CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 24 septembre 2025, n° 25/14200
PARIS
Ordonnance
Autre
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ORDONNANCE DU 24 SEPTEMBRE 2025
(n° / 2025 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/14200 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CL3FG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mars 2025 - Tribunal des activités économiques de PARIS - RG n° 2023045590
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette cour, assistée de Liselotte FENOUIL, greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée le 3 juin 2025 à la requête de :
DEMANDEURS
Monsieur [T] [Y]
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
Monsieur [O] [C]
Demeurant [Adresse 19]
[Localité 7]
S.A.S. [16] , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 821 310 471,
Dont le siège social est situé [Adresse 11]
[Adresse 14]
[Localité 10]
S.A.S. [21] , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de COUTANCES sous le numéro 533 873 899, Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentés par Me Julie CITTADINI de la SELAS W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : C 215,
à
DÉFENDEURS
S.C.P. [13] , prise en la personne de Me [G] [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [24], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 844 518 126, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 20 juillet 2021,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée Me Guillaume PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque R 045,
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 4]
[Localité 8]
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 8 septembre 2025 :
ORDONNANCE rendue par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, assistée de Madame Liselotte FENOUIL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE:
La société [24] a été constituée en 2018 pour les besoins de la reprise d'un plan de cession de l'activité du groupe [22]. Elle avait pour activité la promotion immobilière.
Sur déclaration de cessation des paiements et par jugement du 20 juillet 2021, la société [24] a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, la date de cessation des paiements étant fixée au 18 juin 2021 et la SCP [12], en la personne de Maître [W], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 14 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a reporté la date de cessation des paiements au 20 janvier 2020, soit 18 mois avant le jugement d'ouverture.
Invoquant une insuffisance d'actif de plus de 21 millions d'euros, la SCP [12], ès qualités, a fait assigner en responsabilité pour insuffisance d'actif, la société [17], M.[T] [Y], la société [21], M.[O] [C], la société [26], M.[B] [J], la société [15] et M.[N] devant le tribunal des activités économiques de Paris.
Par jugement du 11 mars 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a pour l'essentiel:
- déclaré le liquidateur, ès qualités, recevable en son action initiée dirigée contre les défendeurs pris en leurs qualités respectives de dirigeants de droit ou de fait,
- débouté le liquidateur de ses demandes dirigées contre la société [15] et M.[N], condamné à payer au liquidateur ès qualités:
- solidairement, la société [17], M.[Y], la société [21] et M.[C] la somme de 2.789.706 euros outre intérêts,
- M.[Y], la somme de 17.855 euros outre intérêts,
- M.[J], la somme de 200.000 euros outre intérêts.
La société [16], M.[Y], la société [21] et M.[C] ont relevé appel de ce jugement le 25 mars 2025.
Par actes des 3 juin 2025, la société [16], M.[Y], la société [21] et M.[C] ont fait assigner en référé devant le délégataire du premier président, la SCP [12], ès qualités, et le ministère public pour voir, à titre principal, arrêter l'exécution provisoire du jugement dont appel, subsidiairement, arrêter partiellement l'exécution provisoire et ordonner que les sommes versées soient consignées en l'attente d'une décision irrévocable et définitive dans l'instance en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée à leur encontre, en tout état de cause, dire que les dépens du référé ainsi que ceux non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile suivront le sort de ceux de l'appel.
La SCP [12], ès qualités, a sollicité le rejet de toutes les demandes des appelants, demandeurs au référé, et leur condamnation solidaire à lui payer, ès qualités une indemnité procédurale de 6.000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans son avis daté du 5 septembre 2025, mais dont les parties n'ont pris connaisance qu'après l'audience, compte tenu d'un dysfonctionnement du RPVA, le ministère public a indiqué être favorable à l'arrêt de l'exécution provisoire.
Les parties ont été autorisées à répondre à l'avis du ministère public par une note en délibéré.
Dans sa note en délibéré du 12 septembre 2025, le conseil des demandeurs au référé a repris sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
Par note du 12 septembre 2025, le conseil de la SCP [12], ès qualités, a contesté l'avis du ministère public et maintenu son opposition à l'arrêt de l'exécution provisoire.
Vu l'article R.661-1 du code de commerce.
SUR CE,
Il résulte de l'article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d'appel permettent de suspendre l'exécution provisoire attachée au jugement statuant sur une action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
M.[Y] et la SARL [17], M.[C] et sa holding la SAS [21] soutiennent que:
- M.[C] et la société [21] n'ont jamais été dirigeants de droit ou de fait de la société [24], que le tribunal les a qualifiés à tort de dirigeants de fait alors qu'il n'est aucunement démontré qu'ils auraient accompli des actes positifs de gestion et de direction de la société, que les mouvements de trésorerie qui leur sont reprochés sont en lien avec une convention bilatérale de trésorerie et ne caractérisent pas de tels actes, que les flux n'ont d'ailleurs pas été réalisés systématiquement de Vaillantis vers [21] , mais aussi en sens inverse, que la qualité d'associé de la société [21] n'est pas de nature à justifier la mise en oeuvre d'une action à son encontre au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif,
- M.[Y] et la société [16] n'étaient plus en fonction lorsque la société [24] a déclaré son état de cessation des paiements le 28 juin 2021, que leur responsabilité pour insuffisance d'actif, en tant qu'anciens dirigeants, ne pourrait être recherchée que s'il était préalablement justifié de l'existence d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation de leurs fonctions, qu'il n'existait pas d'insuffisance d'actif au 16 septembre 2019, plus de 18 mois avant l'ouverture de la procédure collective, que le jugement ne répond pas à cet égard aux exigences de la jurisprudence de la Cour de cassation. Ils soulignent que les comptes sociaux de l'exercice 2019 révèlent des capitaux propres positifs à hauteur de 11.684,041 euros, qu'au 30 juin 2019, les comptes intermédiaires validés par [18] faisaient état d'un bénéfice de 519.363 euros et au 31 décembre 2019, plus de trois mois après la démission de la société [27] d'un bénéfice de 850.822 euros et ce malgré deux difficultés rencontrées sur des chantiers majeurs ( chantier [23] et Leroy Merlin).
- même s'il devait être reconnu la qualité de dirigeant de fait de M.[C] et de la société [21], il n'existait aucune insuffisance d'actif au moment de la cessation de leur prétendue direction de fait.
Ils contestent par ailleurs l'existence des fautes de gestion que le tribunal a retenu à leur encontre.
La SCP [12], ès qualités, s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, relevant à titre principal que l'arrêt de l'exécution provisoire doit revêtir un caractère exceptionnel, uniquement en cas de violation manifeste des régles de droit ou de la jurisprudence applicable et qu'en l'espèce les demandeurs au référé tentent d'obtenir un réexamen du fond de l'affaire, se bornant à reprendre les moyens développés devant les premiers juges, alors qu'un tel réexamen incombe à la cour d'appel.
Subsidiairement, le liquidateur fait valoir l'absence de moyen sérieux de réformation :
- tenant à la qualité de dirigeants de fait de M.[C] et de la société [21], le tribunal s'étant appuyé sur des éléments précis caractérisés par des mouvements de fonds substantiels de trésorerie alliés à des compensations consécutives de créances, en toute indépendance, de janvier à octobre 2019, alors que la société avait récemment fait l'objet d'un plan de cession et devait donner lieu à une vigilance accrue en matière de trésorerie ,
- tenant à l'absence d'insuffisance d'actif, dès lors qu'au regard d'un passif définitivement admis de 21.957.057,03 euros, d'un actif recouvré de 308.995,45 euros, l'insuffisance d'actif ressort à 21.648.061,58 euros, et que la date de cessation des paiements a été reportée de 18 mois soit au 20 janvier 2020. Il précise que la présence de capitaux propres au terme du premier exercice social ne saurait suffire à écarter la caractérisation d'une insuffisance d'actif, une société pouvant être dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible tout en disposant de capitaux propres positifs et se trouver en cessation des paiements au sens de l'article L 631-1 du code de commerce, qu'une insuffisance d'actif existait donc dès la clôture de l'exercice 2019.
- tenant aux fautes de gestion retenues par le tribunal, et tout spécialement quant à la disposition des fonds de la société [24] en contrariété avec son intérêt social, en ce que l'intégralité du résultat d'exploitation 2019 de la société [24] a au travers de la convention bilatérale de gestion de trésorerie du 10 décembre 2019 été reverseé à la société [21], et en ce qu'il ressort du grand livre des comptes de la société [24] que M.[Y] a procédé à des retraits injustifiés pour un montant de 17.855 euros en 2019 sans qu'il soit justifié que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt social.
Le ministère public est favorable à un arrêt de l'exécution provisoire dans la mesure où la condamnation de la société [21] et de M.[C] repose sur leur qualité de dirigeant de fait, que ces derniers contestant avoir accompli des actes de gestion en toute indépendance, il y aura lieu de procéder à une analyse précise des pièces afin de déterminer si la gérance de fait est caractérisée à leur égard, et que s'agissant d'une condamnation solidaire avec M.[Y] et la société [16] il n'apparait pas envisageable de disjoindre l'examen de la responsabilité pour insuffisance d'actif.
Sur ce,
Il sera liminairement observé, qu'il ne s'agit pas pour le délégataire du premier président dans le cadre du présent référé de se substituer à l'appréciation que fera la cour des dispositions du jugement entrepris, il lui incombe cependant, en application de l'article sus visé, de rechercher si les moyens invoqués par les appelants au soutien de leur appel présentent ou non un caractère sérieux. La reconnaissance du caractère sérieux d'un moyen invoqué, qui ne lie en rien la cour d'appel, signifie simplement qu'il y a matière à un réel débat et ne préjuge pas d'une infirmation du jugement.
Il est constant:
- d'une part que si la société [21] était qu'actionnaire de la société [24], M.[C] et/ou sa société [21] n'ont jamais été dirigeant de droit de la société [24], de sorte que le liquidateur recherche leur responsabilité pour insuffisance d'actif en tant que dirigeant de fait, le tribunal ayant retenu leur qualité de dirigeants de fait du 7 décembre 2018 au 13 décembre 2019,
- d'autre part, que la société [17], dirigée par M.[Y], a été dirigeante de droit de la société [24] du 18 décembre 2018 (date de la création de la société) au 16 septembre 2019, date à laquelle elle a démissionné et a été remplacée par la SARL [25] dirigée par M.[J], laquelle a été remplacée à compter du 17 mars 2021 par la société [20].
Il en résulte que le liquidateur recherche la responsabilité des quatre appelants, demandeurs au référé, en tant qu'anciens dirigeants de la société [24], que ce soit en qualité d'anciens dirigeants de droit ayant cessé leurs fonctions au 16 septembre 2019 ( la société [16] et M.[Y]) ou d'anciens dirigeants de fait (la société [21] et M.[C]) ayant cessé leur éventuelle direction de fait le 13 décembre 2019.
L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif suppose de démontrer l'existence d'une insuffisance d'actif et d'une ou plusieurs fautes de gestion excédant la simple négligence ayant contribué à cette insuffisance d'actif, que s'agissant de la responsabilité d'anciens dirigeants, cela suppose, préalablement à la démonstration de fautes de gestion à leur encontre, de caractériser l'existence d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation de leurs fonctions, laquelle est intervenue plus de 18 mois avant l'ouverture de la procédure collective le 20 juillet 2021. Il ne suffit donc pas de caractériser l'existence d'une insuffisance d'actif laquelle est manifeste, mais de la caractériser aux dates respectives de septembre ou décembre 2019.
La date de cessation des paiements a été fixée au 20 janvier 2020, soit postérieurement à la cessation des fonctions des personnes dont la responsabilité est recherchée. Si tribunal ne pouvait remonter cette date au-delà du délai de 18 mois autorisé par la loi à compter du jugement d'ouverture, il sera relevé que la notion de cessation des paiements ne se confond pas avec la notion d'insuffisance d'actif, laquelle s'apprécie au regard de la situation globale du passif et de l'actif de la société.
Le jugement dont appel retient le montant de l'insuffisance d'actif de 21.648.062 euros invoqué par le liquidateur judiciaire. S'il indique que les fautes de gestion qu'il retient ont contribué à l'insuffisance d'actif ( le transfert des fonds de la société en contradiction avec son intérêt social, et l'utilisation du compte de la société à des fins personnelles) il ne ressort pas du jugement une motivation sur l'existence spécifique d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation des fonctions des anciens dirigeants à la fin de l'année 2019 qu'ils soient de droit ou de fait, sachant que les capitaux propres de la société [24] étaient positifs à la fin de l'exercice 2019.
Ainsi, indépendamment même de la caractérisation de la direction de fait de M.[C] et la société [21], il y a matière à débat sur l'existence d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation des fonctions des anciens dirigeants qu'ils soient de droit ou de fait, débat qui n'est pas dépourvu de sérieux.
Il sera en conséquence fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS,
Arrêtons l'exécution provisoire du jugement dont appel à l'égard de M.[Y] et de la société [16], de M.[C] et de la société [21],
Disons n'y avoir lieu de faire applicatiobn de l'article 700 du code de procédure civile,
Disons que les dépens du référé suivront le sort de ceux de l'appel.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ORDONNANCE DU 24 SEPTEMBRE 2025
(n° / 2025 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/14200 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CL3FG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mars 2025 - Tribunal des activités économiques de PARIS - RG n° 2023045590
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette cour, assistée de Liselotte FENOUIL, greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée le 3 juin 2025 à la requête de :
DEMANDEURS
Monsieur [T] [Y]
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
Monsieur [O] [C]
Demeurant [Adresse 19]
[Localité 7]
S.A.S. [16] , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 821 310 471,
Dont le siège social est situé [Adresse 11]
[Adresse 14]
[Localité 10]
S.A.S. [21] , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de COUTANCES sous le numéro 533 873 899, Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentés par Me Julie CITTADINI de la SELAS W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : C 215,
à
DÉFENDEURS
S.C.P. [13] , prise en la personne de Me [G] [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [24], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 844 518 126, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 20 juillet 2021,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée Me Guillaume PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque R 045,
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 4]
[Localité 8]
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 8 septembre 2025 :
ORDONNANCE rendue par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, assistée de Madame Liselotte FENOUIL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE:
La société [24] a été constituée en 2018 pour les besoins de la reprise d'un plan de cession de l'activité du groupe [22]. Elle avait pour activité la promotion immobilière.
Sur déclaration de cessation des paiements et par jugement du 20 juillet 2021, la société [24] a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, la date de cessation des paiements étant fixée au 18 juin 2021 et la SCP [12], en la personne de Maître [W], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 14 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a reporté la date de cessation des paiements au 20 janvier 2020, soit 18 mois avant le jugement d'ouverture.
Invoquant une insuffisance d'actif de plus de 21 millions d'euros, la SCP [12], ès qualités, a fait assigner en responsabilité pour insuffisance d'actif, la société [17], M.[T] [Y], la société [21], M.[O] [C], la société [26], M.[B] [J], la société [15] et M.[N] devant le tribunal des activités économiques de Paris.
Par jugement du 11 mars 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a pour l'essentiel:
- déclaré le liquidateur, ès qualités, recevable en son action initiée dirigée contre les défendeurs pris en leurs qualités respectives de dirigeants de droit ou de fait,
- débouté le liquidateur de ses demandes dirigées contre la société [15] et M.[N], condamné à payer au liquidateur ès qualités:
- solidairement, la société [17], M.[Y], la société [21] et M.[C] la somme de 2.789.706 euros outre intérêts,
- M.[Y], la somme de 17.855 euros outre intérêts,
- M.[J], la somme de 200.000 euros outre intérêts.
La société [16], M.[Y], la société [21] et M.[C] ont relevé appel de ce jugement le 25 mars 2025.
Par actes des 3 juin 2025, la société [16], M.[Y], la société [21] et M.[C] ont fait assigner en référé devant le délégataire du premier président, la SCP [12], ès qualités, et le ministère public pour voir, à titre principal, arrêter l'exécution provisoire du jugement dont appel, subsidiairement, arrêter partiellement l'exécution provisoire et ordonner que les sommes versées soient consignées en l'attente d'une décision irrévocable et définitive dans l'instance en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée à leur encontre, en tout état de cause, dire que les dépens du référé ainsi que ceux non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile suivront le sort de ceux de l'appel.
La SCP [12], ès qualités, a sollicité le rejet de toutes les demandes des appelants, demandeurs au référé, et leur condamnation solidaire à lui payer, ès qualités une indemnité procédurale de 6.000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans son avis daté du 5 septembre 2025, mais dont les parties n'ont pris connaisance qu'après l'audience, compte tenu d'un dysfonctionnement du RPVA, le ministère public a indiqué être favorable à l'arrêt de l'exécution provisoire.
Les parties ont été autorisées à répondre à l'avis du ministère public par une note en délibéré.
Dans sa note en délibéré du 12 septembre 2025, le conseil des demandeurs au référé a repris sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
Par note du 12 septembre 2025, le conseil de la SCP [12], ès qualités, a contesté l'avis du ministère public et maintenu son opposition à l'arrêt de l'exécution provisoire.
Vu l'article R.661-1 du code de commerce.
SUR CE,
Il résulte de l'article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d'appel permettent de suspendre l'exécution provisoire attachée au jugement statuant sur une action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
M.[Y] et la SARL [17], M.[C] et sa holding la SAS [21] soutiennent que:
- M.[C] et la société [21] n'ont jamais été dirigeants de droit ou de fait de la société [24], que le tribunal les a qualifiés à tort de dirigeants de fait alors qu'il n'est aucunement démontré qu'ils auraient accompli des actes positifs de gestion et de direction de la société, que les mouvements de trésorerie qui leur sont reprochés sont en lien avec une convention bilatérale de trésorerie et ne caractérisent pas de tels actes, que les flux n'ont d'ailleurs pas été réalisés systématiquement de Vaillantis vers [21] , mais aussi en sens inverse, que la qualité d'associé de la société [21] n'est pas de nature à justifier la mise en oeuvre d'une action à son encontre au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif,
- M.[Y] et la société [16] n'étaient plus en fonction lorsque la société [24] a déclaré son état de cessation des paiements le 28 juin 2021, que leur responsabilité pour insuffisance d'actif, en tant qu'anciens dirigeants, ne pourrait être recherchée que s'il était préalablement justifié de l'existence d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation de leurs fonctions, qu'il n'existait pas d'insuffisance d'actif au 16 septembre 2019, plus de 18 mois avant l'ouverture de la procédure collective, que le jugement ne répond pas à cet égard aux exigences de la jurisprudence de la Cour de cassation. Ils soulignent que les comptes sociaux de l'exercice 2019 révèlent des capitaux propres positifs à hauteur de 11.684,041 euros, qu'au 30 juin 2019, les comptes intermédiaires validés par [18] faisaient état d'un bénéfice de 519.363 euros et au 31 décembre 2019, plus de trois mois après la démission de la société [27] d'un bénéfice de 850.822 euros et ce malgré deux difficultés rencontrées sur des chantiers majeurs ( chantier [23] et Leroy Merlin).
- même s'il devait être reconnu la qualité de dirigeant de fait de M.[C] et de la société [21], il n'existait aucune insuffisance d'actif au moment de la cessation de leur prétendue direction de fait.
Ils contestent par ailleurs l'existence des fautes de gestion que le tribunal a retenu à leur encontre.
La SCP [12], ès qualités, s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, relevant à titre principal que l'arrêt de l'exécution provisoire doit revêtir un caractère exceptionnel, uniquement en cas de violation manifeste des régles de droit ou de la jurisprudence applicable et qu'en l'espèce les demandeurs au référé tentent d'obtenir un réexamen du fond de l'affaire, se bornant à reprendre les moyens développés devant les premiers juges, alors qu'un tel réexamen incombe à la cour d'appel.
Subsidiairement, le liquidateur fait valoir l'absence de moyen sérieux de réformation :
- tenant à la qualité de dirigeants de fait de M.[C] et de la société [21], le tribunal s'étant appuyé sur des éléments précis caractérisés par des mouvements de fonds substantiels de trésorerie alliés à des compensations consécutives de créances, en toute indépendance, de janvier à octobre 2019, alors que la société avait récemment fait l'objet d'un plan de cession et devait donner lieu à une vigilance accrue en matière de trésorerie ,
- tenant à l'absence d'insuffisance d'actif, dès lors qu'au regard d'un passif définitivement admis de 21.957.057,03 euros, d'un actif recouvré de 308.995,45 euros, l'insuffisance d'actif ressort à 21.648.061,58 euros, et que la date de cessation des paiements a été reportée de 18 mois soit au 20 janvier 2020. Il précise que la présence de capitaux propres au terme du premier exercice social ne saurait suffire à écarter la caractérisation d'une insuffisance d'actif, une société pouvant être dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible tout en disposant de capitaux propres positifs et se trouver en cessation des paiements au sens de l'article L 631-1 du code de commerce, qu'une insuffisance d'actif existait donc dès la clôture de l'exercice 2019.
- tenant aux fautes de gestion retenues par le tribunal, et tout spécialement quant à la disposition des fonds de la société [24] en contrariété avec son intérêt social, en ce que l'intégralité du résultat d'exploitation 2019 de la société [24] a au travers de la convention bilatérale de gestion de trésorerie du 10 décembre 2019 été reverseé à la société [21], et en ce qu'il ressort du grand livre des comptes de la société [24] que M.[Y] a procédé à des retraits injustifiés pour un montant de 17.855 euros en 2019 sans qu'il soit justifié que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt social.
Le ministère public est favorable à un arrêt de l'exécution provisoire dans la mesure où la condamnation de la société [21] et de M.[C] repose sur leur qualité de dirigeant de fait, que ces derniers contestant avoir accompli des actes de gestion en toute indépendance, il y aura lieu de procéder à une analyse précise des pièces afin de déterminer si la gérance de fait est caractérisée à leur égard, et que s'agissant d'une condamnation solidaire avec M.[Y] et la société [16] il n'apparait pas envisageable de disjoindre l'examen de la responsabilité pour insuffisance d'actif.
Sur ce,
Il sera liminairement observé, qu'il ne s'agit pas pour le délégataire du premier président dans le cadre du présent référé de se substituer à l'appréciation que fera la cour des dispositions du jugement entrepris, il lui incombe cependant, en application de l'article sus visé, de rechercher si les moyens invoqués par les appelants au soutien de leur appel présentent ou non un caractère sérieux. La reconnaissance du caractère sérieux d'un moyen invoqué, qui ne lie en rien la cour d'appel, signifie simplement qu'il y a matière à un réel débat et ne préjuge pas d'une infirmation du jugement.
Il est constant:
- d'une part que si la société [21] était qu'actionnaire de la société [24], M.[C] et/ou sa société [21] n'ont jamais été dirigeant de droit de la société [24], de sorte que le liquidateur recherche leur responsabilité pour insuffisance d'actif en tant que dirigeant de fait, le tribunal ayant retenu leur qualité de dirigeants de fait du 7 décembre 2018 au 13 décembre 2019,
- d'autre part, que la société [17], dirigée par M.[Y], a été dirigeante de droit de la société [24] du 18 décembre 2018 (date de la création de la société) au 16 septembre 2019, date à laquelle elle a démissionné et a été remplacée par la SARL [25] dirigée par M.[J], laquelle a été remplacée à compter du 17 mars 2021 par la société [20].
Il en résulte que le liquidateur recherche la responsabilité des quatre appelants, demandeurs au référé, en tant qu'anciens dirigeants de la société [24], que ce soit en qualité d'anciens dirigeants de droit ayant cessé leurs fonctions au 16 septembre 2019 ( la société [16] et M.[Y]) ou d'anciens dirigeants de fait (la société [21] et M.[C]) ayant cessé leur éventuelle direction de fait le 13 décembre 2019.
L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif suppose de démontrer l'existence d'une insuffisance d'actif et d'une ou plusieurs fautes de gestion excédant la simple négligence ayant contribué à cette insuffisance d'actif, que s'agissant de la responsabilité d'anciens dirigeants, cela suppose, préalablement à la démonstration de fautes de gestion à leur encontre, de caractériser l'existence d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation de leurs fonctions, laquelle est intervenue plus de 18 mois avant l'ouverture de la procédure collective le 20 juillet 2021. Il ne suffit donc pas de caractériser l'existence d'une insuffisance d'actif laquelle est manifeste, mais de la caractériser aux dates respectives de septembre ou décembre 2019.
La date de cessation des paiements a été fixée au 20 janvier 2020, soit postérieurement à la cessation des fonctions des personnes dont la responsabilité est recherchée. Si tribunal ne pouvait remonter cette date au-delà du délai de 18 mois autorisé par la loi à compter du jugement d'ouverture, il sera relevé que la notion de cessation des paiements ne se confond pas avec la notion d'insuffisance d'actif, laquelle s'apprécie au regard de la situation globale du passif et de l'actif de la société.
Le jugement dont appel retient le montant de l'insuffisance d'actif de 21.648.062 euros invoqué par le liquidateur judiciaire. S'il indique que les fautes de gestion qu'il retient ont contribué à l'insuffisance d'actif ( le transfert des fonds de la société en contradiction avec son intérêt social, et l'utilisation du compte de la société à des fins personnelles) il ne ressort pas du jugement une motivation sur l'existence spécifique d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation des fonctions des anciens dirigeants à la fin de l'année 2019 qu'ils soient de droit ou de fait, sachant que les capitaux propres de la société [24] étaient positifs à la fin de l'exercice 2019.
Ainsi, indépendamment même de la caractérisation de la direction de fait de M.[C] et la société [21], il y a matière à débat sur l'existence d'une insuffisance d'actif à la date de la cessation des fonctions des anciens dirigeants qu'ils soient de droit ou de fait, débat qui n'est pas dépourvu de sérieux.
Il sera en conséquence fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS,
Arrêtons l'exécution provisoire du jugement dont appel à l'égard de M.[Y] et de la société [16], de M.[C] et de la société [21],
Disons n'y avoir lieu de faire applicatiobn de l'article 700 du code de procédure civile,
Disons que les dépens du référé suivront le sort de ceux de l'appel.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente