CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 24 septembre 2025, n° 24/00221
BASTIA
Arrêt
Autre
Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du
24 SEPTEMBRE 2025
N° RG 24/221
N° Portalis DBVE-V-B7I-CIM6 VL-C
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio, décision attaquée du 8 avril 2024, enregistrée sous le n° 2023003023
S.A.R.L. [W]
C/
[U]
S.A.R.L. PRIMO
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
VINGT-QUATRE SEPTEMBRE
DEUX-MILLE-VINGT-CINQ
APPELANTE :
S.A.R.L. [W]
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 9]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me Doris TOUSSAINT avocate au barreau de BASTIA et représentée par Me Anne-Cécile NAUDIN de la SOCIÉTÉ CIVILE CABINET NAUDIN, avocate au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
Me [T] [U]
ès qualités de représentant des créanciers de la S.A.R.L. [W] au capital de 100 000,00 €, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AJACCIO
S.A.R.L. PRIMO
inscrite au RCS d'[Localité 6] sous le N° 452 271 802, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 8]
[Adresse 10]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Raphaële DECONSTANZA, avocate au barreau d'AJACCIO, substituée par Me Jean LUISI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 19 mai 2025, devant Mme Valérie LEBRETON, présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Valérie LEBRETON, présidente de chambre
Emmanuelle ZAMO, conseillère
Guillaume DESGENS, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Vykhanda CHENG
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2025
MINISTÈRE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 12 juin 2024 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRÊT :
Contradictoire.
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Valérie LEBRETON, présidente de chambre, et Mathieu ASSIOMA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS :
Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce d'Ajaccio, a constaté l'état de cessation des paiements de la société [W], ouvert une procédure de redressement judiciaire, fixé au 24 novembre 2022 la date de cessation des paiements, a désigné [H] [I] comme juge commissaire, a désigné [T] [U] comme mandataire judiciaire, a ouvert la période d'observation, a désigné la selarl Kallijuris pour dresser un inventaire et réaliser une prisée du patrimoine, a dit que la société [W] devait remettre à la personne désignée la liste des biens gagés, nantis ou placés sous sujétion douanière ainsi que celles des biens qu'elle détient en dépôt, location, crédit-bail ou sous réserve de propriété susceptibles d'être revendiqués par des tiers, a invité le chef d'entreprise à réunir les salariés dans les 10 jours, en l'absence de comité social et économique.
Par déclaration du 12 avril 2024, la société [W] a interjeté appel en ce que le tribunal de commerce d'Ajaccio, a constaté l'état de cessation des paiements de la société [W], ouvert une procédure de redressement judiciaire, fixé au 24 novembre 2022 la date de cessation des paiements, a désigné [H] [I] comme juge commissaire, a désigné [T] [U] comme mandataire judiciaire, a ouvert la période d'observation, a désigné la selarl Kallijuris pour dresser un inventaire et réaliser une prisée du patrimoine, a dit que la société [W] devait remettre à la personne désignée la liste des biens gagés, nantis ou placés sous sujétion douanière ainsi que celles des biens qu'elle détient en dépôt, location, crédit-bail ou sous réserve de propriété susceptibles d'être revendiqués par des tiers, a invité le chef d'entreprise à réunir les salariés dans les 10 jours, en l'absence de comité social et économique.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 janvier 2025, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement et surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la cour d'appel, débouter la société Primo de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par Rpva le 7 janvier 2025, la société Primo explique que l'état de cessation des paiements est avéré, l'appelante qui prétendait être in bonis avait 9 mois pour solder sa dette exigible mais elle n'en a rien fait. Elle explique que la société a cru devoir saisir le juge de l'exécution d'une demande de délais pour payer sa dette, ce qui démontre son incapacité à payer une dette exigible, cette procédure étant indépendante d'un état de cessation des paiements.
Elle a sollicité le rejet du sursis à statuer et la confirmation de la décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées par Rpva le 7 juin 2024, [T] [U] explique que si la société [W] conteste la créance de la société Primo pour la somme de 848 465,83 euros, il n'en demeure pas moins que les autres déclarations et le passif existant ne sont pas discutées.
Il indique que la situation comptable au 8 avril 2024 fait apparaître des dettes de 807 732 euros, outre les déclarations de créances signalées le 5 mai 2024 mais non reçues. Il ajoute que l'expert comptable a rappelé dans une attestation du 21 juin 2023, qu'une dette de loyers de 40 417,65 euros existait et avait proposé un réglement sur 24 mois pour apurer la dette, faute de quoi, la cessation des paiements serait caractérisée.
Il indique que la cessation des paiements est caractérisée, les créances déclarées sont importantes, la société se reconnaît débitrice de son bailleur, ce qui manifeste en soi l'état de cessation des paiements, la demande de sursis à statuer en est l'aveu.
Le ministère public s'en est rapporté.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2025.
SUR CE :
Sur la demande d'infirmation :
L'appelante expose qu'elle a subi le premier confinement et qu'elle a alors pris attache avec son bailleur, la société Primo pour formaliser des solutions, en vain. Elle indique que le 17 avril 2023, le tribunal de commerce d'Ajaccio l'a condamnée au paiement d'une somme de 343 466,88 euros outre les coûts de remise en état, qu'elle a interjeté appel et obtenu l'exécution provisoire.
Elle ajoute qu'elle a saisi le juge de l'exécution, où l'affaire est pendante.
Sur le sursis à statuer :
La société [W] explique qu'elle emploie 8 salariés et l'expert comptable a attesté que la société pourrait être placée en état de cessation des paiements en cas de mise en recouvrement immédiate du solde de loyers de 40 417,65 euros et il souligne l'importance d'un échéancier. Elle excipe de sa bonne foi, il ne lui resterait plus qu'à apurer la somme de 34 018,29 euros.
L'intimée sollicite le rejet de la demande.
Selon l'article 377 du code de procédure civile, en dehors des cas prévus par la loi, l'instance est suspendue par la décision de sursis à statuer.
Il est acquis que les juges apprécient souverainement l'opportunité d'un sursis à statuer.
La cour relève qu'en l'espèce, la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge de l'exécution n'est pas un motif de sursis à statuer dans un appel sur une demande d'infirmation de redressement judiciaire.
En effet, cette décision du juge de l'exécution n'est pas nécessaire pour statuer sur l'état de cessation des paiements et le redressement judiciaire.
La demande sera rejetée.
Sur le redressement judiciaire :
Selon l'article L 631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur, qui dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible est en état de cessation des paiements.
Il est acquis que l'état de cessation des paiements si le débiteur est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
La cour constate que dans ses propres écritures, la société [W] reconnaît être redevable d'une somme de 34 018,29 euros.
La cour relève que si les documents comptables produits au mois d'août 2024 montrent un résultat d'exercice positif de 14 658 euros sur 6 mois, que le compte bancaire est bénéficiaire et qu'aucune dette nouvelle n'a été créée, il reste que suite à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, l'état des créances au 30 mai 2024 a fait apparaître un passif de 848 465,83 euros, où ne figure pas seulement la créance de la société Primo, mais également des créances de l'Urssaf, de la direction générale des impôts, d'Edf, de Kyrnolia notamment pour un montant de 1 046 778,47 euros.
La cour constate que la société [W] n'est pas en mesure avec son actif disponible à faire face au passif exigible et notamment les créances de la direction générale des impôts pour un montant de 51 500 euros, les créances de Malakoff humanis de l'urssaf.
La cour ajoute que le propre expert comptable de la société a indiqué par attestation du 21 juin 2023, qu'une dette de loyers d'au moins 40 417,65 était due et que l'entreprise pourrait être placée en état de cessation des paiements sans délai en cas de mis en recouvrement immédiate.
La cour ajoute que c'est pour éviter cette situation que la société [W] a sollicité des délais de paiement, cette demande démontrant bien qu'elle n'était pas en mesure de régler cette somme avec son actif disponible et qu'elle était en état de cessation des paiements.
La cour relève qu'en présence d'un état de cessation des paiements, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire.
La décision sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas que quiconque soit condamné au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront passés en frais privilgiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire ;
REJETTE la demande de sursis à statuer de la société [W]
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio du 8 avril 2024 en toutes ses dispositions
Y AJOUTANT
DÉBOUTE la société [W] de toutes ses demandes
DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de procédure collective
LE GREFFIER
LA PRÉSIDENTE