de la mutuelle lors du retour de Mme [J] de son congé maternité. Cet élément de preuve n'est donc pas pertinent.
Les autres éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination.
Il incombe alors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
L'employeur rappelle que la période de protection avait expiré le 19 novembre 2020, soit bien avant l'engagement de la procédure de licenciement.
L'employeur ajoute que Mme [J] a été déclarée apte sans aucune réserve à son retour de congé maternité lors de la visite du 27 octobre 2020.
L'employeur indique que la réorganisation de la direction du développement a été initiée en 2019 et qu'en janvier 2020 il a été proposé à Mme [J] le nouveau poste de directeur collectif, courtage et partenariat. Il justifie que Mme [P] n'a pas été recrutée.
Le 11 septembre 2020, Mme [J] a fait l'objet d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont il lui a été adressé un compte-rendu, qui révèle qu'il a été fait le point sur son activité et les différentes évolutions organisationnelles intervenues pendant son absence et qui est conforme aux prévisions de l'article L.6315-1 du code du travail.
Dès lors, l'employeur établit que Mme [J] a été associée aux évolutions organisationnelles de la mutuelle qui avaient eu lieu en son absence, la circonstance qu'elle ait découvert certaines informations quelques semaines après sa reprise étant banale dès lors qu'elle avait été absente plusieurs mois.
Sur le retrait d'une partie des tâches, l'employeur expose tout d'abord que le projet Drakkar a été conduit en l'absence de Mme [J] par son subordonné M. [U] sous la supervision du supérieur hiérarchique de Mme [J]. Il établit que cette dernière était bien associée et invitée à la réunion de lancement de ce projet.
Sur le projet Sofaxis, l'employeur établit que Mme [J] était bien destinataire des messages sur ce projet et a validé les travaux, la circonstance d'un document ait pu être envoyé à une occasion sans passer par elle ne révélant pas une mise à l'écart.
Par ailleurs, l'employeur établit que Mme [J] n'a pas été écartée d'une réunion avec la directrice générale, puisque cette réunion était dédiée aux collaborateurs que cette dernière n'avait pas encore rencontrés.
Il expose à juste titre que le courriel du 30 octobre 2020 dans lequel Mme [J] indique ne pas avoir eu un niveau d'information suffisant est lié à la mise en place du confinement et qu'il lui a été apporté une réponse.
Sur le comité de développement, l'employeur établit que le niveau de représentation était celui du supérieur hiérarchique de Mme [J] et que certaines autres personnes y étaient ponctuellement conviées.
Enfin, l'employeur expose que la liste de discussion dont Mme [J] soutient avoir été exclue concernait une autre direction que la sienne.
Par ailleurs, si la cour a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il ressort des éléments produits que le positionnement de Mme [J] au sein de la mutuelle et avec certains partenaires a suscité des mécontentements ou crispations.
Dès lors, l'employeur justifie que les faits invoqués par la salariée sont étrangers à toute discrimination.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de nullité de son licenciement, de sa demande de réintégration et d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour discrimination en raison de la grossesse.
Sur les conséquences financières de la rupture
En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [J] est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 5 mois de salaire.
Au regard notamment de l'âge de la salariée et de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des pièces produites relatives à l'étendue du préjudice, par réformation du jugement, la mutuelle Intériale sera condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande au titre d'un licenciement vexatoire
Mme [J] expose que sa lettre de convocation lui a été remise par un huissier sans prévenance et qu'elle a été dispensée d'activité avec fermeture de ses accès réseaux alors qu'aucune faute grave ne lui était reprochée.
Toutefois, si Mme [J] indique avoir été affectée par cette méthode, elle ne fait état d'aucun préjudice spécifique.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande de rappel de rémunération variable
L'article 6 du contrat de travail prévoit une part variable de rémunération dans les termes suivants :
" En complément de sa rémunération fixe, le salarié bénéficiera d'une part de rémunération variable sur objectifs d'un montant brut pouvant aller jusqu'à 25 000 € (vingt-cinq mille euros) bruts par an. Les modalités d'attribution sont définies par le responsable chaque année ".
Dès lors, le courriel du 28 septembre de son responsable hiérarchique, dès lors qu'aucune fixation conjointe n'est prévue par le contrat de travail, constitue une fixation régulière des objectifs.
Les objectifs ont été décomposés de la façon suivante :
- Objectifs collectifs : 20% ;
- Objectifs individuels propres à l'activité de chacun : 60% (mise en conformité des contrats santé, réalisation d'un CA global de 2,8 millions d'euros, mise en place d'un tableau de bord hebdomadaire de suivi de l'activité, mise en 'uvre d'actions de synergie pour favoriser le 2ème risque en individuel, mise en place du chantier de clarification de la base de données des contrats collectifs) ;
- Objectifs individuels comportementaux : 20% (renforcer l'écoute des besoins des collaborateurs, être force de proposition pour la résolution des difficultés dans la direction, faire un diagnostic objectif des comportements des collaborateurs, se positionner comme un acteur majeur d'un bon état d'esprit au sein de la DD).
Mme [J] affirme que le versement de 10 000 euros lui a été présenté comme un acompte et produit un courriel en ce sens et que l'objectif de chiffre d'affaires a été atteint.
L'employeur soutient que les manquements dans le cadre de la gestion des dossiers dont elle était en charge et les défaillances managériales reprochés au titre du licenciement suffisent à démontrer qu'une partie des objectifs attribués à la salariée n'a pas été atteinte par cette dernière.
Toutefois, d'une part, il ne justifie aucunement du calcul établi sur les objectifs ci-dessus énumérés conduisant à fixer la rémunération variable à 10 000 euros et, d'autre part, la cour a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Dès lors, le jugement sera infirmé de ce chef et l'employeur sera condamné à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de rappel de rémunération variable pour 2020 et 1 500 euros de congés payés afférents.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner la mutuelle Intériale aux dépens de l'appel.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur sera débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté Mme [J] de ses demandes de nullité de son licenciement, de sa demande de réintégration et d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour discrimination en raison de la grossesse, et de ses demandes de dommages-intérêts pour violation du droit effectif aux congés payés et au repos et pour licenciement vexatoire et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
L'INFIRME sur le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
DIT que la demande d'indemnité à titre de contrepartie obligatoire en repos est recevable,
CONDAMNE la mutuelle Intériale à payer à Mme [J] les sommes suivantes :
- 50 800 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires et 5 080 euros au titre des congés payés afférents ;
- 30 747, 06 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;
- 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 15 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour 2020 et 1 500 euros de congés payés afférents.
CONDAMNE Mme [J] à payer à la Mutuelle Intériale la somme de 835,46 euros bruts au titre des JRTT payés en application de la convention individuelle de forfait,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la mutuelle Intériale aux dépens de la procédure d'appel,
CONDAMNE la mutuelle Intériale à payer à Mme [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la DEBOUTE de sa demande à ce titre.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08008 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMED
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/01879
APPELANTE
Madame [Z] [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Paul BEAUSSILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099
INTIMEE
Mutuelle MUTUELLE INTERIALE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre
Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre
Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES
ARRET :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [J] a été engagée par la mutuelle Mutuelle des étudiants pour une durée indéterminée à compter du 27 juin 2016.
Le 28 juin 2018, son contrat de travail a été transféré à la mutuelle Mutuelle Intériale avec reprise d'ancienneté, en qualité de "directeur pôle collectif" au sein de la direction du développement. Ce transfert a pris effet le 1er juillet 2018.
Elle était soumise à une convention de forfait annuel de 218 jours par an.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne était en dernier lieu de 8 503,80 euros.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale de la mutualité.
Le 28 février 2020, alors qu'elle occupait les fonctions de Directrice du pôle collectif, Mme [J] a été placée en arrêt de travail pour maladie, puis en congé pathologique du 20 mars 2020 au 2 avril 2020 et en congé maternité jusqu'au 11 septembre 2020.
A l'issue d'une visite du 27 octobre 2020 avec le médecin du travail, elle a été déclarée apte à la reprise de son poste.
A son retour de congé maternité, la salariée a signé un avenant régularisant la modification de son contrat de travail suite à une réorganisation de la mutuelle, mise en place pendant son absence.
Cette réorganisation prévoyait la création du poste de "Directeur collectif courtage et partenariat", objet de l'avenant à son contrat de travail et poste qu'elle occupait en dernier lieu.
Par lettre du 5 janvier 2021, Mme [J] était convoquée pour le 15 janvier à un entretien préalable à son licenciement. Son licenciement lui a été notifié le 25 janvier 2021 pour faute simple, caractérisée, d'une part, par un désinvestissement du suivi des dossiers avec les clients et partenaires induisant l'insatisfaction de trois clients, dont un ayant rompu son contrat, et, d'autre part, une attitude inadaptée et fautive dans son management et ses relations interservices.
Le 4 mars 2021, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul avec réintégration pour discrimination en raison de sa grossesse, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 23 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Paris, après avoir débouté Mme [J] du surplus de ses demandes et la mutuelle de sa demande reconventionnelle et de sa demande relative aux frais de procédure, a :
- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires de Mme [J] à 8 503,80 euros ;
- dit le licenciement de Mme [J] sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la Mutuelle Intériale à payer à Mme [J] les sommes suivantes :
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 euros ;
article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros ;
les intérêts au taux légal ;
les entiers dépens.
Mme [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 septembre 2022 en visant expressément les dispositions critiquées.
La Mutuelle Intériale a constitué avocat le 05 octobre 2022.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [J] demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à prononcer la nullité de son licenciement discriminatoire en raison de sa grossesse, ordonner sa réintégration et condamner la mutuelle à lui payer le rappel de salaires du entre le 26 avril 2021 jusqu'à sa réintégration.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de réformer le quantum des condamnations, de condamner la mutuelle à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes, de juger que la convention de forfait en jours est nulle et en toute hypothèse privée d'effet, et de condamner la mutuelle à lui verser les sommes suivantes :
- dommages-intérêts pour discrimination en raison de la grossesse : 10 000 euros ;
- dommages-intérêts pour conditions de licenciement vexatoire : 8 503,80 euros ;
- rappel d'heures supplémentaires : 60 507,14 euros ;
- congés payés afférents : 6 050,70 euros ;
- contrepartie obligatoire en repos : 33 293 euros ;
- reliquat de la part de rémunération variable 2020 : 15 000 euros ;
- congés payés afférents : 1 500 euros ;
- dommages-intérêts pour violation du droit au repos : 5 000 euros ;
- article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros ;
- les entiers dépens.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Mme [J] expose que :
- son licenciement constitue en réalité une mesure discriminatoire en raison de sa grossesse ; elle établit des éléments laissant supposer l'existence d'une telle discrimination ;
- elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement très peu de temps après la fin de la période de protection qui expirait le 20 novembre 2020 ;
- l'annonce de sa grossesse en décembre 2019 est concomitante au projet de réorganisation de la direction du développement ayant modifié son poste de directrice du pôle collectif, projet auquel elle n'a pas été associée ; en février 2020 elle a refusé de signer un avenant pour le poste de directrice collectif, courtage et partenariats ; le médecin du travail a constaté sa souffrance au travail ;
- elle n'a pas été informée à son retour de nombreux éléments importants de la réorganisation intervenue ; l'échange qu'elle a eu avec M. [H] le 11 septembre 2020 ne constitue en rien un entretien au sens de l'article L. 6315-1du code du travail ;
- une partie de ses tâches et de son périmètre lui ont été retirés à son retour de congé maternité, notamment l'ensemble du périmètre courtage ;
- les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont infondés ;
- le reproche tenant à de prétendues difficultés avec des clients et partenaires est fallacieux, les erreurs avancées ne lui étant pas imputables ; elle a insisté pour conserver le client APCA (Assemblées permanentes des chambres d'agriculture), pris les mesures nécessaires au redressement de ce contrat et multiplié les rendez-vous physiques avec ses dirigeants ; les plaintes du client SDIS 54 ne lui sont pas plus imputables en ce qu'elles préexistaient à son retour de congé et relevaient d'un commercial n'étant pas sous sa responsabilité ; elle avait alerté sur les carences ayant conduit à la résiliation par le client CD 70 de son contrat collectif ; le grief relatif au partenaire Gras Savoye est postérieur à l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, et est en tout état de cause imprécis et renvoi à des manquements non-datés ; elle démontre avoir en réalité subi des propos déplacés et agressifs de la part d'un collaborateur de Gras Savoye ;
- elle a fait l'objet de compliments sur son travail peu de temps avant le licenciement ; sa direction était en sous-effectif ;
- le prétendu "comportement managérial inadapté" n'est pas non plus démontré et aucune remarque de cette nature ne lui avait été formulée auparavant ;
- en conséquence et à titre principal, il convient de prononcer la nullité de son licenciement et d'ordonner sa réintégration à son poste sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- sa demande de rappel de salaires et accessoires dus entre son licenciement et sa réintégration (d'un montant de 8 503,80 euros) est donc bien fondée ;
- à titre subsidiaire, son licenciement est à tout le moins dénué de cause réelle et sérieuse ;
- le recours à un huissier pour lui signifier sa convocation à l'entretien préalable était vexatoire, de même que la dispense d'activité avec coupure de l'accès à la messagerie pendant la procédure ;
- elle est fondée à solliciter le rappel du reliquat (60%) de la part de rémunération variable 2020 ; elle établit en effet que l'employeur lui a transmis tardivement ses objectifs sans les lui faire signer contrairement aux années précédentes ; elle a en tout état de cause amplement satisfait aux objectifs fixés ;
- sa convention de forfait en jours est nulle et en toute hypothèse inopposable ;
- l'encadrement par l'accord collectif des conventions de forfait-jours au sein de la mutuelle n'est pas conforme aux prescriptions légales, en ce qu'il ne garantit pas une amplitude et une charge de travail raisonnable ; en tout état de cause, l'employeur a méconnu les garanties fixées par la convention individuelle de forfait, faute d'avoir organiser un entretien annuel relatif à la charge de travail ;
- elle est en conséquence bien fondée à solliciter un rappel d'heures supplémentaires au regard du tableau et des courriels versés au débat ;
- elle réclame également à bon droit une contrepartie obligatoire en repos, celle-ci démontrant avoir dépassé le contingent annuel fixé à 100 heures par l'article 5.2 de la convention collective de la mutualité ; cette demande est parfaitement recevable en ce qu'elle n'est pas une prétention nouvelle mais l'accessoire ou la conséquence directe des heures supplémentaires demandées;
- la violation de l'employeur de son droit effectif au congés payés et au repos étant caractérisée, sa demande indemnitaire formée à ce titre est fondée.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la mutuelle Intériale demande à la cour de :
- constater l'irrecevabilité de la demande de condamnation de la mutuelle au versement de la somme de 33 293 euros bruts au titre du prétendu défaut de contrepartie obligatoire en repos sollicité uniquement en cause d'appel ;
- à titre subsidiaire, débouter Mme [J] de cette dernière demande ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de caractère discriminatoire de la rupture du contrat de travail et débouté Mme [J] du surplus de ses demandes
- juger que la réintégration est impossible et que le salaire de base mensuel devant servir au calcul de l'indemnité d'éviction est égal à 6 277,69 euros bruts.;
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la mutuelle de sa demande tendant à constater que la rupture du contrat de travail repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- à titre subsidiaire, ramener la demande de dommages-intérêts formés par Mme [J] au titre du défaut de cause réelle et sérieuse au montant minimum, soit 3 mois de salaires (25 000 euros) en confirmant alors le jugement ;
- à titre reconventionnel, condamner Mme [J] à verser à la mutuelle les sommes suivantes :
o à titre subsidiaire, à titre de remboursement des sommes perçues au titre des JRTT perçues sur la période 2018-2021, si par extraordinaire la cour faisait droit à la demande d'inopposabilité du forfait jours : 835,46 euros bruts ;
o article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros ;
o les frais et dépens.
L'intimée fait valoir que :
- à titre principal, le caractère discriminatoire du licenciement n'est pas établi ; le licenciement est intervenu plus de 3 mois après le retour de congé maternité de l'intéressée ; les éléments allégués par la salariée sont impropres à laisser présumer une quelconque situation de discrimination en raison de la grossesse ;
- le projet de réorganisation de la direction du développement, invoquée par celle-ci, a fait l'objet d'une information-consultation auprès du CSE dès le 25 novembre 2019 (soit avant le départ en congé maternité de la salariée) et elle en a été pleinement informée à cette période ;
- ces changements organisationnels ont été évoqués dès son retour de congé maternité le 11 septembre 2020 avec son supérieur hiérarchique ; ses nouvelles fonctions avaient un périmètre plus large et une augmentation de sa rémunération était prévue ;
- son poste n'a nullement été vidé de sa substance à son retour de congé maternité ; elle a été associée aux projets mis en place pendant son absence ; Mme [P] n'a pas remplacée Mme [J] ;
- en tout état de cause, le poste occupé par Mme [J] n'existe plus ce qui rend impossible la réintégration de Mme [J] ; cette dernière occupe un nouvel emploi ; au regard du dernier bulletin de paie, le salaire de référence est de 6 277, 69 euros ;
- le licenciement pour cause réelle et sérieuse est parfaitement justifié au regard des manquements récurrents à ses obligations contractuelles ; les griefs reprochés sont établis ; en fin d'année 2020, l'envoi par des clients de la Mutuelle de courriers de demandes de résiliation et de mise en demeure ont mis à jour de multiples défaillances de la part de Mme [J] dans la gestion des contrats collectifs dont était en charge sa direction ;
- le désinvestissement dans le suivi des dossiers entrainant une insatisfaction des clients et partenaires de la mutuelle est démontré ; aucune initiative n'a été prise concernant le client APCA et la salariée tente de s'attribuer les mérites de ses collaborateurs durant son absence ; le manquement relatif au client SDIS 54, à savoir le défaut d'envoi de pièces contractuelles, est caractérisé ; la résiliation du contrat collectif par le CD 70 fait suite à " différents dysfonctionnements " imputables à l'appelante ; l'attitude " peu constructive " de la salariée envers ses interlocuteurs du partenaire Gras Savoye est démontrée ;
- le comportement managérial et interservices inapproprié est caractérisé ; la direction a dû apaiser les relations entre les services ;
- à titre subsidiaire, il convient à tout le moins de confirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts accordés au titre d'un défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, au minimum prévu par le barème issu de l'article L.1235-3 du code du travail (soit 3 mois de salaire) ; dès le mois de juin 2021, Mme [J] est devenue députée à l'Assemblée nationale ; elle est à ce jour adjointe à la Maire de [Localité 6] en charge de l'urbanisme, de l'architecture, de l'aménagement de l'espace public, du [Localité 5] [Localité 6], de l'accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap ;
- la demande indemnitaire formée par l'appelante au titre du caractère vexatoire de sa procédure de licenciement est infondée, faute d'établir un tel caractère vexatoire ;
- la demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires est infondée ; la convention de forfait annuel en jour est parfaitement valable ;
- l'employeur produit l'accord collectif autorisant le recours au forfait-jours et démontre avoir respecté les prescriptions légales résultant de l'article L.3121-64 du code du travail ;
- le plein effet de la convention de forfait annuel en jours est établi, la salariée ayant bénéficié d'un entretien afin d'envisager sa reprise d'activité à son retour de congé maternité ;
- les éléments produits au soutien de la demande des heures supplémentaires alléguées sont dénués de valeur probante et insuffisamment précis ;
- à titre subsidiaire et reconventionnel, la mutuelle est bien fondée à réclamer le remboursement des sommes perçues au titre des JRTT ;
- la demande au titre du prétendu défaut de contrepartie obligatoire en repos est, à titre principal, irrecevable car nouvelle en cause d'appel et à titre subsidiaire, infondée dès lors que les heures supplémentaires ne sont pas établies ;
- il convient de débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable de 2020 ; le défaut d'atteinte de ses objectifs est démontré, en attestent les divers manquements établis au soutien de son licenciement ; ses objectifs ont été valablement fixés par son responsable dans le cadre de son pouvoir de direction ;
- aucun manquement de l'employeur au droit au repos de la salariée n'étant établi, il y a lieu de débouter celle-ci de sa demande indemnitaire formée à ce titre.
MOTIFS
Sur les demandes au titre du temps de travail
Sur la convention de forfait et les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3121-63 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : "Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche."
Mme [J] soutient que la convention de forfait est privée d'effet dès lors qu'elle n'a jamais bénéficié d'entretien annuel sur sa charge de travail.
L'employeur se contente d'indiquer que la période des entretiens est fixée à juin et que Mme [J] était en congé maternité en juin 2020.
Pour autant, il n'explique pas l'absence d'entretien en juin 2019 et la raison pour laquelle l'entretien de juin 2020 n'a pas été reprogrammé au retour de congé maternité de Mme [G].
Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la convention de forfait annuel en jours était privée d'effet.
Compte-tenu de ce qui précède, Mme [J] est en droit de prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale de travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles.
Le salarié soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail.
Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
La charge de travail confiée dans le cadre du forfait en jours irrégulièrement mis en place, étant connue de l'employeur, les heures de travail exécutées pour y faire face répondent à sa commande, fût-elle implicite.
Au soutien de sa demande, Mme [J] produit un tableau de son planning de travail et des courriels adressés pendant l'exercice de ses fonctions.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.
Aucun autre élément n'est produit par l'employeur de nature à établir la durée du travail accomplie par la salariée et se contente de dire que rien ne justifiait que Mme [J] traite ces courriels en urgence ou qu'ils ne révèlent pas une prestation de travail effective, ce que dément le contenu des messages.
Il résulte de ce qui précède que la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires est fondée en son principe.
En conséquence, au regard de l'ensemble des éléments versés aux débats, il y a lieu, par voie d'infirmation du jugement, de considérer que la salariée a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas donné lieu à rémunération mais en nombre inférieur à ce qu'elle revendique, et de condamner la Mutuelle Intériale à payer à Mme [J] les sommes de 50 800 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires et 5 080 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Sur la recevabilité
Tout d'abord, l'employeur soulève l'irrecevabilité de cette demande, nouvelle en cause d'appel.
Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La demande de la salariée d'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos est la conséquence de la demande qu'elle avait formée devant le conseil de prud'hommes d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires. Elle est donc recevable.
Sur le bien-fondé
L'article L.3121-30 alinéa 1er du code du travail dispose : "des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos ".
L'article 5.2 de la convention collective de la mutualité prévoit que le contingent annuel
d'heures supplémentaires est fixé à 100 heures.
L'article L.3121-33 I 3° du code du travail prévoit notamment que la contrepartie obligatoire en repos ne peut être inférieure à 50% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel prévu par l'article L.3121-30 précité pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.
Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos, a droit à l'indemnisation du préjudice subi et cette indemnisation comporte à la fois l'indemnité de repos visée à l'article D.3121-19 du code du travail et le montant de l'indemnité de congés payés y afférente.
Le nombre des heures supplémentaires dont l'existence a été retenue dépassant le contingent annuel, la cour condamne la mutuelle Intériale à payer à Mme [J], au titre de la contrepartie obligatoire en repos, congés payés compris, la somme de 30 747, 06 euros.
Sur la violation du droit effectif aux congés payés et au repos
La salariée soutient qu'elle a travaillé certains de ses jours de congés.
Elle n'invoque pas de violation de son droit au repos quotidien ou hebdomadaire.
Dès lors, Mme [J] n'établit pas l'existence d'un préjudice qui n'a pas été réparé par le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires octroyé par la cour.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle de remboursement des jours de RTT
Il résulte des dispositions de l'article 1302-1 du code civil que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui qui l'a indûment reçu.
La convention de forfait en jours étant privée d'effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.
Par infirmation du jugement, Mme [J] sera condamnée à payer à la Mutuelle Intériale la somme de 835,46 euros bruts au titre des JRTT payés en application de la convention individuelle de forfait.
Sur la demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
En outre, selon l'article L.1235-1 de ce même code, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné au besoin, les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il est constant que le licenciement de Mme [J] est un licenciement disciplinaire pour faute.
La lettre de licenciement du 25 janvier 2021 fait état des griefs suivants :
- Perte des clients APCA, SDIS54, CD70 et dégradation de la relation avec le partenaire Institution Gras Savoye en raison de son désengagement,
- Difficultés relationnelles avec le service juridique et absence d'accompagnement adapté de son équipe.
Sur le client APCA, l'employeur produit le courriel de mécontentement du client retransmis par M. [R], un subordonné de Mme [J] et la réponse de cette dernière dont il soutient qu'elle était insuffisante à rétablir la qualité de la relation avec ce client.
Il produit des pièces pour établir que les subordonnés de Mme [J] avaient amélioré le marché avec ce client pendant le congé maternité de cette dernière, qui avait déjà eu des difficultés avec ce client en octobre 2019.
Sur le client SDIS 54, l'employeur produit le courrier de mécontentement du client de décembre 2020. Il ressort des pièces produites par Mme [J] que le suivi de ce dossier a été complexe entre les différentes directions. Aucun élément ne permet d'imputer à Mme [J] le retard pointé par le client.
Sur le client CD70, l'employeur produit le courriel de Mme [J] du 26 novembre 2020 à la suite de la perte du client et soutient que cette dernière s'est contentée de rejeter la faute sur d'autres et n'a pas proposé de plan d'actions comme demandé.
Toutefois le courriel de Mme [J] ne fait qu'un rapide résumé de l'historique et l'employeur ne définit pas les actions qui auraient dû être menées.
Sur le partenaire Gras Savoye, l'employeur produit deux échanges de courriels dont il ressort un refus de travailler avec la mutuelle Intériale sur deux dossiers. Aucun lien n'est fait avec le travail de Mme [J].
En conséquence, sur ce premier grief, si l'employeur établit des pertes de contrats avec des clients et partenaires relevant du service de Mme [J] et le fait que l'action de cette dernière n'a pas participé à rétablir une meilleure situation, il n'établit pas l'existence de comportements fautifs de cette dernière ou un manquement délibéré à son rôle de coordination, le licenciement ayant été décidé pour faute et non pour insuffisance professionnelle.
Sur le second grief, l'employeur produit un compte-rendu d'une réunion interservices au sein de la mutuelle du 26 octobre 2020, destinée à clarifier les fonctionnements et apaiser les tensions entre les services. Il produit aussi un courriel du 25 novembre 2020 dont il soutient qu'il contenait des propos polémiques. Il produit enfin un compte-rendu d'une réunion du 11 décembre 2020 dont il soutient qu'il répondait de nouveau à des relations dégradées.
Mais ces pièces établissent des difficultés de fonctionnement entre les services notamment sur le traitement des dossiers prioritaires et n'établissent pas un rôle problématique de Mme [J] qui ne ressort pas du courriel du 25 novembre 2020.
L'employeur ne produit d'ailleurs aucun élément quant à un recadrage spécifique de Mme [J].
Enfin, l'employeur produit un échange de courriels du 16 décembre 2020 avec sa supérieure hiérarchique dans lequel Mme [J] prétend défendre les droits de l'un de ses subordonnées et adopte un ton ironique. Cet échange révèle surtout que Mme [J] ne supportait pas de ne pas être informée de certains évènements.
Si son message était inadapté dans la forme et a d'ailleurs été suivi d'une réponse de sa supérieure hiérarchique le lui signifiant clairement, il ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes au titre d'une discrimination en raison de l'état de grossesse
L'article L.1225-1 du code du travail dispose :
"L'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ou, sous réserve d'une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L.1225-7, L.1225-9 et L.1225-12, pour prononcer une mutation d'emploi.
Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l'état de grossesse de l'intéressée."
L'article L.1225-2 :
"La femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte. "
L'article L.1225-3 :
"Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1225-1 et L.1225-2, l'employeur communique au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision.
Lorsqu'un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte. "
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail :
"Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ('), de sa situation de famille ou de sa grossesse, (') ".
L'article L.1134-1 du même code dispose que : " Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (')".
Ainsi, en application des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il ressort des pièces 5, 9 et 10 produites par la salariée qu'avant son congé maternité, elle s'est plainte de ne pas avoir été associée à la réorganisation de la direction du développement et elle a refusé de signer un avenant à son contrat de travail établissant ses nouvelles fonctions en revendiquant une évolution salariale qui avait été promise en 2019. Elle soulignait aussi sa forte charge de travail et les difficultés d'effectifs de son service. Elle s'étonnait du recrutement de Mme [P] sur des sujets la concernant.
Au soutien de ses demandes, Mme [J] soutient que son licenciement est intervenu pour des motifs fallacieux immédiatement après son retour de congé maternité, peu de temps après la fin de la période de protection légale, et elle présente les éléments de fait suivants :
- absence d'association à la réorganisation à son retour
- retrait d'une partie des tâches et de son périmètre
Sur le premier point, elle produit :
- Un courriel du 10 novembre dans lequel elle s'étonne d'avoir appris qu'un comité existant antérieurement avait été fusionné avec une autre instance.
- Un courriel du 14 décembre 2020 dans lequel elle demande un retour du dernier CA à sa supérieure hiérarchique et elle fait part de son absence de connaissance des dernières modalités de circularisation de l'information.
Elle soutient que l'entretien qu'elle a eu avec son supérieur hiérarchique le 11 septembre 2020 ne constitue pas l'entretien prévu à l'article L.6315-1 du code du travail.
Sur le second point, elle produit :
- Un courriel de la directrice générale indiquant que l'une des personnes de son équipe qui coordonne le projet Drakkar devait se rapprocher d'une autre personne.
- Un courriel d'invitation à la réunion de lancement du projet Drakkar.
- Un courriel de sa supérieure hiérarchique du 24 novembre 2020 dans lequel sa supérieure hiérarchique indique qu'elle pilote en direct le projet Drakkar.
- Un courriel de sa part du 14 octobre 2020 sur le projet ITEHA dans lequel elle indique qu'elle n'est pas directrice de projet.
- Un échange de courriels du 13 octobre 2020 sur le sujet Sofaxis dans lequel son subordonné a envoyé une note sans la faire valider par elle.
- Un courriel du 30 octobre 2020 dans lequel elle indique ne pas avoir eu un niveau d'information suffisant, ce que reconnaît sa supérieure hiérarchique.
- Un courriel du 26 octobre 2020 dans lequel elle demande à être incluse dans des boucles de diffusion internes.
- Un échange de courriels de novembre 2020 sur sa participation à un comité de développement.
- Deux attestations de M. [Y] et M. [S] évoquant une mise à l'écart.
L'employeur indique que M. [S] ne travaillait plus au sein de la mutuelle lors du retour de Mme [J] de son congé maternité. Cet élément de preuve n'est donc pas pertinent.
Les autres éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination.
Il incombe alors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
L'employeur rappelle que la période de protection avait expiré le 19 novembre 2020, soit bien avant l'engagement de la procédure de licenciement.
L'employeur ajoute que Mme [J] a été déclarée apte sans aucune réserve à son retour de congé maternité lors de la visite du 27 octobre 2020.
L'employeur indique que la réorganisation de la direction du développement a été initiée en 2019 et qu'en janvier 2020 il a été proposé à Mme [J] le nouveau poste de directeur collectif, courtage et partenariat. Il justifie que Mme [P] n'a pas été recrutée.
Le 11 septembre 2020, Mme [J] a fait l'objet d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont il lui a été adressé un compte-rendu, qui révèle qu'il a été fait le point sur son activité et les différentes évolutions organisationnelles intervenues pendant son absence et qui est conforme aux prévisions de l'article L.6315-1 du code du travail.
Dès lors, l'employeur établit que Mme [J] a été associée aux évolutions organisationnelles de la mutuelle qui avaient eu lieu en son absence, la circonstance qu'elle ait découvert certaines informations quelques semaines après sa reprise étant banale dès lors qu'elle avait été absente plusieurs mois.
Sur le retrait d'une partie des tâches, l'employeur expose tout d'abord que le projet Drakkar a été conduit en l'absence de Mme [J] par son subordonné M. [U] sous la supervision du supérieur hiérarchique de Mme [J]. Il établit que cette dernière était bien associée et invitée à la réunion de lancement de ce projet.
Sur le projet Sofaxis, l'employeur établit que Mme [J] était bien destinataire des messages sur ce projet et a validé les travaux, la circonstance d'un document ait pu être envoyé à une occasion sans passer par elle ne révélant pas une mise à l'écart.
Par ailleurs, l'employeur établit que Mme [J] n'a pas été écartée d'une réunion avec la directrice générale, puisque cette réunion était dédiée aux collaborateurs que cette dernière n'avait pas encore rencontrés.
Il expose à juste titre que le courriel du 30 octobre 2020 dans lequel Mme [J] indique ne pas avoir eu un niveau d'information suffisant est lié à la mise en place du confinement et qu'il lui a été apporté une réponse.
Sur le comité de développement, l'employeur établit que le niveau de représentation était celui du supérieur hiérarchique de Mme [J] et que certaines autres personnes y étaient ponctuellement conviées.
Enfin, l'employeur expose que la liste de discussion dont Mme [J] soutient avoir été exclue concernait une autre direction que la sienne.
Par ailleurs, si la cour a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il ressort des éléments produits que le positionnement de Mme [J] au sein de la mutuelle et avec certains partenaires a suscité des mécontentements ou crispations.
Dès lors, l'employeur justifie que les faits invoqués par la salariée sont étrangers à toute discrimination.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de nullité de son licenciement, de sa demande de réintégration et d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour discrimination en raison de la grossesse.
Sur les conséquences financières de la rupture
En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [J] est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 5 mois de salaire.
Au regard notamment de l'âge de la salariée et de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des pièces produites relatives à l'étendue du préjudice, par réformation du jugement, la mutuelle Intériale sera condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande au titre d'un licenciement vexatoire
Mme [J] expose que sa lettre de convocation lui a été remise par un huissier sans prévenance et qu'elle a été dispensée d'activité avec fermeture de ses accès réseaux alors qu'aucune faute grave ne lui était reprochée.
Toutefois, si Mme [J] indique avoir été affectée par cette méthode, elle ne fait état d'aucun préjudice spécifique.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande de rappel de rémunération variable
L'article 6 du contrat de travail prévoit une part variable de rémunération dans les termes suivants :
" En complément de sa rémunération fixe, le salarié bénéficiera d'une part de rémunération variable sur objectifs d'un montant brut pouvant aller jusqu'à 25 000 € (vingt-cinq mille euros) bruts par an. Les modalités d'attribution sont définies par le responsable chaque année ".
Dès lors, le courriel du 28 septembre de son responsable hiérarchique, dès lors qu'aucune fixation conjointe n'est prévue par le contrat de travail, constitue une fixation régulière des objectifs.
Les objectifs ont été décomposés de la façon suivante :
- Objectifs collectifs : 20% ;
- Objectifs individuels propres à l'activité de chacun : 60% (mise en conformité des contrats santé, réalisation d'un CA global de 2,8 millions d'euros, mise en place d'un tableau de bord hebdomadaire de suivi de l'activité, mise en 'uvre d'actions de synergie pour favoriser le 2ème risque en individuel, mise en place du chantier de clarification de la base de données des contrats collectifs) ;
- Objectifs individuels comportementaux : 20% (renforcer l'écoute des besoins des collaborateurs, être force de proposition pour la résolution des difficultés dans la direction, faire un diagnostic objectif des comportements des collaborateurs, se positionner comme un acteur majeur d'un bon état d'esprit au sein de la DD).
Mme [J] affirme que le versement de 10 000 euros lui a été présenté comme un acompte et produit un courriel en ce sens et que l'objectif de chiffre d'affaires a été atteint.
L'employeur soutient que les manquements dans le cadre de la gestion des dossiers dont elle était en charge et les défaillances managériales reprochés au titre du licenciement suffisent à démontrer qu'une partie des objectifs attribués à la salariée n'a pas été atteinte par cette dernière.
Toutefois, d'une part, il ne justifie aucunement du calcul établi sur les objectifs ci-dessus énumérés conduisant à fixer la rémunération variable à 10 000 euros et, d'autre part, la cour a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Dès lors, le jugement sera infirmé de ce chef et l'employeur sera condamné à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de rappel de rémunération variable pour 2020 et 1 500 euros de congés payés afférents.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner la mutuelle Intériale aux dépens de l'appel.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur sera débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté Mme [J] de ses demandes de nullité de son licenciement, de sa demande de réintégration et d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour discrimination en raison de la grossesse, et de ses demandes de dommages-intérêts pour violation du droit effectif aux congés payés et au repos et pour licenciement vexatoire et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
L'INFIRME sur le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
DIT que la demande d'indemnité à titre de contrepartie obligatoire en repos est recevable,
CONDAMNE la mutuelle Intériale à payer à Mme [J] les sommes suivantes :
- 50 800 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires et 5 080 euros au titre des congés payés afférents ;
- 30 747, 06 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;
- 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 15 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour 2020 et 1 500 euros de congés payés afférents.
CONDAMNE Mme [J] à payer à la Mutuelle Intériale la somme de 835,46 euros bruts au titre des JRTT payés en application de la convention individuelle de forfait,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la mutuelle Intériale aux dépens de la procédure d'appel,
CONDAMNE la mutuelle Intériale à payer à Mme [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la DEBOUTE de sa demande à ce titre.
LE GREFFIER LE PRESIDENT