CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 25 septembre 2025, n° 21/12497
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° 2025 / 199
Rôle N° RG 21/12497
N° Portalis DBVB-V-B7F-BH72P
[D] [V]
C/
[I] [J]
[Y] [J] NÉE [K] épouse [J]
S.A. GENERALI IARD
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Michel FARAUD
- Me Thimothée JOLY
- Me Pierre julien DURAND,
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 12 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04911.
APPELANT
Monsieur [D] [V],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Michel FARAUD de la SCP LEXARGOS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉS
Monsieur [I] [J]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat postulant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et Me Krystel MALLET de la SELARL LBVS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de NICE
Madame [Y] [J] NÉE [K] épouse [J]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat postulant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et Me Krystel MALLET de la SELARL LBVS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de NICE
S.A. GENERALI IARD prise en la personne de son représentant légal en exercicedomicilié en cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre julien DURAND, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et Me Brice LOMBARDO, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MÖLLER, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [K] épouse [J] ont confié des travaux d'agrandissement, d'aménagement de garage et de rénovation à Monsieur [D] [V] (RCVD 2000 RENOVATION CONSTRUCTION VRD DECORATION DECK), selon un devis du 21 mars 2008 moyennant le prix de 78.064,63 euros TTC.
Un procès-verbal de réception était régularisé le 09 septembre 2008, sans réserve.
Parallèlement, par un contrat du 30 septembre 2012, Monsieur [V] a fait apport de son fonds de commerce à la société RCDV 2000 immatriculée le 30 novembre 2012, dont il est devenu le gérant.
Les époux [J] ont régularisé deux déclarations de sinistres dégâts des eaux survenu l'un le 15 septembre 2013, l'autre le 08 mars 2014 auprès de leur assureur, la société MMA IARD Assurances Mutuelles (la MMA).
L'expertise amiable diligentée pour le premier sinistre semblait mettre en évidence que les infiltrations trouvaient leur origine dans la partie toiture existante avant l'opération de construction de l'entreprise.
Cependant, par courrier daté du 31 décembre 2014, la MMA a informé Madame [J] que le rapport de l'expert venait d'être délivré, pour le second sinistre, et que Monsieur [V], dirigeant de la société RCVD, présent aux opérations d'expertise, avait reconnu le défaut de mise en 'uvre et s'était engagé à reprendre les travaux d'étanchéité en toiture ainsi que les travaux de peinture dans la cuisine.
Des travaux de reprise auraient été réalisés vainement en août 2014.
Par courrier d'avocat adressé en recommandé avec AR du 03 février 2016, les époux [J] mettaient en demeure Monsieur [D] [V] et la société RCVD 2000, d'exécuter les travaux de reprise en toiture dans les conditions préconisées par la société Féraud et Gibellin sous quinzaine, avant saisine de la juridiction compétente et réalisation des travaux à leurs frais.
Par ordonnance de référé en date du 29 novembre 2016, les époux [J] ont obtenu d'ordonner une expertise judiciaire au contradictoire de la SARL RCVD 2000, de Monsieur [D] [E] et de la société Générali IARD recherchée en qualité d'assureur de la société RCDV 2000 et de Monsieur [V].
Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 29 juin 2017.
Par actes délivrés les 06 et 09 octobre 2017, les époux [J] ont assigné Monsieur [D] [V], la société RCDV 2000 et la société Générali IARD devant le tribunal de grande instance de Grasse, devenu tribunal judiciaire, sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Par jugement en date du 12 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Grasse :
REJETTE les demandes formées contre la société RCDV 2000 et la société Générali IARD,
CONDAMNE Monsieur [M] [V] à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [J] les sommes de :
- 14.056,09 euros au titre de la réparation des dommages matériels,
- 10.800 euros au titre du préjudice de jouissance de septembre 2013 à septembre 2017,
REJETTE la demande formée au titre du relogement pendant les travaux de reprise,
REJETTE la demande formée au titre du préjudice moral,
CONDAMNE Monsieur [M] [V] à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [J] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [M] [V] aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,
ORDONNE l'exécution provisoire.
Par déclaration d'appel en date du 20 août 2021, Monsieur [D] [V] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre la société Générali IARD, l'a condamné à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [J] les sommes de 14.056,09 euros au titre de la réparation des dommages matériels, 10.800 euros au titre du préjudice de jouissance de septembre 2013 à septembre 2017, 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et ordonné l'exécution provisoire.
L'affaire a été enregistrée au répertoire général sous le RG n° 21 12497.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 19 novembre 2021, Monsieur [D] [V] demande à la cour de :
VU les dispositions de l'article 1792 du Code civil,
INFIRMER le jugement en sa globalité,
DEBOUTER en conséquence les consorts [J] de l'ensemble de leurs demandes au titre des préjudices invoqués en raison de l'absence de preuve de sa responsabilité dans les dommages invoqués,
Subsidiairement au fond, si par extraordinaire sa responsabilité devait être retenue,
DIRE ET JUGER que la société RCDV 2000 devrait être condamnée en ses lieu et place en raison du contrat d'apport de fonds de commerce en date du 30 septembre 2012,
DIRE ET JUGER qu'il ressort de l'ensemble des contrats qu'il a signés avec la société Générali IARD qu'il était assuré au moment de la réalisation des travaux litigieux,
EN CONSEQUENCE, dire et juger que lui-même et la société RCDV 2000, venant en ses lieu et place, doivent être en tout état de cause relevés et garantis par la société Générali IARD de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
CONDAMNER tout succombant à payer à Monsieur [D] [V] la somme de 2.500euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Monsieur [D] [V] conteste les conclusions de l'expert judiciaire et l'imputabilité des désordres aux motifs que, pour conclure que la pose de la génoise et des plaques sous-tuile était défectueuse, il a tenu compte d'un avis CSTB 5/14-2372 qui n'existait pas au moment de l'exécution des travaux, que selon le document en vigueur à cette époque, les erreurs de mise en 'uvre et les préconisations relevées par l'expert n'existaient pas, qu'en réalité, les dégâts des eaux survenus bien après la réception des travaux ne lui sont pas imputables mais résultent du défaut d'entretien de la toiture envahie par des végétaux obturant l'évacuation normale de l'eau ainsi que de l'intervention d'autres entreprises (ravalement de façades et en toiture).
Il reproche au tribunal d'avoir écarté la garantie de Générali alors que la codification de l'activité de maçonnerie et béton armé de la nomenclature applicable comprend la pose d'éléments simples de charpente, ce qui correspond à l'extension de toiture qu'il a réalisée.
Il fait valoir que le contrat d'apport de fonds de commerce du 30 septembre 2012 régularisé au profit de la société RCDV 2000 concernait l'intégralité de son activité, soit la prise en charge du passif, que seule cette société est donc susceptible d'être condamnée.
Enfin, Monsieur [D] [V] soutient que les préjudices ne lui sont pas imputables ou ne sont pas justifiés (préjudice de jouissance).
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 21 février 2022, Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [K] épouse [J] sollicitent de :
Vu l'article 1792 du Code civil,
JUGER que les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
JUGER que la responsabilité décennale de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000 est engagée ;
JUGER que le coût des travaux de réfection total de la toiture et de la cuisine, tel que déterminée par l'expert, devra être supporté solidairement par Monsieur [D] [V] et la société RCDV 2000 au titre de la responsabilité précitée.
En conséquence,
CONFIRMER le jugement en ce que le premier juge a :
Débouté [D] [V] de l'ensemble de leurs prétentions
Condamné Monsieur [D] [V] à leur payer les sommes de :
14.056,09 euros au titre de la réparation des dommages immatériels
3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné Monsieur [D] [V] aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
Les RECEVOIR en leur appel incident et le dire bien fondé ;
REFORMER le jugement déféré en ce que le premier juge a :
Rejeté les demandes formées par les époux [J] contre la société Générali IARD ;
Limité le montant de leur préjudice de jouissance ;
Rejeté les demandes formées au titre du relogement et du préjudice moral ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNER la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, solidairement avec Monsieur [D] [V] au paiement de la somme de 14.056,09 euros ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, au paiement de la somme de 21.600 euros en réparation de leur préjudice de jouissance subi pendant 4 ans ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et la société RCDV 2000, à supporter le coût de leur relogement durant toute la durée des travaux, à hauteur de 150 euros/jour et jusqu'à reprise d'une jouissance normale de la cuisine ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, au paiement de la somme de 15.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Y ajoutant,
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Les époux [J] soutiennent que les désordres de toiture sont imputables à Monsieur [D] [V] et relèvent de sa responsabilité décennale. Ils font valoir que le rapport d'expertise judiciaire démontre la réalité des désordres ainsi que leur imputabilité. Selon eux, les critiques relatives aux normes techniques prises en compte par l'expert judiciaire auraient dû être débattues devant l'expert judiciaire et le juge ne peut se substituer à ce dernier sur ce sujet. Ils concluent que, quoiqu'il en soit, l'imputabilité des désordres repose aussi sur d'autres éléments (prescriptions de pose du fabricant, règles de l'art élémentaires) ainsi que sur l'aveu de Monsieur [D] [V] lui-même.
Ils reprochent au tribunal d'avoir sous-estimé leur préjudice de jouissance et leur préjudice moral.
Ils contestent la mise hors de cause de Générali et font valoir que cet assureur se borne à communiquer des attestations d'assurance correspondant aux années 2005 ' 2008 mais ne communique pas aux débats les attestations de 2007 et 2009 qui intéressent le litige, que Monsieur [D] [V] est intervenu sur la toiture dans le courant de l'année 2014, que les travaux qui lui ont été confiés ne se limitaient pas à la toiture mais qu'ils concernaient la totalité de la structure (agrandissement de la cuisine), et que selon la nomenclature applicable au contrat d'assurance l'intervention sur la structure comprend nécessairement les travaux accessoires ou complémentaires de couverture.
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2022, la SA Générali IARD (Générali) demande de :
VU l'article 1315 de l'ancien Code Civil,
Vu les articles L.112-6, L.241-1 et A.243-1 du Code des Assurances,
JUGER que les désordres trouvent leur origine dans les travaux de couverture réalisés par Monsieur [V] en 2008 ;
- JUGER que Monsieur [V] n'était pas assuré au titre de l'activité de couverture à la date d'ouverture des travaux ;
En conséquence,
CONFIRMER le jugement en ce qu'elle a été mise hors de cause ;
DEBOUTER purement et simplement toute demande telle que dirigée à son encontre ;
PRONONCER sa mise hors de cause en l'état d'une non garantie pour défaut d'activité souscrite ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la partie succombante à lui verser la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la partie succombante aux entiers dépens.
Générali invoque d'abord l'absence de garantie au motif que Monsieur [D] [V] a exécuté des travaux de couverture alors que cette activité n'a pas déclaré. Générali précise que les travaux litigieux ne peuvent être classifiés dans l'activité de pose d'éléments simples de charpente accessoire à l'activité de maçonnerie et béton armé figurant dans la nomenclature des assureurs du BTP invoquée par Monsieur [D] [V] et par les époux [J] dès lors que l'activité de couverture dispose d'une classification autonome, pouvant éventuellement constituer l'activité accessoire des activités de charpente et structure bois et métallique également non déclarée, et que la nomenclature des assureurs du BTP n'est pas un document contraignant pour les assureurs. Générali ajoute que selon les conditions particulières de la police souscrite, Monsieur [D] [V] n'était pas assuré à la date de l'ouverture des travaux en mars 2008 pour l'activité couverture, que ce n'est qu'à compter de l'avenant n°7 à effet au 10 mai 2011 que l'activité couverture a été ajoutée au contrat d'assurance.
Générali conclut par ailleurs que, contrairement à l'argumentation de Monsieur [D] [V] selon laquelle la société RCDV 2000 serait responsable et la garantie de son assureur serait due, la reprise de l'intégralité de son activité, en particulier son passif, n'est pas prévue dans le contrat d'apport de son fonds de commerce. Or, la société RCDV 2000 n'est pas le constructeur de l'ouvrage et sa responsabilité ne peut donc pas être engagée.
Sa responsabilité ne peut pas davantage être engagée au titre des travaux de reprise réalisés en 2014 qui étaient minimes et sans incidence sur le dommage préexistant, les dommages des époux [J] trouvant leur origine dans les travaux réalisés en 2008 par Monsieur [D] [V].
L'ordonnance de clôture est en date du 05 mai 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 04 juin 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 25 septembre 2025.
MOTIFS :
Sur la nature et la qualification des désordres :
Selon l'article 1792 du code civil :
Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il résulte des éléments du dossier, en particulier de l'expertise judiciaire, que des infiltrations ont été constatées dans la cuisine de l'habitation des époux [J], au niveau de la couverture réalisée en mars 2008 dans le cadre des travaux d'agrandissement et de rénovation confiés à Monsieur [D] [V].
Ces infiltrations ont pour origine la rangée de plaques Soutuile et la génoise. L'expert judiciaire explique que, selon le manuel de pose du fabricant, la plaque d'égout qui repose sur la génoise doit dépasser l'épaisseur du mur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (la plaque repose au centre du mur).
L'expert relève aussi un défaut de coupe des plaques lors de la pose (non-conformité à l'avis technique 5/14-2372), sans conséquence d'infiltration, ainsi qu'un défaut de pente (non-respect des règles de l'art).
Monsieur [D] [V] ne démontre pas que les infiltrations ont pour origine le défaut d'entretien de la toiture, en particulier la présence de végétaux obturant les voies d'écoulement des eaux, ou résultent d'interventions tierces.
Les premières infiltrations sont apparues entre le 15 octobre 2013 et le 18 décembre 2014, soit dans le délai de dix ans suivant la réception des travaux (réception intervenue le 09/09/2008).
Il n'est pas contesté que Monsieur [D] [V] est intervenu en 2014 pour des travaux qui correspondraient à des « petites reprises », sans plus de précisions. Compte tenu de l'ancienneté de la date d'apparition des désordres, ces travaux de reprise ne peuvent être retenus comme étant à l'origine des désordres.
Eu égard à la nature des désordres (infiltrations en cuisine), il y a lieu de considérer que ceux-ci rendent l'ouvrage, à savoir les travaux d'agrandissement et de rénovation réalisés par Monsieur [D] [V], impropre à sa destination et relèvent donc de l'article 1792 du code civil.
Sur la responsabilité :
Il résulte des éléments énoncés plus haut que les désordres sont imputables aux travaux d'agrandissement et de rénovation confiés à Monsieur [D] [V] selon le marché de travaux du 21 mars 2008. En ce sens, ils relèvent de la responsabilité décennale de ce dernier.
En principe, les créances et les dettes de l'exploitant ne font pas partie du fonds de commerce.
Le contrat d'apport d'un fonds de commerce conclut entre Monsieur [D] [V] et la société RCDV 2000, immatriculée le 30 novembre 2012, ne prévoit pas de transfert du passif. Il est stipulé que « Toutes les opérations actives et passives effectuées à compter du 1er octobre 2012 seront réputées faites pour le compte de la société RCDV 2000, Monsieur [V] [D] ès-qualité, s'engage à prendre en charge les actifs et passifs qui en résulteront ».
Par ailleurs, les travaux de reprise intervenus dans le courant de l'année 2014 ne peuvent pas être à l'origine des désordres d'infiltrations apparus antérieurement.
En conséquence, seule la responsabilité de Monsieur [D] [V], qui a exécuté les travaux à l'origine des désordres avant l'apport de son fonds de commerce, doit être retenue.
Sur la garantie de Générali :
L'article L 241-1 alinéa 1 du code des assurances prévoit que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, à propos de travaux de bâtiments, doit être couverte, à l'ouverture du chantier, par une assurance, qui doit assurer le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.
En application de l'article 1134 (ancien) du code civil, la garantie est limitée au risque déclaré. Ainsi, la garantie ne s'applique qu'au secteur d'activité professionnelle déclaré par l'assuré.
En l'espèce, selon l'attestation d'assurance RC Polybat datée du 01 janvier 2008, Monsieur [D] [V] a souscrit un contrat n°AD534940 ayant pris effet le 01 janvier 2001 auprès de Générali, garantissant sa responsabilité civile et sa responsabilité décennale, pour les chantiers ouverts entre le 25 mai 2007 et le 31 décembre 2008.
Cette attestation ne mentionne pas l'activité de couverture parmi les activités déclarées.
L'activité « Couverture Réalisation en tous matériaux (hors structures textiles) » n'est déclarée que sur les dispositions particulières de l'avenant n°07 à effet au 10 mai 2011, soit postérieurement à la réalisation du chantier litigieux. Cet avenant n'est donc pas applicable en l'espèce.
Selon l'attestation datée du 01 janvier 2008, Monsieur [D] [V] a déclaré, notamment, l'activité « structure et travaux courants de maçonnerie ».
Selon la nomenclature des activités (version 2008) de Générali, l'activité « maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ » comprend les travaux accessoires ou complémentaires tels que la « pose d'éléments simples de charpente, ne comprenant ni entaille, ni assemblage, et scellés directement à la maçonnerie, et à l'exclusion de toute charpente préfabriquée dans l'industrie ».
Cette nomenclature prévoit, par ailleurs, une activité « charpente et structure métallique » comprenant l'activité accessoire de couverture, ainsi que l'activité « couverture » définit comme la « réalisation en tout matériaux (hors structures textiles) y compris par bardeau bitumé, de couverture, vêtage, vêture ». Ces activités distinctes de l'activité de maçonnerie n'ont pas été déclarées par l'assuré comme faisant partie de la sphère contractuelle du contrat d'assurance dont elles sont dès lors exclues conformément à la volonté des parties.
En outre, le marché de travaux du 21 mars 2008 prévoit pour l'agrandissement, des travaux de toiture traditionnelle sur PST, génoises 2 rangs sans feuillet, solins et abergements en plomb, souche et raccord entre toiture et maçonnerie. De tels travaux ne peuvent être assimilés à des travaux simples de charpente accessoires ou complémentaires à l'activité de maçonnerie dès lors qu'ils consistent à la création d'une toiture selon des techniques et des matériaux spécifiques, distincts des travaux de maçonnerie. Les travaux de maçonnerie confiés à Monsieur [D] [V] n'emportaient donc pas les travaux de couverture à l'origine de la responsabilité décennale.
L'absence de déclaration d'un secteur d'activité aboutissant à une non-assurance, Générali ne doit pas sa garantie à son assuré en application de la police souscrite.
La définition de l'étendue de la garantie due par l'assureur étant opposable au tiers lésé, les époux [J] ne sont pas fondés à se prévaloir de l'action directe à l'encontre de Générali.
Sur les préjudices matériels :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne Monsieur [V] à indemniser les époux [J] à hauteur de la somme de 14.056,09 euros au titre des préjudices matériels, selon le chiffrage de l'expert judiciaire.
Sur les autres préjudices :
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il condamne Monsieur [V] à payer aux époux [J] la somme de 10.800 euros au titre de leur préjudice de jouissance, correspondant à 5% de la valeur locative de la maison (4.500 euros), soit 225 euros par mois, pour la période de septembre 2013 à septembre 2017 (48 mois), et en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes comme n'étant pas justifiées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Monsieur [D] [V], qui succombe, sera condamné à payer aux époux [J] une indemnité de 2.000euros pour les frais qu'ils ont dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, le 25 septembre 2025 et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
CONDAMNE Monsieur [D] [V] à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [K] épouse [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [D] [V] à supporter les entiers dépens d'appel.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° 2025 / 199
Rôle N° RG 21/12497
N° Portalis DBVB-V-B7F-BH72P
[D] [V]
C/
[I] [J]
[Y] [J] NÉE [K] épouse [J]
S.A. GENERALI IARD
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Michel FARAUD
- Me Thimothée JOLY
- Me Pierre julien DURAND,
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 12 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04911.
APPELANT
Monsieur [D] [V],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Michel FARAUD de la SCP LEXARGOS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉS
Monsieur [I] [J]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat postulant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et Me Krystel MALLET de la SELARL LBVS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de NICE
Madame [Y] [J] NÉE [K] épouse [J]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat postulant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et Me Krystel MALLET de la SELARL LBVS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de NICE
S.A. GENERALI IARD prise en la personne de son représentant légal en exercicedomicilié en cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre julien DURAND, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et Me Brice LOMBARDO, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MÖLLER, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [K] épouse [J] ont confié des travaux d'agrandissement, d'aménagement de garage et de rénovation à Monsieur [D] [V] (RCVD 2000 RENOVATION CONSTRUCTION VRD DECORATION DECK), selon un devis du 21 mars 2008 moyennant le prix de 78.064,63 euros TTC.
Un procès-verbal de réception était régularisé le 09 septembre 2008, sans réserve.
Parallèlement, par un contrat du 30 septembre 2012, Monsieur [V] a fait apport de son fonds de commerce à la société RCDV 2000 immatriculée le 30 novembre 2012, dont il est devenu le gérant.
Les époux [J] ont régularisé deux déclarations de sinistres dégâts des eaux survenu l'un le 15 septembre 2013, l'autre le 08 mars 2014 auprès de leur assureur, la société MMA IARD Assurances Mutuelles (la MMA).
L'expertise amiable diligentée pour le premier sinistre semblait mettre en évidence que les infiltrations trouvaient leur origine dans la partie toiture existante avant l'opération de construction de l'entreprise.
Cependant, par courrier daté du 31 décembre 2014, la MMA a informé Madame [J] que le rapport de l'expert venait d'être délivré, pour le second sinistre, et que Monsieur [V], dirigeant de la société RCVD, présent aux opérations d'expertise, avait reconnu le défaut de mise en 'uvre et s'était engagé à reprendre les travaux d'étanchéité en toiture ainsi que les travaux de peinture dans la cuisine.
Des travaux de reprise auraient été réalisés vainement en août 2014.
Par courrier d'avocat adressé en recommandé avec AR du 03 février 2016, les époux [J] mettaient en demeure Monsieur [D] [V] et la société RCVD 2000, d'exécuter les travaux de reprise en toiture dans les conditions préconisées par la société Féraud et Gibellin sous quinzaine, avant saisine de la juridiction compétente et réalisation des travaux à leurs frais.
Par ordonnance de référé en date du 29 novembre 2016, les époux [J] ont obtenu d'ordonner une expertise judiciaire au contradictoire de la SARL RCVD 2000, de Monsieur [D] [E] et de la société Générali IARD recherchée en qualité d'assureur de la société RCDV 2000 et de Monsieur [V].
Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 29 juin 2017.
Par actes délivrés les 06 et 09 octobre 2017, les époux [J] ont assigné Monsieur [D] [V], la société RCDV 2000 et la société Générali IARD devant le tribunal de grande instance de Grasse, devenu tribunal judiciaire, sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Par jugement en date du 12 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Grasse :
REJETTE les demandes formées contre la société RCDV 2000 et la société Générali IARD,
CONDAMNE Monsieur [M] [V] à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [J] les sommes de :
- 14.056,09 euros au titre de la réparation des dommages matériels,
- 10.800 euros au titre du préjudice de jouissance de septembre 2013 à septembre 2017,
REJETTE la demande formée au titre du relogement pendant les travaux de reprise,
REJETTE la demande formée au titre du préjudice moral,
CONDAMNE Monsieur [M] [V] à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [J] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [M] [V] aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,
ORDONNE l'exécution provisoire.
Par déclaration d'appel en date du 20 août 2021, Monsieur [D] [V] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre la société Générali IARD, l'a condamné à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [J] les sommes de 14.056,09 euros au titre de la réparation des dommages matériels, 10.800 euros au titre du préjudice de jouissance de septembre 2013 à septembre 2017, 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et ordonné l'exécution provisoire.
L'affaire a été enregistrée au répertoire général sous le RG n° 21 12497.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 19 novembre 2021, Monsieur [D] [V] demande à la cour de :
VU les dispositions de l'article 1792 du Code civil,
INFIRMER le jugement en sa globalité,
DEBOUTER en conséquence les consorts [J] de l'ensemble de leurs demandes au titre des préjudices invoqués en raison de l'absence de preuve de sa responsabilité dans les dommages invoqués,
Subsidiairement au fond, si par extraordinaire sa responsabilité devait être retenue,
DIRE ET JUGER que la société RCDV 2000 devrait être condamnée en ses lieu et place en raison du contrat d'apport de fonds de commerce en date du 30 septembre 2012,
DIRE ET JUGER qu'il ressort de l'ensemble des contrats qu'il a signés avec la société Générali IARD qu'il était assuré au moment de la réalisation des travaux litigieux,
EN CONSEQUENCE, dire et juger que lui-même et la société RCDV 2000, venant en ses lieu et place, doivent être en tout état de cause relevés et garantis par la société Générali IARD de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
CONDAMNER tout succombant à payer à Monsieur [D] [V] la somme de 2.500euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Monsieur [D] [V] conteste les conclusions de l'expert judiciaire et l'imputabilité des désordres aux motifs que, pour conclure que la pose de la génoise et des plaques sous-tuile était défectueuse, il a tenu compte d'un avis CSTB 5/14-2372 qui n'existait pas au moment de l'exécution des travaux, que selon le document en vigueur à cette époque, les erreurs de mise en 'uvre et les préconisations relevées par l'expert n'existaient pas, qu'en réalité, les dégâts des eaux survenus bien après la réception des travaux ne lui sont pas imputables mais résultent du défaut d'entretien de la toiture envahie par des végétaux obturant l'évacuation normale de l'eau ainsi que de l'intervention d'autres entreprises (ravalement de façades et en toiture).
Il reproche au tribunal d'avoir écarté la garantie de Générali alors que la codification de l'activité de maçonnerie et béton armé de la nomenclature applicable comprend la pose d'éléments simples de charpente, ce qui correspond à l'extension de toiture qu'il a réalisée.
Il fait valoir que le contrat d'apport de fonds de commerce du 30 septembre 2012 régularisé au profit de la société RCDV 2000 concernait l'intégralité de son activité, soit la prise en charge du passif, que seule cette société est donc susceptible d'être condamnée.
Enfin, Monsieur [D] [V] soutient que les préjudices ne lui sont pas imputables ou ne sont pas justifiés (préjudice de jouissance).
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 21 février 2022, Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [K] épouse [J] sollicitent de :
Vu l'article 1792 du Code civil,
JUGER que les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
JUGER que la responsabilité décennale de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000 est engagée ;
JUGER que le coût des travaux de réfection total de la toiture et de la cuisine, tel que déterminée par l'expert, devra être supporté solidairement par Monsieur [D] [V] et la société RCDV 2000 au titre de la responsabilité précitée.
En conséquence,
CONFIRMER le jugement en ce que le premier juge a :
Débouté [D] [V] de l'ensemble de leurs prétentions
Condamné Monsieur [D] [V] à leur payer les sommes de :
14.056,09 euros au titre de la réparation des dommages immatériels
3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné Monsieur [D] [V] aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
Les RECEVOIR en leur appel incident et le dire bien fondé ;
REFORMER le jugement déféré en ce que le premier juge a :
Rejeté les demandes formées par les époux [J] contre la société Générali IARD ;
Limité le montant de leur préjudice de jouissance ;
Rejeté les demandes formées au titre du relogement et du préjudice moral ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNER la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, solidairement avec Monsieur [D] [V] au paiement de la somme de 14.056,09 euros ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, au paiement de la somme de 21.600 euros en réparation de leur préjudice de jouissance subi pendant 4 ans ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et la société RCDV 2000, à supporter le coût de leur relogement durant toute la durée des travaux, à hauteur de 150 euros/jour et jusqu'à reprise d'une jouissance normale de la cuisine ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, au paiement de la somme de 15.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Y ajoutant,
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [V] et la société Générali, es qualité d'assureur de Monsieur [D] [V] et de la société RCDV 2000, au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Les époux [J] soutiennent que les désordres de toiture sont imputables à Monsieur [D] [V] et relèvent de sa responsabilité décennale. Ils font valoir que le rapport d'expertise judiciaire démontre la réalité des désordres ainsi que leur imputabilité. Selon eux, les critiques relatives aux normes techniques prises en compte par l'expert judiciaire auraient dû être débattues devant l'expert judiciaire et le juge ne peut se substituer à ce dernier sur ce sujet. Ils concluent que, quoiqu'il en soit, l'imputabilité des désordres repose aussi sur d'autres éléments (prescriptions de pose du fabricant, règles de l'art élémentaires) ainsi que sur l'aveu de Monsieur [D] [V] lui-même.
Ils reprochent au tribunal d'avoir sous-estimé leur préjudice de jouissance et leur préjudice moral.
Ils contestent la mise hors de cause de Générali et font valoir que cet assureur se borne à communiquer des attestations d'assurance correspondant aux années 2005 ' 2008 mais ne communique pas aux débats les attestations de 2007 et 2009 qui intéressent le litige, que Monsieur [D] [V] est intervenu sur la toiture dans le courant de l'année 2014, que les travaux qui lui ont été confiés ne se limitaient pas à la toiture mais qu'ils concernaient la totalité de la structure (agrandissement de la cuisine), et que selon la nomenclature applicable au contrat d'assurance l'intervention sur la structure comprend nécessairement les travaux accessoires ou complémentaires de couverture.
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2022, la SA Générali IARD (Générali) demande de :
VU l'article 1315 de l'ancien Code Civil,
Vu les articles L.112-6, L.241-1 et A.243-1 du Code des Assurances,
JUGER que les désordres trouvent leur origine dans les travaux de couverture réalisés par Monsieur [V] en 2008 ;
- JUGER que Monsieur [V] n'était pas assuré au titre de l'activité de couverture à la date d'ouverture des travaux ;
En conséquence,
CONFIRMER le jugement en ce qu'elle a été mise hors de cause ;
DEBOUTER purement et simplement toute demande telle que dirigée à son encontre ;
PRONONCER sa mise hors de cause en l'état d'une non garantie pour défaut d'activité souscrite ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la partie succombante à lui verser la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la partie succombante aux entiers dépens.
Générali invoque d'abord l'absence de garantie au motif que Monsieur [D] [V] a exécuté des travaux de couverture alors que cette activité n'a pas déclaré. Générali précise que les travaux litigieux ne peuvent être classifiés dans l'activité de pose d'éléments simples de charpente accessoire à l'activité de maçonnerie et béton armé figurant dans la nomenclature des assureurs du BTP invoquée par Monsieur [D] [V] et par les époux [J] dès lors que l'activité de couverture dispose d'une classification autonome, pouvant éventuellement constituer l'activité accessoire des activités de charpente et structure bois et métallique également non déclarée, et que la nomenclature des assureurs du BTP n'est pas un document contraignant pour les assureurs. Générali ajoute que selon les conditions particulières de la police souscrite, Monsieur [D] [V] n'était pas assuré à la date de l'ouverture des travaux en mars 2008 pour l'activité couverture, que ce n'est qu'à compter de l'avenant n°7 à effet au 10 mai 2011 que l'activité couverture a été ajoutée au contrat d'assurance.
Générali conclut par ailleurs que, contrairement à l'argumentation de Monsieur [D] [V] selon laquelle la société RCDV 2000 serait responsable et la garantie de son assureur serait due, la reprise de l'intégralité de son activité, en particulier son passif, n'est pas prévue dans le contrat d'apport de son fonds de commerce. Or, la société RCDV 2000 n'est pas le constructeur de l'ouvrage et sa responsabilité ne peut donc pas être engagée.
Sa responsabilité ne peut pas davantage être engagée au titre des travaux de reprise réalisés en 2014 qui étaient minimes et sans incidence sur le dommage préexistant, les dommages des époux [J] trouvant leur origine dans les travaux réalisés en 2008 par Monsieur [D] [V].
L'ordonnance de clôture est en date du 05 mai 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 04 juin 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 25 septembre 2025.
MOTIFS :
Sur la nature et la qualification des désordres :
Selon l'article 1792 du code civil :
Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il résulte des éléments du dossier, en particulier de l'expertise judiciaire, que des infiltrations ont été constatées dans la cuisine de l'habitation des époux [J], au niveau de la couverture réalisée en mars 2008 dans le cadre des travaux d'agrandissement et de rénovation confiés à Monsieur [D] [V].
Ces infiltrations ont pour origine la rangée de plaques Soutuile et la génoise. L'expert judiciaire explique que, selon le manuel de pose du fabricant, la plaque d'égout qui repose sur la génoise doit dépasser l'épaisseur du mur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (la plaque repose au centre du mur).
L'expert relève aussi un défaut de coupe des plaques lors de la pose (non-conformité à l'avis technique 5/14-2372), sans conséquence d'infiltration, ainsi qu'un défaut de pente (non-respect des règles de l'art).
Monsieur [D] [V] ne démontre pas que les infiltrations ont pour origine le défaut d'entretien de la toiture, en particulier la présence de végétaux obturant les voies d'écoulement des eaux, ou résultent d'interventions tierces.
Les premières infiltrations sont apparues entre le 15 octobre 2013 et le 18 décembre 2014, soit dans le délai de dix ans suivant la réception des travaux (réception intervenue le 09/09/2008).
Il n'est pas contesté que Monsieur [D] [V] est intervenu en 2014 pour des travaux qui correspondraient à des « petites reprises », sans plus de précisions. Compte tenu de l'ancienneté de la date d'apparition des désordres, ces travaux de reprise ne peuvent être retenus comme étant à l'origine des désordres.
Eu égard à la nature des désordres (infiltrations en cuisine), il y a lieu de considérer que ceux-ci rendent l'ouvrage, à savoir les travaux d'agrandissement et de rénovation réalisés par Monsieur [D] [V], impropre à sa destination et relèvent donc de l'article 1792 du code civil.
Sur la responsabilité :
Il résulte des éléments énoncés plus haut que les désordres sont imputables aux travaux d'agrandissement et de rénovation confiés à Monsieur [D] [V] selon le marché de travaux du 21 mars 2008. En ce sens, ils relèvent de la responsabilité décennale de ce dernier.
En principe, les créances et les dettes de l'exploitant ne font pas partie du fonds de commerce.
Le contrat d'apport d'un fonds de commerce conclut entre Monsieur [D] [V] et la société RCDV 2000, immatriculée le 30 novembre 2012, ne prévoit pas de transfert du passif. Il est stipulé que « Toutes les opérations actives et passives effectuées à compter du 1er octobre 2012 seront réputées faites pour le compte de la société RCDV 2000, Monsieur [V] [D] ès-qualité, s'engage à prendre en charge les actifs et passifs qui en résulteront ».
Par ailleurs, les travaux de reprise intervenus dans le courant de l'année 2014 ne peuvent pas être à l'origine des désordres d'infiltrations apparus antérieurement.
En conséquence, seule la responsabilité de Monsieur [D] [V], qui a exécuté les travaux à l'origine des désordres avant l'apport de son fonds de commerce, doit être retenue.
Sur la garantie de Générali :
L'article L 241-1 alinéa 1 du code des assurances prévoit que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, à propos de travaux de bâtiments, doit être couverte, à l'ouverture du chantier, par une assurance, qui doit assurer le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.
En application de l'article 1134 (ancien) du code civil, la garantie est limitée au risque déclaré. Ainsi, la garantie ne s'applique qu'au secteur d'activité professionnelle déclaré par l'assuré.
En l'espèce, selon l'attestation d'assurance RC Polybat datée du 01 janvier 2008, Monsieur [D] [V] a souscrit un contrat n°AD534940 ayant pris effet le 01 janvier 2001 auprès de Générali, garantissant sa responsabilité civile et sa responsabilité décennale, pour les chantiers ouverts entre le 25 mai 2007 et le 31 décembre 2008.
Cette attestation ne mentionne pas l'activité de couverture parmi les activités déclarées.
L'activité « Couverture Réalisation en tous matériaux (hors structures textiles) » n'est déclarée que sur les dispositions particulières de l'avenant n°07 à effet au 10 mai 2011, soit postérieurement à la réalisation du chantier litigieux. Cet avenant n'est donc pas applicable en l'espèce.
Selon l'attestation datée du 01 janvier 2008, Monsieur [D] [V] a déclaré, notamment, l'activité « structure et travaux courants de maçonnerie ».
Selon la nomenclature des activités (version 2008) de Générali, l'activité « maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ » comprend les travaux accessoires ou complémentaires tels que la « pose d'éléments simples de charpente, ne comprenant ni entaille, ni assemblage, et scellés directement à la maçonnerie, et à l'exclusion de toute charpente préfabriquée dans l'industrie ».
Cette nomenclature prévoit, par ailleurs, une activité « charpente et structure métallique » comprenant l'activité accessoire de couverture, ainsi que l'activité « couverture » définit comme la « réalisation en tout matériaux (hors structures textiles) y compris par bardeau bitumé, de couverture, vêtage, vêture ». Ces activités distinctes de l'activité de maçonnerie n'ont pas été déclarées par l'assuré comme faisant partie de la sphère contractuelle du contrat d'assurance dont elles sont dès lors exclues conformément à la volonté des parties.
En outre, le marché de travaux du 21 mars 2008 prévoit pour l'agrandissement, des travaux de toiture traditionnelle sur PST, génoises 2 rangs sans feuillet, solins et abergements en plomb, souche et raccord entre toiture et maçonnerie. De tels travaux ne peuvent être assimilés à des travaux simples de charpente accessoires ou complémentaires à l'activité de maçonnerie dès lors qu'ils consistent à la création d'une toiture selon des techniques et des matériaux spécifiques, distincts des travaux de maçonnerie. Les travaux de maçonnerie confiés à Monsieur [D] [V] n'emportaient donc pas les travaux de couverture à l'origine de la responsabilité décennale.
L'absence de déclaration d'un secteur d'activité aboutissant à une non-assurance, Générali ne doit pas sa garantie à son assuré en application de la police souscrite.
La définition de l'étendue de la garantie due par l'assureur étant opposable au tiers lésé, les époux [J] ne sont pas fondés à se prévaloir de l'action directe à l'encontre de Générali.
Sur les préjudices matériels :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne Monsieur [V] à indemniser les époux [J] à hauteur de la somme de 14.056,09 euros au titre des préjudices matériels, selon le chiffrage de l'expert judiciaire.
Sur les autres préjudices :
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il condamne Monsieur [V] à payer aux époux [J] la somme de 10.800 euros au titre de leur préjudice de jouissance, correspondant à 5% de la valeur locative de la maison (4.500 euros), soit 225 euros par mois, pour la période de septembre 2013 à septembre 2017 (48 mois), et en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes comme n'étant pas justifiées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Monsieur [D] [V], qui succombe, sera condamné à payer aux époux [J] une indemnité de 2.000euros pour les frais qu'ils ont dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, le 25 septembre 2025 et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
CONDAMNE Monsieur [D] [V] à payer à Monsieur [I] [J] et Madame [Y] [K] épouse [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [D] [V] à supporter les entiers dépens d'appel.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente