CA Versailles, ch. soc. 4-2, 25 septembre 2025, n° 22/02583
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° RG 22/02583 N° Portalis DBV3-V-B7G-VMA7
AFFAIRE :
[M] [UX]
C/
S.A. MÉTROPOLE TÉLÉVISION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : E
N° RG : F 18/02381
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me [UK] DEMANGE
Me Joël GRANGÉ
Le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT-CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT-CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Monsieur [M] [UX]
Né le 10 mai 1967 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Olivier DEMANGE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 165
****************
INTIMÉE
S.A. MÉTROPOLE TÉLÉVISION
N° SIRET : 339 012 452
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Joël GRANGÉ de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 avril 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés devant Madame Isabelle CHABAL, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
Madame Laure TOUTENU, conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Victoria LE FLEM,
EXPOSE DU LITIGE
La société anonyme Métropole Télévision, dont le sigle est M6 et le siège social est situé [Adresse 3] à [Localité 7], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le secteur d'activité de la programmation télévisuelle. Elle emploie plus de 10 salariés et applique l'accord d'entreprise qui lui est propre.
M. [M] [UX], né le 10 mai 1967, a été engagé par la société Métropole Télévision selon contrat de travail à durée déterminée, à temps partiel, du 23 novembre 2009 au 31 décembre 2010, en qualité de directeur de projet SI [service informatique], avec mention qu'il a le statut de cadre dirigeant.
Puis, M. [UX] et la société Métropole Télévision ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel (4,5 jours par semaine), à compter du 1er mars 2010, pour le poste de DSI [directeur des systèmes informatiques], statut cadre dirigeant, moyennant un salaire brut mensuel de 9 553,50 euros outre une prime de fin d'année et une rémunération variable selon l'atteinte de ses objectifs.
M. [UX] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 31 janvier au 18 février 2018, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 3 juin 2018. Il a repris son travail à mi-temps thérapeutique le 4 juin 2018 puis a de nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie du 9 au 29 juillet 2018. A l'issue de ses congés payés pris du 30 juillet 2018 au 8 août 2018, il a été placé en arrêt de travail à compter du 9 août 2018, sans discontinuer depuis lors.
Par requête enregistrée au greffe le 19 septembre 2018, M. [UX] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en présentant, dans le dernier état, les demandes suivantes :
- débouter la société M6 de l'intégralité de ses demandes, y compris ses demandes reconventionnelles,
- fixer son salaire de référence à 12 452 euros bruts,
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,
- condamner la société M6 à lui verser les sommes suivantes :
. 37 356 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3 736 euros au titre des congés payés afférents,
. 46 074 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 224 136 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et du préjudice subséquent résultant des souffrances au travail subies,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
- requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein,
- condamner, en conséquence, la société M6 à lui verser les sommes suivantes au titre des heures supplémentaires :
. 10 989,16 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en janvier 2018 et 1 098,61 euros au titre des congés payés afférents,
. 137 333,56 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017 et 13 733,35 euros au titre des congés payés afférents,
. 115 701,60 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 et 11 570,16 euros au titre des congés payés afférents,
. 105 177,10 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre mars et décembre 2015 et 10 517,10 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société M6 à lui verser les sommes suivantes à titre d'indemnisation de l'absence de repos compensateur :
. 95 777,38 euros au titre de l'année 2017,
. 79 918,30 au titre de l'année 2016,
. 71 403,64 euros au titre de mars à décembre 2015,
- condamner la société M6 à lui verser la somme de 75 037,44 euros au titre du rappel de salaire relatif aux heures de travail effectuées le dimanche entre mars 2015 et janvier 2018 et 7 503 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société M6 à lui verser la somme de 24 965,23 euros au titre de rappel de salaire pour travail de nuit entre mars 2015 et janvier 2018 et 2 495,23 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société M6 à lui verser la somme de 74 712 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
- condamner la société M6 à lui verser la somme 20 000 euros au titre de l'indemnité pour violation de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuels d'heures supplémentaires,
- condamner la société M6 à lui octroyer 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2018, 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2019 et 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2020, la plus-value d'acquisition étant égale au premier cours de bourse des périodes précitées,
- condamner la société Métropole Télévision à verser la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Métropole Télévision a, quant à elle, présenté les demandes suivantes :
In limine litis,
- juger que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour statuer sur la demande relative à l'attribution d'actions gratuites et, en conséquence, débouter M. [UX] de cette demande,
A titre principal,
- débouter M. [UX] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,
A titre subisidiaire,
- limiter à 32 400 euros bruts le montant de l'indemnité compensatrice de préavis,
- limiter à 3 240 euros bruts le montant de l'indemnité de congés payés afférente,
- limiter 64 800 euros bruts le montant de l'indemnité pour licenciement nul accordée à M. [UX] du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
A titre principal,
- débouter M. [UX] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires liées à l'exécution de son contrat de travail,
A titre subisidiaire,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- débouter M. [UX] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires,
- débouter M. [UX] de sa demande d'indemnisation au titre des repos compensateurs,
- débouter M. [UX] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées le dimanche,
- débouter M. [UX] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées la nuit,
- débouter M. [UX] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
- débouter M. [UX] de sa demande d'indemnité pour violation de la société M6 de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter à 48 642,87 euros le montant des rappels de salaire d'heures supplémentaires, outre 4 864,29 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 12 126,74 euros le montant de l'indemnité au titre des repos compensateurs, outre 1 212,67 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 1 359,08 euros le montant des rappels de salaire au titre des heures effectuées le dimanche, outre 135,91 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 61 842 euros le montant de l'indemnité pour travail dissimulé,
- limiter à 2 000 euros le montant de l'indemnité pour violation de la société M6 de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre reconventionnel,
- condamner M. [UX] à lui rembourser la somme de 58 974 euros au titre du régime de retraite supplémentaire « article 83 » dans le cas où il serait jugé que M. [UX] n'a pas la qualité de cadre dirigeant,
En tout état de cause,
- dire et juger que, le cas échéant, les éventuelles condamnations prononcées à son encontre sont allouées à M. [UX] avant précompte des éventuelles cotisations et contributions sociales applicables,
- débouter M. [UX] de sa demande au titre de l'exécution provisoire ou à tout le moins subordonner celle-ci au dépôt par M. [UX] d'une somme équivalente auprès de la caisse des dépôts et de consignations,
- débouter M. [UX] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le 24 septembre 2019, la CPAM a notifié à M. [UX] la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, que la société Métropole Télévision a contestée. Une pension d'invalidité de catégorie 2 lui a été attribuée à compter du 1er janvier 2024.
Par procès-verbal du 19 janvier 2021 le conseil de prud'hommes de Nanterre s'est mis en partage de voix et a renvoyé les parties devant la formation de départage du 23 mai 2022.
Par jugement rendu le 20 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, en sa formation de départage :
- s'est déclaré compétent pour statuer sur l'attribution d'actions gratuites à M. [UX],
- a dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- a débouté M. [UX] de l'ensemble de ses demandes,
- a dit n'y avoir lieu à fixer le salaire de référence de M. [UX],
- a débouté la société Métropole Télévision de sa demande reconventionnelle en remboursement des sommes versées au régime de retraite,
- a condamné M. [UX] à verser à la société Métropole Télévision la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné M. [UX] aux dépens,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a dit n'y avoir lieu à subordonner l'exécution provisoire à un dépôt d'une somme à la caisse des dépôts et consignations,
- a rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties.
M. [UX] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 12 août 2022.
Une ordonnance de médiation judiciaire a été rendue le 8 novembre 2023, à laquelle les parties n'ont pas entendu donner suite.
Le 29 janvier 2024, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude concernant M. [UX], mentionnant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Par courrier du 21 février 2024, M. [UX] a été licencié pour inaptitude.
Par dernières conclusions (n°5) adressées par voie électronique le 18 mars 2025, M. [UX] demande à la cour de :
- juger M. [UX] recevable et bien fondé en son appel,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle s'est déclarée compétente pour statuer sur l'attribution d'actions gratuites à M. [UX],
- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :
. débouter la société Métropole Télévision de l'intégralité de ses demandes, en ce compris ses demandes reconventionnelles,
. déclarer M. [UX] recevable et bien fondé en ses demandes,
. fixer le salaire de référence de M. [UX] à 12 452 euros bruts,
I ' Sur la rupture du contrat de travail
- juger que M. [UX] a été victime de faits de harcèlement moral dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail avec Métropole Télévision,
- juger que la société Métropole Télévision a commis des manquements aux articles L. 4121-1 et suivants du code du travail relatif à la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de M. [UX],
En conséquence,
A titre principal,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [UX] aux torts exclusifs de l'employeur avec toutes conséquences de droit,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes :
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi en application de l'article L. 1152-1 du code du travail,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et du préjudice subséquent résultant des souffrances au travail subies par M. [UX],
. 88 384,30 euros au titre du doublement de son indemnité conventionnelle de licenciement,
. 224 136 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi et pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude de M. [UX],
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes :
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subit en application de l'article L. 1152-1 du code du travail,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et du préjudice subséquent résultant des souffrances au travail subies par M. [UX],
. 88 384,30 euros au titre du doublement de son indemnité conventionnelle de licenciement,
. 224 136 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement nul,
II ' Sur les requalifications du statut et du contrat de travail et leurs conséquences
- juger que M. [UX] a la qualité de cadre, mais pas de cadre dirigeant,
- juger que la convention de forfait mentionnée dans le contrat de travail de M. [UX] est nulle et de nul effet,
- requalifier le contrat de travail à temps partiel de M. [UX] en contrat de travail à temps plein,
- juger que M. [UX] est soumis à la durée légale de travail de 35 heures par semaine,
- juger que M. [UX] a effectué des heures supplémentaires quotidiennement, de même que des heures de travail le dimanche, les jours fériés, durant ses congés et de nuit,
En conséquence,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes :
. 10 989,16 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en janvier 2018 et 1 098,61 euros au titre des congés payés afférents,
. 137 333,56 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017 et 13 733,35 euros au titre des congés payés afférents,
. 115 701,60 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 et 11 570,16 euros au titre des congés payés afférents,
. 105 177,10 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre mars et décembre 2015 et 10 517,70 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes à titre d'indemnisation de l'absence de repos compensateur :
. 95 777,38 euros au titre de l'année 2017,
. 79 918,30 euros au titre de l'année 2016,
. 71 403,64 euros au titre de mars à décembre 2015,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 75 037,44 euros au titre du rappel de salaire relatif aux heures de travail effectuées le dimanche entre mars 2015 et janvier 2018 et 7 503,75 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 24 965,23 euros au titre du rappel de salaire pour travail de nuit entre mars 2015 et janvier 2018 et 2 496,50 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 74 712 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 20 000 euros au titre de l'indemnité pour violation de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
- juger que la société Métropole Télévision doit octroyer à M. [UX] 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2018, 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2019 et 3 000 actions gratuites au titre de 2020, la plus-value d'acquisition sera égale au premier cours de bourse des périodes précitées,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Métropole Télévision aux entiers dépens.
Par dernières conclusions (n°3) adressées par voie électronique le 17 mars 2025, la société Métropole Télévision demande à la cour de :
In limine litis,
- juger que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur la demande relative à l'attribution d'actions gratuites d'actions,
En conséquence,
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré compétent et débouter M. [UX] de cette demande et l'inviter à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire, si la cour considérait qu'elle était compétente, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [UX] de sa demande relative à l'attribution d'actions gratuites d'actions [sic],
Sur la demande de résiliation judiciaire et de nullité du licenciement pour inaptitude
A titre principal,
- juger que M. [UX] ne démontre aucun manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite de son contrat de travail,
- juger que le licenciement pour inaptitude de M. [UX] est parfaitement justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre et débouter M. [UX] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de sa demande de nullité de son licenciement pour inaptitude,
A titre subsidiaire,
- débouter M. [UX] de sa demande de doublement de l'indemnité de licenciement,
- limiter à 64 800 euros bruts le montant de l'indemnité pour licenciement nul accordée à M. [UX] du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ou de la nullité de son licenciement pour inaptitude,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter à 32 896,96 euros le montant de la condamnation au titre de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail,
Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail,
A titre principal,
- juger que M. [UX] avait la qualité de cadre dirigeant,
- juger que la société Métropole Télévision n'a méconnu à aucun moment son obligation de sécurité,
- juger que M. [UX] n'établit pas avoir été victime de harcèlement moral,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre et débouter M. [UX] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires liées à l'exécution de son contrat de travail,
A titre subsidiaire,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- débouter l'appelant de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires, d'une part, parce que ces heures supplémentaires n'ont pas été effectuées à la demande de la société Métropole Télévision, et, d'autre part, parce qu'il n'étaye pas suffisamment sa demande,
- débouter l'appelant de sa demande d'indemnisation au titre des repos compensateurs,
- débouter l'appelant de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées le dimanche,
- débouter l'appelant de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées la nuit,
- débouter l'appelant de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
- débouter l'appelant de sa demande d'indemnité pour violation de la société Métropole Télévision de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter à 48 642,87 euros le montant des rappels d'heures supplémentaires, outre 4 864,29 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 12 126,74 euros le montant de l'indemnité au titre des repos compensateurs, outre 1 212,67 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 1 359,08 euros le montant des rappels de salaire au titre des heures effectuées le dimanche, outre 135,91 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 61 842 euros le montant de l'indemnité pour travail dissimulé,
- limiter à 2 000 euros le montant de l'indemnité pour violation de la société Métropole Télévision de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre reconventionnel,
- condamner l'appelant à rembourser à la société Métropole Télévision la somme de 58 974 euros au titre du régime de retraite supplémentaire « article 83 », si la cour jugeait que l'appelant n'a pas la qualité de cadre dirigeant,
En tout état de cause,
- dire et juger que, le cas échéant, les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la société Métropole Télévision sont allouées à M. [UX] avant précompte des éventuelles cotisations et contributions sociales applicables,
- débouter M. [UX] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner à verser à la société Métropole Télévision 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [UX] aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance rendue le 26 mars 2025, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 avril 2025. La décision a été mise en délibéré prorogé au 10 juillet et au 25 septembre 2025.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur les demandes de requalifications
M. [UX] estime qu'il doit être considéré comme un cadre non dirigeant, travaillant à temps complet et soumis à la durée légale de travail de 35 heures par semaine.
Sur le statut de cadre dirigeant
M. [UX] soutient que nonobstant la mention figurant à son contrat de travail, il n'était pas cadre dirigeant, ne remplissant pas les critères légaux de reconnaissance de ce statut. Il ajoute que le fait qu'il était soumis à un régime de forfait jour rend l'employeur irrecevable à soutenir qu'il relevait de la catégorie des cadres dirigeants.
L'employeur répond que M. [UX] remplissait les conditions posées par la loi et la jurisprudence pour se voir reconnaître la qualité de cadre dirigeant et que son contrat de travail ne comporte aucun horaire de travail.
L'alinéa 2 de l'article L. 3111-2 du code du travail dispose : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Le statut de cadre dirigeant suppose donc la réunion de trois conditions légales cumulatives :
- l'exercice de responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'emploi du temps,
- l'autonomie dans la prise de décision,
- un niveau de rémunération élevé dans la pyramide salariale de l'entreprise.
La Cour de cassation ajoute une quatrième condition, qui n'est que la conséquence des trois autres : que le salarié participe à la direction de l'entreprise.
Si l'une des conditions n'est pas réunie, le salarié n'a pas le statut de cadre dirigeant. Ainsi, un salarié ne peut avoir le statut de cadre dirigeant lorsque son contrat de travail prévoit l'obligation d'effectuer les heures supplémentaires demandées et que son horaire de travail est celui de l'entreprise ou lorsque son contrat fait référence au forfait jours.
Il appartient au juge d'examiner la fonction réellement occupée par le salarié au regard de ces critères.
En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée de M. [UX] signé le 1er mars 2010 mentionne que le salarié a le statut de 'cadre dirigeant', qu'à ce titre il bénéficie d'un régime de retraite supplémentaire (article 8) et qu'il ne sera pas soumis 'aux dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du temps de travail, aux repos hebdomadaires et quotidiens et aux jours fériés' (article 9) (pièce 2 du salarié).
L'article 4 du contrat mentionne notamment que 'La durée hebdomadaire de son travail sera de 4,5 jours répartie chaque semaine de façon à ce que, d'une manière habituelle, il ne travaille pas le vendredi après-midi.
Toutefois, en fonction des besoins du service, et de manière exceptionnelle, nous pourrons ensemble modifier cette organisation, à condition de l'en prévenir suffisamment à l'avance.'.
Ces dispositions n'assujettissent pas M. [UX] à une convention de forfait mais organisent le travail à temps partiel du salarié (9/10ème). Elles ne font donc pas obstacle à la reconnaissance du statut de cadre dirigeant de l'intéressé.
- s'agissant de l'indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps
M. [UX] expose qu'il n'était pas indépendant dans l'organisation de son emploi du temps puisque, nonobstant les dispositions de son contrat de travail, dès lors que des réunions lui étaient parfois imposées à ce moment, il travaillait en pratique tous les vendredis après-midi ; qu'il comptabilisait ce temps excédentaire de travail, le cumulait et le récupérait en rendant compte à sa hiérarchie et à la DRH ; qu'il adressait mensuellement un document de 'pointage' à la DRH, qui le contrôlait ; que depuis 2013 ses durées de présence dans les bureaux étaient contrôlées par la DRH au moyen de l'application 'Peopletime' qui estimait le temps de travail de chaque salarié ; que ses périodes d'absence pour congés payés et ses déplacements devaient être validés par son supérieur hiérarchique ; qu'il devait justifier chaque mois auprès des ressources humaines de la tenue de réunions avec RTL Groupe et Bertelsmann.
L'employeur répond qu'aucun horaire journalier ou hebdomadaire n'était imposé au salarié, qui pouvait organiser son temps comme il le souhaitait ; qu'il fixait seul en début d'année la date de ses congés, qu'il prenait en totalité ; que le statut de cadre dirigeant ne saurait exclure tout lien de subordination avec l'employeur, lequel conserve son pouvoir de direction, de contrôle et de sanction. Il indique que le supérieur hiérarchique de M. [UX] devait uniquement valider les réservations faites par l'agence de voyage pour ses déplacements, que l'application Peopletime n'avait pas pour but de contrôler le temps de travail des salariés mais leur présence au sein des locaux pour des raisons de sécurité et de contrôle du respect du repos minimum entre deux journées de travail ; que seule la badgeuse, mise en place ultérieurement, permettait de mesurer le temps de travail des salariés non cadres et le respect des heures de repos pour les salariés cadres.
Le conseil de prud'hommes a relevé de manière pertinente que M. [UX] disposait d'une large indépendance dans l'organisation de son temps de travail puisqu'il travaillait en pratique le vendredi après-midi, contrairement à ce qui était prévu dans son contrat de travail, et qu'il récupérait ces temps excédentaires de travail. M. [UX] transmettait mensuellement à son supérieur hiérarchique (M. [J] à compter de mai 2013) et à la DRH un document qui permettait de suivre ses jours travaillés et récupérés (pièces 152 et 153). Il en ressort que le salarié a informé son supérieur hiérarchique qu'il serait absent en août 2015, sans pour autant lui demander l'autorisation de s'absenter durant cette période, qu'il posait librement ses jours de récupération selon ses besoins personnels, et qu'en mars 2015 M. [UX] ne transmettait plus ses suivis de jours de travail et de récupération à M. [J], car ce dernier ne les regardait pas et lui avait demandé de les transmettre à la DRH.
La validation des demandes de congés relevait du pouvoir de direction du supérieur hiérarchique et M. [UX] reconnaît que M. [J] a toujours validé, même tardivement, ses demandes de congés. L'employeur justifie quant à lui que M. [UX] prenait les congés et récupérations auxquels il avait droit (pièce 16).
Il ressort par ailleurs des pièces 184, 210 et 211 du salarié que l'outil Peopletime, mis en place à la demande de l'inspection du travail à compter du 16 septembre 2013, relevait les heures d'entrée et de sortie des locaux pour permettre le suivi des horaires collectifs de travail pour les salariés non cadres et des temps de repos quotidien et hebdomadaire pour tous (hors cadres dirigeants). La production par le salarié d'un relevé de ses heures d'entrée et de sortie pour quelques jours compris entre le 30 septembre 2013 et le 18 octobre 2015 ne démontre donc pas que sa durée de présence dans les locaux était contrôlée par la DRH, le conseil de prud'hommes ayant relevé avec pertinence que M. [UX] n'avait pas 'pointé' certains jours (par exemple les 3 octobre 2013 et 16 octobre 2014) et qu'aucune demande d'explication sur ces absences ne semblait lui avoir été faite. Il ressort en outre des pièces 22 et 23 produites par l'employeur que l'outil Peopletime permettait de relever un temps de présence mais non de contrôler la durée du travail, laquelle a été mesurée par la mise en place en 2015 d'une badgeuse permettant de mesurer le temps de travail des salariés non cadres et de vérifier le respect des heures de repos pour les cadres.
Enfin, M. [UX] écrit lui-même dans ses conclusions qu'aucun contrôle de sa charge de travail n'était effectué (page 110).
S'agissant des déplacements professionnels, les pièces produites par le salarié montrent que M. [UX] se rendait régulièrement à Luxembourg pour des réunions et que M. [J] devait valider la réservation des billets de transport faite par l'agence de voyage (pièces 155 et 268). Le 7 mai 2015, M. [UX] a expliqué son absence aux deux dernières réunions par la mise en place d'une règle de réduction des déplacements au minimum de personnes, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, et il a assisté par téléphone à la réunion du 9 juillet 2015 car une formation était programmée pour lui ce jour là (pièce 269 du salarié). Il ne ressort pas de ces documents que l'employeur s'opposait sans raison aux déplacements de M. [UX].
Enfin, le fait que la DRH lui demande, comme à d'autres salariés, s'il a des réunions avec RTL Group / Bertelsmann, dès lors que la direction souhaite être informée régulièrement des contacts avec ces deux entités, ne signifie pas que M. [UX] n'était pas libre de l'organisation de son temps de travail (pièce 156 du salarié).
Il est donc établi que M. [UX] disposait d'une large indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.
- s'agissant de l'autonomie dans la prise de décision
M. [UX] soutient qu'il ne disposait pas d'une faculté de prise de décision de façon largement autonome, à laquelle ne fait pas référence son contrat de travail et se plaint d'un défaut d'autonomie à plusieurs égards.
L'employeur répond que l'autonomie du cadre dirigeant peut n'être que partielle et n'évince pas la subordination de ce dernier à l'égard de son employeur ; que M. [UX] disposait d'une faculté de prise de décision largement autonome, ayant toute latitude dans son domaine d'activité et sa sphère de compétence.
L'absence de référence dans le contrat de travail au critère d'autonomie dans la prise de décision applicable au cadre dirigeant n'est pas significative et il convient d'examiner les conditions d'exercice réelles de ses fonctions par M. [UX].
* sur les prises de décision dans sa sphère de compétence
M. [UX] fait valoir qu'il devait toutes les deux semaines rendre des comptes dans sa sphère de compétence à son supérieur hiérarchique M. [J] et soutient que les échanges de courriels produits par l'employeur ne démontrent pas son autonomie.
L'employeur répond que les entretiens avaient simplement pour objet d'assurer un suivi de l'avancement des projets de l'équipe avec le N+1 et que les échanges entre MM. [J] et [UX] traduisent l'étendue des pouvoirs de ce dernier.
Il ressort de l'agenda de M. [J] que ce dernier avait des réunions régulières avec M. [UX], dont il était le supérieur hiérarchique N+1, qui avaient pour objet le budget, des sujets informatiques, des points sur des contrats, des entretiens annuels, des déjeuners, ce qui ne traduit pas en soi une absence d'autonomie du salarié dans sa sphère de compétence puisque le statut de cadre dirigeant n'ôte pas à l'employeur tout pouvoir de direction et de contrôle (pièce 49 de l'employeur).
M. [UX] ne démontre pas qu'il devait systématiquement en référer à son supérieur hiérarchique pour toute décision concernant sa sphère de compétence. L'employeur produit des échanges de courriels qui démontrent que M. [UX] était autonome dans la prise de décisions concernant sa sphère de compétence, dans les limites du pouvoir de direction dont disposait son employeur (pièces 45 et 46). Ainsi :
- le 31 mars 2017, M. [UX] a informé M. [J] qu'il est parvenu à réduire les coûts d'une proposition commerciale de la société Sopra et à modifier un planning, aucune pièce ne corroborant l'affirmation de M. [UX] selon laquelle M. [G] a intégralement arbitré et validé les décisions,
- le 1er juin 2017, M. [UX] a écrit à M. [J] 'Pour information, à la demande de [R] [O] [N], je le rencontre avec [UR] [K] jeudi prochain pour aborder les aspects techniques des rapprochements des systèmes d'information (les aspects bureautiques et réseaux essentiellement). Son objectif est d'identifier les serveurs ou équipements qu'ils pourraient ne pas avoir besoin de déménager ou racheter. Mon objectif est de commencer à amorçer la pompe des sujets bureautiques et d'estimer la charge de travail que cela va représenter pour nos équipes respectives'. La réponse de M. [J] 'Cela ne doit pas avoir lieu sans moi. Je ne trouve pas correct qu'il prenne cette initiative. Il démarre mal. On se voit avant, dès demain d'ailleurs' (pièce 209 du salarié) traduit la volonté de ne pas laisser l'interlocuteur RTL prendre les décisions, mais non l'absence de toute autonomie de M. [UX], étant relevé que le salarié écrit en page 45 de ses conclusions que M. [J] 'coordonnait l'ensemble du chantier VIVA' de fusion du groupe RTL avec le groupe Métropole Télévision, tandis que lui-même avait pour mission la coordination du chantier informatique relatif à ce projet,
- le 24 juillet 2017, suite à une remarque faite par M. [J] sur la réorganisation à venir au sein du groupe rapproché M6-RTL, M. [UX] lui a formulé une proposition alternative et la discussion s'est poursuivie le lendemain entre les deux interlocuteurs sur le positionnement de M. [K],
- le 16 octobre 2017, M. [UX] a adressé à M. [J] une note explicative de la migration des ordinateurs de bureau de RTL vers l'environnement M6, puis une mise à jour aux fins de pouvoir déterminer le nombre de machines de plus de 4 ans à remplacer. M. [J] lui a répondu 'je regarde et on décide', ce qui traduit une décision commune à venir, aucune pièce ne corroborant l'affirmation de M. [UX] selon laquelle la décision serait en réalité prise entre M. [J] et M. [H], ancien PDG du groupe RTL France,
- le 25 octobre 2017, M. [UX] a avisé M. [I], alors président du directoire de la société, et M. [J], qu'ils allaient recevoir prochainement une demande d'achat du droit d'utilisation d'une solution de gestion de la relation client, dont son service a réussi à réduire le coût total,
- le 6 janvier 2018, M. [UX] a informé M. [J] d'une difficulté rencontrée avec la rédaction de RTL concernant la migration des postes des journalistes de la rédaction RTL et de son analyse. Le 8 janvier, M. [J] lui a répondu notamment 'Nous devons nous adapter avec la fermeté que tu as mise en place et que je soutiens. Grâce à cette approche, nous les ferons basculer encore plus vite dans notre monde',
- le 10 janvier 2018, M. [UX] a informé M. [J] qu'avec l'accord des services généraux, il a demandé à son équipe de développer et d'exécuter un petit script qui a remplacé tous les numéros abrégés des collaborateurs parisiens de RTL par le numéro complet, ce qui traduit une initiative du salarié pour développer un outil technique relevant de sa sphère de compétence,
- le 12 janvier 2018, M. [UX] a informé M. [J] de la réponse d'un interlocuteur sur une proposition, ajoutant 'par ailleurs j'ai oublié de te le préciser mais j'avais aussi évoqué l'idée que l'un des ingénieurs SysRes de RTL aide Life TV à concevoir l'architecture générale de son réseau', ce qui traduit le pouvoir d'initiative du salarié,
- le 29 janvier 2018, concernant la refacturation de prestations fournies pour une filiale de RTL group, M. [UX] a fait part à M. [J] des enquêtes menées, notamment par lui-même, sur les refacturations passées et a conclu 'Dès que j'aurai ces éléments, je vous tiendrai informés et nous pourrons, si nous le souhaitons, travailler avec la direction juridique à la rédaction d'un accord plus formel'.
Par ailleurs, ainsi que le fait valoir l'employeur, M. [UX] représentait le groupe M6 au sein de l''IT Summit' du groupe Bertelsmann au cours de réunions se tenant à Luxembourg.
* sur l'autonomie dans la gestion des membres de son équipe
M. [UX] indique qu'il n'avait pas de réelle autonomie de gestion pour l'embauche des collaborateurs composant son équipe, n'étant pas autorisé à procéder à des recrutements ou des remplacements pour les activités qu'il encadrait ou à les valider, M. [J] opposant en général des refus ; que son accord n'était pas véritablement sollicité sur les conditions des recrutements (salaire d'embauche), les augmentations des membres de son équipe, l'attribution d'actions gratuites.
L'employeur réplique que les demandes de recrutement étaient gérées par M. [UX], lequel donnait son accord et prenait la décision finale de remplacer un salarié démissionnaire, soulignant qu'il existe au sein des groupes comme M6 des processus obligatoires de contrôle et de validation des recrutements, la validation des recrutements par M. [J] et la DRH n'excluant donc pas la qualité de cadre dirigeant de M. [UX].
M. [UX] étant salarié d'un groupe employant de nombreuses personnes, le processus de recrutement des membres de son équipe ne pouvait dépendre de lui seul, quand bien même il avait la qualité de cadre dirigeant, et nécessitait un processus décisionnel impliquant l'aval de son supérieur hiérarchique et de la DRH.
M. [UX] exprimait régulièrement les besoins en recrutement de son service, en soulignant notamment le ratio trop faible des permanents par rapport aux prestataires et ses conséquences (pièces 140 à 142 du salarié). Il formulait des propositions à cet égard, le principe du recrutement devant être validé par M. [J] après validation du budget (pièces 143 et 255 à 257 du salarié).
Son accord lui a été demandé sur la rémunération à allouer à Mme [DX] [EB] dont le recrutement était envisagé début octobre 2012 (pièce 144 du salarié). Malgré le fait qu'il trouvait la rémunération proposée beaucoup trop basse, la proposition a été maintenue et Mme [EB] a accepté le poste.
M. [UX] a obtenu en septembre 2013 l'accord de M. [J] sur sa proposition de remplacement de Mme [ED] [DT] en octobre et M. [F] [U] en novembre, après avoir souligné que le remplacement de la première, partie en décembre 2012, avait été envisagé uniquement à partir de mars mais qu'elle n'était toujours pas remplacée fin juin 'sans doute parce que la DSI n'a pas relancé le sujet' (pièce 145 du salarié).
Par ailleurs, il lui a été demandé en mars 2016 par qui il comptait remplacer un salarié démissionnaire et il a formulé, en lien avec M. [F] [V], manager direct, une proposition de répartition des tâches entre deux salariés déjà présents, qui a été agréé par M. [G], DRH (pièce 40 de l'employeur).
M. [UX] n'était donc pas dénué de tout pouvoir s'agissant du recrutement des membres de son équipe.
Faisant valoir qu'il a été rappelé à l'ordre par le DRH au sujet d'un courriel envoyé à son équipe, M. [UX] soutient par ailleurs qu'il n'avait même plus l'autonomie de s'adresser par courriel à une partie de son équipe sans en référer à son supérieur.
L'employeur répond que M. [UX], DSI, ne pouvait ignorer que la charte informatique de l'entreprise interdit formellement l'envoi de mails en masse sur les listes de diffusion interne pour des raisons qui ne sont pas liées au service et sans autorisation, de sorte qu'il était logique que cette règle lui soit rappelée.
Le 19 septembre 2018, M. [UX] a envoyé à 'Tous DSI (internes)' un courriel ayant pour objet 'prolongation de mon arrêt de travail' en expliquant, pour couper court aux éventuelles rumeurs, qu'il a fait une tentative de suicide fin janvier 2018 pour des raisons liées à l'environnement professionnel, qu'il est revenu début juin à temps partiel thérapeutique en ayant demandé un changement de supérieur hiérarchique mais que sa situation s'est compliquée en raison de difficultés rencontrées avec plusieurs personnes de la direction de l'entreprise, de sorte que son état de santé s'est brutalement dégradé et qu'il n'est pas en état de reprendre le travail pour le moment (pièce 32 de l'employeur).
M. [UX] a adressé à 'tous DSI (internes)' un nouveau courriel le 3 décembre 2018, qui n'est pas versé au débat mais dont il a reconnu par courriel du 17 décembre 2018 qu'il s'agissait à nouveau de répondre à des membres de son équipe sur sa date de reprise et de faire taire la rumeur de sa démission (pièce 89 du salarié).
Par courrier du 12 décembre 2018, M. [G] lui a rappelé que 'la Charte informatique du groupe M6, en son article 7.5, n'autorise pas l'envoi de messages en masse (spam) sur les listes de diffusion interne pour des raisons qui ne sont pas liées au service et sans autorisation' (pièce 88 du salarié). Ladite Charte prévoit en effet en son article 7.5 'utilisation loyale et licite des messageries' que l'utilisateur s'interdit notamment 'd'envoyer des messages en masse (spam), à l'intérieur du groupe M6 ou à l'extérieur, à l'exception d'envoi sur les listes de l'employeur pour des raisons de service et avec l'autorisation du responsable hiérarchique' (pièce 24 de l'employeur).
Or, M. [UX] a adressé en masse à tous les membres de son service deux courriels exposant sa situation personnelle, en violation des dispositions de la Charte, qu'il ne pouvait ignorer en sa qualité de DSI. Il ne peut tirer argument du rappel légitime des règles de communication qui lui a été fait pour dire qu'il n'avait pas d'autonomie pour s'adresser par courriel aux membres de son équipe.
* sur l'autonomie financière
M. [UX] expose qu'il n'avait pas de réelle autonomie financière dans la gestion du budget de ses équipes, n'étant habilité valider seul que les demandes d'achats à hauteur de 25 000 euros alors que le budget global des activités qu'il encadrait se montait à environ 16 millions d'euros ; que M. [J] a refusé d'étendre ce seuil à 75 000 euros, alors qu'il est appliqué à d'autres directeurs placés sous sa responsabilité ; que M. [J] lui demandait très fréquemment des justifications sur toutes sortes de dépenses.
L'employeur répond en premier lieu qu'en sa qualité de DSI, M. [UX] était un approbateur de niveau 1 qui était le seul à être à la fois à l'origine et à la clôture des demandes d'achat, quand bien même ces dernières nécessitaient la validation d'un deuxième approbateur.
Il produit en pièce 14 le document de référence de la société Métropole Télévision déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers qui expose en page 58 que la société est dotée depuis 2012 'd'un outil de suivi des engagements de dépenses permettant un renforcement du contrôle interne des achats' et en pièces 25 et 26 le processus de gestion des achats au sein du groupe M6 dont il ressort que toutes les demandes d'achat sont soumises à validation du contrôleur de gestion avant d'être validées par le premier approbateur habituel qui garde la main sur les autorisations de règlement. Au-delà de certains montants, la demande d'achat est soumise à la validation d'un deuxième voire d'un troisième approbateur. M. [UX] était approbateur 1 et autonome pour les demandes d'achat jusqu'à 25 000 euros tandis que ses subordonnés étaient approbateurs 1 jusqu'à 10 000 euros et que M. [J] était habilité à valider les dépenses jusqu'à 250 000 euros (pièce 146 du salarié). Au mois de mai 2014, M. [UX] a demandé l'intégration de M. [W] [E] en qualité d'approbateur sur un seuil de 5 000 euros. Il lui a été répondu que les seuils sont harmonisés au sein du groupe et que le premier seuil est à 10 000 euros. M. [UX] a alors demandé une modification du seuil de M. [S] à 25 000 euros et du sien à 75 000 euros. La volonté de M. [J] de garder son seuil à 25 000 euros ne traduit pas l'absence de qualité de cadre dirigeant de M. [UX] (pièce 147 du salarié).
Les demandes d'explications faites par M. [J], qui sont critiquées par M. [UX], correspondent à des demandes d'achat supérieures à 25 000 euros qui étaient soumises à sa validation de sorte qu'il n'était pas illégitime qu'il interroge le salarié à ce sujet (pièces 149, 150 et 151).
M. [UX] disposait donc d'une large autonomie dans la prise de décision dans sa sphère de compétence et dans la gestion de ses équipes et de son budget.
- s'agissant du niveau de rémunération
M. [UX] soutient qu'il ne fait pas partie des salariés bénéficiant d'une des rémunérations les plus élevées de l'entreprise Métropole Télévision dès lors que sa rémunération se situait au 45ème rang des meilleures rémunérations du groupe, hors membres du Directoire, et qu'elle était très éloignée de celle des cinq membres du Directoire, qui sont seuls selon lui véritablement cadres dirigeants de M6.
L'employeur répond que M. [UX] faisait partie des 40 meilleures rémunérations du groupe M6 en dehors des membres du Directoire et que sur 2 500 salariés, il se situait dans les 1,6 % des meilleures rémunérations du groupe.
Le revenu de M. [UX] à prendre en compte inclut son salaire de base, sa rémunération variable (représentant 159 987 bruts en 2018) et les actions gratuites qui lui étaient attribuées annuellement (26 457 attribuées entre 2011 et 2018, valorisées à plus de 370 000 euros selon l'affirmation non contredite de l'employeur).
Selon M. [G], DRH, le positionnement de M. [UX] en termes de rémunération au sein du groupe M6 qui compte 2 500 salariés le plaçait au 40ème rang, hors les cinq membres du Directoire (pièce 50 de la société et 185 du salarié).
M. [UX] se situait donc dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise, quand bien même ses revenus étaient bien inférieurs à ceux des membres du Directoire, lesquels n'ont pas seuls la qualité de cadres dirigeants contrairement à ce qu'il soutient.
Ainsi, M. [UX] exerçait des responsabilités importantes, avait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et perçevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise.
Les trois conditions légales cumulatives étant réunies, il s'en déduit que M. [UX] participait à la direction de l'entreprise et que le statut de cadre dirigeant lui était applicable.
D'ailleurs, s'il n'était ni membre du Directoire ayant à ce titre le pouvoir d'agir au nom de la société à l'égard des tiers, ni membre du Conseil de surveillance, il faisait partie du Comité de direction dont le document de référence de la société Métropole Télévision mentionne qu'il est 'composé des principaux cadres responsables des activités opérationnelles et des services fonctionnels' et qu'il est un 'lieu d'échange sur la conduite des affaires', précisant que 'Le Directoire anime le pilotage des cadres dirigeants du Groupe, dans le cadre du Comité de Direction, et, d'autre part, du Comité Exécutif' (pièces 14 de l'employeur et 158 du salarié).
Sur la nullité de la convention de forfait jours
M. [UX] soutient que la convention de forfait jours mentionnée dans son contrat de travail n'est pas valable, notamment en ce qu'aucun contrôle de sa charge de travail n'a été réalisé par son employeur, et doit être jugée nulle.
L'employeur répond que compte tenu de son statut de cadre dirigeant, M. [UX] n'a pas été soumis à une convention de forfait jours.
L'article L. 3111-2 alinéa 1er du code du travail énonce que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre II relatif à la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires et du titre III relatif au repos et jours fériés.
En sa qualité de cadre dirigeant, M. [UX] n'était donc pas soumis à une convention de forfait jours qui n'est d'ailleurs pas inscrite à son contrat de travail, ainsi que retenu plus avant.
Il ne peut donc être fait droit à sa demande tendant à voir déclarer nulle sa convention de forfait jours.
Sur la requalification du temps partiel en temps plein
M. [UX] fait valoir que l'application conjointe qui lui a été faite des régimes du forfait jours et du temps partiel étant incompatible, il doit nécessairement être reconnu comme un travailleur à temps plein et que sa charge de travail (tous les jours de la semaine, de nuit, durant ses congés et week-ends) est en contradiction avec un temps partiel.
Or en premier lieu, M. [UX] n'était pas soumis à une convention de forfait jours. En second lieu, son contrat prévoit expressément un travail à temps partiel durant 4,5 jours par semaine et M. [UX] expose qu'il récupérait les vendredi après-midi durant lesquels il travaillait. En troisième lieu, ainsi que le mentionne son contrat de travail, en sa qualité de cadre dirigeant il n'est pas soumis aux dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du temps de travail, aux repos hebdomadaires et quotidiens et aux jours fériés.
Il doit donc être débouté de sa demande de requalification du temps partiel en temps plein et de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, d'indemnisation de l'absence de repos compensateur, de rappels de salaire au titre des heures travaillées le dimanche et de nuit, d'indemnité pour travail dissimulé et d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité du fait du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, par confirmation de la décision entreprise.
Le statut de cadre dirigeant étant reconnu à M. [UX], la société Métropole Télévision sera déboutée de sa demande reconventionnelle de remboursement des sommes versées au salarié au titre du régime de retraite supplémentaire 'article 83", par confirmation de la décision entreprise.
Sur l'exécution du contrat de travail
M. [UX] soutient que son employeur a manqué à ses obligations en ne prenant pas de mesures pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale ni de dispositions en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral dont il a été victime.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1,
2° des actions d'information et de formation,
3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'
L'employeur met en 'uvre les mesures prévues par ces dispositions dans le respect des principes généraux de prévention énoncés à l'article L. 4121-2 du code du travail.
Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Le fait qu'un cadre dirigeant ne soit pas soumis aux règles relatives à la durée du travail ne lui ôte pas le bénéfice de l'obligation par son employeur de protéger sa sécurité et de sa santé physique et mentale dans les conditions susvisées.
En l'espèce, M. [UX], se référant à la période précédant son arrêt de maladie du 31 janvier 2018, fait valoir qu'il a, à de nombreuses reprises, attiré l'attention de son supérieur hiérarchique M. [J] sur la nécessité, pour protéger la santé physique et mentale de son équipe et de lui-même, de procéder à des embauches pour faire face à la masse de travail considérable à réaliser ; que ses alertes n'ont pas été suivies d'effet, l'effectif de la DSI demeurant constant malgré une augmentation toujours croissante et considérable de la charge de travail, pour atteindre un pic au cours de la période allant du 2 octobre 2017 au 31 janvier 2018 dans le cadre de la mise en oeuvre du projet VIVA ; que M. [J] n'a pas accepté d'embauches permettant de réduire le poids des tâches supportées et n'a eu de cesse d'ajouter des charges supplémentaires en imposant des délais toujours plus drastiques et intenables ; que cette situation l'a entraîné vers un burn-out et une dépression à tendance suicidaire. Il dénonce en outre l'absence d'entretien annuel depuis 2013, alors que ces entretiens auraient pu permettre d'évoquer sa charge de travail et d'éviter les risques professionnels. Il demande une indemnisation de 37 000 euros en réparation de son préjudice, correspondant à 3 mois de salaire.
M. [UX] produit des pièces montrant qu'il a informé son supérieur hiérarchique du manque d'effectif de la DSI et des conséquences en découlant :
- au titre du bilan 2015 il a indiqué un retard d'embauches après le départ d'un collaborateur et un congé de maternité, la nécessité d'internaliser 3 prestataires et de créer 2 postes (un chef de projet MOA Chaînes et un ingénieur bureautique). M. [J] a conditionné le recrutement de l'ingénieur bureautique au retrait d'un poste dans l'équipe (pièces 168 et 169),
- le 7 octobre 2016, il a informé M. [J] de l'alerte qu'il a donnée à M. [UK] [B] (de la DRH) sur l'ampleur que prenait la charge de travail de M. [F] [V], DSI adjoint, suite au départ de M. [DZ] et dans l'optique du départ prochain de M. [E] (pièce 173),
- le 29 juin 2017, il a adressé à M. [J] un suivi des projets DSI signalant, concernant l'organisation de la DSI, que les équipes exploitation sont 'extrêmement sollicitées en ce moment' et qu'il existe un risque de surmenage (pièce 179),
- le 13 juillet 2017, il a écrit à M. [J] que 'L'équipe SRS a été très fortement sollicitée pour des opérations nocturnes, notamment en raison des projets de la DT, et continue de l'être tout le mois de juillet. En raison des plages horaires couvertes (9h-20h15) et des obligations de repos quotidiens, cette équipe de 3 personnes (réduite à 2 en ce moment), tient difficilement la charge. Les sollicitations additionnelles de l'audit interne monopolisent pratiquement un des prestataires. La masse de travail à prévoir pour RTL France est elle-même source de stress pour l'équipe. Il y a de gros risques sur cette activité : risque de surmenage, risque d'erreurs liées à la fatigue, risque de baisse de vigilance/réactivité en cas de gros problème de sécurité. Ces sollicitations très fortes (nuits, weekends, urgences permanentes) affectent également [F] et moi-même. Solution à court terme : nous allons renforcer la prestation les jours ouvrés' (pièce 183),
- le 27 novembre 2017, il a indiqué à M. [J] qu'un objectif à remplir pour le 8 janvier 2018 dans le cadre de la fusion RTL-M6 serait extrêmement difficile à atteindre et qu'il faudrait 3 techniciens supplémentaires, opérationnels tout de suite (pièce 78),
- en décembre 2017, il a alerté M. [J] sur les difficultés de trois salariés de l'organisation DSI ayant eu récemment des arrêts de travail, dont deux personnes, en particulier M. [V], victimes de difficultés personnelles et de stress professionnel, sur le fait que 'cette fin d'année est difficile pour beaucoup de personnes de l'équipe' et sur la difficulté résultant du nombre de RTT restant à prendre pour les personnes impliquées dans le projet VIVA (pièces 80 et 80bis).
Il produit également des listings de courriels ou des courriels émis entre 2013 et janvier 2018 montrant qu'il lui arrivait régulièrement de travailler le soir, durant le week-end ou pendant ses congés, en particulier durant la période d'octobre 2017 à janvier 2018 au moment de la mise en oeuvre du projet VIVA (pièces 212 à 219), outre un tableau qu'il a établi indiquant que 4,2 à 4,8 % de ses courriels étaient envoyés en dehors des heures ouvrées (pièce 224).
Il verse au débat une attestation de son épouse laquelle relate que depuis son embauche chez Métropole Télévision elle a constaté une augmentation importante de la charge de travail de son époux, qui recevait des sollicitations professionnelles par téléphone, sms et mails pendant qu'il était à la maison, les soirs, les week-ends, durant les vacances, la nuit ; que son époux lui a confié les difficultés qu'il rencontrait avec M. [J] et qu'à partir de fin janvier 2016, menacé de sanction en cas d'échec sur un très gros projet à venir par M. [J] qui lui avait demandé de démissionner, il rentrait souvent très tard du bureau, travaillait systématiquement tous les soirs et même la nuit car il n'arrivait plus à dormir correctement, que son comportement a changé et son état de santé s'est dégradé , que son époux lui disait que la masse de travail et le délai très court accordé rendait pratiquement irréalisable le projet VIVA mais que souhaitant démontrer à M. [J] son total engagement et celui de ses équipes, il a travaillé d'arrache pied durant 4 mois, nuit et jour, pour mener à bien ce projet (pièce 181).
Enfin, M. [UX] produit les documents relatifs à son hospitalisation en urgence le 31 janvier 2018 pour une symptomatologie d'allure dépressive dans un contexte d'épuisement professionnel, à son séjour postérieur en clinique, ses arrêts de travail, prescriptions médicamenteuses, etc (pièces 43 à 52) qui montrent une dégradation de son état de santé mise en lien par le salarié avec ses conditions de travail.
Il en ressort que M. [UX] a alerté son supérieur hiérarchique du sous-effectif de son équipe, de l'épuisement de cette dernière et de lui-même et qu'il a connu une dégradation de sa santé.
L'employeur répond que M. [UX] n'a jamais lancé la moindre alerte concernant sa charge excessive de travail et qu'il n'a fait part à aucun moment de difficultés liées à la mise en oeuvre du projet VIVA ; que l'unique fois où il a averti, à l'automne 2017, de la charge de travail pesant sur ses équipes, M. [J] a donné immédiatement son accord pour le renforcement du contrat de prestation de services avec la société Infodis, le projet important mais ponctuel ne nécessitant pas des embauches permanentes. Il produit le justificatif des commandes de prestataires faites à la société Infodis IT, notamment le 15 septembre 2017 pour la mise à disposition des profils nécessaires aux fins d'analyser les projets d'intégration des PC bureautiques dans l'environnement M6, toutes les commandes ne concernant cependant pas le projet VIVA (pièces 19, 20, 59).
L'employeur soutient que le projet VIVA n'a pas été mené dans l'urgence mais qu'il a été annoncé à la fin de l'année 2016 pour une intégration physique au 1er janvier 2018, de sorte que M. [UX] pouvait anticiper les chantiers à venir. Il ressort des écritures et pièces de l'employeur que le projet d'acquisition par le groupe M6 des activités radio de RTL group en France a été annoncé par un communiqué de presse le 13 décembre 2016 (pièce 39), que M. [UX] a travaillé à compter du printemps 2017 avec son homologue de RTL pour définir les différents chantiers, que le plan d'intégration des différentes sociétés a été construit à compter de juillet 2017 et présenté aux représentants du personnel en septembre 2017. La mise en oeuvre du plan a eu lieu d'octobre 2017 à janvier 2018, sur une période de 4 mois particulièrement chargée pour l'équipe DSI.
L'employeur justifie que dans le même temps, d'octobre à décembre 2017, M. [UX] a pris ses congés de toute nature. Néanmoins, les courriels versés au débat montrent que le salarié a été amené à travailler durant ces périodes.
L'employeur indique enfin que l'arrêt de maladie de M. [UX] le 31 janvier 2018 a été soudain et sans signe avant coureur.
Il ressort de ces pièces que si M. [UX] a déploré le remplacement tardif de certains membres de son équipe et l'important taux de prestataires dans cette dernière, l'employeur a engagé des prestataires supplémentaires pour faire face au surcroît temporaire d'activité lié au projet VIVA et que, M. [UX] et son équipe ont réalisé dans les délais le projet qu'il estimait irréalisable, car il souhaitait démontrer leur implication à son supérieur hiérarchique.
Il n'en ressort pas de manquement à son obligation de sécurité de la part de l'employeur.
M. [UX] a bénéficié d'entretiens d'évaluation annuels en 2010, 2011 et 2012 lorsque M. [G] était son supérieur hiérarchique, au cours desquels sa charge de travail et l'équilibre entre la vie personnelle et professionnelle étaient expressément abordés (pièces 98 à 100 du salarié). M. [UX] avait ainsi signalé le 26 décembre 2011 que sa charge de travail avait augmenté de manière très significative ainsi que la pression, qui atteignait des niveaux difficiles. Le 11 décembre 2012 il estimait encore que la DSI était 'sous staffée, ce manque de ressources provoque parfois des distorsions organisationnelles et peuvent aboutir à de la démotivation des équipes'. Il estimait toutefois avoir pu préserver un équilibre global satisfaisant entre vie professionnelle et vie privée.
S'agissant de l'absence avérée d'entretiens d'évaluation de 2013 à 2018, l'employeur indique que M. [UX] et M. [J] faisaient des points réguliers pendant 2 heures toutes les 2 semaines sur le suivi des dossiers et que les tableaux remplis par le salarié illustraient le peu d'inquiétude que ce dernier avait sur les projets dont il avait la charge.
Il est néanmoins constant que le salarié ne faisait plus l'objet d'entretiens d'évaluation annuels écrits mentionnant son avis sur sa charge de travail et l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Entendu par la CPAM, M. [J] a reconnu qu'il y avait eu peu d'entretiens et d'objectifs formalisés par écrit de sa part mais qu'en 2015, 2016 et 2017 il avait eu des entretiens oraux avec M. [UX] avec un déjeuner à l'issue de leurs échanges (pièce 34 de la société).
Il doit être retenu qu'en ne formalisant pas durant plusieurs années un entretien annuel portant sur la charge de travail et l'équilibre vie professionnelle / vie privée de M. [UX], alors que le salarié avait dans le même temps fait part d'un sous-effectif de son équipe et d'une charge de travail accrue, la société Métropole Télévision a manqué à son obligation de sécurité.
La cour relève d'ailleurs que la commission d'enquête mise en oeuvre par le CSE suite aux arrêts de travail de M. [UX] à compter du mois de janvier 2018 a relevé cette absence d'entretien annuel d'évaluation et a préconisé, afin de prévenir les risques, qu'un bilan professionnel spécifique soit mis en place annuellement pour les cadres dirigeants afin de remplacer l'entretien annuel d'évaluation (pièce 11 de l'employeur).
M. [UX] en a subi un préjudice lié à la dégradation de son état de santé dont témoigne son épouse et les pièces médicales, quand bien même l'élément déclencheur de sa profonde dépression et de son hospitalisation en urgence a été de toute évidence l'absence de reconnaissance financière de son implication dans la mise en oeuvre du projet VIVA, ressentie à réception de sa fiche de paie le 30 janvier 2018.
Le préjudice de M. [UX] sera indemnisé par la somme de 10 000 euros, par infirmation de la décision entreprise.
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce M. [UX] expose que si ses trois premières années au service de Métropole Télévision se sont déroulées sans difficultés sous la hiérarchie de M. [T] [G], il n'en a plus été de même à compter du 1er mai 2013 lorsque M. [Z] [J] est devenu son supérieur hiérarchique direct. Il soutient que par son mode de management, M. [J] a maintenu sciemment des conditions de travail inhumaines au sein du service de la DSI, ce qui a généré directement son burn-out et sa dépression sévère. Il sollicite une indemnisation de 37 000 euros à ce titre.
Il invoque plus précisément les faits suivants :
- une charge de travail toujours plus importante malgré les alertes qu'il a adressées au fil des ans sur les dangers de cette situation pour les salariés. Il justifie de ces alertes en produisant les courriels adressés entre 2015 et décembre 2017 qui ont été évoqués lors de l'examen du manquement à l'obligation de sécurité. Il ajoute que M. [J] ne pouvait ignorer qu'il suppléait régulièrement aux absences de ses deux adjoints. Il produit un courriel de M. [J] daté du 3 mars 2017 dans lequel il lui écrit 'Très bon WE et bon repos, tu en as besoin' (pièce 253) et plus spécifiquement le courriel du 13 juillet 2017 par lequel il fait part à son supérieur du fait que M. [V] et lui-même sont affectés par de très fortes sollicitations (pièce 183). Le fait est donc matériellement établi.
- M. [J] n'a pratiquement jamais donné suite à l'ensemble des demandes d'embauche qu'il a formées auprès de lui de 2013 à 2018. Il l'a donc placé, ainsi que son équipe, dans une situation d'échec en ne procédant pas aux embauches nécessaires.
Ce fait ne ressort pas des pièces produites par le salarié puisque d'une part des embauches ont été réalisées, même plus tardivement que M. [UX] ne l'aurait souhaité (exemples de Mme [DT] et de M. [U]), et que d'autre part il a été recouru à des prestataires pour renforcer l'équipe DSI. Il n'est donc pas établi que M. [J] a volontairement placé M. [UX] dans une situation d'échec.
- M. [J] s'est livré à des sollicitations permanentes de lui-même et de son équipe y compris les nuits, les week-ends et durant leurs congés.
Cependant, la matérialité de ce fait ne ressort pas des courriels versés au débat par le salarié.
- il n'a pas eu d'entretien professionnel en dehors de l'année 2015 ni d'entretien d'évaluation de 2013 à 2018, fait qui a été précédemment retenu comme établi.
- il a alerté de sa situation le médecin du travail et le service RH (Mme [LN] [LW], M. [T] [G] et M. [UK] [B]).
M. [UX] expose qu'au cours d'un entretien le 17 décembre 2015 puis au cours d'un déjeuner le 22 janvier 2016, M. [J] lui a demandé de démissionner.
Par courriel du 17 décembre 2015 il a indiqué à Mme [L] [UI] qu'il était 'invité à poursuivre à l'extérieur' et qu'il accusait le coup (pièce 103) et il ressort de son dossier médical qu'il a relaté le 21 juin 2016 au médecin du travail qu'il rencontrait des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie qui lui aurait proposé une rupture qu'il a refusée (pièce 66).
Il ne produit cependant aucune pièce démontrant qu'il a avisé le service RH de sa situation à cette époque. Il est donc uniquement établi qu'il a alerté le médecin du travail de sa situation.
- le mode managérial employé par M. [J] consistait à souffler le chaud et le froid en permanence, à faire peser sur lui la crainte d'une sanction et surtout d'un licenciement, générant un stress permanent de nature à nuire à son état de santé. Ce fait n'est cependant pas établi par la production de pièces objectives.
- M. [J] a pris à son encontre des mesures de discrédit nuisant à l'exercice de ses fonctions, a tenu des propos humiliants en présence d'autres salariés et s'est livré à un dénigrement systématique de lui-même et de son équipe.
M. [UX] n'illustre toutefois pas son propos par des faits précis et de tels actes de son supérieur hiérarchique ne ressortent pas des pièces versées au débat. Le fait ne donc peut être considéré comme établi.
- M. [J] a démontré une absence totale de considération vis-à-vis de lui et de son équipe notamment par des absences de gratifications financières au regard des efforts fournis et des résultats inespérés obtenus. M. [UX] évoque encore des sanctions financières arbitraires et illégales du fait de la réduction de sa rémunération globale ou du gel arbitraire de son salaire.
Le salaire mensuel brut de base de M. [UX] était de 9 553,50 euros par mois au moment de son embauche en mars 2010 et il a été réévalué à 10 308 euros à compter du 1er janvier 2013. Il n'a plus été réévalué avant 2018 et seule une augmentation de son salaire complémentaire brut de base a eu lieu en 2013. Le nombre d'actions gratuites qui lui a été alloué a été réduit à compter de 2014 (pièces 109, 109 bis et 110 du salarié).
- les courriels de M. [J] étaient abrupts et directifs, ne comportaient bien souvent pas de bonjour, bonsoir ou de formule de politesse et comprenaient des ordres très secs.
Il produit les courriels suivants adressés par son supérieur hiérarchique :
- le 4 juillet 2014, au sujet d'écarts sur des tableaux de bord financiers : 'J'en ai marre de ces problèmes imputés au DWH' (pièce 251),
- le 1er février 2017, avec pour objet 'téléphone et PC' : 'j'en ai marrre !!' (pièce 177),
- le 17 octobre 2017, le courriel ayant pour objet 'mon ordi ce matin : étrange !!''' et comportant seulement une copie d'écran en pièce jointe (pièce 180).
Il se réfère également aux courriels produits en pièce 45 par l'employeur dont il ressort que M. [J] lui écrivait parfois de manière directe, sans formule de salutation.
Il ne ressort cependant pas de l'ensemble de ces messages que M. [J] se montrait impoli ou directif, de sorte que le fait n'est pas matériellement établi.
- le mode de 'management par la peur' mis en place par M. [UE] [I], président du Directoire de la société Métropole Télévision, appliqué à la lettre par M. [J], a été dénoncé dans la presse dès juillet 2014. Il produit des articles de presse relatant un climat social dégradé au sein de la société M6, les salariés, 'essorés' et nombreux en souffrance, présentant des burn out, suicides, démissions en série, leur patron se moquant ouvertement du code du travail et mettant ses salariés sous pression (pièces 38 à 41).
- la société M6 a déjà été condamnée à deux reprises pour harcèlement moral par les chambres sociales de la cour d'appel de Versailles. Il produit à cet égard un arrêt rendu le 6 septembre 2016 condamnant la société Métropole Télévision pour harcèlement moral commis à l'encontre d'une journaliste et un arrêt rendu le 28 octobre 2020 condamnant la même société pour harcèlement moral commis à l'encontre de la directrice adjointe des documentaires et magazines (pièce 225).
Par ailleurs, il ressort des éléments médicaux produits par M. [UX] et de l'attestation de son épouse que ce dernier a été hospitalisé en urgence pour un burn-out et a subi une profonde dépression qui sont mis en relation avec la dégradation de ses conditions de travail. Le 24 septembre 2019, la CPAM a notifié à M. [UX] la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie (pièce 164).
Sont ainsi matériellement établis des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
En réponse, l'employeur indique que :
- M. [UX] n'a jamais alerté la direction ni les représentants du personnel de sa situation.
Il souligne à juste titre que la note portée sur le dossier médical du salarié par le médecin du travail en juin 2016 ne constitue pas une alerte et n'a pas été portée à sa connaissance.
- M. [UX] produit des articles de presse qui relatent des faits survenus entre 2011 et 2015 sans lien avec sa propre situation, ce qui est exact,
- les échanges entre M. [UX] et M. [J] ne révèlent aucune pression ou contrainte caractéristiques d'une situation de harcèlement moral.
Cela ressort en effet de l'analyse des courriels versés au débat tant par le salarié que par l'employeur, M. [J] remerciant et félicitant M. [UX] à plusieurs reprises sur son travail (pièces 27, 45 et 46 de l'employeur).
L'employeur ajoute que M. [UX] montrait son calme et son appréciation du travail effectué par son équipe lors des points effectués chaque quinzaine avec M. [J] et produit en ce sens les tableaux établis par l'appelant (pièce 17).
Alors que M. [UX] se plaint dans sa synthèse des faits que son supérieur hiérarchique attendait à dessein le dernier moment pour valider ses congés ou les validait une fois ceux-ci démarrés, et produit en pièce 154 le justificatif que cela a pu arriver, l'employeur indique que M. [J] n'a jamais posé la moindre difficulté pour la prise des congés par M. [UX], lesquels étaient décidés par le salarié seul en début d'année, leur validation en système de paie étant une simple formalité. L'employeur justifie que M. [UX] a pu prendre tous ses congés et jours de récupération (pièce 16).
- les conclusions de l'enquête menée par la commission paritaire indiquent qu'il n'a pas été constaté une dégradation de la relation managériale.
Il produit en pièce 11 les conclusions de l'enquête menée par le CSE aux fins d'identifier les causes qui ont conduit aux arrêts de travail successifs et répétés de M. [UX] depuis le 31 janvier 2018. Après analyse des faits, notamment du courrier adressé par M. [UX] à M. [I] le 31 mai 2018 dénonçant un harcèlement moral commis à son encontre par M. [J], et audition de plusieurs personnes, la commission a constaté 'qu'aucun élément écrit ne lui permet d'identifier les causes des arrêts de travail successifs et répétés de [M] [UX]', que ce dernier 'a mal vécu l'absence de versement d'une prime à la suite du rachat de RTL' et que 's'agissant de la relation entre [Z] [J] et [M] [UX], les interview mettent en exergue les différences d'interprétation de chacun ainsi qu'un manque de reconnaissance ressenti par [M] [UX]. Néanmoins, les propos recueillis de part et d'autre ne permettent pas de constater une dégradation de la relation managériale'.
- M. [UX] a fait état de la charge de travail de son équipe mais non de la sienne. Il est exact que le salarié a avant tout fait part de ses inquiétudes sur la charge de travail de son équipe et de M. [S] en particulier, et n'a évoqué sa propre situation que dans un courriel du 13 juillet 2017 (pièce 183 du salarié). Un renfort de prestataires a été alors commandé par l'employeur.
- les travaux de nuit et les astreintes n'incombaient pas à M. [UX] mais à l'équipe DSI et M. [UX] a fait part des solutions qu'il avait trouvées. Il ressort en effet du courriel produit par le salarié en pièce 179 qu'après avoir avisé sa hiérarchie du risque de surmenage des équipes exploitation, M. [UX] a préconisé l'intervention de prestataires en astreinte, le renfort des prestations durant la période des vacances, la re-priorisation de certains projets.
- s'agissant des courriels envoyés ou reçus en dehors des 'horaires de bureau', l'employeur souligne que M. [UX] étant cadre dirigeant, il fixait unilatéralement l'organisation de son travail dans la semaine.
Il fait valoir que M. [J] n'a sollicité M. [UX] le week-end qu'à trois reprises au cours de l'année 2013, qu'il n'a pas exigé de réponse immédiate, que le salarié ne peut prétendre avoir été sollicité en permanence durant ses congés.
Il ressort en effet des échanges de courriels que M. [J] n'a sollicité M. [UX] en dehors des journées de travail que de manière très ponctuelle et sans exiger de réponse immédiate. Le 16 octobre 2017, M. [UX] a adressé une note à M. [J] à 19h38 auquel son interlocuteur a répondu à 21h11 en concluant 'on se tient au courant. A demain'. Lorsque M. [UX] lui a répondu à 21h36, M. [J] lui a écrit à 21h37 'on en parle demain' (pièce 47 de l'employeur).
- Les postes vacants ont fait l'objet d'un remplacement ou, dans cette attente, d'un renforcement de prestataires pour pallier les absences. M. [J] n'a pas refusé de remplacer les salariés démissionnaires mais a au contraire demandé à M. [UX] de les remplacer.
L'employeur justifie par les courriels qu'il verse au débat que :
° lorsque M. [UX] lui a annoncé le 2 mars 2016 la démission de M. [DZ], M. [J] lui a demandé par qui il comptait le remplacer, M. [UX] proposant de répartir les tâches du salarié démissionnaire sur deux salariés déjà présents (pièce 81),
° le poste de M. [W] [E], démissionnaire, a été proposé en août 2016 par M. [UX] à M. [DV] [LY]. Ce dernier étant intéressé par le poste mais ne pouvant l'accepter immédiatement au regard de sa situation familiale, M. [UX] a proposé de différer le recrutement du successeur de M. [E] de 8 à 12 mois et d'adapter la répartition des tâches de ce dernier dans l'équipe et vraisemblablement en ayant recours à une compétence extérieure additionnelle (pièce 82),
° le 20 octobre 2016, M. [UX] a reçu un accord de principe pour remplacer le départ de M. [C] [Y] par la promotion de M. [LU] [LS] (pièce 83),
° le 29 mars 2017, M. [UX] a proposé de geler deux recrutements qui pourraient être satisfaits par des salariés de RTL, dont certains pourraient remplacer des prestataires, et a signalé 3 postes à recruter, aucun salarié de RTL n'ayant le profil (pièce 84).
En outre, des prestataires ont été alloués à l'équipe DSI pour la renforcer au moment de la mise en oeuvre du projet VIVA.
- M. [UX] n'a pas souffert d'une charge de travail excessive du fait de l'intégration du pôle RTL. L'employeur expose que le rapprochement de M6 et RTL a été préparé longtemps à l'avance et non pas à la dernière minute, que le projet était régulièrement suivi au sein d'un comité de pilotage dont faisaient partie M. [J] et M. [UX] (réunions en pièce 35 de l'employeur), que M. [UX] avait déjà piloté l'intégration de la chaîne 'Série club', qu'il disposait d'une équipe de près de 100 collaborateurs et du renfort ponctuel de prestataires extérieurs, qu'il était normal, compte tenu de ses fonctions et de sa qualité de cadre dirigeant, qu'il soit ponctuellement sollicité durant ses repos et congés.
- M. [J] n'a jamais demandé à M. [UX] de démissionner mais, au cours de l'entretien du 17 décembre 2015, il a simplement répondu négativement aux souhaits de promotion professionnelle exprimés à plusieurs reprises par M. [UX].
M. [UX] produit en pièce 170 un courriel qu'il a adressé à M. [J] le 18 décembre 2015, lui demandant sa position, suite à leur discussion de la veille 'à propos de [F] [V] et de l'abandon des activités/projets Data', sur la mise en place de l'organisation prévue côté moyens informatiques. Il n'évoque aucune demande de démission formée par M. [J], lequel lui a répondu 'nous n'allons pas raisonnablement résoudre ces questions par échange de mails. Il n'y a aucune urgence et nous reparlerons du tout en début d'année.'
Il ressort du compte-rendu d'entretien professionnel 2015 qui a eu lieu le 26 novembre 2015 (pièces 101 du salarié et 18 de l'employeur) que s'agissant de son développement, M. [UX] a indiqué 'mon poste actuel (DSI) me permet d'utiliser un sous-ensemble limité de mes compétences acquises. Je souhaiterais élargir mes missions pour ne pas perdre mes autres compétences', le commentaire de M. [J] étant 'J'ai échangé avec [M] sur son ambition d'élargir ses domaines en lui rappelant que la taille du groupe et l'organisation choisie à date ne conduisent pas naturellement à regrouper des équipes qui collaborent déjà fortement entre elles. En effet un tel projet conduirait plutôt à alourdir le management sans créer de réels gains d'efficacité. Nous sommes convenus de poursuivre nos réflexions sur de tels enjeux d'organisation, afin de pouvoir saisir les opportunités'. Il en ressort que M. [UX] souhaitait faire évoluer son périmètre d'intervention, ce que ne pouvait satisfaire son supérieur hiérarchique dans l'immédiat.
Lors de son audition dans le cadre de l'enquête menée par la CPAM, M. [G] a relaté, s'agissant de la demande de démission faite par M. [J] à M. [UX] que '[M] est venu me voir pour me dire que M. [J] avait refusé ses demandes de propositions d'organisation et de développement personnel. Je pense que [M] voulait un périmètre élargi en termes de salariés afin d'obtenir une promotion.'. Il décrit les différentes propositions formulées par M. [UX] et relate que M. [J] les a déclinées 'en les motivant car vraisemblablement l'entreprise n'en avait pas l'utilité et pour preuve aucune de ces organisations de ces postes n'a été pourvue' (pièce 33 de l'employeur).
Lors de son audition par la CPAM, M. [J] a indiqué 'Je n'ai jamais demandé à [M] [UX] de démissionner. Je lui ai exprimé le fait que le groupe ne pouvait pas répondre à son ambition, cela est très différent et je m'adressais à un membre du comité de direction, apte à discuter et à comprendre. Si j'avais souhaité qu'il parte je ne lui aurais jamais confié un projet comme celui de l'intégration d'RTL dans notre groupe, ça n'a pas de sens.' (pièce 34 de l'employeur).
- M. [J] n'a pas réduit la rémunération de M. [UX].
L'employeur fait valoir en premier lieu que M. [J], pleinement satisfait du travail du salarié, a augmenté la base de référence de sa rémunération complémentaire. En effet, la base de la rémunération complémentaire de M. [UX], qui était de 7 200 euros à objectifs atteints au moment de son embauche en mars 2010 est passée à 13 000 euros à compter du 1er janvier 2013 puis à 20 000 euros à compter de 2014 et le salarié a perçu à ce titre les sommes de 22 892 euros en 2014, 21 645 euros en 2015, 28 248 euros en 2016, 37 785 euros en 2017, 30 387 euros en 2018 (pièce 50 de la société).
L'employeur fait valoir en deuxième lieu que l'attribution d'actions gratuites, dont l'enveloppe est autorisée par l'assemblée générale mixte des actionnaires et la répartition individuelle est faite par le président du Directoire, n'a aucun caractère contractuel et relève du pouvoir discrétionnaire selon les performances individuelles de chaque bénéficiaire ; qu'en raison de la baisse de l'Ebita constatée depuis 2011, une diminution significative des quantités d'actions distribuées a eu lieu à compter de 2014 ; que M. [UX] a été traité plus favorablement que ses collègues et a perçu des dividendes conséquents.
S'agissant de la prime exceptionnelle versée fin 2017 aux équipes de la DSI s'étant investies dans le projet VIVA, l'employeur affirme que la liste des bénéficiaires a été construite avec M. [UX] et visait les équipes opérationnelles et non les dirigeants. M. [UX] écrit en page 53 de ses conclusions, comme il l'a fait dans son courrier du 31 mai 2018 dénonçant à M. [I] une situation de harcèlement moral (pièce 2 de l'employeur), qu'il 'était 'monté au créneau' pour obtenir, auprès de son supérieur hiérarchique, des primes pour environ 10 de ses collaborateurs. Il avait eu cependant la décence de ne pas solliciter de prime pour lui-même, espérant que son supérieur hiérarchique saurait le gratifier spontanément à la juste mesure de ses efforts et de ses résultats.'.
L'employeur fait valoir que M. [UX] a néanmoins connu une augmentation de salaire significative et pérenne (+4,2%, supérieure à la moyenne de 3,75 % des membres du comité de direction sur la même période). M. [UX] a en effet vu son salaire mensuel brut passer de 10 308 euros à 10 800 euros à compter de janvier 2018, quand bien même il estime cette augmentation dérisoire voire volontairement dénigrante au regard de son investissement.
L'employeur justifie en outre qu'il a pris des mesures pour permettre la reprise à temps partiel de M. [UX] préconisée par le médecin du travail à compter du 4 juin 2018 (pièce 21).
A réception du courrier de M. [UX] du 31 mai 2018 dénonçant un harcèlement moral, l'employeur a saisi M. [A] [P], responsable de l'éthique et de la déontologie, une commission d'enquête a été mise en place, il a proposé à M. [UX] une convention tripartite de détachement afin qu'il ne soit plus placé sous la hiérarchie de M. [J] (pièces 41 et 42 de l'employeur).
L'employeur prouve ainsi que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la seule absence d'entretien d'évaluation annuel durant plusieurs années ne pouvant en l'espèce caractériser à elle seule un harcèlement moral.
M. [UX] sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour harcèlement moral, par confirmation de la décision entreprise.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
En application des dispositions des articles 1224 et suivants du code civil, le salarié peut demander que soit prononcée la résiliation de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour justifier de la résiliation judiciaire, il doit être démontré l'existence de manquements d'une importance et d'une gravité qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail et la charge de la preuve incombe au salarié.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit, ou d'un licenciement nul en raison de certains manquements de l'employeur.
En l'espèce, M. [UX] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que la société Métropole Télévision s'est livrée à son encontre à des actes constitutifs de harcèlement moral et/ou générateurs de souffrance au travail qui constituent à tout le moins des frais graves d'exécution de mauvaise foi, multiples et réitérés, du contrat de travail.
Or, en premier lieu, il n'a pas été retenu que M. [UX] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.
En second lieu, le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur consistant à ne pas faire bénéficier M. [UX] d'un entretien individuel annuel ne peut être considéré comme un manquement grave ayant empêché la poursuite du contrat de travail dès lors que l'absence d'entretien d'évaluation annuel a duré cinq années consécutives et qu'il ne ressort d'aucune pièce versée au débat que le salarié s'est manifesté pour solliciter la tenue de ces entretiens.
M. [UX] sera en conséquence débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes financières afférentes, par confirmation de la décision entreprise.
Sur la nullité du licenciement
L'article L. 1152-3 du code du travail dispose que 'toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.'
Est nul le licenciement d'un salarié en raison de son inaptitude définitive à son poste de travail dès lors que cette dernière a pour seule origine son état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet.
A titre subsidiaire, M. [UX] sollicite la nullité de son licenciement pour inaptitude consécutive au harcèlement moral qu'il a subi.
Dès lors qu'il n'est pas retenu que M. [UX] a subi du harcèlement moral de la part de son employeur, le salarié doit être débouté de ses demandes de nullité de son licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul, par ajout à la décision entreprise
Sur le doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement
M. [UX] soutient qu'il a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité conventionnelle de licenciement au motif que la CPAM a pris en charge son état dépressif sévère au titre de la législation relative aux risques professionnels le 24 septembre 2019 et qu'il a été placé en arrêt de travail continu pour cette maladie depuis le 31 janvier 2018, sans reprendre son activité, de sorte que l'employeur avait connaissance au moment du licenciement de l'origine professionnelle de son inaptitude. Il fait valoir que ses arrêts de travail ont d'abord été d'origine professionnelle puis que sa consolidation survenue le 11 juin 2021 a imposé aux médecins de prescrire des arrêts de travail d'origine non professionnelle après cette date. Il estime que la contestation par l'employeur du caractère professionnel de la maladie ne constitue pas une cause de rejet de sa demande.
L'employeur réplique que le caractère professionnel de la maladie de M. [UX] n'est pas établi dès lors que sa maladie, ne relevant d'aucun des tableaux visés par l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, ne bénéficie d'aucune présomption d'imputabilité et qu'elle ne remplit pas les conditions de l'article L. 461-1 alinéa 7 du même code (incapacité permanente prévisible à un taux au moins égal à 25 %, absence de démonstration que la maladie est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime). Il souligne qu'en raison de ses recours à l'encontre de la décision de reconnaissance d'une maladie professionnelle par la CPAM, aucune décision définitive ne lui est opposable sur le caractère professionnel ou non de la maladie du salarié ; que le CRRMP n'a pas retenu l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie de M. [UX] et ses activités professionnelles ; que le médecin du travail n'a pas reconnu le caractère professionnel des affections et n'a pas alerté l'employeur sur le cas du salarié ni en juin 2016 ni par la suite ; que les médecins n'ont fait que transcrire les éléments invoqués par le salarié pour décrire sa situation.
L'article L. 1226-14 alinéa 1er du code du travail dispose que 'La rupture du contrat de travail dans les cas prévus à l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.'
L'article L. 1226-12 du même code concerne les inaptitudes consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
L'indemnité spéciale de licenciement est due dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident du travail ou cette maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
En l'espèce, M. [UX] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle au motif d'un 'burn out' le 31 janvier 2018, avec renouvellement jusqu'au 3 juin 2018 inclus puis à nouveau du 9 août 2018 au 11 juin 2021, date de sa consolidation, laquelle faisait obstacle à ce qu'il utilise désormais des feuilles de maladie pour accident du travail ou de maladie professionnelle, ainsi que le lui a notifié la CPAM (pièce 281 du salarié). Il a donc par la suite été placé en arrêt de travail pour maladie ordinaire. M. [UX] a été déclaré inapte par le médecin du travail dans les suites de ces arrêts de travail.
Le 31 mai 2018, M. [UX] a informé son employeur qu'il imputait la dégradation de son état de santé à un harcèlement moral subi de la part de son supérieur hiérarchique.
Le 24 septembre 2019, la CPAM a pris en charge la maladie 'hors tableau' de M. [UX] au titre de la législation relative aux risques professionnels. Les recours formés par l'employeur à l'encontre de cette décision n'ont fait l'objet d'une décision définitive ni au moment du licenciement pour inaptitude de M. [UX] le 21 février 2024, ni au jour où la cour statue.
Dans ces conditions, l'employeur avait connaissance au moment du licenciement de l'origine professionnelle revendiquée par le salarié et reconnue par la CPAM de la maladie cause de son inaptitude, de sorte que M. [UX] a droit au doublement de l'indemnité de licenciement.
La société Métropole Télévision soutient que la règle du doublement de l'indemnité ne s'applique qu'à l'indemnité légale et non à l'indemnité conventionnelle de licenciement, ce que conteste le salarié.
La règle de doublement de l'indemnité de licenciement ne vise, à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables, que l'indemnité légale et non l'indemnité conventionnelle de licenciement (Cass. Soc., 20 novembre 2024, n°23-14.949). Il appartient au juge de rechercher si le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement est supérieur au montant doublé de l'indemnité de licenciement.
L'accord d'entreprise du 1er juin 2019 de la société Métropole Télévision prévoit en son article 7-2 une indemnité conventionnelle de licenciement qui se substitue à l'indemnité légale (pièce 280 du salarié).
M. [UX] a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 88 384,30 euros correspondant :
- à hauteur de 60 640,64 euros à l'indemnité légale de licenciement,
- à hauteur de 27 743,69 euros à l'indemnité spécifique de licenciement (pièce 86-3 de l'employeur).
Il avait droit au doublement de l'indemnité légale de licenciement soit la somme de 121 281,28 euros. Déduction faite de la somme de 88 384,30 euros qu'il a perçue à titre d'indemnité de licenciement, lui reste dû un reliquat de 32 896,98 euros que la société Métropole Télévision sera condamnée à lui payer, par infirmation de la décision entreprise.
Sur la demande d'attribution d'actions gratuites
M. [UX] expose qu'ayant systématiquement obtenu des actions gratuites chaque année jusqu'en 2017 et que leur absence d'attribution à compter de 2018 ne résulte que des manquements de son employeur à ses obligations, il est en droit de solliciter l'attribution d'un nombre moyen de 3 000 actions gratuites par an au titre des années 2018, 2019 et 2020, dont la plus-value d'acquisition sera égale au premier cours de bourse des périodes précitées.
L'employeur soulève en premier lieu l'incompétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur la demande au motif qu'il n'appartient pas à cette dernière de statuer sur la validité d'une décision du Directoire d'une société commerciale et d'ordonner à une société commerciale de délivrer en pleine propriété des titres de son capital.
Le salarié réplique que selon les propres écritures de l'employeur, les actions gratuites font partie de son 'package' de rémunération et lui sont attribuées en sa qualité de salarié, de sorte que les litiges qui s'élèvent à leur sujet relève de la compétence de la juridiction prud'homale.
Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.
L'article L. 721-3 du code de commerce prévoit quant à lui que les tribunaux de commerce connaissent notamment des contestations relatives aux sociétés commerciales.
Le contrat de travail de M. [UX] prévoyait le versement d'une rémunération annuelle brute de base versée sur 12 mois, d'une prime de fin d'année égale à une mensualité d'appointement, d'une rémunération variable complémentaire à objectif atteint, de primes de participation et d'intéressement versées dans le cadre d'accords de groupe.
Par ailleurs, M. [UX] a bénéficié chaque année entre 2010 et 2017 de l'attribution d'actions gratuites laquelle est liée à sa qualité de salarié de la société Métropole Télévision et constitue donc un élément de sa rémunération au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail.
La contestation du défaut d'attribution d'actions gratuites durant les trois années d'absence au travail du salarié, que ce dernier impute à des manquements de son employeur à ses obligations, s'élevant à l'occasion du contrat de travail, ressort donc de la compétence matérielle du conseil de prud'hommes, ainsi que ce dernier l'a jugé.
Sur le fond, l'employeur fait valoir que l'attribution d'actions gratuites est discrétionnaire, ne constitue pas un usage et exige la réalisation de deux conditions objectives : la réalisation d'une performance financière collective et la présence à l'effectif à l'issue d'une période de 24 mois après l'attribution ; que M. [UX] ayant été absent de manière quasi continue depuis le 31 janvier 2018, il ne peut se prévaloir du moindre droit à attribution d'actions gratuites.
L'article L. 225-197-1 du code de commerce prévoit que l'assemblée générale extraordinaire peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre. Le conseil d'administration ou, le cas échéant, le directoire détermine l'identité des bénéficiaires des attributions d'actions et fixe les conditions et, le cas échéant, les critères d'attribution des actions.
Il ressort des pièces produites par l'employeur qu'a été soumise à l'assemblée générale mixte du 26 avril 2016 l'autorisation à donner au Directoire d'attribuer gratuitement des actions aux membres du personnel salarié et/ou certains mandataires sociaux pour une durée de trois ans (pièce 13) et que les actions gratuites 'sont depuis 2017 soumises exclusivement à une condition de performance triennale et une présence tout au long de cette même période' (pièce 14). En outre, Mme [D] [X], directrice de l'administration RH du groupe M6 atteste que 'les modalités d'attribution et de bénéfice du plan d'attribution gratuite d'actions (AGA) sont déterminées de manière discrétionnaire par le Directoire. En effet, étant en charge de la gestion des plans d'actions gratuites depuis 2014, j'ai pu constater que la présence et le travail effectif tout au long de l'année des collaborateurs potentiellement bénéficiaires sont pris en compte par le Directoire dans les principes d'octroi et du nombre de titres attribués' (pièce 15).
M. [UX] ayant été absent au cours des exercices 2018, 2019 et 2020 et son absence n'étant pas imputable à des manquements de son employeur à ses obligations ou à du harcèlement moral exercé par son employeur, il doit être débouté de sa demande d'attribution d'actions gratuites, celle-ci relevant du pouvoir discrétionnaire de l'employeur, par confirmation de la décision entreprise.
Sur les intérêts moratoires
La créance de nature salariale portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Sur les demandes accessoires
La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
La société Métropole Télévision étant condamnée en paiement, elle supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. [UX] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure, ses demandes formées du même chef pour l'intégralité de la procédure étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le conseil de prud'hommes de Nanterre excepté en ce qu'il a débouté M. [UX] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité fondée sur l'article L. 4121-1 du code du travail et de doublement de l'indemnité de licenciement,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Métropole Télévision à verser à M. [M] [UX] les sommes de :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail,
- 32 896,96 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement,
Déboute M. [M] [UX] du surplus de ses demandes à ces titres et de ses demandes de prononcé de la nullité de son licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Dit que la créance de nature salariale portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision,
Condamne la société Métropole Télévision aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Métropole Télévision à verser à M. [M] [UX] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure,
Déboute la société Métropole Télévision de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Laure TOUTENU, conseillère pour la présidente empêchée, et par Mme Victoria LE FLEM, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, La conseillère pour la présidente empêchée,
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° RG 22/02583 N° Portalis DBV3-V-B7G-VMA7
AFFAIRE :
[M] [UX]
C/
S.A. MÉTROPOLE TÉLÉVISION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : E
N° RG : F 18/02381
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me [UK] DEMANGE
Me Joël GRANGÉ
Le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT-CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT-CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Monsieur [M] [UX]
Né le 10 mai 1967 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Olivier DEMANGE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 165
****************
INTIMÉE
S.A. MÉTROPOLE TÉLÉVISION
N° SIRET : 339 012 452
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Joël GRANGÉ de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 avril 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés devant Madame Isabelle CHABAL, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
Madame Laure TOUTENU, conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Victoria LE FLEM,
EXPOSE DU LITIGE
La société anonyme Métropole Télévision, dont le sigle est M6 et le siège social est situé [Adresse 3] à [Localité 7], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le secteur d'activité de la programmation télévisuelle. Elle emploie plus de 10 salariés et applique l'accord d'entreprise qui lui est propre.
M. [M] [UX], né le 10 mai 1967, a été engagé par la société Métropole Télévision selon contrat de travail à durée déterminée, à temps partiel, du 23 novembre 2009 au 31 décembre 2010, en qualité de directeur de projet SI [service informatique], avec mention qu'il a le statut de cadre dirigeant.
Puis, M. [UX] et la société Métropole Télévision ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel (4,5 jours par semaine), à compter du 1er mars 2010, pour le poste de DSI [directeur des systèmes informatiques], statut cadre dirigeant, moyennant un salaire brut mensuel de 9 553,50 euros outre une prime de fin d'année et une rémunération variable selon l'atteinte de ses objectifs.
M. [UX] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 31 janvier au 18 février 2018, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 3 juin 2018. Il a repris son travail à mi-temps thérapeutique le 4 juin 2018 puis a de nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie du 9 au 29 juillet 2018. A l'issue de ses congés payés pris du 30 juillet 2018 au 8 août 2018, il a été placé en arrêt de travail à compter du 9 août 2018, sans discontinuer depuis lors.
Par requête enregistrée au greffe le 19 septembre 2018, M. [UX] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en présentant, dans le dernier état, les demandes suivantes :
- débouter la société M6 de l'intégralité de ses demandes, y compris ses demandes reconventionnelles,
- fixer son salaire de référence à 12 452 euros bruts,
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,
- condamner la société M6 à lui verser les sommes suivantes :
. 37 356 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3 736 euros au titre des congés payés afférents,
. 46 074 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 224 136 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et du préjudice subséquent résultant des souffrances au travail subies,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
- requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein,
- condamner, en conséquence, la société M6 à lui verser les sommes suivantes au titre des heures supplémentaires :
. 10 989,16 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en janvier 2018 et 1 098,61 euros au titre des congés payés afférents,
. 137 333,56 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017 et 13 733,35 euros au titre des congés payés afférents,
. 115 701,60 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 et 11 570,16 euros au titre des congés payés afférents,
. 105 177,10 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre mars et décembre 2015 et 10 517,10 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société M6 à lui verser les sommes suivantes à titre d'indemnisation de l'absence de repos compensateur :
. 95 777,38 euros au titre de l'année 2017,
. 79 918,30 au titre de l'année 2016,
. 71 403,64 euros au titre de mars à décembre 2015,
- condamner la société M6 à lui verser la somme de 75 037,44 euros au titre du rappel de salaire relatif aux heures de travail effectuées le dimanche entre mars 2015 et janvier 2018 et 7 503 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société M6 à lui verser la somme de 24 965,23 euros au titre de rappel de salaire pour travail de nuit entre mars 2015 et janvier 2018 et 2 495,23 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société M6 à lui verser la somme de 74 712 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
- condamner la société M6 à lui verser la somme 20 000 euros au titre de l'indemnité pour violation de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuels d'heures supplémentaires,
- condamner la société M6 à lui octroyer 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2018, 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2019 et 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2020, la plus-value d'acquisition étant égale au premier cours de bourse des périodes précitées,
- condamner la société Métropole Télévision à verser la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Métropole Télévision a, quant à elle, présenté les demandes suivantes :
In limine litis,
- juger que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour statuer sur la demande relative à l'attribution d'actions gratuites et, en conséquence, débouter M. [UX] de cette demande,
A titre principal,
- débouter M. [UX] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,
A titre subisidiaire,
- limiter à 32 400 euros bruts le montant de l'indemnité compensatrice de préavis,
- limiter à 3 240 euros bruts le montant de l'indemnité de congés payés afférente,
- limiter 64 800 euros bruts le montant de l'indemnité pour licenciement nul accordée à M. [UX] du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
A titre principal,
- débouter M. [UX] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires liées à l'exécution de son contrat de travail,
A titre subisidiaire,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- débouter M. [UX] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires,
- débouter M. [UX] de sa demande d'indemnisation au titre des repos compensateurs,
- débouter M. [UX] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées le dimanche,
- débouter M. [UX] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées la nuit,
- débouter M. [UX] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
- débouter M. [UX] de sa demande d'indemnité pour violation de la société M6 de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter à 48 642,87 euros le montant des rappels de salaire d'heures supplémentaires, outre 4 864,29 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 12 126,74 euros le montant de l'indemnité au titre des repos compensateurs, outre 1 212,67 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 1 359,08 euros le montant des rappels de salaire au titre des heures effectuées le dimanche, outre 135,91 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 61 842 euros le montant de l'indemnité pour travail dissimulé,
- limiter à 2 000 euros le montant de l'indemnité pour violation de la société M6 de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre reconventionnel,
- condamner M. [UX] à lui rembourser la somme de 58 974 euros au titre du régime de retraite supplémentaire « article 83 » dans le cas où il serait jugé que M. [UX] n'a pas la qualité de cadre dirigeant,
En tout état de cause,
- dire et juger que, le cas échéant, les éventuelles condamnations prononcées à son encontre sont allouées à M. [UX] avant précompte des éventuelles cotisations et contributions sociales applicables,
- débouter M. [UX] de sa demande au titre de l'exécution provisoire ou à tout le moins subordonner celle-ci au dépôt par M. [UX] d'une somme équivalente auprès de la caisse des dépôts et de consignations,
- débouter M. [UX] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le 24 septembre 2019, la CPAM a notifié à M. [UX] la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, que la société Métropole Télévision a contestée. Une pension d'invalidité de catégorie 2 lui a été attribuée à compter du 1er janvier 2024.
Par procès-verbal du 19 janvier 2021 le conseil de prud'hommes de Nanterre s'est mis en partage de voix et a renvoyé les parties devant la formation de départage du 23 mai 2022.
Par jugement rendu le 20 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, en sa formation de départage :
- s'est déclaré compétent pour statuer sur l'attribution d'actions gratuites à M. [UX],
- a dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- a débouté M. [UX] de l'ensemble de ses demandes,
- a dit n'y avoir lieu à fixer le salaire de référence de M. [UX],
- a débouté la société Métropole Télévision de sa demande reconventionnelle en remboursement des sommes versées au régime de retraite,
- a condamné M. [UX] à verser à la société Métropole Télévision la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné M. [UX] aux dépens,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a dit n'y avoir lieu à subordonner l'exécution provisoire à un dépôt d'une somme à la caisse des dépôts et consignations,
- a rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties.
M. [UX] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 12 août 2022.
Une ordonnance de médiation judiciaire a été rendue le 8 novembre 2023, à laquelle les parties n'ont pas entendu donner suite.
Le 29 janvier 2024, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude concernant M. [UX], mentionnant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Par courrier du 21 février 2024, M. [UX] a été licencié pour inaptitude.
Par dernières conclusions (n°5) adressées par voie électronique le 18 mars 2025, M. [UX] demande à la cour de :
- juger M. [UX] recevable et bien fondé en son appel,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle s'est déclarée compétente pour statuer sur l'attribution d'actions gratuites à M. [UX],
- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :
. débouter la société Métropole Télévision de l'intégralité de ses demandes, en ce compris ses demandes reconventionnelles,
. déclarer M. [UX] recevable et bien fondé en ses demandes,
. fixer le salaire de référence de M. [UX] à 12 452 euros bruts,
I ' Sur la rupture du contrat de travail
- juger que M. [UX] a été victime de faits de harcèlement moral dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail avec Métropole Télévision,
- juger que la société Métropole Télévision a commis des manquements aux articles L. 4121-1 et suivants du code du travail relatif à la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de M. [UX],
En conséquence,
A titre principal,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [UX] aux torts exclusifs de l'employeur avec toutes conséquences de droit,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes :
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi en application de l'article L. 1152-1 du code du travail,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et du préjudice subséquent résultant des souffrances au travail subies par M. [UX],
. 88 384,30 euros au titre du doublement de son indemnité conventionnelle de licenciement,
. 224 136 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi et pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude de M. [UX],
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes :
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subit en application de l'article L. 1152-1 du code du travail,
. 37 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et du préjudice subséquent résultant des souffrances au travail subies par M. [UX],
. 88 384,30 euros au titre du doublement de son indemnité conventionnelle de licenciement,
. 224 136 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement nul,
II ' Sur les requalifications du statut et du contrat de travail et leurs conséquences
- juger que M. [UX] a la qualité de cadre, mais pas de cadre dirigeant,
- juger que la convention de forfait mentionnée dans le contrat de travail de M. [UX] est nulle et de nul effet,
- requalifier le contrat de travail à temps partiel de M. [UX] en contrat de travail à temps plein,
- juger que M. [UX] est soumis à la durée légale de travail de 35 heures par semaine,
- juger que M. [UX] a effectué des heures supplémentaires quotidiennement, de même que des heures de travail le dimanche, les jours fériés, durant ses congés et de nuit,
En conséquence,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes :
. 10 989,16 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en janvier 2018 et 1 098,61 euros au titre des congés payés afférents,
. 137 333,56 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017 et 13 733,35 euros au titre des congés payés afférents,
. 115 701,60 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 et 11 570,16 euros au titre des congés payés afférents,
. 105 177,10 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre mars et décembre 2015 et 10 517,70 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] les sommes suivantes à titre d'indemnisation de l'absence de repos compensateur :
. 95 777,38 euros au titre de l'année 2017,
. 79 918,30 euros au titre de l'année 2016,
. 71 403,64 euros au titre de mars à décembre 2015,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 75 037,44 euros au titre du rappel de salaire relatif aux heures de travail effectuées le dimanche entre mars 2015 et janvier 2018 et 7 503,75 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 24 965,23 euros au titre du rappel de salaire pour travail de nuit entre mars 2015 et janvier 2018 et 2 496,50 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 74 712 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 20 000 euros au titre de l'indemnité pour violation de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
- juger que la société Métropole Télévision doit octroyer à M. [UX] 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2018, 3 000 actions gratuites au titre de l'année 2019 et 3 000 actions gratuites au titre de 2020, la plus-value d'acquisition sera égale au premier cours de bourse des périodes précitées,
- condamner la société Métropole Télévision à verser à M. [UX] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Métropole Télévision aux entiers dépens.
Par dernières conclusions (n°3) adressées par voie électronique le 17 mars 2025, la société Métropole Télévision demande à la cour de :
In limine litis,
- juger que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur la demande relative à l'attribution d'actions gratuites d'actions,
En conséquence,
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré compétent et débouter M. [UX] de cette demande et l'inviter à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire, si la cour considérait qu'elle était compétente, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [UX] de sa demande relative à l'attribution d'actions gratuites d'actions [sic],
Sur la demande de résiliation judiciaire et de nullité du licenciement pour inaptitude
A titre principal,
- juger que M. [UX] ne démontre aucun manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite de son contrat de travail,
- juger que le licenciement pour inaptitude de M. [UX] est parfaitement justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre et débouter M. [UX] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de sa demande de nullité de son licenciement pour inaptitude,
A titre subsidiaire,
- débouter M. [UX] de sa demande de doublement de l'indemnité de licenciement,
- limiter à 64 800 euros bruts le montant de l'indemnité pour licenciement nul accordée à M. [UX] du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ou de la nullité de son licenciement pour inaptitude,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter à 32 896,96 euros le montant de la condamnation au titre de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail,
Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail,
A titre principal,
- juger que M. [UX] avait la qualité de cadre dirigeant,
- juger que la société Métropole Télévision n'a méconnu à aucun moment son obligation de sécurité,
- juger que M. [UX] n'établit pas avoir été victime de harcèlement moral,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre et débouter M. [UX] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires liées à l'exécution de son contrat de travail,
A titre subsidiaire,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
- limiter à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- débouter l'appelant de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires, d'une part, parce que ces heures supplémentaires n'ont pas été effectuées à la demande de la société Métropole Télévision, et, d'autre part, parce qu'il n'étaye pas suffisamment sa demande,
- débouter l'appelant de sa demande d'indemnisation au titre des repos compensateurs,
- débouter l'appelant de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées le dimanche,
- débouter l'appelant de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées la nuit,
- débouter l'appelant de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
- débouter l'appelant de sa demande d'indemnité pour violation de la société Métropole Télévision de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter à 48 642,87 euros le montant des rappels d'heures supplémentaires, outre 4 864,29 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 12 126,74 euros le montant de l'indemnité au titre des repos compensateurs, outre 1 212,67 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 1 359,08 euros le montant des rappels de salaire au titre des heures effectuées le dimanche, outre 135,91 euros au titre des congés payés afférents,
- limiter à 61 842 euros le montant de l'indemnité pour travail dissimulé,
- limiter à 2 000 euros le montant de l'indemnité pour violation de la société Métropole Télévision de son obligation de sécurité du fait du dépassement conséquent du contingent annuel d'heures supplémentaires,
A titre reconventionnel,
- condamner l'appelant à rembourser à la société Métropole Télévision la somme de 58 974 euros au titre du régime de retraite supplémentaire « article 83 », si la cour jugeait que l'appelant n'a pas la qualité de cadre dirigeant,
En tout état de cause,
- dire et juger que, le cas échéant, les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la société Métropole Télévision sont allouées à M. [UX] avant précompte des éventuelles cotisations et contributions sociales applicables,
- débouter M. [UX] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner à verser à la société Métropole Télévision 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [UX] aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance rendue le 26 mars 2025, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 avril 2025. La décision a été mise en délibéré prorogé au 10 juillet et au 25 septembre 2025.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur les demandes de requalifications
M. [UX] estime qu'il doit être considéré comme un cadre non dirigeant, travaillant à temps complet et soumis à la durée légale de travail de 35 heures par semaine.
Sur le statut de cadre dirigeant
M. [UX] soutient que nonobstant la mention figurant à son contrat de travail, il n'était pas cadre dirigeant, ne remplissant pas les critères légaux de reconnaissance de ce statut. Il ajoute que le fait qu'il était soumis à un régime de forfait jour rend l'employeur irrecevable à soutenir qu'il relevait de la catégorie des cadres dirigeants.
L'employeur répond que M. [UX] remplissait les conditions posées par la loi et la jurisprudence pour se voir reconnaître la qualité de cadre dirigeant et que son contrat de travail ne comporte aucun horaire de travail.
L'alinéa 2 de l'article L. 3111-2 du code du travail dispose : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Le statut de cadre dirigeant suppose donc la réunion de trois conditions légales cumulatives :
- l'exercice de responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'emploi du temps,
- l'autonomie dans la prise de décision,
- un niveau de rémunération élevé dans la pyramide salariale de l'entreprise.
La Cour de cassation ajoute une quatrième condition, qui n'est que la conséquence des trois autres : que le salarié participe à la direction de l'entreprise.
Si l'une des conditions n'est pas réunie, le salarié n'a pas le statut de cadre dirigeant. Ainsi, un salarié ne peut avoir le statut de cadre dirigeant lorsque son contrat de travail prévoit l'obligation d'effectuer les heures supplémentaires demandées et que son horaire de travail est celui de l'entreprise ou lorsque son contrat fait référence au forfait jours.
Il appartient au juge d'examiner la fonction réellement occupée par le salarié au regard de ces critères.
En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée de M. [UX] signé le 1er mars 2010 mentionne que le salarié a le statut de 'cadre dirigeant', qu'à ce titre il bénéficie d'un régime de retraite supplémentaire (article 8) et qu'il ne sera pas soumis 'aux dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du temps de travail, aux repos hebdomadaires et quotidiens et aux jours fériés' (article 9) (pièce 2 du salarié).
L'article 4 du contrat mentionne notamment que 'La durée hebdomadaire de son travail sera de 4,5 jours répartie chaque semaine de façon à ce que, d'une manière habituelle, il ne travaille pas le vendredi après-midi.
Toutefois, en fonction des besoins du service, et de manière exceptionnelle, nous pourrons ensemble modifier cette organisation, à condition de l'en prévenir suffisamment à l'avance.'.
Ces dispositions n'assujettissent pas M. [UX] à une convention de forfait mais organisent le travail à temps partiel du salarié (9/10ème). Elles ne font donc pas obstacle à la reconnaissance du statut de cadre dirigeant de l'intéressé.
- s'agissant de l'indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps
M. [UX] expose qu'il n'était pas indépendant dans l'organisation de son emploi du temps puisque, nonobstant les dispositions de son contrat de travail, dès lors que des réunions lui étaient parfois imposées à ce moment, il travaillait en pratique tous les vendredis après-midi ; qu'il comptabilisait ce temps excédentaire de travail, le cumulait et le récupérait en rendant compte à sa hiérarchie et à la DRH ; qu'il adressait mensuellement un document de 'pointage' à la DRH, qui le contrôlait ; que depuis 2013 ses durées de présence dans les bureaux étaient contrôlées par la DRH au moyen de l'application 'Peopletime' qui estimait le temps de travail de chaque salarié ; que ses périodes d'absence pour congés payés et ses déplacements devaient être validés par son supérieur hiérarchique ; qu'il devait justifier chaque mois auprès des ressources humaines de la tenue de réunions avec RTL Groupe et Bertelsmann.
L'employeur répond qu'aucun horaire journalier ou hebdomadaire n'était imposé au salarié, qui pouvait organiser son temps comme il le souhaitait ; qu'il fixait seul en début d'année la date de ses congés, qu'il prenait en totalité ; que le statut de cadre dirigeant ne saurait exclure tout lien de subordination avec l'employeur, lequel conserve son pouvoir de direction, de contrôle et de sanction. Il indique que le supérieur hiérarchique de M. [UX] devait uniquement valider les réservations faites par l'agence de voyage pour ses déplacements, que l'application Peopletime n'avait pas pour but de contrôler le temps de travail des salariés mais leur présence au sein des locaux pour des raisons de sécurité et de contrôle du respect du repos minimum entre deux journées de travail ; que seule la badgeuse, mise en place ultérieurement, permettait de mesurer le temps de travail des salariés non cadres et le respect des heures de repos pour les salariés cadres.
Le conseil de prud'hommes a relevé de manière pertinente que M. [UX] disposait d'une large indépendance dans l'organisation de son temps de travail puisqu'il travaillait en pratique le vendredi après-midi, contrairement à ce qui était prévu dans son contrat de travail, et qu'il récupérait ces temps excédentaires de travail. M. [UX] transmettait mensuellement à son supérieur hiérarchique (M. [J] à compter de mai 2013) et à la DRH un document qui permettait de suivre ses jours travaillés et récupérés (pièces 152 et 153). Il en ressort que le salarié a informé son supérieur hiérarchique qu'il serait absent en août 2015, sans pour autant lui demander l'autorisation de s'absenter durant cette période, qu'il posait librement ses jours de récupération selon ses besoins personnels, et qu'en mars 2015 M. [UX] ne transmettait plus ses suivis de jours de travail et de récupération à M. [J], car ce dernier ne les regardait pas et lui avait demandé de les transmettre à la DRH.
La validation des demandes de congés relevait du pouvoir de direction du supérieur hiérarchique et M. [UX] reconnaît que M. [J] a toujours validé, même tardivement, ses demandes de congés. L'employeur justifie quant à lui que M. [UX] prenait les congés et récupérations auxquels il avait droit (pièce 16).
Il ressort par ailleurs des pièces 184, 210 et 211 du salarié que l'outil Peopletime, mis en place à la demande de l'inspection du travail à compter du 16 septembre 2013, relevait les heures d'entrée et de sortie des locaux pour permettre le suivi des horaires collectifs de travail pour les salariés non cadres et des temps de repos quotidien et hebdomadaire pour tous (hors cadres dirigeants). La production par le salarié d'un relevé de ses heures d'entrée et de sortie pour quelques jours compris entre le 30 septembre 2013 et le 18 octobre 2015 ne démontre donc pas que sa durée de présence dans les locaux était contrôlée par la DRH, le conseil de prud'hommes ayant relevé avec pertinence que M. [UX] n'avait pas 'pointé' certains jours (par exemple les 3 octobre 2013 et 16 octobre 2014) et qu'aucune demande d'explication sur ces absences ne semblait lui avoir été faite. Il ressort en outre des pièces 22 et 23 produites par l'employeur que l'outil Peopletime permettait de relever un temps de présence mais non de contrôler la durée du travail, laquelle a été mesurée par la mise en place en 2015 d'une badgeuse permettant de mesurer le temps de travail des salariés non cadres et de vérifier le respect des heures de repos pour les cadres.
Enfin, M. [UX] écrit lui-même dans ses conclusions qu'aucun contrôle de sa charge de travail n'était effectué (page 110).
S'agissant des déplacements professionnels, les pièces produites par le salarié montrent que M. [UX] se rendait régulièrement à Luxembourg pour des réunions et que M. [J] devait valider la réservation des billets de transport faite par l'agence de voyage (pièces 155 et 268). Le 7 mai 2015, M. [UX] a expliqué son absence aux deux dernières réunions par la mise en place d'une règle de réduction des déplacements au minimum de personnes, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, et il a assisté par téléphone à la réunion du 9 juillet 2015 car une formation était programmée pour lui ce jour là (pièce 269 du salarié). Il ne ressort pas de ces documents que l'employeur s'opposait sans raison aux déplacements de M. [UX].
Enfin, le fait que la DRH lui demande, comme à d'autres salariés, s'il a des réunions avec RTL Group / Bertelsmann, dès lors que la direction souhaite être informée régulièrement des contacts avec ces deux entités, ne signifie pas que M. [UX] n'était pas libre de l'organisation de son temps de travail (pièce 156 du salarié).
Il est donc établi que M. [UX] disposait d'une large indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.
- s'agissant de l'autonomie dans la prise de décision
M. [UX] soutient qu'il ne disposait pas d'une faculté de prise de décision de façon largement autonome, à laquelle ne fait pas référence son contrat de travail et se plaint d'un défaut d'autonomie à plusieurs égards.
L'employeur répond que l'autonomie du cadre dirigeant peut n'être que partielle et n'évince pas la subordination de ce dernier à l'égard de son employeur ; que M. [UX] disposait d'une faculté de prise de décision largement autonome, ayant toute latitude dans son domaine d'activité et sa sphère de compétence.
L'absence de référence dans le contrat de travail au critère d'autonomie dans la prise de décision applicable au cadre dirigeant n'est pas significative et il convient d'examiner les conditions d'exercice réelles de ses fonctions par M. [UX].
* sur les prises de décision dans sa sphère de compétence
M. [UX] fait valoir qu'il devait toutes les deux semaines rendre des comptes dans sa sphère de compétence à son supérieur hiérarchique M. [J] et soutient que les échanges de courriels produits par l'employeur ne démontrent pas son autonomie.
L'employeur répond que les entretiens avaient simplement pour objet d'assurer un suivi de l'avancement des projets de l'équipe avec le N+1 et que les échanges entre MM. [J] et [UX] traduisent l'étendue des pouvoirs de ce dernier.
Il ressort de l'agenda de M. [J] que ce dernier avait des réunions régulières avec M. [UX], dont il était le supérieur hiérarchique N+1, qui avaient pour objet le budget, des sujets informatiques, des points sur des contrats, des entretiens annuels, des déjeuners, ce qui ne traduit pas en soi une absence d'autonomie du salarié dans sa sphère de compétence puisque le statut de cadre dirigeant n'ôte pas à l'employeur tout pouvoir de direction et de contrôle (pièce 49 de l'employeur).
M. [UX] ne démontre pas qu'il devait systématiquement en référer à son supérieur hiérarchique pour toute décision concernant sa sphère de compétence. L'employeur produit des échanges de courriels qui démontrent que M. [UX] était autonome dans la prise de décisions concernant sa sphère de compétence, dans les limites du pouvoir de direction dont disposait son employeur (pièces 45 et 46). Ainsi :
- le 31 mars 2017, M. [UX] a informé M. [J] qu'il est parvenu à réduire les coûts d'une proposition commerciale de la société Sopra et à modifier un planning, aucune pièce ne corroborant l'affirmation de M. [UX] selon laquelle M. [G] a intégralement arbitré et validé les décisions,
- le 1er juin 2017, M. [UX] a écrit à M. [J] 'Pour information, à la demande de [R] [O] [N], je le rencontre avec [UR] [K] jeudi prochain pour aborder les aspects techniques des rapprochements des systèmes d'information (les aspects bureautiques et réseaux essentiellement). Son objectif est d'identifier les serveurs ou équipements qu'ils pourraient ne pas avoir besoin de déménager ou racheter. Mon objectif est de commencer à amorçer la pompe des sujets bureautiques et d'estimer la charge de travail que cela va représenter pour nos équipes respectives'. La réponse de M. [J] 'Cela ne doit pas avoir lieu sans moi. Je ne trouve pas correct qu'il prenne cette initiative. Il démarre mal. On se voit avant, dès demain d'ailleurs' (pièce 209 du salarié) traduit la volonté de ne pas laisser l'interlocuteur RTL prendre les décisions, mais non l'absence de toute autonomie de M. [UX], étant relevé que le salarié écrit en page 45 de ses conclusions que M. [J] 'coordonnait l'ensemble du chantier VIVA' de fusion du groupe RTL avec le groupe Métropole Télévision, tandis que lui-même avait pour mission la coordination du chantier informatique relatif à ce projet,
- le 24 juillet 2017, suite à une remarque faite par M. [J] sur la réorganisation à venir au sein du groupe rapproché M6-RTL, M. [UX] lui a formulé une proposition alternative et la discussion s'est poursuivie le lendemain entre les deux interlocuteurs sur le positionnement de M. [K],
- le 16 octobre 2017, M. [UX] a adressé à M. [J] une note explicative de la migration des ordinateurs de bureau de RTL vers l'environnement M6, puis une mise à jour aux fins de pouvoir déterminer le nombre de machines de plus de 4 ans à remplacer. M. [J] lui a répondu 'je regarde et on décide', ce qui traduit une décision commune à venir, aucune pièce ne corroborant l'affirmation de M. [UX] selon laquelle la décision serait en réalité prise entre M. [J] et M. [H], ancien PDG du groupe RTL France,
- le 25 octobre 2017, M. [UX] a avisé M. [I], alors président du directoire de la société, et M. [J], qu'ils allaient recevoir prochainement une demande d'achat du droit d'utilisation d'une solution de gestion de la relation client, dont son service a réussi à réduire le coût total,
- le 6 janvier 2018, M. [UX] a informé M. [J] d'une difficulté rencontrée avec la rédaction de RTL concernant la migration des postes des journalistes de la rédaction RTL et de son analyse. Le 8 janvier, M. [J] lui a répondu notamment 'Nous devons nous adapter avec la fermeté que tu as mise en place et que je soutiens. Grâce à cette approche, nous les ferons basculer encore plus vite dans notre monde',
- le 10 janvier 2018, M. [UX] a informé M. [J] qu'avec l'accord des services généraux, il a demandé à son équipe de développer et d'exécuter un petit script qui a remplacé tous les numéros abrégés des collaborateurs parisiens de RTL par le numéro complet, ce qui traduit une initiative du salarié pour développer un outil technique relevant de sa sphère de compétence,
- le 12 janvier 2018, M. [UX] a informé M. [J] de la réponse d'un interlocuteur sur une proposition, ajoutant 'par ailleurs j'ai oublié de te le préciser mais j'avais aussi évoqué l'idée que l'un des ingénieurs SysRes de RTL aide Life TV à concevoir l'architecture générale de son réseau', ce qui traduit le pouvoir d'initiative du salarié,
- le 29 janvier 2018, concernant la refacturation de prestations fournies pour une filiale de RTL group, M. [UX] a fait part à M. [J] des enquêtes menées, notamment par lui-même, sur les refacturations passées et a conclu 'Dès que j'aurai ces éléments, je vous tiendrai informés et nous pourrons, si nous le souhaitons, travailler avec la direction juridique à la rédaction d'un accord plus formel'.
Par ailleurs, ainsi que le fait valoir l'employeur, M. [UX] représentait le groupe M6 au sein de l''IT Summit' du groupe Bertelsmann au cours de réunions se tenant à Luxembourg.
* sur l'autonomie dans la gestion des membres de son équipe
M. [UX] indique qu'il n'avait pas de réelle autonomie de gestion pour l'embauche des collaborateurs composant son équipe, n'étant pas autorisé à procéder à des recrutements ou des remplacements pour les activités qu'il encadrait ou à les valider, M. [J] opposant en général des refus ; que son accord n'était pas véritablement sollicité sur les conditions des recrutements (salaire d'embauche), les augmentations des membres de son équipe, l'attribution d'actions gratuites.
L'employeur réplique que les demandes de recrutement étaient gérées par M. [UX], lequel donnait son accord et prenait la décision finale de remplacer un salarié démissionnaire, soulignant qu'il existe au sein des groupes comme M6 des processus obligatoires de contrôle et de validation des recrutements, la validation des recrutements par M. [J] et la DRH n'excluant donc pas la qualité de cadre dirigeant de M. [UX].
M. [UX] étant salarié d'un groupe employant de nombreuses personnes, le processus de recrutement des membres de son équipe ne pouvait dépendre de lui seul, quand bien même il avait la qualité de cadre dirigeant, et nécessitait un processus décisionnel impliquant l'aval de son supérieur hiérarchique et de la DRH.
M. [UX] exprimait régulièrement les besoins en recrutement de son service, en soulignant notamment le ratio trop faible des permanents par rapport aux prestataires et ses conséquences (pièces 140 à 142 du salarié). Il formulait des propositions à cet égard, le principe du recrutement devant être validé par M. [J] après validation du budget (pièces 143 et 255 à 257 du salarié).
Son accord lui a été demandé sur la rémunération à allouer à Mme [DX] [EB] dont le recrutement était envisagé début octobre 2012 (pièce 144 du salarié). Malgré le fait qu'il trouvait la rémunération proposée beaucoup trop basse, la proposition a été maintenue et Mme [EB] a accepté le poste.
M. [UX] a obtenu en septembre 2013 l'accord de M. [J] sur sa proposition de remplacement de Mme [ED] [DT] en octobre et M. [F] [U] en novembre, après avoir souligné que le remplacement de la première, partie en décembre 2012, avait été envisagé uniquement à partir de mars mais qu'elle n'était toujours pas remplacée fin juin 'sans doute parce que la DSI n'a pas relancé le sujet' (pièce 145 du salarié).
Par ailleurs, il lui a été demandé en mars 2016 par qui il comptait remplacer un salarié démissionnaire et il a formulé, en lien avec M. [F] [V], manager direct, une proposition de répartition des tâches entre deux salariés déjà présents, qui a été agréé par M. [G], DRH (pièce 40 de l'employeur).
M. [UX] n'était donc pas dénué de tout pouvoir s'agissant du recrutement des membres de son équipe.
Faisant valoir qu'il a été rappelé à l'ordre par le DRH au sujet d'un courriel envoyé à son équipe, M. [UX] soutient par ailleurs qu'il n'avait même plus l'autonomie de s'adresser par courriel à une partie de son équipe sans en référer à son supérieur.
L'employeur répond que M. [UX], DSI, ne pouvait ignorer que la charte informatique de l'entreprise interdit formellement l'envoi de mails en masse sur les listes de diffusion interne pour des raisons qui ne sont pas liées au service et sans autorisation, de sorte qu'il était logique que cette règle lui soit rappelée.
Le 19 septembre 2018, M. [UX] a envoyé à 'Tous DSI (internes)' un courriel ayant pour objet 'prolongation de mon arrêt de travail' en expliquant, pour couper court aux éventuelles rumeurs, qu'il a fait une tentative de suicide fin janvier 2018 pour des raisons liées à l'environnement professionnel, qu'il est revenu début juin à temps partiel thérapeutique en ayant demandé un changement de supérieur hiérarchique mais que sa situation s'est compliquée en raison de difficultés rencontrées avec plusieurs personnes de la direction de l'entreprise, de sorte que son état de santé s'est brutalement dégradé et qu'il n'est pas en état de reprendre le travail pour le moment (pièce 32 de l'employeur).
M. [UX] a adressé à 'tous DSI (internes)' un nouveau courriel le 3 décembre 2018, qui n'est pas versé au débat mais dont il a reconnu par courriel du 17 décembre 2018 qu'il s'agissait à nouveau de répondre à des membres de son équipe sur sa date de reprise et de faire taire la rumeur de sa démission (pièce 89 du salarié).
Par courrier du 12 décembre 2018, M. [G] lui a rappelé que 'la Charte informatique du groupe M6, en son article 7.5, n'autorise pas l'envoi de messages en masse (spam) sur les listes de diffusion interne pour des raisons qui ne sont pas liées au service et sans autorisation' (pièce 88 du salarié). Ladite Charte prévoit en effet en son article 7.5 'utilisation loyale et licite des messageries' que l'utilisateur s'interdit notamment 'd'envoyer des messages en masse (spam), à l'intérieur du groupe M6 ou à l'extérieur, à l'exception d'envoi sur les listes de l'employeur pour des raisons de service et avec l'autorisation du responsable hiérarchique' (pièce 24 de l'employeur).
Or, M. [UX] a adressé en masse à tous les membres de son service deux courriels exposant sa situation personnelle, en violation des dispositions de la Charte, qu'il ne pouvait ignorer en sa qualité de DSI. Il ne peut tirer argument du rappel légitime des règles de communication qui lui a été fait pour dire qu'il n'avait pas d'autonomie pour s'adresser par courriel aux membres de son équipe.
* sur l'autonomie financière
M. [UX] expose qu'il n'avait pas de réelle autonomie financière dans la gestion du budget de ses équipes, n'étant habilité valider seul que les demandes d'achats à hauteur de 25 000 euros alors que le budget global des activités qu'il encadrait se montait à environ 16 millions d'euros ; que M. [J] a refusé d'étendre ce seuil à 75 000 euros, alors qu'il est appliqué à d'autres directeurs placés sous sa responsabilité ; que M. [J] lui demandait très fréquemment des justifications sur toutes sortes de dépenses.
L'employeur répond en premier lieu qu'en sa qualité de DSI, M. [UX] était un approbateur de niveau 1 qui était le seul à être à la fois à l'origine et à la clôture des demandes d'achat, quand bien même ces dernières nécessitaient la validation d'un deuxième approbateur.
Il produit en pièce 14 le document de référence de la société Métropole Télévision déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers qui expose en page 58 que la société est dotée depuis 2012 'd'un outil de suivi des engagements de dépenses permettant un renforcement du contrôle interne des achats' et en pièces 25 et 26 le processus de gestion des achats au sein du groupe M6 dont il ressort que toutes les demandes d'achat sont soumises à validation du contrôleur de gestion avant d'être validées par le premier approbateur habituel qui garde la main sur les autorisations de règlement. Au-delà de certains montants, la demande d'achat est soumise à la validation d'un deuxième voire d'un troisième approbateur. M. [UX] était approbateur 1 et autonome pour les demandes d'achat jusqu'à 25 000 euros tandis que ses subordonnés étaient approbateurs 1 jusqu'à 10 000 euros et que M. [J] était habilité à valider les dépenses jusqu'à 250 000 euros (pièce 146 du salarié). Au mois de mai 2014, M. [UX] a demandé l'intégration de M. [W] [E] en qualité d'approbateur sur un seuil de 5 000 euros. Il lui a été répondu que les seuils sont harmonisés au sein du groupe et que le premier seuil est à 10 000 euros. M. [UX] a alors demandé une modification du seuil de M. [S] à 25 000 euros et du sien à 75 000 euros. La volonté de M. [J] de garder son seuil à 25 000 euros ne traduit pas l'absence de qualité de cadre dirigeant de M. [UX] (pièce 147 du salarié).
Les demandes d'explications faites par M. [J], qui sont critiquées par M. [UX], correspondent à des demandes d'achat supérieures à 25 000 euros qui étaient soumises à sa validation de sorte qu'il n'était pas illégitime qu'il interroge le salarié à ce sujet (pièces 149, 150 et 151).
M. [UX] disposait donc d'une large autonomie dans la prise de décision dans sa sphère de compétence et dans la gestion de ses équipes et de son budget.
- s'agissant du niveau de rémunération
M. [UX] soutient qu'il ne fait pas partie des salariés bénéficiant d'une des rémunérations les plus élevées de l'entreprise Métropole Télévision dès lors que sa rémunération se situait au 45ème rang des meilleures rémunérations du groupe, hors membres du Directoire, et qu'elle était très éloignée de celle des cinq membres du Directoire, qui sont seuls selon lui véritablement cadres dirigeants de M6.
L'employeur répond que M. [UX] faisait partie des 40 meilleures rémunérations du groupe M6 en dehors des membres du Directoire et que sur 2 500 salariés, il se situait dans les 1,6 % des meilleures rémunérations du groupe.
Le revenu de M. [UX] à prendre en compte inclut son salaire de base, sa rémunération variable (représentant 159 987 bruts en 2018) et les actions gratuites qui lui étaient attribuées annuellement (26 457 attribuées entre 2011 et 2018, valorisées à plus de 370 000 euros selon l'affirmation non contredite de l'employeur).
Selon M. [G], DRH, le positionnement de M. [UX] en termes de rémunération au sein du groupe M6 qui compte 2 500 salariés le plaçait au 40ème rang, hors les cinq membres du Directoire (pièce 50 de la société et 185 du salarié).
M. [UX] se situait donc dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise, quand bien même ses revenus étaient bien inférieurs à ceux des membres du Directoire, lesquels n'ont pas seuls la qualité de cadres dirigeants contrairement à ce qu'il soutient.
Ainsi, M. [UX] exerçait des responsabilités importantes, avait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et perçevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise.
Les trois conditions légales cumulatives étant réunies, il s'en déduit que M. [UX] participait à la direction de l'entreprise et que le statut de cadre dirigeant lui était applicable.
D'ailleurs, s'il n'était ni membre du Directoire ayant à ce titre le pouvoir d'agir au nom de la société à l'égard des tiers, ni membre du Conseil de surveillance, il faisait partie du Comité de direction dont le document de référence de la société Métropole Télévision mentionne qu'il est 'composé des principaux cadres responsables des activités opérationnelles et des services fonctionnels' et qu'il est un 'lieu d'échange sur la conduite des affaires', précisant que 'Le Directoire anime le pilotage des cadres dirigeants du Groupe, dans le cadre du Comité de Direction, et, d'autre part, du Comité Exécutif' (pièces 14 de l'employeur et 158 du salarié).
Sur la nullité de la convention de forfait jours
M. [UX] soutient que la convention de forfait jours mentionnée dans son contrat de travail n'est pas valable, notamment en ce qu'aucun contrôle de sa charge de travail n'a été réalisé par son employeur, et doit être jugée nulle.
L'employeur répond que compte tenu de son statut de cadre dirigeant, M. [UX] n'a pas été soumis à une convention de forfait jours.
L'article L. 3111-2 alinéa 1er du code du travail énonce que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre II relatif à la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires et du titre III relatif au repos et jours fériés.
En sa qualité de cadre dirigeant, M. [UX] n'était donc pas soumis à une convention de forfait jours qui n'est d'ailleurs pas inscrite à son contrat de travail, ainsi que retenu plus avant.
Il ne peut donc être fait droit à sa demande tendant à voir déclarer nulle sa convention de forfait jours.
Sur la requalification du temps partiel en temps plein
M. [UX] fait valoir que l'application conjointe qui lui a été faite des régimes du forfait jours et du temps partiel étant incompatible, il doit nécessairement être reconnu comme un travailleur à temps plein et que sa charge de travail (tous les jours de la semaine, de nuit, durant ses congés et week-ends) est en contradiction avec un temps partiel.
Or en premier lieu, M. [UX] n'était pas soumis à une convention de forfait jours. En second lieu, son contrat prévoit expressément un travail à temps partiel durant 4,5 jours par semaine et M. [UX] expose qu'il récupérait les vendredi après-midi durant lesquels il travaillait. En troisième lieu, ainsi que le mentionne son contrat de travail, en sa qualité de cadre dirigeant il n'est pas soumis aux dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du temps de travail, aux repos hebdomadaires et quotidiens et aux jours fériés.
Il doit donc être débouté de sa demande de requalification du temps partiel en temps plein et de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, d'indemnisation de l'absence de repos compensateur, de rappels de salaire au titre des heures travaillées le dimanche et de nuit, d'indemnité pour travail dissimulé et d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité du fait du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, par confirmation de la décision entreprise.
Le statut de cadre dirigeant étant reconnu à M. [UX], la société Métropole Télévision sera déboutée de sa demande reconventionnelle de remboursement des sommes versées au salarié au titre du régime de retraite supplémentaire 'article 83", par confirmation de la décision entreprise.
Sur l'exécution du contrat de travail
M. [UX] soutient que son employeur a manqué à ses obligations en ne prenant pas de mesures pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale ni de dispositions en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral dont il a été victime.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1,
2° des actions d'information et de formation,
3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'
L'employeur met en 'uvre les mesures prévues par ces dispositions dans le respect des principes généraux de prévention énoncés à l'article L. 4121-2 du code du travail.
Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Le fait qu'un cadre dirigeant ne soit pas soumis aux règles relatives à la durée du travail ne lui ôte pas le bénéfice de l'obligation par son employeur de protéger sa sécurité et de sa santé physique et mentale dans les conditions susvisées.
En l'espèce, M. [UX], se référant à la période précédant son arrêt de maladie du 31 janvier 2018, fait valoir qu'il a, à de nombreuses reprises, attiré l'attention de son supérieur hiérarchique M. [J] sur la nécessité, pour protéger la santé physique et mentale de son équipe et de lui-même, de procéder à des embauches pour faire face à la masse de travail considérable à réaliser ; que ses alertes n'ont pas été suivies d'effet, l'effectif de la DSI demeurant constant malgré une augmentation toujours croissante et considérable de la charge de travail, pour atteindre un pic au cours de la période allant du 2 octobre 2017 au 31 janvier 2018 dans le cadre de la mise en oeuvre du projet VIVA ; que M. [J] n'a pas accepté d'embauches permettant de réduire le poids des tâches supportées et n'a eu de cesse d'ajouter des charges supplémentaires en imposant des délais toujours plus drastiques et intenables ; que cette situation l'a entraîné vers un burn-out et une dépression à tendance suicidaire. Il dénonce en outre l'absence d'entretien annuel depuis 2013, alors que ces entretiens auraient pu permettre d'évoquer sa charge de travail et d'éviter les risques professionnels. Il demande une indemnisation de 37 000 euros en réparation de son préjudice, correspondant à 3 mois de salaire.
M. [UX] produit des pièces montrant qu'il a informé son supérieur hiérarchique du manque d'effectif de la DSI et des conséquences en découlant :
- au titre du bilan 2015 il a indiqué un retard d'embauches après le départ d'un collaborateur et un congé de maternité, la nécessité d'internaliser 3 prestataires et de créer 2 postes (un chef de projet MOA Chaînes et un ingénieur bureautique). M. [J] a conditionné le recrutement de l'ingénieur bureautique au retrait d'un poste dans l'équipe (pièces 168 et 169),
- le 7 octobre 2016, il a informé M. [J] de l'alerte qu'il a donnée à M. [UK] [B] (de la DRH) sur l'ampleur que prenait la charge de travail de M. [F] [V], DSI adjoint, suite au départ de M. [DZ] et dans l'optique du départ prochain de M. [E] (pièce 173),
- le 29 juin 2017, il a adressé à M. [J] un suivi des projets DSI signalant, concernant l'organisation de la DSI, que les équipes exploitation sont 'extrêmement sollicitées en ce moment' et qu'il existe un risque de surmenage (pièce 179),
- le 13 juillet 2017, il a écrit à M. [J] que 'L'équipe SRS a été très fortement sollicitée pour des opérations nocturnes, notamment en raison des projets de la DT, et continue de l'être tout le mois de juillet. En raison des plages horaires couvertes (9h-20h15) et des obligations de repos quotidiens, cette équipe de 3 personnes (réduite à 2 en ce moment), tient difficilement la charge. Les sollicitations additionnelles de l'audit interne monopolisent pratiquement un des prestataires. La masse de travail à prévoir pour RTL France est elle-même source de stress pour l'équipe. Il y a de gros risques sur cette activité : risque de surmenage, risque d'erreurs liées à la fatigue, risque de baisse de vigilance/réactivité en cas de gros problème de sécurité. Ces sollicitations très fortes (nuits, weekends, urgences permanentes) affectent également [F] et moi-même. Solution à court terme : nous allons renforcer la prestation les jours ouvrés' (pièce 183),
- le 27 novembre 2017, il a indiqué à M. [J] qu'un objectif à remplir pour le 8 janvier 2018 dans le cadre de la fusion RTL-M6 serait extrêmement difficile à atteindre et qu'il faudrait 3 techniciens supplémentaires, opérationnels tout de suite (pièce 78),
- en décembre 2017, il a alerté M. [J] sur les difficultés de trois salariés de l'organisation DSI ayant eu récemment des arrêts de travail, dont deux personnes, en particulier M. [V], victimes de difficultés personnelles et de stress professionnel, sur le fait que 'cette fin d'année est difficile pour beaucoup de personnes de l'équipe' et sur la difficulté résultant du nombre de RTT restant à prendre pour les personnes impliquées dans le projet VIVA (pièces 80 et 80bis).
Il produit également des listings de courriels ou des courriels émis entre 2013 et janvier 2018 montrant qu'il lui arrivait régulièrement de travailler le soir, durant le week-end ou pendant ses congés, en particulier durant la période d'octobre 2017 à janvier 2018 au moment de la mise en oeuvre du projet VIVA (pièces 212 à 219), outre un tableau qu'il a établi indiquant que 4,2 à 4,8 % de ses courriels étaient envoyés en dehors des heures ouvrées (pièce 224).
Il verse au débat une attestation de son épouse laquelle relate que depuis son embauche chez Métropole Télévision elle a constaté une augmentation importante de la charge de travail de son époux, qui recevait des sollicitations professionnelles par téléphone, sms et mails pendant qu'il était à la maison, les soirs, les week-ends, durant les vacances, la nuit ; que son époux lui a confié les difficultés qu'il rencontrait avec M. [J] et qu'à partir de fin janvier 2016, menacé de sanction en cas d'échec sur un très gros projet à venir par M. [J] qui lui avait demandé de démissionner, il rentrait souvent très tard du bureau, travaillait systématiquement tous les soirs et même la nuit car il n'arrivait plus à dormir correctement, que son comportement a changé et son état de santé s'est dégradé , que son époux lui disait que la masse de travail et le délai très court accordé rendait pratiquement irréalisable le projet VIVA mais que souhaitant démontrer à M. [J] son total engagement et celui de ses équipes, il a travaillé d'arrache pied durant 4 mois, nuit et jour, pour mener à bien ce projet (pièce 181).
Enfin, M. [UX] produit les documents relatifs à son hospitalisation en urgence le 31 janvier 2018 pour une symptomatologie d'allure dépressive dans un contexte d'épuisement professionnel, à son séjour postérieur en clinique, ses arrêts de travail, prescriptions médicamenteuses, etc (pièces 43 à 52) qui montrent une dégradation de son état de santé mise en lien par le salarié avec ses conditions de travail.
Il en ressort que M. [UX] a alerté son supérieur hiérarchique du sous-effectif de son équipe, de l'épuisement de cette dernière et de lui-même et qu'il a connu une dégradation de sa santé.
L'employeur répond que M. [UX] n'a jamais lancé la moindre alerte concernant sa charge excessive de travail et qu'il n'a fait part à aucun moment de difficultés liées à la mise en oeuvre du projet VIVA ; que l'unique fois où il a averti, à l'automne 2017, de la charge de travail pesant sur ses équipes, M. [J] a donné immédiatement son accord pour le renforcement du contrat de prestation de services avec la société Infodis, le projet important mais ponctuel ne nécessitant pas des embauches permanentes. Il produit le justificatif des commandes de prestataires faites à la société Infodis IT, notamment le 15 septembre 2017 pour la mise à disposition des profils nécessaires aux fins d'analyser les projets d'intégration des PC bureautiques dans l'environnement M6, toutes les commandes ne concernant cependant pas le projet VIVA (pièces 19, 20, 59).
L'employeur soutient que le projet VIVA n'a pas été mené dans l'urgence mais qu'il a été annoncé à la fin de l'année 2016 pour une intégration physique au 1er janvier 2018, de sorte que M. [UX] pouvait anticiper les chantiers à venir. Il ressort des écritures et pièces de l'employeur que le projet d'acquisition par le groupe M6 des activités radio de RTL group en France a été annoncé par un communiqué de presse le 13 décembre 2016 (pièce 39), que M. [UX] a travaillé à compter du printemps 2017 avec son homologue de RTL pour définir les différents chantiers, que le plan d'intégration des différentes sociétés a été construit à compter de juillet 2017 et présenté aux représentants du personnel en septembre 2017. La mise en oeuvre du plan a eu lieu d'octobre 2017 à janvier 2018, sur une période de 4 mois particulièrement chargée pour l'équipe DSI.
L'employeur justifie que dans le même temps, d'octobre à décembre 2017, M. [UX] a pris ses congés de toute nature. Néanmoins, les courriels versés au débat montrent que le salarié a été amené à travailler durant ces périodes.
L'employeur indique enfin que l'arrêt de maladie de M. [UX] le 31 janvier 2018 a été soudain et sans signe avant coureur.
Il ressort de ces pièces que si M. [UX] a déploré le remplacement tardif de certains membres de son équipe et l'important taux de prestataires dans cette dernière, l'employeur a engagé des prestataires supplémentaires pour faire face au surcroît temporaire d'activité lié au projet VIVA et que, M. [UX] et son équipe ont réalisé dans les délais le projet qu'il estimait irréalisable, car il souhaitait démontrer leur implication à son supérieur hiérarchique.
Il n'en ressort pas de manquement à son obligation de sécurité de la part de l'employeur.
M. [UX] a bénéficié d'entretiens d'évaluation annuels en 2010, 2011 et 2012 lorsque M. [G] était son supérieur hiérarchique, au cours desquels sa charge de travail et l'équilibre entre la vie personnelle et professionnelle étaient expressément abordés (pièces 98 à 100 du salarié). M. [UX] avait ainsi signalé le 26 décembre 2011 que sa charge de travail avait augmenté de manière très significative ainsi que la pression, qui atteignait des niveaux difficiles. Le 11 décembre 2012 il estimait encore que la DSI était 'sous staffée, ce manque de ressources provoque parfois des distorsions organisationnelles et peuvent aboutir à de la démotivation des équipes'. Il estimait toutefois avoir pu préserver un équilibre global satisfaisant entre vie professionnelle et vie privée.
S'agissant de l'absence avérée d'entretiens d'évaluation de 2013 à 2018, l'employeur indique que M. [UX] et M. [J] faisaient des points réguliers pendant 2 heures toutes les 2 semaines sur le suivi des dossiers et que les tableaux remplis par le salarié illustraient le peu d'inquiétude que ce dernier avait sur les projets dont il avait la charge.
Il est néanmoins constant que le salarié ne faisait plus l'objet d'entretiens d'évaluation annuels écrits mentionnant son avis sur sa charge de travail et l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Entendu par la CPAM, M. [J] a reconnu qu'il y avait eu peu d'entretiens et d'objectifs formalisés par écrit de sa part mais qu'en 2015, 2016 et 2017 il avait eu des entretiens oraux avec M. [UX] avec un déjeuner à l'issue de leurs échanges (pièce 34 de la société).
Il doit être retenu qu'en ne formalisant pas durant plusieurs années un entretien annuel portant sur la charge de travail et l'équilibre vie professionnelle / vie privée de M. [UX], alors que le salarié avait dans le même temps fait part d'un sous-effectif de son équipe et d'une charge de travail accrue, la société Métropole Télévision a manqué à son obligation de sécurité.
La cour relève d'ailleurs que la commission d'enquête mise en oeuvre par le CSE suite aux arrêts de travail de M. [UX] à compter du mois de janvier 2018 a relevé cette absence d'entretien annuel d'évaluation et a préconisé, afin de prévenir les risques, qu'un bilan professionnel spécifique soit mis en place annuellement pour les cadres dirigeants afin de remplacer l'entretien annuel d'évaluation (pièce 11 de l'employeur).
M. [UX] en a subi un préjudice lié à la dégradation de son état de santé dont témoigne son épouse et les pièces médicales, quand bien même l'élément déclencheur de sa profonde dépression et de son hospitalisation en urgence a été de toute évidence l'absence de reconnaissance financière de son implication dans la mise en oeuvre du projet VIVA, ressentie à réception de sa fiche de paie le 30 janvier 2018.
Le préjudice de M. [UX] sera indemnisé par la somme de 10 000 euros, par infirmation de la décision entreprise.
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce M. [UX] expose que si ses trois premières années au service de Métropole Télévision se sont déroulées sans difficultés sous la hiérarchie de M. [T] [G], il n'en a plus été de même à compter du 1er mai 2013 lorsque M. [Z] [J] est devenu son supérieur hiérarchique direct. Il soutient que par son mode de management, M. [J] a maintenu sciemment des conditions de travail inhumaines au sein du service de la DSI, ce qui a généré directement son burn-out et sa dépression sévère. Il sollicite une indemnisation de 37 000 euros à ce titre.
Il invoque plus précisément les faits suivants :
- une charge de travail toujours plus importante malgré les alertes qu'il a adressées au fil des ans sur les dangers de cette situation pour les salariés. Il justifie de ces alertes en produisant les courriels adressés entre 2015 et décembre 2017 qui ont été évoqués lors de l'examen du manquement à l'obligation de sécurité. Il ajoute que M. [J] ne pouvait ignorer qu'il suppléait régulièrement aux absences de ses deux adjoints. Il produit un courriel de M. [J] daté du 3 mars 2017 dans lequel il lui écrit 'Très bon WE et bon repos, tu en as besoin' (pièce 253) et plus spécifiquement le courriel du 13 juillet 2017 par lequel il fait part à son supérieur du fait que M. [V] et lui-même sont affectés par de très fortes sollicitations (pièce 183). Le fait est donc matériellement établi.
- M. [J] n'a pratiquement jamais donné suite à l'ensemble des demandes d'embauche qu'il a formées auprès de lui de 2013 à 2018. Il l'a donc placé, ainsi que son équipe, dans une situation d'échec en ne procédant pas aux embauches nécessaires.
Ce fait ne ressort pas des pièces produites par le salarié puisque d'une part des embauches ont été réalisées, même plus tardivement que M. [UX] ne l'aurait souhaité (exemples de Mme [DT] et de M. [U]), et que d'autre part il a été recouru à des prestataires pour renforcer l'équipe DSI. Il n'est donc pas établi que M. [J] a volontairement placé M. [UX] dans une situation d'échec.
- M. [J] s'est livré à des sollicitations permanentes de lui-même et de son équipe y compris les nuits, les week-ends et durant leurs congés.
Cependant, la matérialité de ce fait ne ressort pas des courriels versés au débat par le salarié.
- il n'a pas eu d'entretien professionnel en dehors de l'année 2015 ni d'entretien d'évaluation de 2013 à 2018, fait qui a été précédemment retenu comme établi.
- il a alerté de sa situation le médecin du travail et le service RH (Mme [LN] [LW], M. [T] [G] et M. [UK] [B]).
M. [UX] expose qu'au cours d'un entretien le 17 décembre 2015 puis au cours d'un déjeuner le 22 janvier 2016, M. [J] lui a demandé de démissionner.
Par courriel du 17 décembre 2015 il a indiqué à Mme [L] [UI] qu'il était 'invité à poursuivre à l'extérieur' et qu'il accusait le coup (pièce 103) et il ressort de son dossier médical qu'il a relaté le 21 juin 2016 au médecin du travail qu'il rencontrait des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie qui lui aurait proposé une rupture qu'il a refusée (pièce 66).
Il ne produit cependant aucune pièce démontrant qu'il a avisé le service RH de sa situation à cette époque. Il est donc uniquement établi qu'il a alerté le médecin du travail de sa situation.
- le mode managérial employé par M. [J] consistait à souffler le chaud et le froid en permanence, à faire peser sur lui la crainte d'une sanction et surtout d'un licenciement, générant un stress permanent de nature à nuire à son état de santé. Ce fait n'est cependant pas établi par la production de pièces objectives.
- M. [J] a pris à son encontre des mesures de discrédit nuisant à l'exercice de ses fonctions, a tenu des propos humiliants en présence d'autres salariés et s'est livré à un dénigrement systématique de lui-même et de son équipe.
M. [UX] n'illustre toutefois pas son propos par des faits précis et de tels actes de son supérieur hiérarchique ne ressortent pas des pièces versées au débat. Le fait ne donc peut être considéré comme établi.
- M. [J] a démontré une absence totale de considération vis-à-vis de lui et de son équipe notamment par des absences de gratifications financières au regard des efforts fournis et des résultats inespérés obtenus. M. [UX] évoque encore des sanctions financières arbitraires et illégales du fait de la réduction de sa rémunération globale ou du gel arbitraire de son salaire.
Le salaire mensuel brut de base de M. [UX] était de 9 553,50 euros par mois au moment de son embauche en mars 2010 et il a été réévalué à 10 308 euros à compter du 1er janvier 2013. Il n'a plus été réévalué avant 2018 et seule une augmentation de son salaire complémentaire brut de base a eu lieu en 2013. Le nombre d'actions gratuites qui lui a été alloué a été réduit à compter de 2014 (pièces 109, 109 bis et 110 du salarié).
- les courriels de M. [J] étaient abrupts et directifs, ne comportaient bien souvent pas de bonjour, bonsoir ou de formule de politesse et comprenaient des ordres très secs.
Il produit les courriels suivants adressés par son supérieur hiérarchique :
- le 4 juillet 2014, au sujet d'écarts sur des tableaux de bord financiers : 'J'en ai marre de ces problèmes imputés au DWH' (pièce 251),
- le 1er février 2017, avec pour objet 'téléphone et PC' : 'j'en ai marrre !!' (pièce 177),
- le 17 octobre 2017, le courriel ayant pour objet 'mon ordi ce matin : étrange !!''' et comportant seulement une copie d'écran en pièce jointe (pièce 180).
Il se réfère également aux courriels produits en pièce 45 par l'employeur dont il ressort que M. [J] lui écrivait parfois de manière directe, sans formule de salutation.
Il ne ressort cependant pas de l'ensemble de ces messages que M. [J] se montrait impoli ou directif, de sorte que le fait n'est pas matériellement établi.
- le mode de 'management par la peur' mis en place par M. [UE] [I], président du Directoire de la société Métropole Télévision, appliqué à la lettre par M. [J], a été dénoncé dans la presse dès juillet 2014. Il produit des articles de presse relatant un climat social dégradé au sein de la société M6, les salariés, 'essorés' et nombreux en souffrance, présentant des burn out, suicides, démissions en série, leur patron se moquant ouvertement du code du travail et mettant ses salariés sous pression (pièces 38 à 41).
- la société M6 a déjà été condamnée à deux reprises pour harcèlement moral par les chambres sociales de la cour d'appel de Versailles. Il produit à cet égard un arrêt rendu le 6 septembre 2016 condamnant la société Métropole Télévision pour harcèlement moral commis à l'encontre d'une journaliste et un arrêt rendu le 28 octobre 2020 condamnant la même société pour harcèlement moral commis à l'encontre de la directrice adjointe des documentaires et magazines (pièce 225).
Par ailleurs, il ressort des éléments médicaux produits par M. [UX] et de l'attestation de son épouse que ce dernier a été hospitalisé en urgence pour un burn-out et a subi une profonde dépression qui sont mis en relation avec la dégradation de ses conditions de travail. Le 24 septembre 2019, la CPAM a notifié à M. [UX] la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie (pièce 164).
Sont ainsi matériellement établis des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
En réponse, l'employeur indique que :
- M. [UX] n'a jamais alerté la direction ni les représentants du personnel de sa situation.
Il souligne à juste titre que la note portée sur le dossier médical du salarié par le médecin du travail en juin 2016 ne constitue pas une alerte et n'a pas été portée à sa connaissance.
- M. [UX] produit des articles de presse qui relatent des faits survenus entre 2011 et 2015 sans lien avec sa propre situation, ce qui est exact,
- les échanges entre M. [UX] et M. [J] ne révèlent aucune pression ou contrainte caractéristiques d'une situation de harcèlement moral.
Cela ressort en effet de l'analyse des courriels versés au débat tant par le salarié que par l'employeur, M. [J] remerciant et félicitant M. [UX] à plusieurs reprises sur son travail (pièces 27, 45 et 46 de l'employeur).
L'employeur ajoute que M. [UX] montrait son calme et son appréciation du travail effectué par son équipe lors des points effectués chaque quinzaine avec M. [J] et produit en ce sens les tableaux établis par l'appelant (pièce 17).
Alors que M. [UX] se plaint dans sa synthèse des faits que son supérieur hiérarchique attendait à dessein le dernier moment pour valider ses congés ou les validait une fois ceux-ci démarrés, et produit en pièce 154 le justificatif que cela a pu arriver, l'employeur indique que M. [J] n'a jamais posé la moindre difficulté pour la prise des congés par M. [UX], lesquels étaient décidés par le salarié seul en début d'année, leur validation en système de paie étant une simple formalité. L'employeur justifie que M. [UX] a pu prendre tous ses congés et jours de récupération (pièce 16).
- les conclusions de l'enquête menée par la commission paritaire indiquent qu'il n'a pas été constaté une dégradation de la relation managériale.
Il produit en pièce 11 les conclusions de l'enquête menée par le CSE aux fins d'identifier les causes qui ont conduit aux arrêts de travail successifs et répétés de M. [UX] depuis le 31 janvier 2018. Après analyse des faits, notamment du courrier adressé par M. [UX] à M. [I] le 31 mai 2018 dénonçant un harcèlement moral commis à son encontre par M. [J], et audition de plusieurs personnes, la commission a constaté 'qu'aucun élément écrit ne lui permet d'identifier les causes des arrêts de travail successifs et répétés de [M] [UX]', que ce dernier 'a mal vécu l'absence de versement d'une prime à la suite du rachat de RTL' et que 's'agissant de la relation entre [Z] [J] et [M] [UX], les interview mettent en exergue les différences d'interprétation de chacun ainsi qu'un manque de reconnaissance ressenti par [M] [UX]. Néanmoins, les propos recueillis de part et d'autre ne permettent pas de constater une dégradation de la relation managériale'.
- M. [UX] a fait état de la charge de travail de son équipe mais non de la sienne. Il est exact que le salarié a avant tout fait part de ses inquiétudes sur la charge de travail de son équipe et de M. [S] en particulier, et n'a évoqué sa propre situation que dans un courriel du 13 juillet 2017 (pièce 183 du salarié). Un renfort de prestataires a été alors commandé par l'employeur.
- les travaux de nuit et les astreintes n'incombaient pas à M. [UX] mais à l'équipe DSI et M. [UX] a fait part des solutions qu'il avait trouvées. Il ressort en effet du courriel produit par le salarié en pièce 179 qu'après avoir avisé sa hiérarchie du risque de surmenage des équipes exploitation, M. [UX] a préconisé l'intervention de prestataires en astreinte, le renfort des prestations durant la période des vacances, la re-priorisation de certains projets.
- s'agissant des courriels envoyés ou reçus en dehors des 'horaires de bureau', l'employeur souligne que M. [UX] étant cadre dirigeant, il fixait unilatéralement l'organisation de son travail dans la semaine.
Il fait valoir que M. [J] n'a sollicité M. [UX] le week-end qu'à trois reprises au cours de l'année 2013, qu'il n'a pas exigé de réponse immédiate, que le salarié ne peut prétendre avoir été sollicité en permanence durant ses congés.
Il ressort en effet des échanges de courriels que M. [J] n'a sollicité M. [UX] en dehors des journées de travail que de manière très ponctuelle et sans exiger de réponse immédiate. Le 16 octobre 2017, M. [UX] a adressé une note à M. [J] à 19h38 auquel son interlocuteur a répondu à 21h11 en concluant 'on se tient au courant. A demain'. Lorsque M. [UX] lui a répondu à 21h36, M. [J] lui a écrit à 21h37 'on en parle demain' (pièce 47 de l'employeur).
- Les postes vacants ont fait l'objet d'un remplacement ou, dans cette attente, d'un renforcement de prestataires pour pallier les absences. M. [J] n'a pas refusé de remplacer les salariés démissionnaires mais a au contraire demandé à M. [UX] de les remplacer.
L'employeur justifie par les courriels qu'il verse au débat que :
° lorsque M. [UX] lui a annoncé le 2 mars 2016 la démission de M. [DZ], M. [J] lui a demandé par qui il comptait le remplacer, M. [UX] proposant de répartir les tâches du salarié démissionnaire sur deux salariés déjà présents (pièce 81),
° le poste de M. [W] [E], démissionnaire, a été proposé en août 2016 par M. [UX] à M. [DV] [LY]. Ce dernier étant intéressé par le poste mais ne pouvant l'accepter immédiatement au regard de sa situation familiale, M. [UX] a proposé de différer le recrutement du successeur de M. [E] de 8 à 12 mois et d'adapter la répartition des tâches de ce dernier dans l'équipe et vraisemblablement en ayant recours à une compétence extérieure additionnelle (pièce 82),
° le 20 octobre 2016, M. [UX] a reçu un accord de principe pour remplacer le départ de M. [C] [Y] par la promotion de M. [LU] [LS] (pièce 83),
° le 29 mars 2017, M. [UX] a proposé de geler deux recrutements qui pourraient être satisfaits par des salariés de RTL, dont certains pourraient remplacer des prestataires, et a signalé 3 postes à recruter, aucun salarié de RTL n'ayant le profil (pièce 84).
En outre, des prestataires ont été alloués à l'équipe DSI pour la renforcer au moment de la mise en oeuvre du projet VIVA.
- M. [UX] n'a pas souffert d'une charge de travail excessive du fait de l'intégration du pôle RTL. L'employeur expose que le rapprochement de M6 et RTL a été préparé longtemps à l'avance et non pas à la dernière minute, que le projet était régulièrement suivi au sein d'un comité de pilotage dont faisaient partie M. [J] et M. [UX] (réunions en pièce 35 de l'employeur), que M. [UX] avait déjà piloté l'intégration de la chaîne 'Série club', qu'il disposait d'une équipe de près de 100 collaborateurs et du renfort ponctuel de prestataires extérieurs, qu'il était normal, compte tenu de ses fonctions et de sa qualité de cadre dirigeant, qu'il soit ponctuellement sollicité durant ses repos et congés.
- M. [J] n'a jamais demandé à M. [UX] de démissionner mais, au cours de l'entretien du 17 décembre 2015, il a simplement répondu négativement aux souhaits de promotion professionnelle exprimés à plusieurs reprises par M. [UX].
M. [UX] produit en pièce 170 un courriel qu'il a adressé à M. [J] le 18 décembre 2015, lui demandant sa position, suite à leur discussion de la veille 'à propos de [F] [V] et de l'abandon des activités/projets Data', sur la mise en place de l'organisation prévue côté moyens informatiques. Il n'évoque aucune demande de démission formée par M. [J], lequel lui a répondu 'nous n'allons pas raisonnablement résoudre ces questions par échange de mails. Il n'y a aucune urgence et nous reparlerons du tout en début d'année.'
Il ressort du compte-rendu d'entretien professionnel 2015 qui a eu lieu le 26 novembre 2015 (pièces 101 du salarié et 18 de l'employeur) que s'agissant de son développement, M. [UX] a indiqué 'mon poste actuel (DSI) me permet d'utiliser un sous-ensemble limité de mes compétences acquises. Je souhaiterais élargir mes missions pour ne pas perdre mes autres compétences', le commentaire de M. [J] étant 'J'ai échangé avec [M] sur son ambition d'élargir ses domaines en lui rappelant que la taille du groupe et l'organisation choisie à date ne conduisent pas naturellement à regrouper des équipes qui collaborent déjà fortement entre elles. En effet un tel projet conduirait plutôt à alourdir le management sans créer de réels gains d'efficacité. Nous sommes convenus de poursuivre nos réflexions sur de tels enjeux d'organisation, afin de pouvoir saisir les opportunités'. Il en ressort que M. [UX] souhaitait faire évoluer son périmètre d'intervention, ce que ne pouvait satisfaire son supérieur hiérarchique dans l'immédiat.
Lors de son audition dans le cadre de l'enquête menée par la CPAM, M. [G] a relaté, s'agissant de la demande de démission faite par M. [J] à M. [UX] que '[M] est venu me voir pour me dire que M. [J] avait refusé ses demandes de propositions d'organisation et de développement personnel. Je pense que [M] voulait un périmètre élargi en termes de salariés afin d'obtenir une promotion.'. Il décrit les différentes propositions formulées par M. [UX] et relate que M. [J] les a déclinées 'en les motivant car vraisemblablement l'entreprise n'en avait pas l'utilité et pour preuve aucune de ces organisations de ces postes n'a été pourvue' (pièce 33 de l'employeur).
Lors de son audition par la CPAM, M. [J] a indiqué 'Je n'ai jamais demandé à [M] [UX] de démissionner. Je lui ai exprimé le fait que le groupe ne pouvait pas répondre à son ambition, cela est très différent et je m'adressais à un membre du comité de direction, apte à discuter et à comprendre. Si j'avais souhaité qu'il parte je ne lui aurais jamais confié un projet comme celui de l'intégration d'RTL dans notre groupe, ça n'a pas de sens.' (pièce 34 de l'employeur).
- M. [J] n'a pas réduit la rémunération de M. [UX].
L'employeur fait valoir en premier lieu que M. [J], pleinement satisfait du travail du salarié, a augmenté la base de référence de sa rémunération complémentaire. En effet, la base de la rémunération complémentaire de M. [UX], qui était de 7 200 euros à objectifs atteints au moment de son embauche en mars 2010 est passée à 13 000 euros à compter du 1er janvier 2013 puis à 20 000 euros à compter de 2014 et le salarié a perçu à ce titre les sommes de 22 892 euros en 2014, 21 645 euros en 2015, 28 248 euros en 2016, 37 785 euros en 2017, 30 387 euros en 2018 (pièce 50 de la société).
L'employeur fait valoir en deuxième lieu que l'attribution d'actions gratuites, dont l'enveloppe est autorisée par l'assemblée générale mixte des actionnaires et la répartition individuelle est faite par le président du Directoire, n'a aucun caractère contractuel et relève du pouvoir discrétionnaire selon les performances individuelles de chaque bénéficiaire ; qu'en raison de la baisse de l'Ebita constatée depuis 2011, une diminution significative des quantités d'actions distribuées a eu lieu à compter de 2014 ; que M. [UX] a été traité plus favorablement que ses collègues et a perçu des dividendes conséquents.
S'agissant de la prime exceptionnelle versée fin 2017 aux équipes de la DSI s'étant investies dans le projet VIVA, l'employeur affirme que la liste des bénéficiaires a été construite avec M. [UX] et visait les équipes opérationnelles et non les dirigeants. M. [UX] écrit en page 53 de ses conclusions, comme il l'a fait dans son courrier du 31 mai 2018 dénonçant à M. [I] une situation de harcèlement moral (pièce 2 de l'employeur), qu'il 'était 'monté au créneau' pour obtenir, auprès de son supérieur hiérarchique, des primes pour environ 10 de ses collaborateurs. Il avait eu cependant la décence de ne pas solliciter de prime pour lui-même, espérant que son supérieur hiérarchique saurait le gratifier spontanément à la juste mesure de ses efforts et de ses résultats.'.
L'employeur fait valoir que M. [UX] a néanmoins connu une augmentation de salaire significative et pérenne (+4,2%, supérieure à la moyenne de 3,75 % des membres du comité de direction sur la même période). M. [UX] a en effet vu son salaire mensuel brut passer de 10 308 euros à 10 800 euros à compter de janvier 2018, quand bien même il estime cette augmentation dérisoire voire volontairement dénigrante au regard de son investissement.
L'employeur justifie en outre qu'il a pris des mesures pour permettre la reprise à temps partiel de M. [UX] préconisée par le médecin du travail à compter du 4 juin 2018 (pièce 21).
A réception du courrier de M. [UX] du 31 mai 2018 dénonçant un harcèlement moral, l'employeur a saisi M. [A] [P], responsable de l'éthique et de la déontologie, une commission d'enquête a été mise en place, il a proposé à M. [UX] une convention tripartite de détachement afin qu'il ne soit plus placé sous la hiérarchie de M. [J] (pièces 41 et 42 de l'employeur).
L'employeur prouve ainsi que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la seule absence d'entretien d'évaluation annuel durant plusieurs années ne pouvant en l'espèce caractériser à elle seule un harcèlement moral.
M. [UX] sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour harcèlement moral, par confirmation de la décision entreprise.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
En application des dispositions des articles 1224 et suivants du code civil, le salarié peut demander que soit prononcée la résiliation de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour justifier de la résiliation judiciaire, il doit être démontré l'existence de manquements d'une importance et d'une gravité qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail et la charge de la preuve incombe au salarié.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit, ou d'un licenciement nul en raison de certains manquements de l'employeur.
En l'espèce, M. [UX] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que la société Métropole Télévision s'est livrée à son encontre à des actes constitutifs de harcèlement moral et/ou générateurs de souffrance au travail qui constituent à tout le moins des frais graves d'exécution de mauvaise foi, multiples et réitérés, du contrat de travail.
Or, en premier lieu, il n'a pas été retenu que M. [UX] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.
En second lieu, le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur consistant à ne pas faire bénéficier M. [UX] d'un entretien individuel annuel ne peut être considéré comme un manquement grave ayant empêché la poursuite du contrat de travail dès lors que l'absence d'entretien d'évaluation annuel a duré cinq années consécutives et qu'il ne ressort d'aucune pièce versée au débat que le salarié s'est manifesté pour solliciter la tenue de ces entretiens.
M. [UX] sera en conséquence débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes financières afférentes, par confirmation de la décision entreprise.
Sur la nullité du licenciement
L'article L. 1152-3 du code du travail dispose que 'toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.'
Est nul le licenciement d'un salarié en raison de son inaptitude définitive à son poste de travail dès lors que cette dernière a pour seule origine son état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet.
A titre subsidiaire, M. [UX] sollicite la nullité de son licenciement pour inaptitude consécutive au harcèlement moral qu'il a subi.
Dès lors qu'il n'est pas retenu que M. [UX] a subi du harcèlement moral de la part de son employeur, le salarié doit être débouté de ses demandes de nullité de son licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul, par ajout à la décision entreprise
Sur le doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement
M. [UX] soutient qu'il a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité conventionnelle de licenciement au motif que la CPAM a pris en charge son état dépressif sévère au titre de la législation relative aux risques professionnels le 24 septembre 2019 et qu'il a été placé en arrêt de travail continu pour cette maladie depuis le 31 janvier 2018, sans reprendre son activité, de sorte que l'employeur avait connaissance au moment du licenciement de l'origine professionnelle de son inaptitude. Il fait valoir que ses arrêts de travail ont d'abord été d'origine professionnelle puis que sa consolidation survenue le 11 juin 2021 a imposé aux médecins de prescrire des arrêts de travail d'origine non professionnelle après cette date. Il estime que la contestation par l'employeur du caractère professionnel de la maladie ne constitue pas une cause de rejet de sa demande.
L'employeur réplique que le caractère professionnel de la maladie de M. [UX] n'est pas établi dès lors que sa maladie, ne relevant d'aucun des tableaux visés par l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, ne bénéficie d'aucune présomption d'imputabilité et qu'elle ne remplit pas les conditions de l'article L. 461-1 alinéa 7 du même code (incapacité permanente prévisible à un taux au moins égal à 25 %, absence de démonstration que la maladie est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime). Il souligne qu'en raison de ses recours à l'encontre de la décision de reconnaissance d'une maladie professionnelle par la CPAM, aucune décision définitive ne lui est opposable sur le caractère professionnel ou non de la maladie du salarié ; que le CRRMP n'a pas retenu l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie de M. [UX] et ses activités professionnelles ; que le médecin du travail n'a pas reconnu le caractère professionnel des affections et n'a pas alerté l'employeur sur le cas du salarié ni en juin 2016 ni par la suite ; que les médecins n'ont fait que transcrire les éléments invoqués par le salarié pour décrire sa situation.
L'article L. 1226-14 alinéa 1er du code du travail dispose que 'La rupture du contrat de travail dans les cas prévus à l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.'
L'article L. 1226-12 du même code concerne les inaptitudes consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
L'indemnité spéciale de licenciement est due dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident du travail ou cette maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
En l'espèce, M. [UX] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle au motif d'un 'burn out' le 31 janvier 2018, avec renouvellement jusqu'au 3 juin 2018 inclus puis à nouveau du 9 août 2018 au 11 juin 2021, date de sa consolidation, laquelle faisait obstacle à ce qu'il utilise désormais des feuilles de maladie pour accident du travail ou de maladie professionnelle, ainsi que le lui a notifié la CPAM (pièce 281 du salarié). Il a donc par la suite été placé en arrêt de travail pour maladie ordinaire. M. [UX] a été déclaré inapte par le médecin du travail dans les suites de ces arrêts de travail.
Le 31 mai 2018, M. [UX] a informé son employeur qu'il imputait la dégradation de son état de santé à un harcèlement moral subi de la part de son supérieur hiérarchique.
Le 24 septembre 2019, la CPAM a pris en charge la maladie 'hors tableau' de M. [UX] au titre de la législation relative aux risques professionnels. Les recours formés par l'employeur à l'encontre de cette décision n'ont fait l'objet d'une décision définitive ni au moment du licenciement pour inaptitude de M. [UX] le 21 février 2024, ni au jour où la cour statue.
Dans ces conditions, l'employeur avait connaissance au moment du licenciement de l'origine professionnelle revendiquée par le salarié et reconnue par la CPAM de la maladie cause de son inaptitude, de sorte que M. [UX] a droit au doublement de l'indemnité de licenciement.
La société Métropole Télévision soutient que la règle du doublement de l'indemnité ne s'applique qu'à l'indemnité légale et non à l'indemnité conventionnelle de licenciement, ce que conteste le salarié.
La règle de doublement de l'indemnité de licenciement ne vise, à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables, que l'indemnité légale et non l'indemnité conventionnelle de licenciement (Cass. Soc., 20 novembre 2024, n°23-14.949). Il appartient au juge de rechercher si le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement est supérieur au montant doublé de l'indemnité de licenciement.
L'accord d'entreprise du 1er juin 2019 de la société Métropole Télévision prévoit en son article 7-2 une indemnité conventionnelle de licenciement qui se substitue à l'indemnité légale (pièce 280 du salarié).
M. [UX] a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 88 384,30 euros correspondant :
- à hauteur de 60 640,64 euros à l'indemnité légale de licenciement,
- à hauteur de 27 743,69 euros à l'indemnité spécifique de licenciement (pièce 86-3 de l'employeur).
Il avait droit au doublement de l'indemnité légale de licenciement soit la somme de 121 281,28 euros. Déduction faite de la somme de 88 384,30 euros qu'il a perçue à titre d'indemnité de licenciement, lui reste dû un reliquat de 32 896,98 euros que la société Métropole Télévision sera condamnée à lui payer, par infirmation de la décision entreprise.
Sur la demande d'attribution d'actions gratuites
M. [UX] expose qu'ayant systématiquement obtenu des actions gratuites chaque année jusqu'en 2017 et que leur absence d'attribution à compter de 2018 ne résulte que des manquements de son employeur à ses obligations, il est en droit de solliciter l'attribution d'un nombre moyen de 3 000 actions gratuites par an au titre des années 2018, 2019 et 2020, dont la plus-value d'acquisition sera égale au premier cours de bourse des périodes précitées.
L'employeur soulève en premier lieu l'incompétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur la demande au motif qu'il n'appartient pas à cette dernière de statuer sur la validité d'une décision du Directoire d'une société commerciale et d'ordonner à une société commerciale de délivrer en pleine propriété des titres de son capital.
Le salarié réplique que selon les propres écritures de l'employeur, les actions gratuites font partie de son 'package' de rémunération et lui sont attribuées en sa qualité de salarié, de sorte que les litiges qui s'élèvent à leur sujet relève de la compétence de la juridiction prud'homale.
Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.
L'article L. 721-3 du code de commerce prévoit quant à lui que les tribunaux de commerce connaissent notamment des contestations relatives aux sociétés commerciales.
Le contrat de travail de M. [UX] prévoyait le versement d'une rémunération annuelle brute de base versée sur 12 mois, d'une prime de fin d'année égale à une mensualité d'appointement, d'une rémunération variable complémentaire à objectif atteint, de primes de participation et d'intéressement versées dans le cadre d'accords de groupe.
Par ailleurs, M. [UX] a bénéficié chaque année entre 2010 et 2017 de l'attribution d'actions gratuites laquelle est liée à sa qualité de salarié de la société Métropole Télévision et constitue donc un élément de sa rémunération au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail.
La contestation du défaut d'attribution d'actions gratuites durant les trois années d'absence au travail du salarié, que ce dernier impute à des manquements de son employeur à ses obligations, s'élevant à l'occasion du contrat de travail, ressort donc de la compétence matérielle du conseil de prud'hommes, ainsi que ce dernier l'a jugé.
Sur le fond, l'employeur fait valoir que l'attribution d'actions gratuites est discrétionnaire, ne constitue pas un usage et exige la réalisation de deux conditions objectives : la réalisation d'une performance financière collective et la présence à l'effectif à l'issue d'une période de 24 mois après l'attribution ; que M. [UX] ayant été absent de manière quasi continue depuis le 31 janvier 2018, il ne peut se prévaloir du moindre droit à attribution d'actions gratuites.
L'article L. 225-197-1 du code de commerce prévoit que l'assemblée générale extraordinaire peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre. Le conseil d'administration ou, le cas échéant, le directoire détermine l'identité des bénéficiaires des attributions d'actions et fixe les conditions et, le cas échéant, les critères d'attribution des actions.
Il ressort des pièces produites par l'employeur qu'a été soumise à l'assemblée générale mixte du 26 avril 2016 l'autorisation à donner au Directoire d'attribuer gratuitement des actions aux membres du personnel salarié et/ou certains mandataires sociaux pour une durée de trois ans (pièce 13) et que les actions gratuites 'sont depuis 2017 soumises exclusivement à une condition de performance triennale et une présence tout au long de cette même période' (pièce 14). En outre, Mme [D] [X], directrice de l'administration RH du groupe M6 atteste que 'les modalités d'attribution et de bénéfice du plan d'attribution gratuite d'actions (AGA) sont déterminées de manière discrétionnaire par le Directoire. En effet, étant en charge de la gestion des plans d'actions gratuites depuis 2014, j'ai pu constater que la présence et le travail effectif tout au long de l'année des collaborateurs potentiellement bénéficiaires sont pris en compte par le Directoire dans les principes d'octroi et du nombre de titres attribués' (pièce 15).
M. [UX] ayant été absent au cours des exercices 2018, 2019 et 2020 et son absence n'étant pas imputable à des manquements de son employeur à ses obligations ou à du harcèlement moral exercé par son employeur, il doit être débouté de sa demande d'attribution d'actions gratuites, celle-ci relevant du pouvoir discrétionnaire de l'employeur, par confirmation de la décision entreprise.
Sur les intérêts moratoires
La créance de nature salariale portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Sur les demandes accessoires
La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
La société Métropole Télévision étant condamnée en paiement, elle supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. [UX] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure, ses demandes formées du même chef pour l'intégralité de la procédure étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le conseil de prud'hommes de Nanterre excepté en ce qu'il a débouté M. [UX] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité fondée sur l'article L. 4121-1 du code du travail et de doublement de l'indemnité de licenciement,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Métropole Télévision à verser à M. [M] [UX] les sommes de :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail,
- 32 896,96 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement,
Déboute M. [M] [UX] du surplus de ses demandes à ces titres et de ses demandes de prononcé de la nullité de son licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Dit que la créance de nature salariale portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision,
Condamne la société Métropole Télévision aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Métropole Télévision à verser à M. [M] [UX] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure,
Déboute la société Métropole Télévision de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Laure TOUTENU, conseillère pour la présidente empêchée, et par Mme Victoria LE FLEM, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, La conseillère pour la présidente empêchée,