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Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 26 septembre 2025, n° 23/04393

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/04393

26 septembre 2025

26/09/2025

ARRÊT N° 25/256

N° RG 23/04393

N° Portalis DBVI-V-B7H-P4PH

NB/ACP

Décision déférée du 16 Novembre 2023

Conseil de Prud'hommes

Formation paritaire de [Localité 13] (22/00709)

M. CALANDREAU

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me Mathilde [Localité 12]

Me Laurent SEYTE

Copie certifiée conforme délivrée

le

à

AGS-CGEA DE [Localité 13]

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE

DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [EV] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Mathilde SOLIGNAC de l'AARPI QUATORZE, avocate au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

S.E.L.A.R.L. [E] ET ASSOCIES

prise en la personne de Me [D] [S], es-qualité de liquidateur judiciaire de la S. A.R.L. LA BICYCLETTE JAUNE

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

AGS-CGEA DE [Localité 13]

[Adresse 6]

[Adresse 9]

[Localité 3]

Non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. GILLOIS-GHERA, président

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER et lors du délibéré : A.-C. PELLETIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. GILLOIS-GHERA, président, et par A.-C. PELLETIER, greffier de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [EV] [J] est associé avec MM. [O] [X], [E] [PB] et [M] [PB] au sein de la Sarl La Bicyclette Jaune, qui exerce une activité de restauration à Aussonne et a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 2 septembre 2019. Chacun des associés détient 25% du capital social.

M. [EV] [J] est par ailleurs immatriculé au répertoire des métiers depuis le 1er janvier 2013, son activité étant la fabrication de plats cuisinés sur les marchés.

Le restaurant 'La Bicyclette jaune' a ouvert le 19 septembre 2019. M. [J] y exerçant les fonctions de chef de cuisine jusqu'au 23 août 2020, date à laquelle il s'est retiré du projet.

Se prévalant de l'existence d'un contrat de travail, M. [J] a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 octobre 2021, demandé à la Sarl La Bicylette Jaune le règlement de ses salaires pour la période du 19 septembre 2019 au 23 août 2020. Il s'est heurté à un refus de la part de la société.

Par requête du 6 mai 2022, M. [EV] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse, afin d'entendre juger qu'il a exercé un emploi salarié de chef cuisinier au sein de la société du 19 septembre 2019 jusqu'au 23 août 2020, et d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 11 juillet 2022, tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl La Bicyclette Jaune, la Selarl [E] et associés, prise en la personne de Me [S], étant désignée en qualité de liquidateur.

Par jugement du 16 novembre 2023, le conseil de prud'hommes de Toulouse, section Commerce, chambre 2, a :

- débouté Monsieur [J] [EV] de l'ensemble de ses demandes

- débouté Me [S] de la Sarl [E] et associés, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl La Bicyclette Jaune, de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [J] [EV] aux entiers dépens

Par déclaration du 19 décembre 2023, M. [EV] [J] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 5 décembre 2023, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 15 mars 2024, M. [EV] [J] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

* l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

* l'a condamné aux entiers dépens.

- statuant à nouveau :

* juger que Monsieur [EV] [J] a exercé un emploi salarié au sein de la Sarl La Bicyclette Jaune du 19 septembre 2019 jusqu'au 23 août 2020 ;

* juger que Monsieur [EV] [J] occupait des fonctions de chef cuisinier, niveau IV, échelon 2, en référence à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 (IDCC 1979) ;

* juger que l'horaire de travail de Monsieur [EV] [J] était fixé à 169 heures mensuelles ;

* fixer le salaire de référence à la somme de 1.958,30 euros ;

En conséquence,

- fixer la créance de Monsieur [EV] [J] au passif de la société La Bicyclette Jaune aux sommes suivantes :

21.802,41 € brut à titre de rappel de salaire, outre la somme de 2.180,24 € au titre des congés payés y afférents, la somme de 2.600 € nette devant être déduite de ce montant par l'employeur, après s'être acquitté des cotisations sociales correspondantes ;

660,48 € au titre des heures supplémentaires réalisées, outre 66,05 € au titre des congés payés y afférents ;

2.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;

2.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'organisation de la visite médicale d'information et de prévention ;

11.749,80 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- condamner la Selarl [E] & Associes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société La Bicyclette Jaune à remettre à Monsieur [EV] [J] les bulletins pour toute la durée de travail, soit du 19 septembre 2019 au 23 août 2020 et ce, sous astreinte de 100 € par jours de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- condamner la Selarl [E] & Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société La Bicyclette Jaune au paiement la somme de 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- déclarer le jugement opposable à l'AGS.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 30 avril 2024, la Selarl [E] et associés demande à la cour de :

- juger que Monsieur [EV] [J] n'était pas salarié de la société La Bicyclette Jaune du 19 septembre 2019 au 23 août 2020.

* confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de [Localité 13] du 16 novembre 2023 en ce qu'il a débouté Monsieur [EV] [J] de l'ensemble de ses demandes.

* débouter Monsieur [EV] [J] de l'intégralité de ses prétentions.

- condamner Monsieur [EV] [J] au paiement de la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le CGEA-AGS de [Localité 13], régulièrement convoqué, a indiqué à la cour, par un courrier du 20 mars 2024, qu'il ne serait ni présent ni représenté.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 juin 2025.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'existence d'un contrat de travail liant les parties :

M. [J] soutient que nonobstant sa qualité d'associé au sein de la Sarl la Bicyclette Jaune, il exerçait une activité salariée à temps complet en qualité de chef de cuisine du restaurant ; qu'aucun contrat de travail n'a été établi, M. [J] ayant seulement perçu une somme globale de 2600 euros en trois versements distincts.

La Selarl [E] et associés, ès qualités de liquidateur de la Sarl La Bicyclette Jaune, conteste l'existence d'une relation salariale. Elle indique que dès l'ouverture du restaurant, il était décidé de limiter son activité au déjeuner, et qu'une serveuse a été embauchée à compter du 1er octobre 2019 ; que l'intervention de M. [J], lequel a continué à exercer son activité de vente et de restauration rapide sur les marchés, s'est passée au restaurant de manière ponctuelle, dans le domaine de la cuisine, M. [M] [PB], gérant de la société, s'occupant de la partie administrative, mais également de la caisse et du bar ; que M. [J] ne se trouvait pas dans un lien de subordination par rapport à la société ou la gérance du restaurant.

Sur ce :

Le contrat de travail se définit comme un accord entre un employeur et un salarié, établissant les conditions dans lesquelles le salarié s'engage à effectuer un travail sous la direction et l'autorité de l'employeur en contrepartie d'une rémunération.

Trois éléments caractérisent le contrat de travail :

- la fourniture d'un travail,

- le paiement d'une rémunération,

- l'existence d'un lien de subordination.

Une personne qui détient une part du capital social dans une entreprise peut cumuler les fonctions d'associé et de salarié au sein de cette même entreprise.

A l'appui de ses allégations, M. [J] verse aux débats :

- ses relevés de compte des mois de novembre, décembre 2019 et janvier 2020, sur lesquels figurent trois remises de chèques, pour un montant total de 2 600 euros (pièce n° 6) ;

- une attestation de Mme [G] [K], qui indique avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune avec son mari le 27 juillet 2020 à midi, et avoir vu M. [EV] [J] en qualité de chef de cuisine (pièce n° 11) ;

- une attestation de M. [HJ] [H], qui indique avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune à plusieurs reprises entre le mois de septembre 2019 et le mois d'août 2020, et y avoir vu un jour M. [DN] [J] qui est venu le servir en qualité de chef de cuisine (pièce n° 12) ;

- une attestation de M. [A] [B], qui indique avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune à plusieurs reprises entre le mois de septembre 2019 et le mois d'août 2020, et y avoir vu M. [DN] [J] en qualité de chef de cuisine, lequel venait saluer les clients (pièce n° 13) ;

- une attestation de M. [C] [T], qui indique avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune à plusieurs reprises entre le mois de septembre 2019 et le mois d'août 2020, et y avoir vu M. [DN] [J] en qualité de chef de cuisine, lequel venait saluer les clients (pièce n° 14) ;

- une attestation de M. [W] [Y], qui indique bien connaître M. [J], qui aurait vendu sa place au marché de [Localité 10] pour travailler à plein temps en qualité de cuisinier au sein du restaurant La Bicyclette Jaune ; qu'il y a déjeuné à plusieurs reprises, et a toujours vu M. [J], en tenue de chef cuisinier (pièce n° 15) ;

- une attestation de Mme [GC] [BH], qui indique avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune au mois d'octobre 2019 avec son compagnon, et que M. [J] est venu les saluer en fin de repas (pièce n° 16) ;

- deux attestations de M. [U] [F] et de son épouse, qui indiquent avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune à plusieurs reprises entre le mois de septembre 2019 et le mois de mars 2020, et y avoir vu M. [DN] [J] en qualité de chef de cuisine, lequel lui a présenté ses associés et venait saluer les clients (pièces n° 17et 19) ;

- une attestation de M. [I] [N], qui indique avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune à plusieurs reprises entre le mois d'octobre 2019 et le mois de juin 2020, et y avoir vu M. [DN] [J] en qualité de chef de cuisine, lequel venait saluer les clients ; que [EV] lui avait dit à l'époque qu'il était partenaire dans ce restaurant nouvellement créé (pièce n° 18) ;

- une attestation de M. [L] [R], qui indique que M. [J] a exercé au restaurant La Bicyclette Jaune Ausonne ; qu'il l'a croisé très tôt le matin alors qu'il faisait ses achats (pièce n° 20) ;

- une attestation de Mme [P] [V], épouse [Z] et de son mari, qui indiquent avoir mangé au restaurant La Bicyclette Jaune à plusieurs reprises entre le mois de septembre 2019 et le mois d'août 2020, et y avoir vu M. [DN] [J] en qualité de chef de cuisine, lequel venait saluer les clients ; qu'en leur qualité de producteur de légumes, ils ont fourni le restaurant pendant plusieurs mois (pièces n° 21 et 22) ;

- le menu du restaurant, auquel est annexé un commentaire qui annonce que : 'A la Bicyclette Jaune, c'est M. [J] qui vous concoctera ses plats du midi... Dans l'univers de M. [J], on trouve le comédien de théâtre, le rugbyman, le jongleur de casserole, le ramasseur de champignons...Un artiste plein de passion ne peut s'appliquer qu'à une jolie cuisine...'(pièce n° 23).

- une attestation de M. [ZJ], qui indique avoir acheté à M. [J] les emplacements des marchés de [Localité 11] et d'[Localité 7] au mois d'octobre 2019, pour le prix de 3 000 euros (pièce n° 29) ;

- une attestation de Mme [SP] [IR], serveuse du restaurant, qui indique que dès son entrée dans l'établissement en septembre 2019, M. [J] était présent, occupant le poste de chef de cuisine sur tous les services (pièce n° 31) ;

- des attestations concordantes de clients et fournisseurs du restaurant, qui attestent de la présence de M [J] sur le site, en qualité de chef cuisinier, entre le mois de septembre 2019 et le mois d'août 2020 (pièces n° 32 à 38).

Au vu de l'ensemble de ces pièces, il n'est pas contestable que M. [EV] [J] a exercé au sein du restaurant La Bicyclette jaune en qualité de chef cuisinier du mois de septembre 2019 au mois de septembre 2020, à l'exception de la période de confinement liée à l'épidémie de COVID 19. Ce faisant, il ressort de l'ensemble des pièces susvisées qu'il se présentait comme le patron du restaurant : en témoignent le menu et ses commentaires, ainsi que les attestations des époux [F] qui mentionnent la présentation par M. [J] de ses 'associés' et non de ses employeurs.

Il ressort en outre des propres pièces de l'appelant, et notamment d'un courrier de son conseil du 22 novembre 2021 (pièce n° 10), que la somme de 2 600 euros perçue par M. [J] en trois versements aux mois de novembre, décembre 2019 et janvier 2020 correspond non pas à une rémunération, mais à un remboursement de son compte courant d'associé.

Compte tenu de l'ensemble des observations qui précèdent, et des motifs pertinents des premiers juges, qui ont relevé que M. [J] exerçait ses fonctions en parfaite autonomie et ne démontrait pas l'existence d'un lien de subordination, il y a lieu de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

- Sur les demandes annexes :

M. [EV] [J], qui succombe, sera condamné aux dépens de l'appel et débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Aucune circonstance particulière d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Selarl [E] et associés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse le 16 novembre 2023.

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [EV] [J] aux dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par C. GILLOIS-GHERA, président, et par A.-C. PELLETIER, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

A.-C. PELLETIER C. GILLOIS-GHERA

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