CA Paris, Pôle 4 - ch. 6, 26 septembre 2025, n° 24/20259
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/20259 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKO52
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 13 septembre 2024 - tribunal judiciaire de Paris - RG n° 23/01740
APPELANTE
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS en qualité d'assureur de la société ETF INGENIERIE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substitué à l'audience par Me Morgane TANGUY, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre
Mme Laura TARDY, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sylvie DELACOURT, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et parClément COLIN, greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En 2009, le centre hospitalier de [Localité 6] (68) a entrepris une opération de restructuration d'une partie de ses bâtiments et la construction d'un bâtiment neuf.
Pour les besoins de l'opération le centre hospitalier a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Allianz.
Sont notamment intervenus à l'opération :
- un groupement solidaire pour la maîtrise d''uvre dont la société Patrick Schweitzer et associés est mandataire et au sein duquel la société ETF Ingénierie, bureau d'étude structure, est cotraitante, laquelle société a cessé son activité le 31 décembre 2012 et a été absorbée par la société en nom collectif Lavalin laquelle a été absorbée par la société Edeis,
- la société Stallini, titulaire du lot n°11- plomberie sanitaire.
Le 21 janvier 2013, la réception des travaux du lot 11 est intervenue avec réserves.
Des difficultés dans la levée des réserves sont survenues et des désordres ont été constatés avec un risque accru de prolifération bactérienne.
Le centre hospitalier de [Localité 6] a conclu un marché avec la société Génie Climatique de l'Est aux fins de réparation des désordres.
Par assignation du 22 mai 2014, la société Allianz a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg une mesure d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 3 juin 2014, M. [Y] a été désigné comme expert.
Le 16 avril 2015, l'expert a déposé son rapport d'expertise.
A la suite de nouvelles proliférations bactériennes, le centre hospitalier a déclaré un nouveau sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage et a sollicité une nouvelle mesure d'expertise judiciaire à la suite du refus de garantie exprimé par la société Allianz.
Par ordonnance du 14 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande et désigné M. [Z] en qualité d'expert.
Le 18 février 2021 l'expert a déposé son rapport.
Par acte du 23 janvier 2023, la société Allianz a assigné les sociétés MMA, en qualité d'assureur de la société Stallini, la société Dublimont venant aux droits de la société Equinox, en sa qualité d'assureur de la société Edeis, et la société MAF, en qualité d'assureur de la société ETF, aux droits et obligations de laquelle intervient la société Edeis aux fins de sursis à statuer dans l'attente de l'introduction et de l'issue de la procédure à venir par le centre hospitalier de [Localité 6].
Par ordonnance du 13 septembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes:
- Rejette la demande d'irrecevabilité ;
- Ordonne un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure à venir introduite par le centre hospitalier de Pfastatt à l'encontre de la société Allianz devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
- Réserve les dépens ;
- Renvoie le dossier et les parties à l'audience de mise en état du 25 octobre 2024 à 9h30 pour avis des parties sur un retrait du rôle ; en l'absence d'opposition celui-ci sera ordonné.
Par déclaration en date du 28 novembre 2024, la société MAF a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Allianz.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique du 11 juin 2025, la société MAF demande à la cour de :
- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté l'irrecevabilité soulevée par la société MAF ;
- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé le sursis à statuer ;
Statuant de nouveau :
- Rejeter l'action de la société Allianz à l'encontre de la société MAF, comme étant irrecevable :
- pour défaut d'intérêt à agir,
- pour défaut de qualité à agir en défense de la société MAF ;
En conséquence,
- Débouter la société Allianz de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Allianz à payer à la société MAF la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2025, la société Allianz demande à la cour de :
Sur l'appel formé par la société MAF :
- Juger l'appel formé par la société MAF irrecevable et en tout état de cause mal fondé ;
- Confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en date du 13 septembre 2024 dans l'intégralité de ses dispositions ;
Par conséquent, statuant à nouveau,
- Rejeter la demande d'irrecevabilité formée par la société MAF ;
- Ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure à venir introduite par le centre hospitalier de Pfastatt à l'encontre de la société Allianz devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
En tout état de cause :
- Débouter la société MAF de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner la société MAF à verser à la société Allianz la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société MAF à l'intégralité des dépens dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 12 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Allianz en qualité d'assureur DO pour défaut d'intérêt à agir
Moyens des parties
La société MAF fait valoir que la société Allianz n'a pas qualité à agir à son encontre. Elle soutient que la société Allianz n'avait pas un intérêt né et actuel au moment de son action introductive d'instance et qu'elle n'est pas recevable à engager une action préventive dès lors qu'elle n'a pas été assignée par le maître d'ouvrage.
Elle indique que la société Allianz est intervenue dans la procédure initiée par la société Stallini devant le tribunal administratif de Strasbourg dans le cadre de laquelle elle a obtenu la condamnation de celle-ci à lui verser 128 786,14 euros. Elle ajoute que la société Stallini a fait appel de cette décision.
Elle indique encore que le maître d'ouvrage qui a interrompu le délai à l'encontre des constructeurs n'a pas engagé d'action depuis le 18 février 2021, date du dépôt du rapport de l'expert désigné par le juge des référé administratif.
La société Allianz soutient que le centre hospitalier de [Localité 6] a interrompu la forclusion à l'égard des locateurs d'ouvrages mais pas de leurs assureurs et que son action vise à mettre en cause les assureurs concernés pour sécuriser ses recours. Elle ajoute qu'elle a été assignée par le maître d'ouvrage en référé administratif aux fin de provision d'un montant de 25 800 euros et qu'elle a été condamnée à hauteur de 8 600 euros.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article L241-2 du code des assurances, celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait. Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente.
Aux termes de l'article L121-12 du code des assurances, dans sa version en vigueur du 21 juillet 1976 au 25 juin 2025, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur. Par dérogation aux dispositions précédentes, l'assureur n'a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l'assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes.
L'assureur dommages-ouvrage peut assigner en recours subrogatoire les responsables ou leurs assureurs avant d'avoir payé mais il n'est recevable à solliciter une condamnation du responsable que lorsqu'il était subrogé dans les droits de son assuré, c'est-à-dire quand il avait procédé au règlement qui devait intervenir dans le délai décennal (3ème Civ., 10 décembre 2003, pourvoi n° 01-00.614, Bulletin civil 2003, III, n° 225, 3ème Civ., 7 avril 2015, pourvoi n° 14-12.212).
En l'espèce, la réception des travaux a été prononcée avec réserves le 21 janvier 2023 et le 23 janvier 2023, la société Allianz a fait assigner, en qualité d'assureur DO, à titre conservatoire la société MAF en qualité d'assureur de la société ETF aux droits et obligations de laquelle intervient la société Edeis, la société Dublimont aux droits de laquelle la société Equinox-CA Europe Limited en qualité d'assureur de la société Edeis, la société Mutuelle du Mans en qualité d'assureur de la société Stallini.
A cette date, la société Allianz ne justifiait pas du préfinancement des travaux, ni de sa mise en cause judiciaire par le maître d'ouvrage. Elle justifie néanmoins d'un intérêt à agir qu'elle a précédemment manifesté en sollicitant une mesure d'expertise qu'elle a obtenue par ordonnance du 3 juin 2014 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg.
Elle a également été destinataire de la requête en référé administratif du centre hospitalier de [Localité 6] du 14 juin 2018 ayant abouti à la désignation de M. [Z].
Elle justifie ainsi de son intérêt à préserver ses droits à recours.
La société MAF a également soulevé le défaut de qualité à agir de la société Allianz, mais n'a pas développé dans ses écritures de moyen de droit et /ou de fait à ce titre.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu'il rejette la demande d'irrecevabilité de la société MAF pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.
Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Allianz en qualité d'assureur DO pour défaut de qualité à défendre de la société MAF
Moyens des parties
La société MAF soutient qu'elle n'a pas qualité à défendre dès lors qu'il a été statué définitivement sur l'absence de responsabilité de la société Edeis dans le cadre de la procédure engagée par la société Stallini devant le juge administratif contre le centre hospitalier [Localité 6] et dans laquelle la société Allianz est intervenue volontairement ; le juge administratif ayant statué sur les désordres.
Elle ajoute que la société Stallini a fait appel de cette décision et a appelé en cause d'appel la société Edeis et que la cour administrative d'appel de [Localité 5] a confirmé la décision qui n'a retenu que la responsabilité de la société Stallini. Cet arrêt est devenu exécutoire.
En l'absence d'intérêt à agir du centre hospitalier de [Localité 6] à l'égard de son assurée, la société MAF justifie de l'absence de qualité à défendre son assurée dans le cadre d'un éventuel recours subrogatoire de la société Allianz à son égard.
Subsidiairement, elle soutient qu'elle n'a pas qualité à agir même dans l'hypothèse où la cour reconnaitrait qu'il n'a pas été statué définitivement sur la responsabilité de la société Edeis en ce que les désordres consécutifs aux travaux de reprise relèvent de la société Lavalin absorbée par la société Edeis et que la responsabilité décennale souscrite par la société absorbante n'a pas vocation à couvrir, sauf stipulation contraire acceptée par l'assureur, la responsabilité décennale de la société absorbée du chef des travaux réalisés par celle-ci antérieurement à la fusion absorption.
La société Allianz soutient que les juridictions administratives n'ont pas statué sur les responsabilités s'agissant des désordres postérieurs consécutifs aux analyses de décembre 2016, janvier et mars 2017 et qui proviennent des travaux de reprise. Elle fait valoir que l'expert judiciaire M. [Z] dans son rapport du 18 février 2021, met une responsabilité importante à la charge de la société Edeis dans le cadre de la nouvelle conception sur existants et estime les travaux de reprise nécessaires à 330 600 euros TTC.
Elle ajoute que l'arrêt dont se prévaut la société MAF pour exclure la responsabilité de la société Edeis a son fondement dans le rapport de M. [Z] du 15 décembre 2020 et non dans celui du 18 février 2021.
Elle ajoute qu'il appartient au juge du fond de statuer sur la mobilisation des garanties assurantielles dans le cadre de la fusion-absorption.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En opposant à la société Allianz les dispositions du jugement rendu le 6 février 2019 par le tribunal administratif de Strasbourg, confirmées en appel par arrêt du 14 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy, selon lesquelles la responsabilité de son assuré a été écartée, la société MAF n'oppose pas à la sté Allianz une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, mais tirée de l'autorité de chose jugée de ce jugement.
En l'espèce, la société MAF produit l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 juin 2022 rendue sur recours du jugement du 6 février 2019 du tribunal administratif de Strasbourg.
Cet arrêt ne statue pas sur la responsabilité de la société Edeis laquelle a d'ailleurs conclu qu'elle était extérieure au litige entre le maître d'ouvrage et la société Stallini portant sur le décompte générale et les pénalités de retard du marché de restructuration initial.
Cet arrêt mentionne uniquement le rapport de l'expert judiciaire du 15 décembre 2020.
Par conséquent, la décision n'ayant pas écarté la responsabilité de la société Edeis, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée sera rejetée.
La société MAF ne conteste pas être l'assureur de la société ETF mais discute en réalité non sa qualité à défendre, mais l'application du contrat d'assurance conclu avec la société ETF Ingenierie, son assurée à des désordres imputés à la société Edeis qui a absorbé la société Lavalin, elle-même ayant absorbé la société ETF Ingenierie le 1er janvier 2013, ce qui est une question de fond et non de qualité à agir.
Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée à titre subsidiaire sera rejetée.
La décision sera donc confirmée en ce qu'elle rejette les fins de non-recevoir de la société MAF.
Sur le sursis à statuer
La société MAF soulève l'infirmation de la décision concernant le sursis à statuer en cas d'infirmation de la décision.
Compte tenu de la confirmation de la décision et du rejet de l'irrecevabilité soulevée au titre du défaut de qualité à défendre de la société MAF, la cour n'a pas à revenir sur la décision de sursis à statuer prononcée par le juge de la mise en état.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la société MAF, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Allianz, la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l'ordonnance en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Mutuelle des Architectes Français (MAF) aux dépens d'appel ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mutuelle des Architectes Français (MAF) et la condamne à payer à la société Allianz la somme de 3 000 euros.
Le greffier, La présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/20259 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKO52
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 13 septembre 2024 - tribunal judiciaire de Paris - RG n° 23/01740
APPELANTE
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS en qualité d'assureur de la société ETF INGENIERIE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substitué à l'audience par Me Morgane TANGUY, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre
Mme Laura TARDY, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sylvie DELACOURT, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et parClément COLIN, greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En 2009, le centre hospitalier de [Localité 6] (68) a entrepris une opération de restructuration d'une partie de ses bâtiments et la construction d'un bâtiment neuf.
Pour les besoins de l'opération le centre hospitalier a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Allianz.
Sont notamment intervenus à l'opération :
- un groupement solidaire pour la maîtrise d''uvre dont la société Patrick Schweitzer et associés est mandataire et au sein duquel la société ETF Ingénierie, bureau d'étude structure, est cotraitante, laquelle société a cessé son activité le 31 décembre 2012 et a été absorbée par la société en nom collectif Lavalin laquelle a été absorbée par la société Edeis,
- la société Stallini, titulaire du lot n°11- plomberie sanitaire.
Le 21 janvier 2013, la réception des travaux du lot 11 est intervenue avec réserves.
Des difficultés dans la levée des réserves sont survenues et des désordres ont été constatés avec un risque accru de prolifération bactérienne.
Le centre hospitalier de [Localité 6] a conclu un marché avec la société Génie Climatique de l'Est aux fins de réparation des désordres.
Par assignation du 22 mai 2014, la société Allianz a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg une mesure d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 3 juin 2014, M. [Y] a été désigné comme expert.
Le 16 avril 2015, l'expert a déposé son rapport d'expertise.
A la suite de nouvelles proliférations bactériennes, le centre hospitalier a déclaré un nouveau sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage et a sollicité une nouvelle mesure d'expertise judiciaire à la suite du refus de garantie exprimé par la société Allianz.
Par ordonnance du 14 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande et désigné M. [Z] en qualité d'expert.
Le 18 février 2021 l'expert a déposé son rapport.
Par acte du 23 janvier 2023, la société Allianz a assigné les sociétés MMA, en qualité d'assureur de la société Stallini, la société Dublimont venant aux droits de la société Equinox, en sa qualité d'assureur de la société Edeis, et la société MAF, en qualité d'assureur de la société ETF, aux droits et obligations de laquelle intervient la société Edeis aux fins de sursis à statuer dans l'attente de l'introduction et de l'issue de la procédure à venir par le centre hospitalier de [Localité 6].
Par ordonnance du 13 septembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes:
- Rejette la demande d'irrecevabilité ;
- Ordonne un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure à venir introduite par le centre hospitalier de Pfastatt à l'encontre de la société Allianz devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
- Réserve les dépens ;
- Renvoie le dossier et les parties à l'audience de mise en état du 25 octobre 2024 à 9h30 pour avis des parties sur un retrait du rôle ; en l'absence d'opposition celui-ci sera ordonné.
Par déclaration en date du 28 novembre 2024, la société MAF a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Allianz.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique du 11 juin 2025, la société MAF demande à la cour de :
- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté l'irrecevabilité soulevée par la société MAF ;
- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé le sursis à statuer ;
Statuant de nouveau :
- Rejeter l'action de la société Allianz à l'encontre de la société MAF, comme étant irrecevable :
- pour défaut d'intérêt à agir,
- pour défaut de qualité à agir en défense de la société MAF ;
En conséquence,
- Débouter la société Allianz de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Allianz à payer à la société MAF la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2025, la société Allianz demande à la cour de :
Sur l'appel formé par la société MAF :
- Juger l'appel formé par la société MAF irrecevable et en tout état de cause mal fondé ;
- Confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en date du 13 septembre 2024 dans l'intégralité de ses dispositions ;
Par conséquent, statuant à nouveau,
- Rejeter la demande d'irrecevabilité formée par la société MAF ;
- Ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure à venir introduite par le centre hospitalier de Pfastatt à l'encontre de la société Allianz devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
En tout état de cause :
- Débouter la société MAF de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner la société MAF à verser à la société Allianz la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société MAF à l'intégralité des dépens dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 12 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Allianz en qualité d'assureur DO pour défaut d'intérêt à agir
Moyens des parties
La société MAF fait valoir que la société Allianz n'a pas qualité à agir à son encontre. Elle soutient que la société Allianz n'avait pas un intérêt né et actuel au moment de son action introductive d'instance et qu'elle n'est pas recevable à engager une action préventive dès lors qu'elle n'a pas été assignée par le maître d'ouvrage.
Elle indique que la société Allianz est intervenue dans la procédure initiée par la société Stallini devant le tribunal administratif de Strasbourg dans le cadre de laquelle elle a obtenu la condamnation de celle-ci à lui verser 128 786,14 euros. Elle ajoute que la société Stallini a fait appel de cette décision.
Elle indique encore que le maître d'ouvrage qui a interrompu le délai à l'encontre des constructeurs n'a pas engagé d'action depuis le 18 février 2021, date du dépôt du rapport de l'expert désigné par le juge des référé administratif.
La société Allianz soutient que le centre hospitalier de [Localité 6] a interrompu la forclusion à l'égard des locateurs d'ouvrages mais pas de leurs assureurs et que son action vise à mettre en cause les assureurs concernés pour sécuriser ses recours. Elle ajoute qu'elle a été assignée par le maître d'ouvrage en référé administratif aux fin de provision d'un montant de 25 800 euros et qu'elle a été condamnée à hauteur de 8 600 euros.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article L241-2 du code des assurances, celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait. Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente.
Aux termes de l'article L121-12 du code des assurances, dans sa version en vigueur du 21 juillet 1976 au 25 juin 2025, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur. Par dérogation aux dispositions précédentes, l'assureur n'a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l'assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes.
L'assureur dommages-ouvrage peut assigner en recours subrogatoire les responsables ou leurs assureurs avant d'avoir payé mais il n'est recevable à solliciter une condamnation du responsable que lorsqu'il était subrogé dans les droits de son assuré, c'est-à-dire quand il avait procédé au règlement qui devait intervenir dans le délai décennal (3ème Civ., 10 décembre 2003, pourvoi n° 01-00.614, Bulletin civil 2003, III, n° 225, 3ème Civ., 7 avril 2015, pourvoi n° 14-12.212).
En l'espèce, la réception des travaux a été prononcée avec réserves le 21 janvier 2023 et le 23 janvier 2023, la société Allianz a fait assigner, en qualité d'assureur DO, à titre conservatoire la société MAF en qualité d'assureur de la société ETF aux droits et obligations de laquelle intervient la société Edeis, la société Dublimont aux droits de laquelle la société Equinox-CA Europe Limited en qualité d'assureur de la société Edeis, la société Mutuelle du Mans en qualité d'assureur de la société Stallini.
A cette date, la société Allianz ne justifiait pas du préfinancement des travaux, ni de sa mise en cause judiciaire par le maître d'ouvrage. Elle justifie néanmoins d'un intérêt à agir qu'elle a précédemment manifesté en sollicitant une mesure d'expertise qu'elle a obtenue par ordonnance du 3 juin 2014 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg.
Elle a également été destinataire de la requête en référé administratif du centre hospitalier de [Localité 6] du 14 juin 2018 ayant abouti à la désignation de M. [Z].
Elle justifie ainsi de son intérêt à préserver ses droits à recours.
La société MAF a également soulevé le défaut de qualité à agir de la société Allianz, mais n'a pas développé dans ses écritures de moyen de droit et /ou de fait à ce titre.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu'il rejette la demande d'irrecevabilité de la société MAF pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.
Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Allianz en qualité d'assureur DO pour défaut de qualité à défendre de la société MAF
Moyens des parties
La société MAF soutient qu'elle n'a pas qualité à défendre dès lors qu'il a été statué définitivement sur l'absence de responsabilité de la société Edeis dans le cadre de la procédure engagée par la société Stallini devant le juge administratif contre le centre hospitalier [Localité 6] et dans laquelle la société Allianz est intervenue volontairement ; le juge administratif ayant statué sur les désordres.
Elle ajoute que la société Stallini a fait appel de cette décision et a appelé en cause d'appel la société Edeis et que la cour administrative d'appel de [Localité 5] a confirmé la décision qui n'a retenu que la responsabilité de la société Stallini. Cet arrêt est devenu exécutoire.
En l'absence d'intérêt à agir du centre hospitalier de [Localité 6] à l'égard de son assurée, la société MAF justifie de l'absence de qualité à défendre son assurée dans le cadre d'un éventuel recours subrogatoire de la société Allianz à son égard.
Subsidiairement, elle soutient qu'elle n'a pas qualité à agir même dans l'hypothèse où la cour reconnaitrait qu'il n'a pas été statué définitivement sur la responsabilité de la société Edeis en ce que les désordres consécutifs aux travaux de reprise relèvent de la société Lavalin absorbée par la société Edeis et que la responsabilité décennale souscrite par la société absorbante n'a pas vocation à couvrir, sauf stipulation contraire acceptée par l'assureur, la responsabilité décennale de la société absorbée du chef des travaux réalisés par celle-ci antérieurement à la fusion absorption.
La société Allianz soutient que les juridictions administratives n'ont pas statué sur les responsabilités s'agissant des désordres postérieurs consécutifs aux analyses de décembre 2016, janvier et mars 2017 et qui proviennent des travaux de reprise. Elle fait valoir que l'expert judiciaire M. [Z] dans son rapport du 18 février 2021, met une responsabilité importante à la charge de la société Edeis dans le cadre de la nouvelle conception sur existants et estime les travaux de reprise nécessaires à 330 600 euros TTC.
Elle ajoute que l'arrêt dont se prévaut la société MAF pour exclure la responsabilité de la société Edeis a son fondement dans le rapport de M. [Z] du 15 décembre 2020 et non dans celui du 18 février 2021.
Elle ajoute qu'il appartient au juge du fond de statuer sur la mobilisation des garanties assurantielles dans le cadre de la fusion-absorption.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En opposant à la société Allianz les dispositions du jugement rendu le 6 février 2019 par le tribunal administratif de Strasbourg, confirmées en appel par arrêt du 14 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy, selon lesquelles la responsabilité de son assuré a été écartée, la société MAF n'oppose pas à la sté Allianz une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, mais tirée de l'autorité de chose jugée de ce jugement.
En l'espèce, la société MAF produit l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 juin 2022 rendue sur recours du jugement du 6 février 2019 du tribunal administratif de Strasbourg.
Cet arrêt ne statue pas sur la responsabilité de la société Edeis laquelle a d'ailleurs conclu qu'elle était extérieure au litige entre le maître d'ouvrage et la société Stallini portant sur le décompte générale et les pénalités de retard du marché de restructuration initial.
Cet arrêt mentionne uniquement le rapport de l'expert judiciaire du 15 décembre 2020.
Par conséquent, la décision n'ayant pas écarté la responsabilité de la société Edeis, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée sera rejetée.
La société MAF ne conteste pas être l'assureur de la société ETF mais discute en réalité non sa qualité à défendre, mais l'application du contrat d'assurance conclu avec la société ETF Ingenierie, son assurée à des désordres imputés à la société Edeis qui a absorbé la société Lavalin, elle-même ayant absorbé la société ETF Ingenierie le 1er janvier 2013, ce qui est une question de fond et non de qualité à agir.
Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée à titre subsidiaire sera rejetée.
La décision sera donc confirmée en ce qu'elle rejette les fins de non-recevoir de la société MAF.
Sur le sursis à statuer
La société MAF soulève l'infirmation de la décision concernant le sursis à statuer en cas d'infirmation de la décision.
Compte tenu de la confirmation de la décision et du rejet de l'irrecevabilité soulevée au titre du défaut de qualité à défendre de la société MAF, la cour n'a pas à revenir sur la décision de sursis à statuer prononcée par le juge de la mise en état.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la société MAF, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Allianz, la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l'ordonnance en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Mutuelle des Architectes Français (MAF) aux dépens d'appel ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mutuelle des Architectes Français (MAF) et la condamne à payer à la société Allianz la somme de 3 000 euros.
Le greffier, La présidente,