CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 26 septembre 2025, n° 21/03762
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/182
Rôle N° RG 21/03762 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHDED
S.A.R.L. ETABLISSEMENT [C]
C/
[G] [P]
[I] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sylvie LANTELME
Me Isabelle FICI
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire de TOULON en date du 25 janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02555.
APPELANTE
S.A.R.L. ETABLISSEMENT [C] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 1]
représentée par Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉS
Monsieur [G] [P]
demeurant [Adresse 2]
Madame [I] [P]
demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistés de Me Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Annabelle COULIBALEY BONY THECOULAH, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TANGUY, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marianne FEBVRE, présidente,
Madame Béatrice MARS, conseillère,
Madame Florence TANGUY, conseillère rapporteure.
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2025.
Signé par Marianne FEBVRE, présidente et Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [G] et Mme [I] [P] ont acheté à la société Rali devenue Etablissement [C], revendeur de la marque Wanders, un insert foyer-poêle à granulés de marque [3] au prix de 8'962 euros suivant bon de commande du 25 juin 2014.
La société Rali a effectué la pose et l'installation comprenant la création des arrivées et distribution de l'air (bouches de soufflage et transport de l'air chaud par des gaines pré-isolées circulant dans les combles de la villa) dans le salon et trois chambres, la création d'un conduit de cheminée et d'un coffrage.
Reprochant des dysfonctionnements non résolus du dispositif de chauffage mis en place malgré les interventions de la société Rali, M. et Mme [P] ont sollicité par assignation du 30 mai 2016, l'instauration d'une mesure d'instruction, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance de référé du 7 octobre 2016, M. [X] étant désigné en qualité d'expert.
M. [X] a déposé son rapport le 18 mars 2018.
En lecture de rapport, M. et Mme [P] ont assigné l'Etablissement Raguet en paiement des travaux de reprise pour un montant de 21 000 euros, sollicitant en outre la réparation de leur préjudice de jouissance, de leur préjudice financier et de leur préjudice moral.
Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a':
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [G] [P] et à Mme [I] [P] la somme de 21 000 euros TTC au titre des travaux de reprise';
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [G] [P] et à Mme [I] [P] la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance';
- débouté M. [G] [P] et Mme [I] [P] de leurs plus amples demandes de dommages et intérêts';
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [G] [P] et à Mme [I] [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali aux dépens, distraits au profit de maître Virgile Reynaud.
Par déclaration du 12 mars 2021, la société Etablissement [C] venant aux droits de la société Rali, a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions remises au greffe le 17 septembre 2021, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 25 janvier 2021 en ce qu'il a condamné la société Etablissement [C] au paiement de :
* 21 000 euros au titre des travaux de reprise,
* 1 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- débouter M. et Mme [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions et de leur appel incident,
- condamner M. [G] [P] et Mme [I] [P] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [G] [P] et Mme [I] [P] aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de maître Sylvie Lantelme, avocat aux offres de droit.
Par conclusions remises au greffe le 22 juin 2021, et auxquelles il y a lieu de se référer, M. et Mme [P] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a condamné la société Etablissement [C] à payer la somme de 21 000 euros aux époux [P] au titre des travaux de reprise,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a limité à 1 000 euros la condamnation de la société Etablissement [C] au titre du préjudice de jouissance,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a rejeté la demande des époux [P] au titre du préjudice financier,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a rejeté la demande des époux [P] au titre du préjudice moral,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a limité à 1 500 euros la condamnation de la société Etablissement [C] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a condamné la société Etablissement [C] aux dépens,
- en tout état de cause, juger que la responsabilité de la SARL Rali aux droits de laquelle vient la SARL Etablissement [C] est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- subsidiairement, juger que la responsabilité de la SARL Rali aux droits de laquelle vient la SARL Etablissement [C] est engagée sur le fondement de l'article 1792-6 du code civil,
- encore plus subsidiairement, juger que la responsabilité de la SARL Rali aux droits de laquelle vient la SARL Etablissement [C] est engagée sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil,
- en tout état de cause,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 21 000 euros au titre des travaux nécessaires selon le rapport d'expertise judiciaire de M. [X],
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 1 725 euros en réparation du préjudice financier,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire distraits au profit de maître Virgile Reynaud, avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2025.
Motifs':
La société Etablissement [C] soutient que la défaillance ou le vice d'un élément d'équipement ne serait de nature à entrer dans le champ de l'article 1792 du code civil que si l'impropriété à destination causée par le désordre ou le dysfonctionnement de l'équipement affecte l'ouvrage dans sa globalité.
Elle conteste ainsi à la fois la qualification d'ouvrage retenue par le premier juge en ce qui concerne l'installation de chauffage et l'impropriété à destination de la maison dans son ensemble au motif que l'insert n'était pas destiné à chauffer les chambres mais qu'il devait être complété par un chauffage d'appoint indépendant.
Il ressort du bon de commande que M. [G] [P] et Mme [I] [P] ont commandé à la SARL Rali un insert foyer poêle à granulés installé dans leur salon avec antennes alimentant en air chaud les trois chambres par système de bouches de soufflage, l'air devant être insufflé par un ventilateur monté en série asservi au fonctionnement de l'insert.
Or l'expert judiciaire après avoir procédé à des mesures et calculs de la puissance de 1'insert et de la déperdition thermique dans les différentes pièces a conclu que':
- l'appareil n'assure le chauffage que dans la pièce dans laquelle il est installé,
- il n'est pas capable en l'état d'assurer le chauffage des trois pièces à sommeil.
Il note que':
- il existe de fortes pertes thermiques dans les réseaux circulant dans les combles,
- il existe des fuites de réseaux à hauteur de 6,5 % de la puissance totale fournie par l'appareil,
- si sa puissance théorique et mesurée est surdimensionnée par rapport aux besoins, sa puissance restituée est nettement inférieure aux données du constructeur.
Il explique que'le matériel censé envoyer de l'énergie dans les chambres n'est pas compatible avec l'insert d'un point de vue réglementaire compte tenu que les matériaux utilisés pour le transfert de l'énergie, leurs dimensions et leurs positions ne sont pas conformes à ce qui aurait dû être effectué. En effet, les conduits installés ne sont pas aux bonnes dimensions et sont constitués d'une matière non isolée, ce qui génère une perte d'énergie importante pendant le transport dans les combles. En outre les appareils nécessitant une maintenance sont installés dans des zones non accessibles sans démontage du toit. Au surplus le matériel installé n'est pas adapté car il s'agit d'un poêle à granulés et non d'un poêle fonctionnant à la combustion de bûches. Enfin les bouches de sortie d'air dans les chambres sont mal positionnées puisque situées au-dessus des portes des chambres et non de l'autre côté de la pièce pour balayer les pièces, leur positionnement favorisant ainsi un retour de l'air vers l'extérieur sans diffuser dans la pièce.
L'expert émet d'ailleurs l'hypothèse d'un écrasement des conduites dans les combles sans que cette hypothèse ait pu faire l'objet d'une vérification qui nécessitait de déposer l'ensemble des tuiles du toit.
Il convient de rappeler que l'installation du poêle à bois a consisté en son installation au sol mais aussi en la création de la sortie en toiture ainsi que dans l'implantation dans les combles de conduites d'air et dans la création de sorties d'air dans les chambres et que tout entretien ou toute reprise de ces conduites d'air dans les combles impose de démonter la totalité de la toiture.
Il en ressort que non seulement l'insert qui est un élément d'équipement est inadapté, mais que l'installation de chauffage comprend des conduites d'air dans les combles débouchant dans les chambres. L'ensemble de cette installation constitue donc un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.
Si l'expert relève que le poêle fonctionne et chauffe la pièce principale, il n'en reste pas moins que la vocation de l'installation était de chauffer aussi les chambres par un système de conduites d'air chaud puisque des conduites d'air, un système de ventilation et des sorties d'air dans ces pièces ont été réalisés à cette fin. Or ce système est défaillant en raison de la non-conformité aux règles de l'art des matériaux utilisés pour le transfert de l'énergie, de leurs dimensions et de leurs positions ainsi que de l'inadéquation de l'insert aux objectifs poursuivis.
Si l'installation n'était pas destinée à assurer le chauffage complet des chambres mais elle devait être complétée dans ces pièces par des chauffages d'appoint, il n'en reste pas moins que l'installateur a manqué à son obligation de délivrer une installation aux performances attendues, l'expert ayant constaté une absence totale de chauffage dans les chambres par le système d'insert.
Or, l'absence totale de chauffage dans les chambres rend l'ouvrage impropre à sa destination.
La société Etablissement [C] engage par conséquent sa responsabilité décennale.
L'expert préconise la mise en place d'un ventilateur relais ayant la capacité de combattre les pertes de charges liées à la longueur du réseau et qui serait compatible avec l'insert à granulés suivant la norme applicable. Il propose en outre d'alimenter chaque grille de soufflage individuellement par un conduit de diamètre 125 à partir d'un collecteur général de diamètre de 160 mm afin de limiter la perte de charge, cette installation nécessitant de créer un compartiment technique dans le compartiment existant comprenant le ventilateur relais et un collecteur recevant les trois départs des chambres.
L'expert détaille les travaux à réaliser sous forme de':
- dépose partielle de la toiture pour accès aux installations inaccessibles,
- dépose des matériels actuels et mise en décharge,
- mise en place d'un ventilateur relais adapté aux besoins et au matériel de production,
- création d'un compartiment technique permettant d'installer un ventilateur relais capable de combattre les pertes de charges des réseaux alimentant les chambres et d'un collecteur de soufflage,
- mise en place de 3 collecteurs isolés dans les combles inaccessibles,
- déplacement des bouches de soufflage pour que le flux d'air chaud de ces dernières puisse balayer les pièces distribuées,
- rebouchage des trous existants et reprise de peinture des plafonds des chambres,
- mise en route et essais,
- fermeture de la toiture par remise en place des tuiles.
Il chiffre l'ensemble de ces travaux à la somme de 21 000 euros TTC.
M. et Mme [P] ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice matériel et les travaux préconisés par l'expert judiciaire correspondant au coût des travaux nécessaires au fonctionnement normal de l'installation de chauffage défaillante, la société Etablissement [C] qui ne propose aucune autre solution technique et ne produit aucun devis, se contentant de critiquer les mesures proposées par l'expert au motif que le montant des travaux serait excessif, a été à bon droit condamnée à leur payer la somme de 21 000 euros correspondant au coût des travaux de remise en état des désordres.
M. et Mme [P] ont subi une absence totale de chauffage dans les chambres depuis la réalisation des travaux d'installation de chauffage en 2014/2015 jusqu'au jugement de janvier 2021. Quand bien même il s'agissait d'un chauffage insuffisant pour obtenir une température réglementaire dans les chambres et qu'il devait être complété par un chauffage d'appoint, l'absence totale d'efficacité de l'installation dans les chambres a causé à M. et Mme [P] un préjudice de jouissance qui, eu égard à sa durée, a justement été indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 3'000 euros.
M. et Mme [P] réclament l'octroi de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier. Ils font valoir qu'ils ont été contraints d'utiliser un chauffage complémentaire du fait des dysfonctionnements du système de chauffage installé par la SARL Rali pour une dépense supplémentaire de 575 euros par an.
Ils ne produisent cependant aucune facture justifiant de la consommation d'énergie dans les chambres, étant en outre précisé que des appareils complémentaires indépendants du chauffage à bois devaient être installés.
Le jugement qui les a déboutés de ce chef de demande sera donc confirmé.
M. et Mme [P] n'établissent pas la preuve d'avoir subi un préjudice moral indépendant de leur préjudice de jouissance, la société Rali étant intervenue à plusieurs reprises pour essayer de résoudre les difficultés et ayant mis en 'uvre des solutions, certes inefficaces, pour réparer les désordres. Ils seront par conséquent déboutés de leur demande en réparation d'un préjudice moral.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [P] les frais irrépétibles qu'il a exposés.
Par ces motifs':
La cour statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
Condamne la société Etablissement [C] à payer à M. [G] [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société Etablissement [C] aux dépens qui pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/182
Rôle N° RG 21/03762 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHDED
S.A.R.L. ETABLISSEMENT [C]
C/
[G] [P]
[I] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sylvie LANTELME
Me Isabelle FICI
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire de TOULON en date du 25 janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02555.
APPELANTE
S.A.R.L. ETABLISSEMENT [C] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 1]
représentée par Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉS
Monsieur [G] [P]
demeurant [Adresse 2]
Madame [I] [P]
demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistés de Me Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Annabelle COULIBALEY BONY THECOULAH, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TANGUY, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marianne FEBVRE, présidente,
Madame Béatrice MARS, conseillère,
Madame Florence TANGUY, conseillère rapporteure.
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2025.
Signé par Marianne FEBVRE, présidente et Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [G] et Mme [I] [P] ont acheté à la société Rali devenue Etablissement [C], revendeur de la marque Wanders, un insert foyer-poêle à granulés de marque [3] au prix de 8'962 euros suivant bon de commande du 25 juin 2014.
La société Rali a effectué la pose et l'installation comprenant la création des arrivées et distribution de l'air (bouches de soufflage et transport de l'air chaud par des gaines pré-isolées circulant dans les combles de la villa) dans le salon et trois chambres, la création d'un conduit de cheminée et d'un coffrage.
Reprochant des dysfonctionnements non résolus du dispositif de chauffage mis en place malgré les interventions de la société Rali, M. et Mme [P] ont sollicité par assignation du 30 mai 2016, l'instauration d'une mesure d'instruction, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance de référé du 7 octobre 2016, M. [X] étant désigné en qualité d'expert.
M. [X] a déposé son rapport le 18 mars 2018.
En lecture de rapport, M. et Mme [P] ont assigné l'Etablissement Raguet en paiement des travaux de reprise pour un montant de 21 000 euros, sollicitant en outre la réparation de leur préjudice de jouissance, de leur préjudice financier et de leur préjudice moral.
Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a':
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [G] [P] et à Mme [I] [P] la somme de 21 000 euros TTC au titre des travaux de reprise';
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [G] [P] et à Mme [I] [P] la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance';
- débouté M. [G] [P] et Mme [I] [P] de leurs plus amples demandes de dommages et intérêts';
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [G] [P] et à Mme [I] [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali aux dépens, distraits au profit de maître Virgile Reynaud.
Par déclaration du 12 mars 2021, la société Etablissement [C] venant aux droits de la société Rali, a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions remises au greffe le 17 septembre 2021, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 25 janvier 2021 en ce qu'il a condamné la société Etablissement [C] au paiement de :
* 21 000 euros au titre des travaux de reprise,
* 1 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- débouter M. et Mme [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions et de leur appel incident,
- condamner M. [G] [P] et Mme [I] [P] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [G] [P] et Mme [I] [P] aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de maître Sylvie Lantelme, avocat aux offres de droit.
Par conclusions remises au greffe le 22 juin 2021, et auxquelles il y a lieu de se référer, M. et Mme [P] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a condamné la société Etablissement [C] à payer la somme de 21 000 euros aux époux [P] au titre des travaux de reprise,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a limité à 1 000 euros la condamnation de la société Etablissement [C] au titre du préjudice de jouissance,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a rejeté la demande des époux [P] au titre du préjudice financier,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a rejeté la demande des époux [P] au titre du préjudice moral,
- infirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a limité à 1 500 euros la condamnation de la société Etablissement [C] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du 25 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a condamné la société Etablissement [C] aux dépens,
- en tout état de cause, juger que la responsabilité de la SARL Rali aux droits de laquelle vient la SARL Etablissement [C] est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- subsidiairement, juger que la responsabilité de la SARL Rali aux droits de laquelle vient la SARL Etablissement [C] est engagée sur le fondement de l'article 1792-6 du code civil,
- encore plus subsidiairement, juger que la responsabilité de la SARL Rali aux droits de laquelle vient la SARL Etablissement [C] est engagée sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil,
- en tout état de cause,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 21 000 euros au titre des travaux nécessaires selon le rapport d'expertise judiciaire de M. [X],
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 1 725 euros en réparation du préjudice financier,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Etablissement [C] venant aux droits de la SARL Rali aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire distraits au profit de maître Virgile Reynaud, avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2025.
Motifs':
La société Etablissement [C] soutient que la défaillance ou le vice d'un élément d'équipement ne serait de nature à entrer dans le champ de l'article 1792 du code civil que si l'impropriété à destination causée par le désordre ou le dysfonctionnement de l'équipement affecte l'ouvrage dans sa globalité.
Elle conteste ainsi à la fois la qualification d'ouvrage retenue par le premier juge en ce qui concerne l'installation de chauffage et l'impropriété à destination de la maison dans son ensemble au motif que l'insert n'était pas destiné à chauffer les chambres mais qu'il devait être complété par un chauffage d'appoint indépendant.
Il ressort du bon de commande que M. [G] [P] et Mme [I] [P] ont commandé à la SARL Rali un insert foyer poêle à granulés installé dans leur salon avec antennes alimentant en air chaud les trois chambres par système de bouches de soufflage, l'air devant être insufflé par un ventilateur monté en série asservi au fonctionnement de l'insert.
Or l'expert judiciaire après avoir procédé à des mesures et calculs de la puissance de 1'insert et de la déperdition thermique dans les différentes pièces a conclu que':
- l'appareil n'assure le chauffage que dans la pièce dans laquelle il est installé,
- il n'est pas capable en l'état d'assurer le chauffage des trois pièces à sommeil.
Il note que':
- il existe de fortes pertes thermiques dans les réseaux circulant dans les combles,
- il existe des fuites de réseaux à hauteur de 6,5 % de la puissance totale fournie par l'appareil,
- si sa puissance théorique et mesurée est surdimensionnée par rapport aux besoins, sa puissance restituée est nettement inférieure aux données du constructeur.
Il explique que'le matériel censé envoyer de l'énergie dans les chambres n'est pas compatible avec l'insert d'un point de vue réglementaire compte tenu que les matériaux utilisés pour le transfert de l'énergie, leurs dimensions et leurs positions ne sont pas conformes à ce qui aurait dû être effectué. En effet, les conduits installés ne sont pas aux bonnes dimensions et sont constitués d'une matière non isolée, ce qui génère une perte d'énergie importante pendant le transport dans les combles. En outre les appareils nécessitant une maintenance sont installés dans des zones non accessibles sans démontage du toit. Au surplus le matériel installé n'est pas adapté car il s'agit d'un poêle à granulés et non d'un poêle fonctionnant à la combustion de bûches. Enfin les bouches de sortie d'air dans les chambres sont mal positionnées puisque situées au-dessus des portes des chambres et non de l'autre côté de la pièce pour balayer les pièces, leur positionnement favorisant ainsi un retour de l'air vers l'extérieur sans diffuser dans la pièce.
L'expert émet d'ailleurs l'hypothèse d'un écrasement des conduites dans les combles sans que cette hypothèse ait pu faire l'objet d'une vérification qui nécessitait de déposer l'ensemble des tuiles du toit.
Il convient de rappeler que l'installation du poêle à bois a consisté en son installation au sol mais aussi en la création de la sortie en toiture ainsi que dans l'implantation dans les combles de conduites d'air et dans la création de sorties d'air dans les chambres et que tout entretien ou toute reprise de ces conduites d'air dans les combles impose de démonter la totalité de la toiture.
Il en ressort que non seulement l'insert qui est un élément d'équipement est inadapté, mais que l'installation de chauffage comprend des conduites d'air dans les combles débouchant dans les chambres. L'ensemble de cette installation constitue donc un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.
Si l'expert relève que le poêle fonctionne et chauffe la pièce principale, il n'en reste pas moins que la vocation de l'installation était de chauffer aussi les chambres par un système de conduites d'air chaud puisque des conduites d'air, un système de ventilation et des sorties d'air dans ces pièces ont été réalisés à cette fin. Or ce système est défaillant en raison de la non-conformité aux règles de l'art des matériaux utilisés pour le transfert de l'énergie, de leurs dimensions et de leurs positions ainsi que de l'inadéquation de l'insert aux objectifs poursuivis.
Si l'installation n'était pas destinée à assurer le chauffage complet des chambres mais elle devait être complétée dans ces pièces par des chauffages d'appoint, il n'en reste pas moins que l'installateur a manqué à son obligation de délivrer une installation aux performances attendues, l'expert ayant constaté une absence totale de chauffage dans les chambres par le système d'insert.
Or, l'absence totale de chauffage dans les chambres rend l'ouvrage impropre à sa destination.
La société Etablissement [C] engage par conséquent sa responsabilité décennale.
L'expert préconise la mise en place d'un ventilateur relais ayant la capacité de combattre les pertes de charges liées à la longueur du réseau et qui serait compatible avec l'insert à granulés suivant la norme applicable. Il propose en outre d'alimenter chaque grille de soufflage individuellement par un conduit de diamètre 125 à partir d'un collecteur général de diamètre de 160 mm afin de limiter la perte de charge, cette installation nécessitant de créer un compartiment technique dans le compartiment existant comprenant le ventilateur relais et un collecteur recevant les trois départs des chambres.
L'expert détaille les travaux à réaliser sous forme de':
- dépose partielle de la toiture pour accès aux installations inaccessibles,
- dépose des matériels actuels et mise en décharge,
- mise en place d'un ventilateur relais adapté aux besoins et au matériel de production,
- création d'un compartiment technique permettant d'installer un ventilateur relais capable de combattre les pertes de charges des réseaux alimentant les chambres et d'un collecteur de soufflage,
- mise en place de 3 collecteurs isolés dans les combles inaccessibles,
- déplacement des bouches de soufflage pour que le flux d'air chaud de ces dernières puisse balayer les pièces distribuées,
- rebouchage des trous existants et reprise de peinture des plafonds des chambres,
- mise en route et essais,
- fermeture de la toiture par remise en place des tuiles.
Il chiffre l'ensemble de ces travaux à la somme de 21 000 euros TTC.
M. et Mme [P] ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice matériel et les travaux préconisés par l'expert judiciaire correspondant au coût des travaux nécessaires au fonctionnement normal de l'installation de chauffage défaillante, la société Etablissement [C] qui ne propose aucune autre solution technique et ne produit aucun devis, se contentant de critiquer les mesures proposées par l'expert au motif que le montant des travaux serait excessif, a été à bon droit condamnée à leur payer la somme de 21 000 euros correspondant au coût des travaux de remise en état des désordres.
M. et Mme [P] ont subi une absence totale de chauffage dans les chambres depuis la réalisation des travaux d'installation de chauffage en 2014/2015 jusqu'au jugement de janvier 2021. Quand bien même il s'agissait d'un chauffage insuffisant pour obtenir une température réglementaire dans les chambres et qu'il devait être complété par un chauffage d'appoint, l'absence totale d'efficacité de l'installation dans les chambres a causé à M. et Mme [P] un préjudice de jouissance qui, eu égard à sa durée, a justement été indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 3'000 euros.
M. et Mme [P] réclament l'octroi de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier. Ils font valoir qu'ils ont été contraints d'utiliser un chauffage complémentaire du fait des dysfonctionnements du système de chauffage installé par la SARL Rali pour une dépense supplémentaire de 575 euros par an.
Ils ne produisent cependant aucune facture justifiant de la consommation d'énergie dans les chambres, étant en outre précisé que des appareils complémentaires indépendants du chauffage à bois devaient être installés.
Le jugement qui les a déboutés de ce chef de demande sera donc confirmé.
M. et Mme [P] n'établissent pas la preuve d'avoir subi un préjudice moral indépendant de leur préjudice de jouissance, la société Rali étant intervenue à plusieurs reprises pour essayer de résoudre les difficultés et ayant mis en 'uvre des solutions, certes inefficaces, pour réparer les désordres. Ils seront par conséquent déboutés de leur demande en réparation d'un préjudice moral.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [P] les frais irrépétibles qu'il a exposés.
Par ces motifs':
La cour statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
Condamne la société Etablissement [C] à payer à M. [G] [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société Etablissement [C] aux dépens qui pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,