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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 24 septembre 2025, n° 25/03648

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/03648

24 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/03648 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK4CF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2025 - Tribunal des activités économiques de PARIS - RG n° 2024059452

APPELANTE

S.A.R.L. SOCIETE D'INVESTISSEMENTS FRANCE IMMEUBLES (S I F I) représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 410 058 697

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Assistée par Me Alexandre DE BIGAULT DU GRANRUT et Me Roland GUENY, avocat au barreau de PARIS, toque : J098

INTIMÉE

S.E.L.A.F.A. MJA en la personne de Me [X] [K] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la S.A.R.L. SOCIETE D'INVESTISSEMENTS FRANCE IMMEUBLES (S I F I)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 440 672 509

Représentée par Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère faisant fonction de présidente

Caroline TABOUROT, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère faisant fonction de présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SARL Société d'Investissement France Immeuble (SIFI), immatriculée au RCS de [Localité 6] le 21 novembre 2000 puis au RCS de [Localité 7] à compter du 4 mars 2020, exerçant une activité de loueur en meublé professionnel marchand de biens, a un capital social de 1 045 520 euros entièrement détenu par la société Ovaco AG, SA de droit suisse, aujourd'hui en liquidation et représentée par son liquidateur, M. [M] [L].

La société SIFI a pour gérante, Mme [P] [Z], désignée par l'associé unique après la révocation en 2020 des anciens co-gérants, MM. [S] [V] et [R] [V].

La SIFI avait été constituée en 1996 dans le cadre de l'acquisition du château de la Garoupe situé au [Localité 5], moyennant le prix à l'époque de 55 000 000 de francs, soit environ 8,4 millions d' euros.

Une information judiciaire avait été ouverte en mars 2002 à l'encontre notamment de M. [R] [V] et de la SARL SIFI, en raison de soupçons de blanchiment concernant l'acquisition du château et d'une propriété mitoyenne, le clocher de la Garoupe.

Selon l'enquête, l'acquisition de ces deux propriétés aurait été financée au moyen du produit d'un abus de confiance commis au préjudice des sociétés Runicom SA, immatriculée en Suisse, et Runicom LTD, immatriculée à Gibraltar.

Cette procédure pénale, qui s'est développée jusque devant la Cour de cassation, s'est soldée par :

' La condamnation de M. [R] [V] pour blanchiment aggravé et abus de confiance à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et une amende de 200 000 euros,

' La condamnation de la SARL SIFI au paiement d'une amende de 500 000 euros, et

' La confiscation définitive du château de la Garoupe, à l'exclusion des meubles qui y sont entreposés, entraînant le transfert de la propriété du château à l'Etat français et sa gestion par l'Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC).

Par ailleurs, un litige est né entre la SARL SIFI et l'AGRASC concernant la restitution des biens meubles, qui n'avaient pas fait l'objet d'une confiscation.

Par jugement du 27 juin 2024, le tribunal judiciaire de Paris a :

' Condamné la société SIFI à payer à l'AGRASC :

- la somme de 82 917,95 euros en remboursement de ses frais de déménagement,

- la somme de 16 801,79 euros en remboursement du loyer de garde-meubles facturés au titre de la période allant du 1er janvier au 31 mars 2024,

- le tout avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de l'assignation,

' Ordonné à la société SIFI de venir récupérer les meubles dont elle est propriétaire dans les locaux de la société Les Déménageurs Réunis dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

' Dit que faute pour la société SIFI d'avoir récupéré les meubles dans les deux mois de la signification du jugement, ceux-ci seront déclarés abandonnés et l'AGRASC pourra en disposer comme bon lui semble,

' Condamné l'AGRASC à fournir à la société SIFI la liste des meubles qu'elle a fait mettre à la déchetterie,

' Condamné la société SIFI à payer à l'AGRASC la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Ne pouvant faire face à ces condamnations, assorties de l'exécution provisoire de droit, la SARL SIFI a régularisé le 18 septembre 2024 une demande d'ouverture de liquidation judiciaire.

Par jugement du 9 octobre 2024, le tribunal de activités économiques de Paris a sursis à statuer sur la demande de liquidation judiciaire, ordonné qu'il soit procédé à la mesure d'information prévue par les articles L. 621-1 alinéa 3 et R. 621-3 du code de commerce et désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [X] [K], aux fins de l'assister.

A l'issue de cette enquête, le tribunal, par jugement du 28 janvier 2025, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL SIFI et nommé la SELAFA MJA, en la personne de Me [X] [K], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.

Par déclaration du 14 février 2025, la SARL SIFI a interjeté appel du jugement de liquidation judiciaire du 28 janvier 2025, en ce qu'il a fixé à 18 mois antérieurement à son prononcé la date de cessation des paiements, soit au 28 juillet 2023, compte tenu du rapport d'enquête au titre d'une dette fiscale exigible.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2025, la Société d'Investissement France Immeuble (SIFI) demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2025 par le tribunal des activités économiques de Paris en ce qu'il a fixé à 18 mois, antérieurement au prononcé du président jugement, la date de cessation des paiements, soit au 28 juillet 2023, compte tenu du rapport d'enquête au titre d'une dette fiscale exigible ;

Statuant à nouveau,

- Juger que la cessation des paiements de SIFI est intervenue le 5 août 2024 ;

- Débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2025, la SELAFA MJA, en la personne de Me [X] [K], ès qualités demande à la cour, au visa de l'article L. 631-8 du code de commerce, de :

- Lui donner acte de ce qu'au bénéfice de ses observations et sous les plus expresses réserves, elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel ;

- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fixation de la date de cessation des paiements

La SIFI soutient que la date de cessation des paiements ne saurait être fixée à 18 mois antérieurement au prononcé du jugement, soit au 28 juillet 2023, mais au 5 août 2024, laquelle correspond à la date de signification du jugement du 27 juin 2024 ayant fait droit aux demandes de l'AGRASC, au motif que toutes les autres créances, à l'exception de celle de l'AGRASC, ne sont pas encore échues.

La SELAFA MJA reprend les mêmes moyens que la SIFI et ne s'oppose pas à la fixation de l'état de cessation des paiements au 5 août 2024.

Sur ce,

L'article L. 631-1 alinéa 1 du code de commerce dispose qu'Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue au vu de la comparaison entre l'actif disponible et le passif exigible.

Seul l'actif disponible, c'est-à-dire l'actif immédiatement réalisable, est pris en compte dans la détermination de l'état de cessation des paiements. Ainsi, les biens immobiliers non vendus ne sont pas des actifs disponibles, même s'ils doivent être vendus à brève échéance. De même, les créances à recouvrer ne sont pas comptabilisées dans l'actif disponible.

En l'espèce, si la SIFI ne conteste ni son état de cessation des paiements ni le prononcé d'une liquidation judiciaire à son égard, elle critique la date de cessation des paiements que le tribunal a fixé au 28 juillet 2023 au regard du rapport d'enquête au titre d'une dette fiscale exigible.

Il est ici relevé que le passif de la SIFI à la date à laquelle elle a régularisé sa déclaration de cessation des paiements est décomposé de la manière suivante :

- OVACO : Compte courant d'associé à hauteur de 22 213 832 euros, créance à échoir,

- [P] [Z] : Compte courant de dirigeant à hauteur de 225 738,49 euros, créance à échoir,

- AGRASC : Condamnation judiciaire à hauteur de 107 291,18 euros, créance échue,

- Administration fiscale : Intérêts de retard sur la taxe de 3% à hauteur de 2 601 558 euros, créance à échoir.

Il est en effet établi - et non contesté - que la créance de 107 291,18 euros que l'AGRASC détient à l'encontre de la SIFI est échue et exigible au 5 août 2024 et qu'il s'agit de la seule créance échue et exigible à la date à laquelle la SIFI a régularisé sa déclaration de cessation des paiements.

Ainsi, s'agissant des créances de compte courant, celles-ci ne sont pas des créances exigibles tant que le créancier n'a pas adressé une demande de remboursement à la société débitrice.

Concernant en outre la créance de l'administration fiscale à l'encontre de la SIFI, celle-ci a fait l'objet d'une réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement le 2 août 2024.

Or, il ressort de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales qui dispose que Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent, qu'une réclamation assortie d'une demande de sursis a pour effet de suspendre l'exigibilité de la créance.

Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal a fixé à 18 mois, antérieurement au prononcé du jugement, la date de cessation des paiements, soit au 28 juillet 2023, compte tenu du rapport d'enquête au titre d'une dette fiscale exigible.

Aussi, convient-il d'infirmer le jugement en ce qu'il a ainsi fixé la date de cessation des paiements.

Statuant à nouveau, la cour fixera la date de cessation des paiements de la SIFI au 5 août 2024, laquelle correspond à la date de signification du jugement du 27 juin 2024 ayant fait droit aux demandes de l'AGRASC pour la somme de 101 399,57, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, eux-mêmes portant intérêts au titre de la capitalisation de la capitalisation.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.

En outre, les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses seules dispositions frappées d'appel relatives à la date de cessation des paiements ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe la date de cessation des paiements de la Société d'Investissement France Immeuble (SIFI) au 5 août 2024 ;

Dit que dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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