CA Douai, ch. 1 sect. 2, 25 septembre 2025, n° 21/00125
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 25/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/00125 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TL3I
Jugement (N° 2020001785)
rendu le 04 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Douai
APPELANTE
La SAS Bleujet
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué,
assistée de Me Caroline Bernard, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉE
La SARL Bati Concept
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Claire Titran, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 20 mai 2025, tenue par Carole Van Goetsenhoven magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er avril 2025
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EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre d'une opération d'aménagement de gîtes situés [Adresse 3] et suivant acte d'engagement en date du 2 février 2018, la société Bleujet a confié à la société Bati concept la réalisation des lots démolition, maçonnerie gros 'uvre, charpente couverture, menuiseries extérieures, façades, plâtrerie isolation, menuiseries intérieures, électricité, plomberie sanitaires, revêtement de sol, carrelage faïences et abords à la société Bati concept pour un montant forfaitaire de 541 753,63 euros TTC. Un délai global de réalisation de 23 semaines était fixé à compter de la date fixée par l'ordre de service, le démarrage des travaux étant prévu le 12 février 2018 pour une fin prévue le 23 juillet 2018.
L'acte d'engagement prévoyait également que trois des quatre gîtes devaient être habitables et pouvoir être en fonctionnement au 23 juin 2018, sous réserve de la bonne gestion par la maîtrise d''uvre de la livraison du mobilier et de la mise en place des services publics et des concessionnaires (eau, électricité, téléphonie), ces éléments étant hors marché de la société Bati concept.
Le cahier des clauses administratives générales (CCAP) signé par les parties mentionnait l'intervention de la société DCA en qualité de maître d''uvre.
Selon avenant du 20 septembre 2018, la fourniture et la pose des appareils sanitaires a été retirée du marché confié à la société Bati concept.
Le 16 novembre 2018, le maître d''uvre pour le compte du maître d'ouvrage a réceptionné les travaux de la société Bati concept du lot n°1 au lot n°11, avec réserves.
La société Bleujet et la société Bati concept ont échangé, par la suite, plusieurs courriers relatifs à l'inexécution de leurs obligations réciproques.
Par exploit du 18 avril 2019, la société Bati concept a attrait la société Bleujet devant le tribunal de commerce de Douai aux fins notamment de la voir condamner à lui remettre une garantie de paiement sous astreinte et à lui payer le solde du marché d'un montant de 187 010,53 euros TTC, outre les intérêts et indemnité forfaitaire de retard.
Par jugement du 30 septembre 2020, le tribunal de commerce de Douai a :
- condamné la société Bleujet sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
- condamné la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 euros TTC en principal, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Bati concept du surplus de ses demandes,
- débouté la société Bleujet du surplus de ses demandes,
- condamné la société Bleujet aux dépens,
- liquidé les dépens du jugement à la somme de 73,22 euros.
Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal de commerce de Douai a rectifié le jugement précité et dit qu'à son dispositif sera substitué par celui qui suit :
- condamne la société Bleujet sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
- condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 euros TTC en principal, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du jugement,
- condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 560 euros de dommages et intérêts en application de l'article L 446-6 du code de commerce,
- ordonne l'exécution provisoire du jugement,
- condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute la société Bati concept du surplus de ses demandes,
- déboute la société Bleujet du surplus de ses demandes,
- condamne la société Bleujet aux dépens,
- liquidé les dépens du jugement à la somme de 73,22 euros.
Par déclaration reçue au greffe le 4 janvier 2021, la société Bleujet a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Par arrêt en date du 8 septembre 2022, la cour d'appel de Douai a notamment :
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 21 mars 2022,
- fixé la clôture de la procédure au 3 mai 2022,
- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [P], avec pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, les parties présentes ou appelées, de :
* se rendre sur les lieux, [Adresse 4],
* se faire communiquer tous documents et pièces utiles
établissant les rapports de droit entre les parties en cause
ainsi que les plans, devis, marchés dont elles entendent
faire état,
* prendre connaissance des procès-verbaux de réception du 16 novembre 2018 et des réserves y figurant,
* décrire les réserves figurant dans ces procès-verbaux de réception,
* en rechercher l'origine, la ou les causes, et dire si les travaux contestés ont été réalisés conformément aux règles de l'art et aux documents contractuels ;
* donner son avis sur la nature, le coût et la durée probable des travaux destinés à la poursuite et à l'achèvement à l'identique des prestations convenues d'une part, et à la réfection des malfaçons, non-conformités et dégâts connexes qui affecteraient la partie d'ouvrage déjà réalisée d'autre part,
* s'agissant du lot VRD, décrire l'étendue des travaux restant à réaliser et les chiffrer ; plus particulièrement, dire si la réalisation des travaux de raccordement par les concessionnaires était une condition préalable à la réalisation des travaux de VRD,
* donner son avis sur les comptes présentés par les parties,
* fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la cour d'appel de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d'évaluer s'il y a lieu tous les préjudices subis par la société Bleujet,
* de manière générale, faire toute constatation utile à la solution du litige,
- dit que de toutes ces opérations et constatations, l'expert dressera un rapport qu'il déposera au secrétariat-greffe de la cour avant le 10 avril 2023,
- réservé les dépens.
Par ordonnance du 29 septembre 2022, il a été procédé au remplacement de M. [P] par Mme [N] [G].
Par ordonnances des 18 avril 2023 et 23 novembre 2023, le délai à l'expiration duquel l'expert devra déposer son rapport a été prorogé pour être fixé au 30 octobre 2023 puis au 29 février 2024.
L'expert a déposé son rapport le 14 mars 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 7 juin 2024, la société Bleujet demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Douai le 30 septembre 2020 en ce qu'il a énoncé :
o Condamne la société Bleujet, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du présent jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du Code civil ;
o Condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 T.T.C en principal, majorée des intérêts moratoires et des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du présent jugement ;
o Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
o Condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Déboute la société Bati concept du surplus de ses demandes ;
o Déboute la société Bleujet du surplus de ses demandes ;
o Condamne la société Bleujet aux dépens ;
o Liquide les dépens du présent jugement à la somme de 73,22 euros ;
Et le jugement rectificatif du Tribunal de commerce de Douai du 4 novembre 2020 en ce qu'il a ajouté au jugement :
o Condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 560 euros de dommages et intérêts en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce ;
Statuant à nouveau,
Vu le non-respect des délais de réalisation des travaux par la Société Bati concept,
- fixer le montant des indemnités de retard au 16 novembre 2018 (conformément au montant arrêté par le rapport d'expertise) à la somme de 52 020 euros,
- fixer le montant des indemnités de retard du 16 novembre 2018 au 28 mai 2019 (soit 161 jours x 480 euros divisés par 2) à la somme de 38 640 euros,
En conséquence,
- condamner la société Bati concept à verser à la société Bleujet la somme totale au titre des indemnités de retard de 52 020 euros et 38 640 euros soit 90 660 euros HT,
Vu la mise en jeu par la société Bleujet de la garantie de parfait achèvement par conclusions du 1er octobre 2019, et les postes retenus par le rapport d'expertise,
- condamner la société Bati concept à verser à la société Bleujet au titre des réserves non levées la somme de 17 256 euros HT (façade et enduits/enfoncement parquet)
Vu les travaux non réalisés par la société Bati concept et pris en charge par la société Bleujet
o Obtention consuel et reprise d'électricité non conforme : 4 855,80 euros TTC
o Enrobés, terrassement, bordures : 4 907,14 euros TTC
- juger que la société Bleujet dispose d'une créance sur la société Bati concept d'un montant de 112 771,80 euros se décomposant comme suit :
Indemnités de retard : 90 660 euros
Réserves non levées : 17 256 euros
Coût des consuels : 4 855,80 euros
En conséquence,
- Condamner la société Bati concept à payer un montant de 112 771,80 euros,
Vu le montant du solde du marché restant dû par la société Bleujet à la société Bati concept de 187 010, 48 euros, dont à déduire les « enrobés, terrassements, bordures » non réalisés pour 4 907,14 euros, soit 182 102,68 euros,
Vu les créances réciproques entre les co- contractants,
- ordonner la compensation des créances réciproques entre les parties,
En toute hypothèse,
- débouter la société Bleujet de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- condamner la société Bati concept à une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner à titre principal aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les honoraires de Mme [N] [G],
A titre subsidiaire, partager les dépens de première instance et d'appel par moitié,
Vu les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement de 1ère instance par la société Bleujet de 182 103,39 euros,
- condamner la société Bati concept à rembourser la somme de 112 771,80 euros avancée au titre de l'exécution du jugement et qui constitue un indu.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 2 novembre 2024, la société Bati concept demande à la cour de :
- dire bien jugé, mal appelé,
En conséquence,
À titre principal,
- confirmer la décision entreprise en ce que le tribunal a :
* condamné la société Bleujet, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
* condamné la société Bleujet au paiement du solde du marché de travaux, majoré des intérêts moratoires et des intérêts légaux au taux BCE, majoré de 10 points,
* condamné la société Bleujet à payer la société Bati concept la somme de 560 euros à titre d'indemnité forfaitaire de retard de paiement,
* condamné la société Bleujet à payer la société Bati concept au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles engagés en première instance,
Réformant sur le montant du solde du marché de travaux :
- condamner la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 187 010,53 euros T.T.C.,
- condamner la société Bleujet aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de saisie conservatoire pour un montant de 1 012,81 euros et les frais de constats des 25 octobre 2018 et 18 janvier 2019,
En toute hypothèse,
- débouter la société Bleujet de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire, concernant les indemnités de retard et si par impossible la Cour devait recevoir la société Bleujet en ses demandes,
- réduire les indemnités à l'euro symbolique et ordonner la compensation entre les sommes dues,
Y ajoutant,
- condamner la société Bleujet au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de garantie de paiement sous astreinte
La société Bleujet conclut à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du présent jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil, en faisant valoir que les premiers juges ont omis la phase antérieure à la mise en demeure délivrée par la société Bati concept le 14 janvier 2019 alors que le chantier accusait plus de six mois de retard, en ne tenant pas compte de la malfaçon dénoncée par Enedis le 9 janvier 2019 conduisant à un nouveau retard du chantier, en ne tenant pas compte des dispositions du CCAP concernant les pénalités de retard et le rôle donné au maître d''uvre à ce sujet et en écartant les demandes présentées au titre de la garantie de parfait achèvement.
La société Bati concept conclut à la confirmation du jugement entrepris de ce chef en indiquant que le marché litigieux excède le seuil de 12 000 euros fixé en Conseil d'état pour l'application de l'article 1799-1 du code civil, qu'elle n'a pas été informée de la souscription d'un crédit spécifique pour permettre le financement des travaux et qu'elle dispose d'une créance non contestée de 187 010,53 euros. Elle ajoute avoir délivré à la société Bleujet une mise en demeure de lui fournir une garantie de paiement, en vain, de sorte qu'elle a légitimement sursis à l'exécution du contrat depuis le 31 janvier 2019. Elle soutient également que la garantie de paiement peut être sollicitée à tout moment, même en cours d'exécution du marché.
En vertu de l'article 1799-1 du code civil, le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.
Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ou par une société d'économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par cet organisme ou cette société.
La garantie de paiement constitue une obligation d'ordre public qui peut être sollicitée à tout moment, même après la résiliation du marché ou en fin de chantier, dès lors que le montant des travaux n'a pas été intégralement réglé (3è Civ, 13 octobre 2016, n°15-14.455 ; 3è Civ., 18 mai 2017, n°16-16.795) et la contestation sur le montant des sommes restant dues est sans incidence sur l'obligation de fournir la garantie prévue par le texte susvisé (3è Civ., 17 juin 2015, n°14-17.897).
En outre, la possibilité d'une compensation future avec une éventuelle créance du maître de l'ouvrage ne dispense pas celui-ci de l'obligation légale de fournir la garantie de paiement du solde dû sur le marché (3è Civ., 11 mai 2010, n°09-14.558).
En l'espèce, il est établi que la société Bati concept a adressé à la société DCA architecte, maître d''uvre, avec copie à la société Bleujet, par courrier recommandé présenté le 19 janvier 2019 et non réclamé, une mise en demeure « de produire sous 15 jours calendaires la garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil » (pièce n°51 de la société Bati concept).
La société Bleujet se borne à développer une argumentation relative à l'existence de retards et de désordres affectant le chantier litigieux sans pour autant démontrer, ni alléguer, qu'elle a souscrit une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 susvisé, étant rappelé que cette garantie constitue une obligation d'ordre public à la charge du maître de l'ouvrage (3è Civ., 1er décembre 2004, n°03-13.949).
Dans ces conditions, étant observé qu'il n'est pas contesté que le montant des travaux n'a pas été intégralement réglé, le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.
Sur le solde du marché de travaux
La société Bleujet soutient que le solde du marché de travaux est de 187 010,48 euros dont doit être déduit la somme de 4 907,14 euros au titre des enrobés, terrassements et bordures non réalisés, de sorte qu'il s'établit à la somme de 182 102,68 euros.
La société Bati concept prétend qu'une somme de 187 010,53 euros au titre du solde du marché doit être retenue. Elle indique que les premiers juges ont retenu le bien-fondé de sa décision de surseoir à la réalisation des travaux en l'absence de remise d'une garantie de paiement de sorte depuis le 31 janvier 2019 que la somme de 4 907,14 euros au titre des travaux de VRD restants en attente ne pouvait être déduite, et observe que cette somme correspond en réalité au consuel, le montant des travaux de VRD ayant été évalué à 4 855,80 euros. Elle soutient également que la société Bleujet doit être déboutée de ses demandes au titre des réserves ou désordres apparus dans l'année de parfait achèvement compte tenu de l'exception d'inexécution en raison de l'absence de garantie de paiement.
Il ressort du rapport d'expertise que le 16 novembre 2018, une réception des travaux a eu lieu hors lot VRD, comme suit selon les observations de l'expert analysant les pièces produites par les parties lors des opérations d'expertise :
- Lot 1 Démolition : - sans réserve -
- Lot 2 Maçonnerie-Gros-'uvre :1 réserve - reprise soubassement renfort Gite 3 n°1443 (devis) : les parties ont lors des opérations d'expertise indiqué que cette réserve était devenue sans objet, le renfort ayant été réalisé
- Lot 3 Charpente-Couverture : 2 réserves - Vérification toiture isolation Gite 1 cuisine - Vérification toiture isolation Gite 1 porche
- Lot 4 Menuiseries extérieures : 1 réserve - Poignée Gite 1 -(illisible) sens porte /ouvrant à changer ; l'expert relève que ce point est issu d'une modification de la prestation initialement convenue sans signification claire et certaine à l'entreprise, de sorte que cette réserve ne peut être retenue
- Lot 5 Façades : 3 réserves - ventilation bardage / percement tableaux menuiseries baies vitrées Gite 1 - remontée par capillarité / traitement tout gite (enduit ext). En attente justification mis en 'uvre, sous réserve validation client. - profil d'angle brique / enduit / Gite 3 pignon
- Lot 6 Plâtrerie Isolation : 1 réserve - Renfort placo non installée derrière vasque Gite 4/2
- Lot 7 Menuiseries intérieures : - sans réserve
- Lot 8 Electricité : - sans réserve
- Lot 9 Plomberie-Sanitaires : - sans réserve
- Lot 10 Revêtement de sol : 1 réserve - parquet / enfoncement ' CH haut (endroit voir plan annexé) Gite 3
- Lot 11 Carrelage Faïences : 1 réserve - acrylique faïence Gite 3 salle d'eau ' arrangement ADOMUS.
S'agissant des travaux de VRD, ces éléments ne relèvent pas de la fixation du solde dû au titre du marché de travaux mais de l'appréciation des sommes éventuellement dues à la société Bleujet en raison de pénalités de retard, non-façon et malfaçons, lesquelles seront examinées ci-dessous, la société Bleujet ne pouvant à la fois réclamer que cette somme soit déduite du solde du marché de travaux tout en formant une demande de condamnation de la société Bati concept à lui payer cette même somme au titre des travaux non réalisés.
Il ressort du tableau reprenant les montants contractuellement fixés et les sommes versées par la société Bleujet, figurant en page 39 du rapport d'expertise et non contesté par les parties, que la société Bleujet a réglé une somme totale de 410 273,07 euros sur un total de 597 283,55 euros, soit un reste à payer de 187 010,48 euros, lequel constitue le solde du marché de travaux devant être mis à la charge de la société Bleujet.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef et la société Bleujet condamnée à payer à la société Bati concept la somme de 187 010,48 euros au titre du solde du marché de travaux, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du présent arrêt.
Sur les demandes de la société Bleujet au titre des réserves non levées et des inexécutions
La société Bleujet se fonde sur le rapport d'expertise pour réclamer le paiement des réserves concernant le lot façades et enduits (7 880 euros HT soit 9 456 euros TTC), de l'enfoncement du parquet de la chambre à l'étage du gite 3 (6 500 euros HT soit 7 800 euros TTC), ainsi que la somme liée à la réédition des consuels (4 855,80 euros) et celle relative à la réalisation des enrobés (4 907,14 euros).
La société Bati concept indique avoir remis les consuels au maître d''uvre conformément à sa demande lors de la réunion sur site le 20 décembre 2018, après une visite du site le 4 octobre 2018. Sur les travaux non réalisés, elle excipe de l'exception de garantie et précise que les travaux de bordures avaient été réalisés antérieurement comme le relève l'expert.
L'article 1792-6 alinéa 2 du code civil dispose que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
La garantie de parfait achèvement est une obligation de faire, pesant sur l'entreprise.
En l'espèce, lors de la réception des travaux le 16 novembre 2018, plusieurs réserves ont été mentionnées dont celles relatives aux façades et enduits et celle relative à l'enfoncement du parquet de la chambre à l'étage du gite 3.
Il n'est pas contesté que la société Bleujet a entendu mobiliser la garantie de parfait achèvement par conclusions signifiées le 1er octobre 2019, soit dans le délai d'un an prévu par l'article précité.
Pour autant, il est établi que la société Bati concept n'a pas procédé à la reprise des éléments dénoncés dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, de sorte qu'elle ne peut demander, sur ce fondement, le paiement des sommes liées aux réserves concernant les façades et enduits et celle relative à l'enfoncement du parquet de la chambre à l'étage du gite 3 sans justifier d'avoir fait réaliser ces travaux par une autre entreprise.
Cette demande sera rejetée.
S'agissant de la somme réclamée par la société Bleujet au titre de la réalisation des enrobés, et dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, les travaux peuvent être exécutés aux frais de l'entrepreneur défaillant si, une mise en demeure a été délivrée à l'entrepreneur en ce sens.
Il ressort toutefois du rapport d'expertise que les travaux d'enrobés n'avaient pas été réalisés lors de la réception du 16 novembre 2018 dans l'attente du passage de Enedis pour réceptionner le génie civil, ce point échappant aux travaux confiés à la société Bati concept de sorte qu'il ne peut lui être reproché une inexécution des travaux confiés à cette date.
Il ressort en outre du rapport d'expertise que la réception du génie civil par Enedis a eu lieu le 5 avril 2019, alors que la société Baticoncept a, par courrier du 12 février 2019, fait état de sa volonté de surseoir à l'exécution du contrat faute de justification par la société Bleujet d'une garantie de paiement conforme à l'article 1799-1 du code civil. Dans ces conditions, aucune somme ne peut être mise à la charge de la société Bleujet du fait de l'absence de réalisation des enrobés puisque les opérations préalables nécessaires à la réalisation de ces travaux ont été effectuées après qu'elle a légitimement sursis à l'exécution du contrat.
S'agissant de la somme réclamée au titre des Consuels, il appartient à la société Bleujet de rapporter la preuve de sa qualité de créancière, étant observé qu'elle n'invoque aucun fondement juridique au soutien de sa demande.
En tout état de cause, il est établi par les échanges de courriels entre les parties sur la période de décembre 2018 (pièce n°62 de la société Bati concept), que le maître d''uvre a réclamé la production des Consuels le 20 décembre 2018. La société Bleujet verse aux débats des Consuels datant de cette période. Aucun élément ne permet de déterminer que la société Bleujet n'en aurait pas été destinataire à cette date, étant observé que si les relations des parties se sont vraisemblablement dégradées peu de temps après, les courriers adressés par la suite par la société Bleujet ne réitèrent pas une demande de production des Consuels.
La cour ne peut fonder une condamnation sur une déduction hypothétique qui consisterait à dire que si la société Bleujet a par la suite mandatée une société tierce pour obtenir ces éléments, c'est qu'elle ne les aurait pas obtenus par le biais de la société Bati concept.
Cette demande doit donc être rejetée, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur les pénalités de retard
La société Bleujet soutient que le CCAP prévoit des pénalités de retard dont l'arbitre est le cabinet d'architecte DCA et que les parties ont renoncé à toute limitation des indemnités de retard. Sur les pénalités arrêtées à la date de réception soit le 16 novembre 2018, elle se fonde sur l'avis de l'expert et les réponses formulées aux observations de la société Bati concept lors des opérations d'expertise, qui déterminent qu'un calendrier des travaux a bien été conclu avec un début au 12 février 2018 et une fin au 23 juillet 2018. S'agissant des pénalités entre le 16 novembre 2018 et le 28 mai 2019, elle s'en rapporte à la décision de l'expert sur la date de réception du génie civil conforme conduisant à relever un retard de 161 jours. Sur la responsabilité des retards postérieurs au 16 novembre 2018, elle renvoie au courriel d'Enedis du 9 janvier 2019 imputant la non-conformité du lot VRD à la non-conformité des fourreaux posés par la société Bati concept dont elle avait connaissance et qu'elle a tenté de masquer en manchonnant des tronçons de gaine de 90 mm sur les gaines de 60 mm, cette malfaçon étant confirmée par le rapport d'expertise.
La société Bati concept fait valoir, s'agissant des pénalités de retard jusqu'à la réception des travaux, que contrairement aux dispositions contractuelles du CCAP, aucun planning n'a été rédigé en lien avec elle, que la mise en place des services publics et des concessionnaires n'a pas été réalisée dans le délai de 23 semaines, ceux-ci n'ayant été effectifs que le 29 mai 2019, ce qui a entraîné un retard dans l'exécution de ses prestations, et que le maître d''uvre n'a pas assuré sa mission de suivi de chantier et notamment n'a pas organisé de réunions de chantier en la convoquant préalablement. Elle ajoute que l'expert a relevé ces éléments sans en tirer de conséquences quant à l'impossibilité pour la société Bleujet de réclamer des indemnités de retard. Elle soutient encore avoir demandé dès le 24 septembre 2018 la réception des travaux par courrier recommandé, laquelle n'a finalement été réalisée que plusieurs mois plus tard alors que l'expert relève qu'à la date du 24 septembre 2018, les travaux étaient en l'état d'être réceptionnés.
Sur les pénalités de la réception des travaux au raccordement des gites, la société Bati concept indique qu'elles ne sont prévues par aucune disposition contractuelle. Elle ajoute que l'absence de raccordement est imputable à la société Bleujet, qui n'a pas réglé les frais de raccordement demandés par Enedis, et ce alors même qu'elle a relancé le maître d''uvre sur la nécessité d'intervention des concessionnaires. Elle dénie toute responsabilité dans l'absence de conformité des travaux de génie civil relevée par Enedis, indiquant ne pas être titulaire des travaux de génie civil qui incombaient au maître d'ouvrage, sa mission s'arrêtant à la fourniture et la pose des fourreaux, dont la conformité a été relevée par constat d'huissier. Sur la mise en eau, elle indique que seul un compteur sur les quatre prévus était ouvert lors de son intervention et qu'elle a constaté de multiples fuites, ce qu'elle a dénoncé au maître d''uvre. Elle ajoute que quoi qu'il en soit, les gites n'étaient pas habitables fautes de raccordement en eau et en électricité, de sorte que l'éventuel retard de livraison qui lui serait imputable n'est pas à l'origine du retard dans l'exploitation des gites qui n'étaient pas habitables.
En réponse au rapport d'expertise, elle soutient que le devis prévoyait la pose de fourreaux de 63 mm et que ce n'est qu'à la suite d'une demande d'Enedis que des fourreaux de 90 mm ont été réclamés. Elle soutient qu'aucun élément ne permet de dire qu'elle est à l'origine du manchon apposé sur le fourreau de 63 mm pour permettre une sortie de 90 mm. Elle fait sienne les observations de l'expert relatives au fait que le refus de validation du génie civil par Enedis avait plusieurs causes, à savoir la non-conformité des fourreaux mais également des non conformités d'ouvrages ne faisant pas partie du marché confié à la société Bati concept.
En vertu de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, deux périodes doivent être distinguées, à savoir en premier lieu les pénalités de retard couvrant la période antérieure à la réception du 16 novembre 2018, puis les pénalités de retard réclamées pour la période courant du 16 novembre 2018 au 28 mai 2019.
Sur les pénalités de retard réclamées par la société Bleujet pour la période antérieure à la réception des travaux intervenue le 16 novembre 2018, le CCAP signé par les parties prévoit en son article 4.1 :
« L'entrepreneur s'engage formellement sur la durée du chantier, indiquée dans le planning joint au CCAP. En cas de dépassement fautif, une indemnité, ayant pour objet une compensation financière de perte d'exploitation (location des gîtes retardée) est due par l'entrepreneur.
Cette indemnité est calculée sur la base de : 120 jours par gîtes et par jours calendaires de retard. Ce qui correspond au prix de la location journalière d'un gîte. Cette pénalité sera appliquée dès que l'entreprise aura dépassé la durée du chantier prévue sur le planning joint au CCAP (planning rédigé en lien avec l'entreprise) ».
L'article 4.2 relatif aux pénalités en cours de travaux précise : « les pénalités de retard prévues à l'article précédent seront appliquées systématiquement, sans qu'il ne soit nécessaire d'en aviser autrement l'entrepreneur, à tous retards partiels en cours d'exécution, sur la situation de la période où a été constaté le retard du fait de l'entreprise fautive.
Les sommes ainsi retenues seront reversées à l'entrepreneur lui-même s'il récupère son retard, et ce seulement en fin de travaux.
Au cas où l'entrepreneur ne rattraperait pas lui-même son retard, mais où celui-ci serait comblé par un autre entrepreneur, avec pour conséquence la bonne fin des travaux à la date prévue, les sommes retenues à l'entrepreneur retardataire seraient versées à l'entrepreneur ayant rattrapé ce retard.
Seul le maître d''uvre en accord avec le maître d'ouvrage peut déterminer de l'application des pénalités de retard telle que définies ci-dessus ».
23 juillet 2018, la réception partielle des lots ayant été réalisée le 16 novembre 2018.
L'article 4.7 énonce que « par dérogation au texte en vigueur, le plafond des pénalités applicables n'est pas plafonné. Les jours d'intempéries ainsi que les jours d'arrêt de chantier et/ou de production qui ne seraient pas du fait de l'entreprise, ne doivent pas être pris en compte dans le calcul des pénalités de retard.
En cas de retard croissant, le maître d'ouvrage pourra mettre fin immédiatement au marché. Il a seulement à régler, sous déduction des pénalités précitées, les travaux effectués à l'époque de l'envoi de la lettre recommandée signifiant la rupture du marché ».
Il doit être relevé que le motif tiré de l'exception de garantie retenue par les premiers juges pour rejeter la demande de la société Bleujet tendant à l'octroi de pénalités de retard ne peut être retenu s'agissant des pénalités antérieures à la réception du 16 novembre 2018 dès lors que la mise en demeure émise par la société Bati concept pour solliciter de la société Bleujet la justification d'une garantie de paiement est postérieure pour avoir été adressée le 19 janvier 2019.
Il est établi que l'acte d'engagement prévoyait une fin des travaux le 23 juillet 2018, la réception avec réserves étant intervenue le 16 novembre 2018.
S'il ressort de l'expertise qu'aucun planning de l'état d'avancement des travaux n'a été régulièrement signé par les parties, les seuls éléments communiqués dans le cadre des opérations d'expertise étant imprécis et non signés par les différents intervenants, il n'en demeure pas moins qu'il existait dans l'acte d'engagement un délai fixé au 23 juillet 2018 pour la fin de la réalisation des travaux confiés à la société Bati concept et que ce délai n'a pas été respecté, la réception des travaux étant intervenue le 16 novembre 2018.
Contrairement à ce que soutient la société Bati concept, le prononcé d'une réception le 23 septembre 2018, au vu du courrier qu'elle a adressé en ce sens à cette date, ne peut être retenu dès lors que ce courrier ne respecte pas les dispositions contractuelles du CCAP renvoyant à la norme NF P 03-001 des marchés privés en ce que, notamment, aucune date précise de réception n'est mentionnée.
Pour déterminer un retard de 139 jours pour les gites 1, 2 et 3 et de 77 jours pour le gite 4, l'expert retient la déduction des jours de congés de l'entreprise, le délai de 2 semaines accordés pour le gite 4 selon devis validé par le maître d'ouvrage le 28 mars 2018 et une prolongation d'une semaine pour intempéries résultant de l'historique produit par le maître d''uvre non contesté sur ce point par la société Bati concept.
Il s'ensuit que, s'agissant des pénalités de retard pour la période antérieure à la réception intervenue le 16 novembre 2018, une somme de 52 020 euros doit être retenue, en appliquant le montant de 120 euros par jour de retard contractuellement prévu.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef et la société Bati concept condamnée à payer à la société Bleujet la somme de 52 020 euros au titre des pénalités de retard pour la période courant jusqu'au 16 novembre 2018.
Sur les pénalités de retard réclamées par la société Bleujet pour la période courant du 16 novembre 2018 au 28 mai 2019, il s'agit comme le relève l'expert du retard lié aux travaux de « génie civil », impliquant le raccordement des gites en électricité et en eau, étant observé que la réception du 16 novembre 2018 ne portait pas sur ces éléments.
Il est constant que si, en application des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, l'entrepreneur est en droit de surseoir à l'exécution de ses travaux lorsque la garantie que doit le maître de l'ouvrage n'est pas fournie après une mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours, il lui appartient d'user de cette faculté et de notifier sa volonté de suspendre l'exécution du marché, à défaut de quoi elle reste tenue d'exécuter les travaux en vertu du contrat (3è Civ., 12 septembre 2007, n°06-14.540).
Par courrier du 12 février 2019, la société Bati concept à adressé à la société DCA, maître d''uvre, avec copie à la société Bleujet, un courrier recommandé indiquant « je vous informe que en raison du non-paiement et de la non fourniture de la garantie de paiement, nous n'interviendrons pas dans le délai prévu, pour la levée de la dernière réserve nous incombant, à savoir celle du lot 4. Il est entendu que dès que la situation se régularisera nous interviendrons sous 10 jours ».
Il est établi que la garantie de paiement n'a pas été justifiée et que la société Bati concept a entendu surseoir à l'exécution de ses travaux, de sorte qu'aucune pénalité de retard ne peut être réclamée à compter du 12 février 2019.
En outre, il ressort du rapport d'expertise que le retard concernant ces travaux est à tout le moins en partie imputable au maître d'ouvrage en ce que les opérations de raccordement ont pris du retard de son fait, entraînant un retard dans les travaux confiés à la société Bati concept.
Le CCAP mentionne à ce titre que la mise en place des services publics et des concessionnaires relève du maître d'ouvrage et que le délai de réalisation des travaux est fixé sous réserve de la bonne gestion de ces éléments par le maître de l'ouvrage, et l'expert relève que le maître d'ouvrage a tardé dans la réalisation des démarches envers les concessionnaires et dans la réalisation du local technique.
Au vu de ces éléments, la société Bleujet ne peut réclamer de pénalités de retard pour cette période, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
Sur l'indemnité forfaitaire de retard de paiement
L'article D 441-5 du code de commerce dans sa version applicable au contrat litigieux dispose que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au douzième alinéa du I de l'article L. 441-6 est fixé à 40 euros.
En l'espèce, bien que la société Bleujet demande l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, elle n'oppose aucun argumentaire à la demande de la société Bati concept étant observé que les retards de paiement imputables à l'appelante ont été déterminés ci-dessus.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur la compensation
L'article 1347 du code civil définit la compensation comme l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.
En l'espèce, la société Bleujet et la société Bati concept sont condamnées au paiement de sommes l'une envers l'autre, étant observé que ces condamnations ont toutes pour origine le contrat du 2 février 2018.
Il y a donc lieu d'ordonner la compensation des obligations réciproques des parties.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris sera confirmé s'agissant des demandes accessoires.
La société Bati concept sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés à hauteur d'appel et non compris dans les dépens, de sorte que les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Douai le 30 septembre 2020 rectifié par jugement rendu le 4 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Douai sauf en ce qu'il a :
- condamné la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 euros TTC en principal, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du jugement,
- débouté la société Bleujet de sa demande au titre des pénalités de retard,
Statuant à nouveau,
Condamne la SAS Bleujet à payer à la SARL Bati concept la somme de 187 010,48 euros au titre du solde du marché de travaux avec intérêts au taux BCE majoré de 10 points à compter du prononcé de l'arrêt ;
Condamne la SARL Bati concept à payer à la SAS Bleujet la somme de 52 020 euros au titre des pénalités de retard pour la période prenant fin le 16 novembre 2018 ;
Y ajoutant,
Ordonne la compensation des créances réciproques de la SARL Bati concept et de la SAS Bleujet ;
Condamne la SARL Bati concept aux dépens de la procédure d'appel ;
Rejette les demandes formées par la SARL Bati concept d'une part et la SAS Bleujet d'autre part au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 25/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/00125 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TL3I
Jugement (N° 2020001785)
rendu le 04 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Douai
APPELANTE
La SAS Bleujet
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué,
assistée de Me Caroline Bernard, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉE
La SARL Bati Concept
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Claire Titran, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 20 mai 2025, tenue par Carole Van Goetsenhoven magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er avril 2025
****
EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre d'une opération d'aménagement de gîtes situés [Adresse 3] et suivant acte d'engagement en date du 2 février 2018, la société Bleujet a confié à la société Bati concept la réalisation des lots démolition, maçonnerie gros 'uvre, charpente couverture, menuiseries extérieures, façades, plâtrerie isolation, menuiseries intérieures, électricité, plomberie sanitaires, revêtement de sol, carrelage faïences et abords à la société Bati concept pour un montant forfaitaire de 541 753,63 euros TTC. Un délai global de réalisation de 23 semaines était fixé à compter de la date fixée par l'ordre de service, le démarrage des travaux étant prévu le 12 février 2018 pour une fin prévue le 23 juillet 2018.
L'acte d'engagement prévoyait également que trois des quatre gîtes devaient être habitables et pouvoir être en fonctionnement au 23 juin 2018, sous réserve de la bonne gestion par la maîtrise d''uvre de la livraison du mobilier et de la mise en place des services publics et des concessionnaires (eau, électricité, téléphonie), ces éléments étant hors marché de la société Bati concept.
Le cahier des clauses administratives générales (CCAP) signé par les parties mentionnait l'intervention de la société DCA en qualité de maître d''uvre.
Selon avenant du 20 septembre 2018, la fourniture et la pose des appareils sanitaires a été retirée du marché confié à la société Bati concept.
Le 16 novembre 2018, le maître d''uvre pour le compte du maître d'ouvrage a réceptionné les travaux de la société Bati concept du lot n°1 au lot n°11, avec réserves.
La société Bleujet et la société Bati concept ont échangé, par la suite, plusieurs courriers relatifs à l'inexécution de leurs obligations réciproques.
Par exploit du 18 avril 2019, la société Bati concept a attrait la société Bleujet devant le tribunal de commerce de Douai aux fins notamment de la voir condamner à lui remettre une garantie de paiement sous astreinte et à lui payer le solde du marché d'un montant de 187 010,53 euros TTC, outre les intérêts et indemnité forfaitaire de retard.
Par jugement du 30 septembre 2020, le tribunal de commerce de Douai a :
- condamné la société Bleujet sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
- condamné la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 euros TTC en principal, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Bati concept du surplus de ses demandes,
- débouté la société Bleujet du surplus de ses demandes,
- condamné la société Bleujet aux dépens,
- liquidé les dépens du jugement à la somme de 73,22 euros.
Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal de commerce de Douai a rectifié le jugement précité et dit qu'à son dispositif sera substitué par celui qui suit :
- condamne la société Bleujet sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
- condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 euros TTC en principal, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du jugement,
- condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 560 euros de dommages et intérêts en application de l'article L 446-6 du code de commerce,
- ordonne l'exécution provisoire du jugement,
- condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute la société Bati concept du surplus de ses demandes,
- déboute la société Bleujet du surplus de ses demandes,
- condamne la société Bleujet aux dépens,
- liquidé les dépens du jugement à la somme de 73,22 euros.
Par déclaration reçue au greffe le 4 janvier 2021, la société Bleujet a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Par arrêt en date du 8 septembre 2022, la cour d'appel de Douai a notamment :
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 21 mars 2022,
- fixé la clôture de la procédure au 3 mai 2022,
- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [P], avec pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, les parties présentes ou appelées, de :
* se rendre sur les lieux, [Adresse 4],
* se faire communiquer tous documents et pièces utiles
établissant les rapports de droit entre les parties en cause
ainsi que les plans, devis, marchés dont elles entendent
faire état,
* prendre connaissance des procès-verbaux de réception du 16 novembre 2018 et des réserves y figurant,
* décrire les réserves figurant dans ces procès-verbaux de réception,
* en rechercher l'origine, la ou les causes, et dire si les travaux contestés ont été réalisés conformément aux règles de l'art et aux documents contractuels ;
* donner son avis sur la nature, le coût et la durée probable des travaux destinés à la poursuite et à l'achèvement à l'identique des prestations convenues d'une part, et à la réfection des malfaçons, non-conformités et dégâts connexes qui affecteraient la partie d'ouvrage déjà réalisée d'autre part,
* s'agissant du lot VRD, décrire l'étendue des travaux restant à réaliser et les chiffrer ; plus particulièrement, dire si la réalisation des travaux de raccordement par les concessionnaires était une condition préalable à la réalisation des travaux de VRD,
* donner son avis sur les comptes présentés par les parties,
* fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la cour d'appel de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d'évaluer s'il y a lieu tous les préjudices subis par la société Bleujet,
* de manière générale, faire toute constatation utile à la solution du litige,
- dit que de toutes ces opérations et constatations, l'expert dressera un rapport qu'il déposera au secrétariat-greffe de la cour avant le 10 avril 2023,
- réservé les dépens.
Par ordonnance du 29 septembre 2022, il a été procédé au remplacement de M. [P] par Mme [N] [G].
Par ordonnances des 18 avril 2023 et 23 novembre 2023, le délai à l'expiration duquel l'expert devra déposer son rapport a été prorogé pour être fixé au 30 octobre 2023 puis au 29 février 2024.
L'expert a déposé son rapport le 14 mars 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 7 juin 2024, la société Bleujet demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Douai le 30 septembre 2020 en ce qu'il a énoncé :
o Condamne la société Bleujet, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du présent jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du Code civil ;
o Condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 T.T.C en principal, majorée des intérêts moratoires et des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du présent jugement ;
o Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
o Condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Déboute la société Bati concept du surplus de ses demandes ;
o Déboute la société Bleujet du surplus de ses demandes ;
o Condamne la société Bleujet aux dépens ;
o Liquide les dépens du présent jugement à la somme de 73,22 euros ;
Et le jugement rectificatif du Tribunal de commerce de Douai du 4 novembre 2020 en ce qu'il a ajouté au jugement :
o Condamne la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 560 euros de dommages et intérêts en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce ;
Statuant à nouveau,
Vu le non-respect des délais de réalisation des travaux par la Société Bati concept,
- fixer le montant des indemnités de retard au 16 novembre 2018 (conformément au montant arrêté par le rapport d'expertise) à la somme de 52 020 euros,
- fixer le montant des indemnités de retard du 16 novembre 2018 au 28 mai 2019 (soit 161 jours x 480 euros divisés par 2) à la somme de 38 640 euros,
En conséquence,
- condamner la société Bati concept à verser à la société Bleujet la somme totale au titre des indemnités de retard de 52 020 euros et 38 640 euros soit 90 660 euros HT,
Vu la mise en jeu par la société Bleujet de la garantie de parfait achèvement par conclusions du 1er octobre 2019, et les postes retenus par le rapport d'expertise,
- condamner la société Bati concept à verser à la société Bleujet au titre des réserves non levées la somme de 17 256 euros HT (façade et enduits/enfoncement parquet)
Vu les travaux non réalisés par la société Bati concept et pris en charge par la société Bleujet
o Obtention consuel et reprise d'électricité non conforme : 4 855,80 euros TTC
o Enrobés, terrassement, bordures : 4 907,14 euros TTC
- juger que la société Bleujet dispose d'une créance sur la société Bati concept d'un montant de 112 771,80 euros se décomposant comme suit :
Indemnités de retard : 90 660 euros
Réserves non levées : 17 256 euros
Coût des consuels : 4 855,80 euros
En conséquence,
- Condamner la société Bati concept à payer un montant de 112 771,80 euros,
Vu le montant du solde du marché restant dû par la société Bleujet à la société Bati concept de 187 010, 48 euros, dont à déduire les « enrobés, terrassements, bordures » non réalisés pour 4 907,14 euros, soit 182 102,68 euros,
Vu les créances réciproques entre les co- contractants,
- ordonner la compensation des créances réciproques entre les parties,
En toute hypothèse,
- débouter la société Bleujet de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- condamner la société Bati concept à une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner à titre principal aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les honoraires de Mme [N] [G],
A titre subsidiaire, partager les dépens de première instance et d'appel par moitié,
Vu les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement de 1ère instance par la société Bleujet de 182 103,39 euros,
- condamner la société Bati concept à rembourser la somme de 112 771,80 euros avancée au titre de l'exécution du jugement et qui constitue un indu.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 2 novembre 2024, la société Bati concept demande à la cour de :
- dire bien jugé, mal appelé,
En conséquence,
À titre principal,
- confirmer la décision entreprise en ce que le tribunal a :
* condamné la société Bleujet, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
* condamné la société Bleujet au paiement du solde du marché de travaux, majoré des intérêts moratoires et des intérêts légaux au taux BCE, majoré de 10 points,
* condamné la société Bleujet à payer la société Bati concept la somme de 560 euros à titre d'indemnité forfaitaire de retard de paiement,
* condamné la société Bleujet à payer la société Bati concept au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles engagés en première instance,
Réformant sur le montant du solde du marché de travaux :
- condamner la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 187 010,53 euros T.T.C.,
- condamner la société Bleujet aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de saisie conservatoire pour un montant de 1 012,81 euros et les frais de constats des 25 octobre 2018 et 18 janvier 2019,
En toute hypothèse,
- débouter la société Bleujet de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire, concernant les indemnités de retard et si par impossible la Cour devait recevoir la société Bleujet en ses demandes,
- réduire les indemnités à l'euro symbolique et ordonner la compensation entre les sommes dues,
Y ajoutant,
- condamner la société Bleujet au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de garantie de paiement sous astreinte
La société Bleujet conclut à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à partir d'un mois après la signification du présent jugement, à remettre à la société Bati concept une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil, en faisant valoir que les premiers juges ont omis la phase antérieure à la mise en demeure délivrée par la société Bati concept le 14 janvier 2019 alors que le chantier accusait plus de six mois de retard, en ne tenant pas compte de la malfaçon dénoncée par Enedis le 9 janvier 2019 conduisant à un nouveau retard du chantier, en ne tenant pas compte des dispositions du CCAP concernant les pénalités de retard et le rôle donné au maître d''uvre à ce sujet et en écartant les demandes présentées au titre de la garantie de parfait achèvement.
La société Bati concept conclut à la confirmation du jugement entrepris de ce chef en indiquant que le marché litigieux excède le seuil de 12 000 euros fixé en Conseil d'état pour l'application de l'article 1799-1 du code civil, qu'elle n'a pas été informée de la souscription d'un crédit spécifique pour permettre le financement des travaux et qu'elle dispose d'une créance non contestée de 187 010,53 euros. Elle ajoute avoir délivré à la société Bleujet une mise en demeure de lui fournir une garantie de paiement, en vain, de sorte qu'elle a légitimement sursis à l'exécution du contrat depuis le 31 janvier 2019. Elle soutient également que la garantie de paiement peut être sollicitée à tout moment, même en cours d'exécution du marché.
En vertu de l'article 1799-1 du code civil, le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.
Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ou par une société d'économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par cet organisme ou cette société.
La garantie de paiement constitue une obligation d'ordre public qui peut être sollicitée à tout moment, même après la résiliation du marché ou en fin de chantier, dès lors que le montant des travaux n'a pas été intégralement réglé (3è Civ, 13 octobre 2016, n°15-14.455 ; 3è Civ., 18 mai 2017, n°16-16.795) et la contestation sur le montant des sommes restant dues est sans incidence sur l'obligation de fournir la garantie prévue par le texte susvisé (3è Civ., 17 juin 2015, n°14-17.897).
En outre, la possibilité d'une compensation future avec une éventuelle créance du maître de l'ouvrage ne dispense pas celui-ci de l'obligation légale de fournir la garantie de paiement du solde dû sur le marché (3è Civ., 11 mai 2010, n°09-14.558).
En l'espèce, il est établi que la société Bati concept a adressé à la société DCA architecte, maître d''uvre, avec copie à la société Bleujet, par courrier recommandé présenté le 19 janvier 2019 et non réclamé, une mise en demeure « de produire sous 15 jours calendaires la garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil » (pièce n°51 de la société Bati concept).
La société Bleujet se borne à développer une argumentation relative à l'existence de retards et de désordres affectant le chantier litigieux sans pour autant démontrer, ni alléguer, qu'elle a souscrit une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 susvisé, étant rappelé que cette garantie constitue une obligation d'ordre public à la charge du maître de l'ouvrage (3è Civ., 1er décembre 2004, n°03-13.949).
Dans ces conditions, étant observé qu'il n'est pas contesté que le montant des travaux n'a pas été intégralement réglé, le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.
Sur le solde du marché de travaux
La société Bleujet soutient que le solde du marché de travaux est de 187 010,48 euros dont doit être déduit la somme de 4 907,14 euros au titre des enrobés, terrassements et bordures non réalisés, de sorte qu'il s'établit à la somme de 182 102,68 euros.
La société Bati concept prétend qu'une somme de 187 010,53 euros au titre du solde du marché doit être retenue. Elle indique que les premiers juges ont retenu le bien-fondé de sa décision de surseoir à la réalisation des travaux en l'absence de remise d'une garantie de paiement de sorte depuis le 31 janvier 2019 que la somme de 4 907,14 euros au titre des travaux de VRD restants en attente ne pouvait être déduite, et observe que cette somme correspond en réalité au consuel, le montant des travaux de VRD ayant été évalué à 4 855,80 euros. Elle soutient également que la société Bleujet doit être déboutée de ses demandes au titre des réserves ou désordres apparus dans l'année de parfait achèvement compte tenu de l'exception d'inexécution en raison de l'absence de garantie de paiement.
Il ressort du rapport d'expertise que le 16 novembre 2018, une réception des travaux a eu lieu hors lot VRD, comme suit selon les observations de l'expert analysant les pièces produites par les parties lors des opérations d'expertise :
- Lot 1 Démolition : - sans réserve -
- Lot 2 Maçonnerie-Gros-'uvre :1 réserve - reprise soubassement renfort Gite 3 n°1443 (devis) : les parties ont lors des opérations d'expertise indiqué que cette réserve était devenue sans objet, le renfort ayant été réalisé
- Lot 3 Charpente-Couverture : 2 réserves - Vérification toiture isolation Gite 1 cuisine - Vérification toiture isolation Gite 1 porche
- Lot 4 Menuiseries extérieures : 1 réserve - Poignée Gite 1 -(illisible) sens porte /ouvrant à changer ; l'expert relève que ce point est issu d'une modification de la prestation initialement convenue sans signification claire et certaine à l'entreprise, de sorte que cette réserve ne peut être retenue
- Lot 5 Façades : 3 réserves - ventilation bardage / percement tableaux menuiseries baies vitrées Gite 1 - remontée par capillarité / traitement tout gite (enduit ext). En attente justification mis en 'uvre, sous réserve validation client. - profil d'angle brique / enduit / Gite 3 pignon
- Lot 6 Plâtrerie Isolation : 1 réserve - Renfort placo non installée derrière vasque Gite 4/2
- Lot 7 Menuiseries intérieures : - sans réserve
- Lot 8 Electricité : - sans réserve
- Lot 9 Plomberie-Sanitaires : - sans réserve
- Lot 10 Revêtement de sol : 1 réserve - parquet / enfoncement ' CH haut (endroit voir plan annexé) Gite 3
- Lot 11 Carrelage Faïences : 1 réserve - acrylique faïence Gite 3 salle d'eau ' arrangement ADOMUS.
S'agissant des travaux de VRD, ces éléments ne relèvent pas de la fixation du solde dû au titre du marché de travaux mais de l'appréciation des sommes éventuellement dues à la société Bleujet en raison de pénalités de retard, non-façon et malfaçons, lesquelles seront examinées ci-dessous, la société Bleujet ne pouvant à la fois réclamer que cette somme soit déduite du solde du marché de travaux tout en formant une demande de condamnation de la société Bati concept à lui payer cette même somme au titre des travaux non réalisés.
Il ressort du tableau reprenant les montants contractuellement fixés et les sommes versées par la société Bleujet, figurant en page 39 du rapport d'expertise et non contesté par les parties, que la société Bleujet a réglé une somme totale de 410 273,07 euros sur un total de 597 283,55 euros, soit un reste à payer de 187 010,48 euros, lequel constitue le solde du marché de travaux devant être mis à la charge de la société Bleujet.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef et la société Bleujet condamnée à payer à la société Bati concept la somme de 187 010,48 euros au titre du solde du marché de travaux, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du présent arrêt.
Sur les demandes de la société Bleujet au titre des réserves non levées et des inexécutions
La société Bleujet se fonde sur le rapport d'expertise pour réclamer le paiement des réserves concernant le lot façades et enduits (7 880 euros HT soit 9 456 euros TTC), de l'enfoncement du parquet de la chambre à l'étage du gite 3 (6 500 euros HT soit 7 800 euros TTC), ainsi que la somme liée à la réédition des consuels (4 855,80 euros) et celle relative à la réalisation des enrobés (4 907,14 euros).
La société Bati concept indique avoir remis les consuels au maître d''uvre conformément à sa demande lors de la réunion sur site le 20 décembre 2018, après une visite du site le 4 octobre 2018. Sur les travaux non réalisés, elle excipe de l'exception de garantie et précise que les travaux de bordures avaient été réalisés antérieurement comme le relève l'expert.
L'article 1792-6 alinéa 2 du code civil dispose que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
La garantie de parfait achèvement est une obligation de faire, pesant sur l'entreprise.
En l'espèce, lors de la réception des travaux le 16 novembre 2018, plusieurs réserves ont été mentionnées dont celles relatives aux façades et enduits et celle relative à l'enfoncement du parquet de la chambre à l'étage du gite 3.
Il n'est pas contesté que la société Bleujet a entendu mobiliser la garantie de parfait achèvement par conclusions signifiées le 1er octobre 2019, soit dans le délai d'un an prévu par l'article précité.
Pour autant, il est établi que la société Bati concept n'a pas procédé à la reprise des éléments dénoncés dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, de sorte qu'elle ne peut demander, sur ce fondement, le paiement des sommes liées aux réserves concernant les façades et enduits et celle relative à l'enfoncement du parquet de la chambre à l'étage du gite 3 sans justifier d'avoir fait réaliser ces travaux par une autre entreprise.
Cette demande sera rejetée.
S'agissant de la somme réclamée par la société Bleujet au titre de la réalisation des enrobés, et dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, les travaux peuvent être exécutés aux frais de l'entrepreneur défaillant si, une mise en demeure a été délivrée à l'entrepreneur en ce sens.
Il ressort toutefois du rapport d'expertise que les travaux d'enrobés n'avaient pas été réalisés lors de la réception du 16 novembre 2018 dans l'attente du passage de Enedis pour réceptionner le génie civil, ce point échappant aux travaux confiés à la société Bati concept de sorte qu'il ne peut lui être reproché une inexécution des travaux confiés à cette date.
Il ressort en outre du rapport d'expertise que la réception du génie civil par Enedis a eu lieu le 5 avril 2019, alors que la société Baticoncept a, par courrier du 12 février 2019, fait état de sa volonté de surseoir à l'exécution du contrat faute de justification par la société Bleujet d'une garantie de paiement conforme à l'article 1799-1 du code civil. Dans ces conditions, aucune somme ne peut être mise à la charge de la société Bleujet du fait de l'absence de réalisation des enrobés puisque les opérations préalables nécessaires à la réalisation de ces travaux ont été effectuées après qu'elle a légitimement sursis à l'exécution du contrat.
S'agissant de la somme réclamée au titre des Consuels, il appartient à la société Bleujet de rapporter la preuve de sa qualité de créancière, étant observé qu'elle n'invoque aucun fondement juridique au soutien de sa demande.
En tout état de cause, il est établi par les échanges de courriels entre les parties sur la période de décembre 2018 (pièce n°62 de la société Bati concept), que le maître d''uvre a réclamé la production des Consuels le 20 décembre 2018. La société Bleujet verse aux débats des Consuels datant de cette période. Aucun élément ne permet de déterminer que la société Bleujet n'en aurait pas été destinataire à cette date, étant observé que si les relations des parties se sont vraisemblablement dégradées peu de temps après, les courriers adressés par la suite par la société Bleujet ne réitèrent pas une demande de production des Consuels.
La cour ne peut fonder une condamnation sur une déduction hypothétique qui consisterait à dire que si la société Bleujet a par la suite mandatée une société tierce pour obtenir ces éléments, c'est qu'elle ne les aurait pas obtenus par le biais de la société Bati concept.
Cette demande doit donc être rejetée, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur les pénalités de retard
La société Bleujet soutient que le CCAP prévoit des pénalités de retard dont l'arbitre est le cabinet d'architecte DCA et que les parties ont renoncé à toute limitation des indemnités de retard. Sur les pénalités arrêtées à la date de réception soit le 16 novembre 2018, elle se fonde sur l'avis de l'expert et les réponses formulées aux observations de la société Bati concept lors des opérations d'expertise, qui déterminent qu'un calendrier des travaux a bien été conclu avec un début au 12 février 2018 et une fin au 23 juillet 2018. S'agissant des pénalités entre le 16 novembre 2018 et le 28 mai 2019, elle s'en rapporte à la décision de l'expert sur la date de réception du génie civil conforme conduisant à relever un retard de 161 jours. Sur la responsabilité des retards postérieurs au 16 novembre 2018, elle renvoie au courriel d'Enedis du 9 janvier 2019 imputant la non-conformité du lot VRD à la non-conformité des fourreaux posés par la société Bati concept dont elle avait connaissance et qu'elle a tenté de masquer en manchonnant des tronçons de gaine de 90 mm sur les gaines de 60 mm, cette malfaçon étant confirmée par le rapport d'expertise.
La société Bati concept fait valoir, s'agissant des pénalités de retard jusqu'à la réception des travaux, que contrairement aux dispositions contractuelles du CCAP, aucun planning n'a été rédigé en lien avec elle, que la mise en place des services publics et des concessionnaires n'a pas été réalisée dans le délai de 23 semaines, ceux-ci n'ayant été effectifs que le 29 mai 2019, ce qui a entraîné un retard dans l'exécution de ses prestations, et que le maître d''uvre n'a pas assuré sa mission de suivi de chantier et notamment n'a pas organisé de réunions de chantier en la convoquant préalablement. Elle ajoute que l'expert a relevé ces éléments sans en tirer de conséquences quant à l'impossibilité pour la société Bleujet de réclamer des indemnités de retard. Elle soutient encore avoir demandé dès le 24 septembre 2018 la réception des travaux par courrier recommandé, laquelle n'a finalement été réalisée que plusieurs mois plus tard alors que l'expert relève qu'à la date du 24 septembre 2018, les travaux étaient en l'état d'être réceptionnés.
Sur les pénalités de la réception des travaux au raccordement des gites, la société Bati concept indique qu'elles ne sont prévues par aucune disposition contractuelle. Elle ajoute que l'absence de raccordement est imputable à la société Bleujet, qui n'a pas réglé les frais de raccordement demandés par Enedis, et ce alors même qu'elle a relancé le maître d''uvre sur la nécessité d'intervention des concessionnaires. Elle dénie toute responsabilité dans l'absence de conformité des travaux de génie civil relevée par Enedis, indiquant ne pas être titulaire des travaux de génie civil qui incombaient au maître d'ouvrage, sa mission s'arrêtant à la fourniture et la pose des fourreaux, dont la conformité a été relevée par constat d'huissier. Sur la mise en eau, elle indique que seul un compteur sur les quatre prévus était ouvert lors de son intervention et qu'elle a constaté de multiples fuites, ce qu'elle a dénoncé au maître d''uvre. Elle ajoute que quoi qu'il en soit, les gites n'étaient pas habitables fautes de raccordement en eau et en électricité, de sorte que l'éventuel retard de livraison qui lui serait imputable n'est pas à l'origine du retard dans l'exploitation des gites qui n'étaient pas habitables.
En réponse au rapport d'expertise, elle soutient que le devis prévoyait la pose de fourreaux de 63 mm et que ce n'est qu'à la suite d'une demande d'Enedis que des fourreaux de 90 mm ont été réclamés. Elle soutient qu'aucun élément ne permet de dire qu'elle est à l'origine du manchon apposé sur le fourreau de 63 mm pour permettre une sortie de 90 mm. Elle fait sienne les observations de l'expert relatives au fait que le refus de validation du génie civil par Enedis avait plusieurs causes, à savoir la non-conformité des fourreaux mais également des non conformités d'ouvrages ne faisant pas partie du marché confié à la société Bati concept.
En vertu de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, deux périodes doivent être distinguées, à savoir en premier lieu les pénalités de retard couvrant la période antérieure à la réception du 16 novembre 2018, puis les pénalités de retard réclamées pour la période courant du 16 novembre 2018 au 28 mai 2019.
Sur les pénalités de retard réclamées par la société Bleujet pour la période antérieure à la réception des travaux intervenue le 16 novembre 2018, le CCAP signé par les parties prévoit en son article 4.1 :
« L'entrepreneur s'engage formellement sur la durée du chantier, indiquée dans le planning joint au CCAP. En cas de dépassement fautif, une indemnité, ayant pour objet une compensation financière de perte d'exploitation (location des gîtes retardée) est due par l'entrepreneur.
Cette indemnité est calculée sur la base de : 120 jours par gîtes et par jours calendaires de retard. Ce qui correspond au prix de la location journalière d'un gîte. Cette pénalité sera appliquée dès que l'entreprise aura dépassé la durée du chantier prévue sur le planning joint au CCAP (planning rédigé en lien avec l'entreprise) ».
L'article 4.2 relatif aux pénalités en cours de travaux précise : « les pénalités de retard prévues à l'article précédent seront appliquées systématiquement, sans qu'il ne soit nécessaire d'en aviser autrement l'entrepreneur, à tous retards partiels en cours d'exécution, sur la situation de la période où a été constaté le retard du fait de l'entreprise fautive.
Les sommes ainsi retenues seront reversées à l'entrepreneur lui-même s'il récupère son retard, et ce seulement en fin de travaux.
Au cas où l'entrepreneur ne rattraperait pas lui-même son retard, mais où celui-ci serait comblé par un autre entrepreneur, avec pour conséquence la bonne fin des travaux à la date prévue, les sommes retenues à l'entrepreneur retardataire seraient versées à l'entrepreneur ayant rattrapé ce retard.
Seul le maître d''uvre en accord avec le maître d'ouvrage peut déterminer de l'application des pénalités de retard telle que définies ci-dessus ».
23 juillet 2018, la réception partielle des lots ayant été réalisée le 16 novembre 2018.
L'article 4.7 énonce que « par dérogation au texte en vigueur, le plafond des pénalités applicables n'est pas plafonné. Les jours d'intempéries ainsi que les jours d'arrêt de chantier et/ou de production qui ne seraient pas du fait de l'entreprise, ne doivent pas être pris en compte dans le calcul des pénalités de retard.
En cas de retard croissant, le maître d'ouvrage pourra mettre fin immédiatement au marché. Il a seulement à régler, sous déduction des pénalités précitées, les travaux effectués à l'époque de l'envoi de la lettre recommandée signifiant la rupture du marché ».
Il doit être relevé que le motif tiré de l'exception de garantie retenue par les premiers juges pour rejeter la demande de la société Bleujet tendant à l'octroi de pénalités de retard ne peut être retenu s'agissant des pénalités antérieures à la réception du 16 novembre 2018 dès lors que la mise en demeure émise par la société Bati concept pour solliciter de la société Bleujet la justification d'une garantie de paiement est postérieure pour avoir été adressée le 19 janvier 2019.
Il est établi que l'acte d'engagement prévoyait une fin des travaux le 23 juillet 2018, la réception avec réserves étant intervenue le 16 novembre 2018.
S'il ressort de l'expertise qu'aucun planning de l'état d'avancement des travaux n'a été régulièrement signé par les parties, les seuls éléments communiqués dans le cadre des opérations d'expertise étant imprécis et non signés par les différents intervenants, il n'en demeure pas moins qu'il existait dans l'acte d'engagement un délai fixé au 23 juillet 2018 pour la fin de la réalisation des travaux confiés à la société Bati concept et que ce délai n'a pas été respecté, la réception des travaux étant intervenue le 16 novembre 2018.
Contrairement à ce que soutient la société Bati concept, le prononcé d'une réception le 23 septembre 2018, au vu du courrier qu'elle a adressé en ce sens à cette date, ne peut être retenu dès lors que ce courrier ne respecte pas les dispositions contractuelles du CCAP renvoyant à la norme NF P 03-001 des marchés privés en ce que, notamment, aucune date précise de réception n'est mentionnée.
Pour déterminer un retard de 139 jours pour les gites 1, 2 et 3 et de 77 jours pour le gite 4, l'expert retient la déduction des jours de congés de l'entreprise, le délai de 2 semaines accordés pour le gite 4 selon devis validé par le maître d'ouvrage le 28 mars 2018 et une prolongation d'une semaine pour intempéries résultant de l'historique produit par le maître d''uvre non contesté sur ce point par la société Bati concept.
Il s'ensuit que, s'agissant des pénalités de retard pour la période antérieure à la réception intervenue le 16 novembre 2018, une somme de 52 020 euros doit être retenue, en appliquant le montant de 120 euros par jour de retard contractuellement prévu.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef et la société Bati concept condamnée à payer à la société Bleujet la somme de 52 020 euros au titre des pénalités de retard pour la période courant jusqu'au 16 novembre 2018.
Sur les pénalités de retard réclamées par la société Bleujet pour la période courant du 16 novembre 2018 au 28 mai 2019, il s'agit comme le relève l'expert du retard lié aux travaux de « génie civil », impliquant le raccordement des gites en électricité et en eau, étant observé que la réception du 16 novembre 2018 ne portait pas sur ces éléments.
Il est constant que si, en application des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, l'entrepreneur est en droit de surseoir à l'exécution de ses travaux lorsque la garantie que doit le maître de l'ouvrage n'est pas fournie après une mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours, il lui appartient d'user de cette faculté et de notifier sa volonté de suspendre l'exécution du marché, à défaut de quoi elle reste tenue d'exécuter les travaux en vertu du contrat (3è Civ., 12 septembre 2007, n°06-14.540).
Par courrier du 12 février 2019, la société Bati concept à adressé à la société DCA, maître d''uvre, avec copie à la société Bleujet, un courrier recommandé indiquant « je vous informe que en raison du non-paiement et de la non fourniture de la garantie de paiement, nous n'interviendrons pas dans le délai prévu, pour la levée de la dernière réserve nous incombant, à savoir celle du lot 4. Il est entendu que dès que la situation se régularisera nous interviendrons sous 10 jours ».
Il est établi que la garantie de paiement n'a pas été justifiée et que la société Bati concept a entendu surseoir à l'exécution de ses travaux, de sorte qu'aucune pénalité de retard ne peut être réclamée à compter du 12 février 2019.
En outre, il ressort du rapport d'expertise que le retard concernant ces travaux est à tout le moins en partie imputable au maître d'ouvrage en ce que les opérations de raccordement ont pris du retard de son fait, entraînant un retard dans les travaux confiés à la société Bati concept.
Le CCAP mentionne à ce titre que la mise en place des services publics et des concessionnaires relève du maître d'ouvrage et que le délai de réalisation des travaux est fixé sous réserve de la bonne gestion de ces éléments par le maître de l'ouvrage, et l'expert relève que le maître d'ouvrage a tardé dans la réalisation des démarches envers les concessionnaires et dans la réalisation du local technique.
Au vu de ces éléments, la société Bleujet ne peut réclamer de pénalités de retard pour cette période, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
Sur l'indemnité forfaitaire de retard de paiement
L'article D 441-5 du code de commerce dans sa version applicable au contrat litigieux dispose que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au douzième alinéa du I de l'article L. 441-6 est fixé à 40 euros.
En l'espèce, bien que la société Bleujet demande l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, elle n'oppose aucun argumentaire à la demande de la société Bati concept étant observé que les retards de paiement imputables à l'appelante ont été déterminés ci-dessus.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur la compensation
L'article 1347 du code civil définit la compensation comme l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.
En l'espèce, la société Bleujet et la société Bati concept sont condamnées au paiement de sommes l'une envers l'autre, étant observé que ces condamnations ont toutes pour origine le contrat du 2 février 2018.
Il y a donc lieu d'ordonner la compensation des obligations réciproques des parties.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris sera confirmé s'agissant des demandes accessoires.
La société Bati concept sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés à hauteur d'appel et non compris dans les dépens, de sorte que les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Douai le 30 septembre 2020 rectifié par jugement rendu le 4 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Douai sauf en ce qu'il a :
- condamné la société Bleujet à payer à la société Bati concept la somme de 182 103,39 euros TTC en principal, majorée des intérêts moratoires à des intérêts légaux au taux BCE majoré de 10 points à compter du jugement,
- débouté la société Bleujet de sa demande au titre des pénalités de retard,
Statuant à nouveau,
Condamne la SAS Bleujet à payer à la SARL Bati concept la somme de 187 010,48 euros au titre du solde du marché de travaux avec intérêts au taux BCE majoré de 10 points à compter du prononcé de l'arrêt ;
Condamne la SARL Bati concept à payer à la SAS Bleujet la somme de 52 020 euros au titre des pénalités de retard pour la période prenant fin le 16 novembre 2018 ;
Y ajoutant,
Ordonne la compensation des créances réciproques de la SARL Bati concept et de la SAS Bleujet ;
Condamne la SARL Bati concept aux dépens de la procédure d'appel ;
Rejette les demandes formées par la SARL Bati concept d'une part et la SAS Bleujet d'autre part au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille