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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 2, 25 septembre 2025, n° 24/04030

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/04030

25 septembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 25/09/2025

****

N° de MINUTE :

N° RG 24/04030 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VXPY

Ordonnance de référé (N° 24/00054)

rendue le 1er août 2024 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

La SA Allianz IARD

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Alice Dhonte, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [I] [K]

né le 27 juillet 1977 à [Localité 8]

Madame [F] [B] épouse [K]

née le 25 avril 1977 à [Localité 12]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentés par Me Marine Croquelois, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Monsieur [M] [T]

né le 02 mars 1979 à [Localité 11]

Madame [W] [E] épouse [T]

née le 02 Janvier 1981 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentés par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 20 mai 2025, tenue par Carole Van Goetsenhoven magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Véronique Galliot, conseiller

Carole Van Goetsenhoven, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 Avril 2025

****

EXPOSE DU LITIGE

M. et Mme [K] sont propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 5] à [Localité 9], dont étaient précédemment propriétaires M. et Mme [T], ces derniers ayant fait réaliser la construction de cette maison, dont la réalisation des fondations et de la dalle basse avait alors été confiée à la société Construb, assurée auprès de la société Allianz Iard.

Se plaignant d'infiltrations par les cabines de douche et de la dégradation de la chape du carrelage, M. et Mme [K] ont attrait M. et Mme [T] et la société Allianz Iard devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque, lequel a, par ordonnance du 3 décembre 2020, fait droit à leur demande d'expertise confiée à Mme [S], laquelle a déposé son rapport le 30 janvier 2023.

Par exploits en date des 19 et 20 février 2024, M. et Mme [K] ont attrait M. et Mme [T], la société Sobanet venant aux droits de la société Construb, et la société Allianz Iard devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins d'obtenir des condamnations à titre provisionnel.

Par ordonnance en date du 1er août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque a :

- constaté le désistement d'instance de M. et Mme [K] à l'égard de la société Construb devenue Sobanet,

- condamné M. et Mme [T] à payer à M. et Mme [K] à titre provisionnel la somme de 20 229 euros au titre des travaux de réfection des douches situées au 1er étage de l'immeuble,

- condamné M. et Mme [T] et la société Allianz Iard in solidum à payer à M. et Mme [K] la somme de 40 000 euros à titre provisionnel au titre des travaux de reprise consécutifs au dysfonctionnement du réseau d'égouttage, des frais de maîtrise d''uvre et de souscription d'une assurance dommages-ouvrage,

- débouté M. et Mme [T] de leur demande tendant à laisser à la charge exclusive de la société Allianz Iard le paiement de la provision pour l'indemnisation des travaux de reprise des réseaux réalisés partiellement par son assurée,

- rejeté la demande de garantie formée par la société Allianz Iard à l'encontre de M. et Mme [T],

- condamné M. et Mme [T] et la société Allianz Iard in solidum à payer à M. et Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Allianz de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné provisionnellement M. et Mme [T] et la société Allianz aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 14 août 2024, la société Allianz Iard a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- condamné M. et Mme [T] et la société Allianz Iard in solidum à payer à M. et Mme [K] la somme de 40 000 euros à titre provisionnel,

- condamné M. et Mme [T] et la société Allianz in solidum à payer à M. et Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouté la société Allianz de sa demande de garantie dirigée contre M. et Mme [T],

- débouté la société Allianz de sa demande d'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 30 octobre 2024, la société Allianz Iard demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :

* condamné M. et Mme [T] et la société Allianz Iard in solidum à payer à M. et Mme [K] la somme de 40 000 euros à titre provisionnel,

* condamné M. et Mme [T] et la société Allianz Iard in solidum à payer à M. et Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens,

* a débouté la société Allianz Iard de sa demande de garantie dirigée contre M. et Mme [T],

* a débouté la société Allianz Iard de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

- débouter M. et Mme [K] de toute demande dirigée contre la société Allianz supérieure à 26 436,60 euros,

- condamner M. et Mme [T] à garantir et relever indemne la société Allianz Iard pour toute condamnation prononcée contre elle au-delà de ces 26 436,60 euros et pour les frais et dépens,

- condamner toute partie succombante à payer à la société Allianz Iard la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir l'existence d'une contestation sérieuse en ce que le premier juge a considéré que les désordres affectant les canalisations sous dalle et ceux affectant les canalisations extérieures participaient à un même dommage, à savoir un défaut d'évacuation des eaux usées, alors que la jurisprudence oblige à démontrer, pour pouvoir condamner in solidum différents intervenants à l'acte de construire, qu'ils ont par leurs fautes respectives contribué de manière indissociable à la survenance d'un même dommage. Elle relève que le rapport d'expertise mentionne cinq désordres différents en précisant les imputabilités pour chacun d'eaux et sans retenir de responsabilité partagée. Elle en déduit que les préjudices subis par M. et Mme [K] sont distincts et doivent donc faire l'objet d'une réparation indépendante, de sorte qu'une condamnation in solidum ne peut être prononcée et que sa part ne peut excéder la somme de 26 436,60 euros au regard des conclusions de l'expert.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées électroniquement le 2 octobre 2024, M. et Mme [T] demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter toute partie de leurs demandes, fins et conclusions tendant à la condamnation de M. et Mme [T] aux frais irrépétibles et dépens de la procédure d'appel,

- condamner la société Allianz Iard à une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Ils soutiennent qu'ils feront valoir un argumentaire au fond mais que, dans l'attente, ils demandent la confirmation de l'ordonnance sans reconnaissance de responsabilité. Ils considèrent que M. et Mme [K] ont distingué leurs demandes entre les désordres de la salle de bains, une provision ayant été sollicitée en première instance contre M. et Mme [T] seulement, et les autres postes de préjudice (recours à une maîtrise d''uvre, souscription d'une assurance dommages-ouvrage, reprise du dysfonctionnement des réseaux d'égouttage) pour lesquels tous les intervenants à la construction ont contribué.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 11 octobre 2024, M. et Mme [K] demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la société Allianz Iard de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre M. et Mme [K],

Y ajoutant,

- condamner la société Allianz Iard à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens d'appel.

Ils soutiennent que la provision contestée par la société Allianz Iard a été octroyée au titre du dysfonctionnement du réseau d'égouttage intérieur et extérieur que l'expert a imputé à des défauts de mise en 'uvre au moment de l'exécution des travaux, notamment s'agissant de plusieurs contre-pentes, de perforations de canalisation et de défauts d'emboitement, présence de bouchons ou déformation de canalisation, qu'il impute à la société Construb pour le réseau intérieur et à la société Maes TP pour les travaux confiés par M. et Mme [T], de sorte qu'il existe bien des fautes ayant concourus de manière indissociable à la survenance d'un même dommage.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de provision

En vertu de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, il est opportun de rappeler que le juge des référés n'a pas le pouvoir de statuer au fond et qu'il appartient à la cour, statuant sur appel d'une ordonnance de référé, de déterminer si l'obligation fondant la demande de provision n'est pas sérieusement contestable.

Sur ce point, les éléments débattus devant le premier juge quant à la réception de l'ouvrage ne sont pas repris à hauteur d'appel, et le premier juge en a, en tout état de cause, fait une exacte appréciation en reprenant le rapport d'expertise judiciaire déterminant un achèvement des travaux au 25 octobre 2017 et un règlement des travaux par M. et Mme [T], qui ont ensuite pris possession des lieux. Il est également acquis que la notion d'ouvrage n'est pas contestée par les parties, tant devant le premier juge qu'à hauteur d'appel. Ces éléments caractérisent l'existence d'une obligation non sérieusement contestable, en application de la responsabilité décennale prévue par l'article 1792 du code civil.

La société Allianz Iard ne conteste d'ailleurs pas l'allocation de la provision mais son montant en soutenant qu'il n'est pas établi que les désordres affectant les canalisations sous dalle et ceux affectant les canalisations extérieures participaient à un même dommage.

Or, le rapport d'expertise détermine que les désordres du réseau d'égouttage sous dallage sont liés à des défauts de mises en 'uvre lors de l'exécution des travaux, étant observé que les canalisations sont encastrées sous le dallage et qu'elles ont été réalisées par la société Construb, assurée de la société Allianz Iard.

Il ressort également du rapport d'expertise que, s'agissant des désordres affectant le réseau d'égouttage extérieur, ceux-ci sont liés à un défaut de mise en 'uvre lors de l'exécution des travaux par l'entreprise Maes TP.

Dès lors, l'ouvrage est vraisemblablement affecté d'un désordre général d'évacuation des eaux usées résultant tant des travaux réalisés par la société Construb assurée auprès de la société Allianz Iard que de ceux réalisés par l'entreprise Maes TP mandatée par M. et Mme [T] qui ne contestent pas dans le cadre de la présente instance leur qualité de constructeur, les fautes imputables à chacun des constructeurs ayant ainsi contribué de manière indissociable à la survenance du même dommage de sorte qu'ils peuvent être condamnés in solidum à l'égard du maître de l'ouvrage.

La question de répartition de la charge définitive de la dette entre les codébiteurs tenus d'une dette commune est indifférente à l'issue du présent litige dès lors qu'il concerne une demande de provision formée par le maître de l'ouvrage à l'égard des intervenants à l'acte de construire.

La somme allouée à titre provisionnelle, à valoir sur les travaux de reprise consécutifs au dysfonctionnement du réseau d'égouttage, les frais de maîtrise d''uvre et de souscription d'une assurance dommages-ouvrage, est justifiée au regard du rapport d'expertise qui a procédé au chiffrage des travaux de reprise à hauteur de 34 210 euros et que la nature des travaux justifie le coût d'une maîtrise d''uvre et d'une assurance dommages-ouvrage, évalué par l'expert au regard des pièces produites par les parties à la somme de 4 505,90 euros.

Il s'ensuit que la décision entreprise doit être confirmée.

Sur l'appel en garantie formé par la société Allianz Iard à l'égard de M. et Mme [T]

Il est constant que les constructeurs obligés solidairement à la réparation d'un même dommage à l'égard du maître de l'ouvrage, ne sont tenus, dans leurs recours entre eux, que chacun pour leur part déterminée à proportion du degré de gravité des fautes respectives.

La société Allianz Iard soutient que M. et Mme [T] sont seuls responsables des désordres affectant l'étanchéité des douches et des dysfonctionnements des canalisations sous dallage, de sorte qu'elle demande leur garantie pour toute somme excédant celle de 26 436,60 euros.

Il lui appartient dès lors de caractériser l'obligation non sérieusement contestable qui pèserait sur M. et Mme [T], à son profit.

Elle prétend à cette fin qu'ils auraient confié le chantier des canalisations extérieures à une entreprise non assurée pour ces travaux, privant ainsi tant M. et Mme [K] que la société Allianz Iard d'un recours contre un assureur.

Ces éléments sont insuffisants pour caractériser, au regard des pouvoirs confiés au juge des référés et à la cour statuant en appel, une obligation non sérieusement contestable à la charge de M. et Mme [T], étant observé que ces derniers développent un argumentaire tendant à dénier l'existence d'une faute leur étant imputable et soutiennent qu'une attestation d'assurance leur a été présentée par la société Maes TP, ce débat relevant du juge du fond éventuellement saisi.

L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance entreprise doit être confirmée.

La société Allianz Iard sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à payer à M. et Mme [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer la même somme à M. et Mme [T].

La demande formée par la société Allianz Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque le 1er août 2024 en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la société Allianz Iard aux dépens ;

Condamne la société Allianz Iard à payer à M. [I] [K] et Mme [F] [B] épouse [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Allianz Iard à payer à M. [M] [T] et Mme [W] [E] épouse [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Allianz Iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Anaïs Millescamps

La présidente

Catherine Courteille

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