CA Rennes, ch. conflits d'entre., 24 septembre 2025, n° 23/05666
RENNES
Arrêt
Autre
Chambre Conflits d'Entreprise
ARRÊT N°06
N° RG 23/05666 -
N° Portalis DBVL-V-B7H-UETT
S.A.S.U. GENAVIR - GESTION DE NAVIRES DE RECHERCHE
C/
Syndicat CGT DES MARINS DU GRAND OUEST
Sur appel du jugement du Tribunal Judiciaire de BREST du 28/09/2023
(Réf 1ère instance : 22/00081)
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Juin 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La S.A.S.U. GENAVIR - GESTION DE NAVIRES DE RECHERCHE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier BOULOUARD de la SELARL MAGELLAN, Avocat au Barreau de BREST
INTIMÉE et appelante à titre incident :
Le Syndicat CGT DES MARINS DU GRAND OUEST pris en la personne de son Secrétaire en exercice
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Paul BEAUSSILLON, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
Le GIE Genavir (groupement pour la gestion de navires de recherche) a été constitué par l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) et deux compagnies maritimes pour une durée initiale de 30 années à compter du 13 août 1976. S'y sont joints le CNRS et l'ORSYOM en 1993. Sa durée a été prorogée de 10 années à compter du 13 août 2006. Son objet consistait dans la mise en oeuvre de tous les moyens permettant d'assurer la gestion de navires océanologiques et des engins et équipements afférents à l'océanologie appartenant ou non à ses membres.
Le 28 juin 2016, le contrat de groupement a été renouvelé jusqu'au 31 décembre 2019. Il avait alors pour membres, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), l'Institut de recherche pour le développement (IRD), le [Adresse 4] (CNRS) et l'Institut national de recherche en sciences pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), établissements publics à carctère scientifique et technologique.
A la suite de l'unification de la flotte océanographique le 1er janvier 2018 ayant consisté dans le transfert à l'IFREMER des navires de l'IRD et du CNRS, les activités du GIE étaient essentiellement consacrées à l'armement de la flotte placée sous l'égide de l'IFREMER.
Le GIE employait des marins mais également des salariés sédentaires.
Une UES regroupait le GIE Genavir et l'IFREMER.
Au terme de la durée du GIE, ses membres ont décidé de sa dissolution et désigné l'IFREMER comme liquidateur. Le GIE a pris fin au 31 décembre 2019 et la clôture de sa liquidation a été actée lors de l'assemblée génerale extraordinaire du groupement du 30 septembre 2020.
La SASU Genavir a été fondée en octobre 2019 par l'IFREMER, son associé unique. La SASU Genavir a pour objet social la gestion et la maintenance de navires et engins sous-marins, objets flottants et équipements scientifiques, l'acquisition, la qualification et le traitement de données océanographiques, toutes prestations de services dans le domaine maritime, la prise de participation dans des sociétés ou entités contribuant au développement de ces activités.
La SASU Genavir et l'IFREMER sont liées par des contrats cadres qui organisent leurs relations opérationnelles.
Par courrier adressé aux 368 salariés du GIE le 10 décembre 2019, le directeur général de la société Genavir les a informés du transfert de l'activité économique du GIE et de leurs contrats de travail à la société Genavir en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail avec effet au 1er janvier 2020.
La société Genavir a débuté son activité le 1er janvier 2020.
Par courrier du 6 décembre 2021, l'inspecteur du travail a notifié à la SASU Genavir un constat de carence relatif à l'obligation de mise en place d'un accord de participation en son sein au visa de l'article L. 3322-5 du code du travail qui prévoit que « lorsque, dans un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés, un accord de participation n'a pas été conclu, cette situation est constatée par l'inspecteur du travail » .
Par acte en date du 10 janvier 2022, le CSE et le syndicat CGT des marins du grand ouest ont saisi le tribunal judiciaire de Brest aux fins de voir :
- enjoindre la société Genavir de mettre en place un régime de participation conformément à l'article L. 3323-5 du code du travail, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 60 jours à compter du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- condamner la société Genavir à payer 5 000 euros de dommages et intérêts à la CGT des Marins du Grand Ouest en raison du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession,
- enjoindre la société Genavir à remettre au CSE le rapport prévu à l'article D. 3323-13 du code du travail,
- désigner le cabinet d'expert Syndex dans le cadre de la mission rémunérée par Genavir ayant pour objet d'assister le CSE dans la lecture du rapport remis par l'employeur conformément à l'article D. 3323-14 du code du travail,
- enjoindre la société Genavir à payer à chaque salarié de Genavir éligible à la participation qui lui est due au titre des années 2020 et 2021 sous astreinte de 50 euros par jour de retard par manquement constaté pendant 60 jours à compter du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- condamner la société Genavir à payer au CSE Genavir Marins et à la CGT des Marins du grand ouest chacun 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Genavir aux entiers dépens.
Par ordonnance du 20 septembre 2022, le juge de la mise en état a déclaré le CSE irrecevable en son action.
Le 13 octobre 2022, un accord de participation a été signé entre la direction et les syndicats CGT et CFDT définissant les modalités de calcul de la prime de participation, de répartition entre les salariés et de plafonnement ainsi que sa durée d'application, l'accord s'appliquant pour la première fois au calcul et au versement de la réserve spéciale de participation au titre des résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2022 et stipulant qu'il ne produira plus aucun effet à compter du 1er janvier 2025.
Une clause de rétroactivité stipule que 'dans le cas où une décision judiciaire imposerait le versement des primes de participation aux bénéfices pour les exercices clos le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2021, les dispositions de l'accord s'appliqueraient'.
Au dernier état de ses conclusions de première instance, le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest sollicitait de voir :
- Enjoindre à la société Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 60 jours à compter du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- Condamner la société Genavir à payer 5 000 euros de dommages et intérêts à la CGT des Marins du Grand Ouest en raison du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession,
- Condamner la société Genavir à payer à la CGT des Marins du Grand Ouest chacun 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Genavir aux entiers dépens.
Par jugement en date du 28 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Brest a :
- enjoint la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021 ;
- débouté le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest de sa demande indemnitaire ;
- condamné la SASU Genavir à verser la somme de 3 000 euros au syndicat CGT des Marins du Grand Ouest en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SASU Genavir aux entiers dépens ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
- écarté l'exécution provisoire de droit.
La SASU Genavir - gestion de navires de recherche - a interjeté appel le 02 octobre 2023.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 mars 2025, la société Genavir - gestion de navires de Recherche, appelante, sollicite de :
- réformer et infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 28 septembre 2023 en ce qu'il a :
- enjoint la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021,
- condamné la SASU Genavir à verser au syndicat CGT des Marins du Grand Ouest la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SASU Genavir aux entiers dépens,
- débouté la SASU Genavir de ses demandes de condamnation du syndicat CGT des marins du grand ouest aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau de ces chefs
A titre principal :
- débouter le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest de l'intégralité de ses demandes,
- condamner le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest aux entiers dépens d'appel et de première instance.
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse d'une confirmation de l'injonction faite à la SAS Genavir de mettre en place un accord de participation à compter de l'exercice 2020,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 28 septembre 2023 en ce qu'il a enjoint à la SASU Genavir de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et au 31 décembre 2021,
- dire n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- débouter le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest du surplus de ses demandes.
La SASU Genavir, appelante, soutient qu'elle ne saurait être assujettie à la mise en place d'un accord de participation aux résultats avant son exercice 2023 dans la mesure où sa création ne résulte pas d'une fusion totale ou partielle d'une entreprise préexistante au sens de l'article L. 3322-5 du code du travail. Elle expose à ce titre que la SAS Genavir n'a pas absorbé le GIE Genavir, que le GIE Genavir n'a pas transmis tout ou partie de son patrimoine à la SASU Genavir ni aucun matériel, qu'au terme du contrat de 30 ans de GIE, les membres lors de l'AGE du 27 novembre 2019 ont décidé de la dissolution et désigné l'Ifremer comme liquidateur, que lors de la liquidation du GIE Genavir, la SASU Genavir ne s'est vu transmettre par celui-ci aucun actif, ni patrimoine et que le mali de liquidation de 610 456,53 euros a été imputé à l'Ifremer et non à la société.
La société souligne que de nouvelles conventions ont été conclues avec les anciens partenaires du GIE, les conventions initiales n'ayant pas été transférées.
Elle conclut qu'en l'absence de transfert de patrimoine, les seuls transferts de plein de droit de personnel et la reprise d'une activité préexistante ne sauraient caractériser une opération de fusion totale ou partielle survenue entre le GIE Genavir et la SASU Genavir.
La société Genavir ajoute que l'accord de participation ne résulte pas non plus d'un engagement unilatéral de sa part au titre du Business Plan 2020-2025 présenté à la constitution de la société dans la mesure où il ne s'agit pas d'une décision explicite, claire et non équivoque mais d'une présentation des projections stratégiques et financières de la compagnie et souligne qu'aucune décision de principe n'a été prise en ce sens
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 février 2024, le syndicat CGT des Marins du grand Ouest, intimé, sollicite de la cour de :
- recevoir le syndicat CGT des Marins du grand Ouest en son appel incident, le dire bien fondé et y faisant droit,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Brest en date 28 septembre 2023 en ce qu'il a :
- enjoint à la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021;
- condamné la SASU Genavir à verser la somme de 3.000 euros au syndicat CGT des Marins du Grand Ouest en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SASU Genavir aux entiers dépens ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté le syndicat CGT des Marins du grand ouest de sa demande indemnitaire ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire du syndicat CGT des Marins du grand ouest ;
Et statuant à nouveau sur les seuls chefs critiqués :
- condamner la société Genavir à payer 5 000 € de dommages-intérêts à la CGT des Marins du grand ouest en raison du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession ;
- condamner la société Genavir à payer à la CGT des Marins du grand ouest 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner la société Genavir aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Pour le syndicat, intimé, la société ne peut être considérée comme une entreprise nouvelle au sens de l'article L. 3322-5 du code du travail de sorte qu'elle ne peut bénéficier du report de l'obligation de mise en place du régime de participation et doit au contraire être soumise au régime des sociétés issues d'une fusion ou d'un apport partiel d'actifs. Le syndicat expose que l'IFREMER a créé la SASU Genavir pour continuer l'activité du GIE, dont elle était membre constitutif et donneur d'ordre unique, en le faisant bénéficier d'un apport d'actif et du transfert du personnel. Le syndicat soutient que la SASU a repris l'ensemble des activités de Genavir, ses locaux, ses contrats, le solde de trésorerie du GIE ainsi que son personnel qui a été transféré.
A titre subsidiaire, le syndicat fait valoir qu'un Business Plan Genavir 2020-2025 prévoyait expressément que la perspective de réaliser des résultats bénéficiaires entraînait «la possibilité de verser de la participation aux résultats aux salariés au travers d'un accord à négocier» lequel vaut selon lui engagement unilatéral de l'employeur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS :
Selon l'article L. 3322-1 du code du travail, 'la participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise.
Elle prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve spéciale de participation.
Elle est obligatoire dans les entreprises mentionnées au présent chapitre. L'obligation s'applique à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années civiles consécutives mentionnées au premier alinéa du II de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.
Elle concourt à la mise en 'uvre de la gestion participative dans l'entreprise.'
- sur l'existence d'une fusion ou d'un apport partiel d'actifs :
L'article L. 3322-5 du même code prévoit que 'dans les entreprises nouvelles dont la création ne résulte pas d'une fusion, totale ou partielle, d'entreprises préexistantes, les accords de participation sont conclus à partir du troisième exercice clos après leur création'.
En vertu de l'article L. 3322-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour de l'opération litigieuse, 'lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'entreprise, par fusion, cession ou scission, rendant impossible l'application d'un accord de participation, cet accord cesse de produire effet entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
En l'absence d'accord de participation applicable à la nouvelle entreprise, celle-ci engage, dans un délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice au cours duquel est intervenue la modification, une négociation en vue de la conclusion d'un nouvel accord, selon l'un des modes prévus à l'article L. 3322-6.'
Si l'article L.3322-8 du code du travail cite la fusion, la cession ou la scission, certains mécanismes modifiant la situation juridique de l'entreprise sont comparables à la fusion. Ainsi, est-ce le cas pour l'apport partiel d'actifs, invoqué par l'appelant, aux termes duquel une première société apporte à une seconde société une partie, voire l'intégralité, de ses actifs, sans que la première société ne disparaisse, opération conduisant à l'application des dispositions de l'article L.'1224-1 du code du travail.
Dans le cas de la scission partielle, variante de l'apport partiel d'actifs, ce sont les associés de la société apporteuse qui bénéficient de la rémunération en titres émis par la société bénéficiaire de l'apport.
L'apport partiel d'actif par une société apporteuse en liquidation est admis.
En l'espèce, il convient d'apprécier s'il a été procédé à une opération de fusion, sous ses diverses variantes, à l'occasion du transfert de l'activité et du personnel du GIE à la SASU Genavir.
Il est acquis que le GIE avait été constitué pour l'exploitation des navires lesquels au dernier état du GIE appartenaient tous à l'IFREMER.
L'activité exploitée par le GIE consistant dans l'armement des navires a été transférée à la SASU ainsi que le personnel, marin et sédentaire, attaché à cette activité.
Le GIE Genavir dont le membre majoritaire était l'IFREMER a ainsi apporté son activité à la SASU Genavir dont l'IFREMER est l'associé unique.
Il n'est pas contesté qu'aucun acte de transfert d'activité et d'actif n'a été formalisé.
S'agissant du transfert ou d'apports d'actifs, aucune des pièces produites n'établit l'apport de biens corporels, mobiliers ou immobiliers, ou de biens incorporels tels que des contrats ou des habilitations à l'armement de navires.
L'IFREMER produit au contraire une convention cadre de gestion des moyens marins conclue le 21 novembre 2019 directement avec la SASU Genavir aux fins d'armement de ses navires sans aucune référence à un transfert d'une précédente convention avec le GIE.
Il n'est pas plus fait référence au sort des outils de maintenance des navires qui constituerait des actifs du GIE ni des autres biens corporels nécessaires à l'exercice de leur prestation de travail par les salariés sédentaires.
Par ailleurs, le fait que le solde de trésorerie du GIE Genavir ait transité par la SASU Genavir ne caractérise pas un transfert d'actif dans la mesure où ces fonds ont été reversés à l'IFREMER comme cela résulte des relevés d'opérations bancaires versés aux débats.
S'agissant de la provision pour congés payés qui a été reprise par la SASU Genavir sur le GIE lors du transfert du personnel selon le rapport d'avril 2011 de l'expert mandaté par l'UES, elle est accessoire à ce transfert de personnel au regard des droits acquis à congés de celui-ci au jour du transfert. Il en est de même de la reprise des prêts action logement conclus au bénéfice des salariés.
La reprise des provisions pour avarie d'équipement cité par le rapport d'avril 2011 de l'expert mandaté par l'UES participe du transfert d'activité.
En outre, le transfert d'activité est intervenu sans d'une part que la SASU Genavir n'alloue de contre partie sous forme de parts sociales à l'actionnaire du GIE à savoir l'IFREMER, ce dernier, associé unique de la SASU Genavir ayant en revanche apporté une somme en capital lors de la constitution de la société dont il est associé unique. Dès lors, en l'absence d'une telle contrepartie en parts sociales de l'apport de l'activité, l'opération n'est pas susceptible de répondre à la définition de l'apport partiel d'actifs sous forme de scission partielle qui suit le régime des fusions.
Le fait que ce transfert d'activité soit intervenu concomitament à la liquidation du GIE laquelle a conduit à l'imputation à l'IFREMER du mali de liquidation à hauteur de 600 000 euros et à la perception par l'IFREMER d'un solde de trésorerie du GIE de 334 136 euros le 18 décembre 2020, n'est pas suffisant, au regard de l'absence de transfert d'actifs corporels et incorporels et de l'absence d'attribution de titres en contre partie des transferts, pour placer la modification de la situation juridique de l'entreprise initialement exploitée par le GIE Genavir sous le régime des fusions, cessions ou scissions.
Au surplus, le GIE Genavir a été dissous, or les opérations de fusion, cession ou scission ne conduisent pas à la dissolution de l'entité absorbée ou dont des actifs sont apportés.
Ainsi, ces opérations croisées ne revêtent pas tous les aspects d'une fusion ni d'un apport partiel d'actifs avec scission de sorte que malgré le rôle actif et déterminant de l'IFREMER en tant que membre principal du GIE Genavir et d'associé unique de la SASU Genavir dans cette modification de la situation juridique de l'entreprise d'armement des navires, le régime des fusions ne s'applique pas à l'opération litigieuse.
- sur l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur :
Constitue un engagement unilatéral, toute décision unilatérale, claire et non équivoque, de l'employeur d'accorder un avantage à ses salariés.
Un engagement unilatéral de l'employeur a force obligatoire dès lors qu'il n'est pas contraire à des dispositions d'ordre public.
En l'espèce, la mention dans le 'business plan' de la SAU Genavir selon laquelle « Le BP Genavir 2020-2025 tel que présenté fait ressortir : ['] Un développement maîtrisé qui offre des perspectives intéressantes pour les différentes parties prenantes, notamment ['] les salariés, par le développement de l'emploi, la participation aux résultats et une gestion optimisée des engagements retraite » ne constitue pas un engagement clair et non équivoque de l'employeur à mettre en place un accord de participation dès la première année d'exercice de la société.
Le syndicat CGT des marins du grand ouest ne peut donc pas se prévaloir d'un engagement unilatéral de l'employeur.
Il en résulte que ce ne sont pas les dispositions de l'article L. 3322-8 du code du travail qui s'appliquent mais celles de l'article L.3322-5 de sorte que la société Genavir n'était tenue de conclure un accord de participation qu'à partir du troisième exercice clos après sa création.
Elle y a précisément procédé.
La SASU Genavir n'étant pas assujettie à la mise en place immédiate dès l'exercice clos au 31 décembre 2020 d'un accord de participation, les demandes formées par le syndicat CGT des marins du grand ouest sont en conséquence rejetées.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession :
En l'absence de violation des dispositions de l'article L.3322-8 du code du travail, aucune atteinte à l'intérêt collectif de la profession n'est caractérisée.
La demande indemnitaire est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
- 9-
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est infirmé s'agissant des dépens et frais irrépétibles de la première instance.
Au regard de la nature de l'affaire et en équité, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,
Le confirme de ce chef,
statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Rejette la demande tendant à enjoindre à la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021,
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
ARRÊT N°06
N° RG 23/05666 -
N° Portalis DBVL-V-B7H-UETT
S.A.S.U. GENAVIR - GESTION DE NAVIRES DE RECHERCHE
C/
Syndicat CGT DES MARINS DU GRAND OUEST
Sur appel du jugement du Tribunal Judiciaire de BREST du 28/09/2023
(Réf 1ère instance : 22/00081)
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Juin 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE et intimée à titre incident :
La S.A.S.U. GENAVIR - GESTION DE NAVIRES DE RECHERCHE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier BOULOUARD de la SELARL MAGELLAN, Avocat au Barreau de BREST
INTIMÉE et appelante à titre incident :
Le Syndicat CGT DES MARINS DU GRAND OUEST pris en la personne de son Secrétaire en exercice
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Paul BEAUSSILLON, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
Le GIE Genavir (groupement pour la gestion de navires de recherche) a été constitué par l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) et deux compagnies maritimes pour une durée initiale de 30 années à compter du 13 août 1976. S'y sont joints le CNRS et l'ORSYOM en 1993. Sa durée a été prorogée de 10 années à compter du 13 août 2006. Son objet consistait dans la mise en oeuvre de tous les moyens permettant d'assurer la gestion de navires océanologiques et des engins et équipements afférents à l'océanologie appartenant ou non à ses membres.
Le 28 juin 2016, le contrat de groupement a été renouvelé jusqu'au 31 décembre 2019. Il avait alors pour membres, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), l'Institut de recherche pour le développement (IRD), le [Adresse 4] (CNRS) et l'Institut national de recherche en sciences pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), établissements publics à carctère scientifique et technologique.
A la suite de l'unification de la flotte océanographique le 1er janvier 2018 ayant consisté dans le transfert à l'IFREMER des navires de l'IRD et du CNRS, les activités du GIE étaient essentiellement consacrées à l'armement de la flotte placée sous l'égide de l'IFREMER.
Le GIE employait des marins mais également des salariés sédentaires.
Une UES regroupait le GIE Genavir et l'IFREMER.
Au terme de la durée du GIE, ses membres ont décidé de sa dissolution et désigné l'IFREMER comme liquidateur. Le GIE a pris fin au 31 décembre 2019 et la clôture de sa liquidation a été actée lors de l'assemblée génerale extraordinaire du groupement du 30 septembre 2020.
La SASU Genavir a été fondée en octobre 2019 par l'IFREMER, son associé unique. La SASU Genavir a pour objet social la gestion et la maintenance de navires et engins sous-marins, objets flottants et équipements scientifiques, l'acquisition, la qualification et le traitement de données océanographiques, toutes prestations de services dans le domaine maritime, la prise de participation dans des sociétés ou entités contribuant au développement de ces activités.
La SASU Genavir et l'IFREMER sont liées par des contrats cadres qui organisent leurs relations opérationnelles.
Par courrier adressé aux 368 salariés du GIE le 10 décembre 2019, le directeur général de la société Genavir les a informés du transfert de l'activité économique du GIE et de leurs contrats de travail à la société Genavir en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail avec effet au 1er janvier 2020.
La société Genavir a débuté son activité le 1er janvier 2020.
Par courrier du 6 décembre 2021, l'inspecteur du travail a notifié à la SASU Genavir un constat de carence relatif à l'obligation de mise en place d'un accord de participation en son sein au visa de l'article L. 3322-5 du code du travail qui prévoit que « lorsque, dans un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés, un accord de participation n'a pas été conclu, cette situation est constatée par l'inspecteur du travail » .
Par acte en date du 10 janvier 2022, le CSE et le syndicat CGT des marins du grand ouest ont saisi le tribunal judiciaire de Brest aux fins de voir :
- enjoindre la société Genavir de mettre en place un régime de participation conformément à l'article L. 3323-5 du code du travail, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 60 jours à compter du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- condamner la société Genavir à payer 5 000 euros de dommages et intérêts à la CGT des Marins du Grand Ouest en raison du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession,
- enjoindre la société Genavir à remettre au CSE le rapport prévu à l'article D. 3323-13 du code du travail,
- désigner le cabinet d'expert Syndex dans le cadre de la mission rémunérée par Genavir ayant pour objet d'assister le CSE dans la lecture du rapport remis par l'employeur conformément à l'article D. 3323-14 du code du travail,
- enjoindre la société Genavir à payer à chaque salarié de Genavir éligible à la participation qui lui est due au titre des années 2020 et 2021 sous astreinte de 50 euros par jour de retard par manquement constaté pendant 60 jours à compter du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- condamner la société Genavir à payer au CSE Genavir Marins et à la CGT des Marins du grand ouest chacun 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Genavir aux entiers dépens.
Par ordonnance du 20 septembre 2022, le juge de la mise en état a déclaré le CSE irrecevable en son action.
Le 13 octobre 2022, un accord de participation a été signé entre la direction et les syndicats CGT et CFDT définissant les modalités de calcul de la prime de participation, de répartition entre les salariés et de plafonnement ainsi que sa durée d'application, l'accord s'appliquant pour la première fois au calcul et au versement de la réserve spéciale de participation au titre des résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2022 et stipulant qu'il ne produira plus aucun effet à compter du 1er janvier 2025.
Une clause de rétroactivité stipule que 'dans le cas où une décision judiciaire imposerait le versement des primes de participation aux bénéfices pour les exercices clos le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2021, les dispositions de l'accord s'appliqueraient'.
Au dernier état de ses conclusions de première instance, le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest sollicitait de voir :
- Enjoindre à la société Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 60 jours à compter du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- Condamner la société Genavir à payer 5 000 euros de dommages et intérêts à la CGT des Marins du Grand Ouest en raison du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession,
- Condamner la société Genavir à payer à la CGT des Marins du Grand Ouest chacun 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Genavir aux entiers dépens.
Par jugement en date du 28 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Brest a :
- enjoint la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021 ;
- débouté le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest de sa demande indemnitaire ;
- condamné la SASU Genavir à verser la somme de 3 000 euros au syndicat CGT des Marins du Grand Ouest en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SASU Genavir aux entiers dépens ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
- écarté l'exécution provisoire de droit.
La SASU Genavir - gestion de navires de recherche - a interjeté appel le 02 octobre 2023.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 mars 2025, la société Genavir - gestion de navires de Recherche, appelante, sollicite de :
- réformer et infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 28 septembre 2023 en ce qu'il a :
- enjoint la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021,
- condamné la SASU Genavir à verser au syndicat CGT des Marins du Grand Ouest la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SASU Genavir aux entiers dépens,
- débouté la SASU Genavir de ses demandes de condamnation du syndicat CGT des marins du grand ouest aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau de ces chefs
A titre principal :
- débouter le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest de l'intégralité de ses demandes,
- condamner le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest aux entiers dépens d'appel et de première instance.
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse d'une confirmation de l'injonction faite à la SAS Genavir de mettre en place un accord de participation à compter de l'exercice 2020,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 28 septembre 2023 en ce qu'il a enjoint à la SASU Genavir de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et au 31 décembre 2021,
- dire n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- débouter le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest du surplus de ses demandes.
La SASU Genavir, appelante, soutient qu'elle ne saurait être assujettie à la mise en place d'un accord de participation aux résultats avant son exercice 2023 dans la mesure où sa création ne résulte pas d'une fusion totale ou partielle d'une entreprise préexistante au sens de l'article L. 3322-5 du code du travail. Elle expose à ce titre que la SAS Genavir n'a pas absorbé le GIE Genavir, que le GIE Genavir n'a pas transmis tout ou partie de son patrimoine à la SASU Genavir ni aucun matériel, qu'au terme du contrat de 30 ans de GIE, les membres lors de l'AGE du 27 novembre 2019 ont décidé de la dissolution et désigné l'Ifremer comme liquidateur, que lors de la liquidation du GIE Genavir, la SASU Genavir ne s'est vu transmettre par celui-ci aucun actif, ni patrimoine et que le mali de liquidation de 610 456,53 euros a été imputé à l'Ifremer et non à la société.
La société souligne que de nouvelles conventions ont été conclues avec les anciens partenaires du GIE, les conventions initiales n'ayant pas été transférées.
Elle conclut qu'en l'absence de transfert de patrimoine, les seuls transferts de plein de droit de personnel et la reprise d'une activité préexistante ne sauraient caractériser une opération de fusion totale ou partielle survenue entre le GIE Genavir et la SASU Genavir.
La société Genavir ajoute que l'accord de participation ne résulte pas non plus d'un engagement unilatéral de sa part au titre du Business Plan 2020-2025 présenté à la constitution de la société dans la mesure où il ne s'agit pas d'une décision explicite, claire et non équivoque mais d'une présentation des projections stratégiques et financières de la compagnie et souligne qu'aucune décision de principe n'a été prise en ce sens
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 février 2024, le syndicat CGT des Marins du grand Ouest, intimé, sollicite de la cour de :
- recevoir le syndicat CGT des Marins du grand Ouest en son appel incident, le dire bien fondé et y faisant droit,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Brest en date 28 septembre 2023 en ce qu'il a :
- enjoint à la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021;
- condamné la SASU Genavir à verser la somme de 3.000 euros au syndicat CGT des Marins du Grand Ouest en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SASU Genavir aux entiers dépens ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté le syndicat CGT des Marins du grand ouest de sa demande indemnitaire ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire du syndicat CGT des Marins du grand ouest ;
Et statuant à nouveau sur les seuls chefs critiqués :
- condamner la société Genavir à payer 5 000 € de dommages-intérêts à la CGT des Marins du grand ouest en raison du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession ;
- condamner la société Genavir à payer à la CGT des Marins du grand ouest 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner la société Genavir aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Pour le syndicat, intimé, la société ne peut être considérée comme une entreprise nouvelle au sens de l'article L. 3322-5 du code du travail de sorte qu'elle ne peut bénéficier du report de l'obligation de mise en place du régime de participation et doit au contraire être soumise au régime des sociétés issues d'une fusion ou d'un apport partiel d'actifs. Le syndicat expose que l'IFREMER a créé la SASU Genavir pour continuer l'activité du GIE, dont elle était membre constitutif et donneur d'ordre unique, en le faisant bénéficier d'un apport d'actif et du transfert du personnel. Le syndicat soutient que la SASU a repris l'ensemble des activités de Genavir, ses locaux, ses contrats, le solde de trésorerie du GIE ainsi que son personnel qui a été transféré.
A titre subsidiaire, le syndicat fait valoir qu'un Business Plan Genavir 2020-2025 prévoyait expressément que la perspective de réaliser des résultats bénéficiaires entraînait «la possibilité de verser de la participation aux résultats aux salariés au travers d'un accord à négocier» lequel vaut selon lui engagement unilatéral de l'employeur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS :
Selon l'article L. 3322-1 du code du travail, 'la participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise.
Elle prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve spéciale de participation.
Elle est obligatoire dans les entreprises mentionnées au présent chapitre. L'obligation s'applique à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années civiles consécutives mentionnées au premier alinéa du II de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.
Elle concourt à la mise en 'uvre de la gestion participative dans l'entreprise.'
- sur l'existence d'une fusion ou d'un apport partiel d'actifs :
L'article L. 3322-5 du même code prévoit que 'dans les entreprises nouvelles dont la création ne résulte pas d'une fusion, totale ou partielle, d'entreprises préexistantes, les accords de participation sont conclus à partir du troisième exercice clos après leur création'.
En vertu de l'article L. 3322-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour de l'opération litigieuse, 'lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'entreprise, par fusion, cession ou scission, rendant impossible l'application d'un accord de participation, cet accord cesse de produire effet entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
En l'absence d'accord de participation applicable à la nouvelle entreprise, celle-ci engage, dans un délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice au cours duquel est intervenue la modification, une négociation en vue de la conclusion d'un nouvel accord, selon l'un des modes prévus à l'article L. 3322-6.'
Si l'article L.3322-8 du code du travail cite la fusion, la cession ou la scission, certains mécanismes modifiant la situation juridique de l'entreprise sont comparables à la fusion. Ainsi, est-ce le cas pour l'apport partiel d'actifs, invoqué par l'appelant, aux termes duquel une première société apporte à une seconde société une partie, voire l'intégralité, de ses actifs, sans que la première société ne disparaisse, opération conduisant à l'application des dispositions de l'article L.'1224-1 du code du travail.
Dans le cas de la scission partielle, variante de l'apport partiel d'actifs, ce sont les associés de la société apporteuse qui bénéficient de la rémunération en titres émis par la société bénéficiaire de l'apport.
L'apport partiel d'actif par une société apporteuse en liquidation est admis.
En l'espèce, il convient d'apprécier s'il a été procédé à une opération de fusion, sous ses diverses variantes, à l'occasion du transfert de l'activité et du personnel du GIE à la SASU Genavir.
Il est acquis que le GIE avait été constitué pour l'exploitation des navires lesquels au dernier état du GIE appartenaient tous à l'IFREMER.
L'activité exploitée par le GIE consistant dans l'armement des navires a été transférée à la SASU ainsi que le personnel, marin et sédentaire, attaché à cette activité.
Le GIE Genavir dont le membre majoritaire était l'IFREMER a ainsi apporté son activité à la SASU Genavir dont l'IFREMER est l'associé unique.
Il n'est pas contesté qu'aucun acte de transfert d'activité et d'actif n'a été formalisé.
S'agissant du transfert ou d'apports d'actifs, aucune des pièces produites n'établit l'apport de biens corporels, mobiliers ou immobiliers, ou de biens incorporels tels que des contrats ou des habilitations à l'armement de navires.
L'IFREMER produit au contraire une convention cadre de gestion des moyens marins conclue le 21 novembre 2019 directement avec la SASU Genavir aux fins d'armement de ses navires sans aucune référence à un transfert d'une précédente convention avec le GIE.
Il n'est pas plus fait référence au sort des outils de maintenance des navires qui constituerait des actifs du GIE ni des autres biens corporels nécessaires à l'exercice de leur prestation de travail par les salariés sédentaires.
Par ailleurs, le fait que le solde de trésorerie du GIE Genavir ait transité par la SASU Genavir ne caractérise pas un transfert d'actif dans la mesure où ces fonds ont été reversés à l'IFREMER comme cela résulte des relevés d'opérations bancaires versés aux débats.
S'agissant de la provision pour congés payés qui a été reprise par la SASU Genavir sur le GIE lors du transfert du personnel selon le rapport d'avril 2011 de l'expert mandaté par l'UES, elle est accessoire à ce transfert de personnel au regard des droits acquis à congés de celui-ci au jour du transfert. Il en est de même de la reprise des prêts action logement conclus au bénéfice des salariés.
La reprise des provisions pour avarie d'équipement cité par le rapport d'avril 2011 de l'expert mandaté par l'UES participe du transfert d'activité.
En outre, le transfert d'activité est intervenu sans d'une part que la SASU Genavir n'alloue de contre partie sous forme de parts sociales à l'actionnaire du GIE à savoir l'IFREMER, ce dernier, associé unique de la SASU Genavir ayant en revanche apporté une somme en capital lors de la constitution de la société dont il est associé unique. Dès lors, en l'absence d'une telle contrepartie en parts sociales de l'apport de l'activité, l'opération n'est pas susceptible de répondre à la définition de l'apport partiel d'actifs sous forme de scission partielle qui suit le régime des fusions.
Le fait que ce transfert d'activité soit intervenu concomitament à la liquidation du GIE laquelle a conduit à l'imputation à l'IFREMER du mali de liquidation à hauteur de 600 000 euros et à la perception par l'IFREMER d'un solde de trésorerie du GIE de 334 136 euros le 18 décembre 2020, n'est pas suffisant, au regard de l'absence de transfert d'actifs corporels et incorporels et de l'absence d'attribution de titres en contre partie des transferts, pour placer la modification de la situation juridique de l'entreprise initialement exploitée par le GIE Genavir sous le régime des fusions, cessions ou scissions.
Au surplus, le GIE Genavir a été dissous, or les opérations de fusion, cession ou scission ne conduisent pas à la dissolution de l'entité absorbée ou dont des actifs sont apportés.
Ainsi, ces opérations croisées ne revêtent pas tous les aspects d'une fusion ni d'un apport partiel d'actifs avec scission de sorte que malgré le rôle actif et déterminant de l'IFREMER en tant que membre principal du GIE Genavir et d'associé unique de la SASU Genavir dans cette modification de la situation juridique de l'entreprise d'armement des navires, le régime des fusions ne s'applique pas à l'opération litigieuse.
- sur l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur :
Constitue un engagement unilatéral, toute décision unilatérale, claire et non équivoque, de l'employeur d'accorder un avantage à ses salariés.
Un engagement unilatéral de l'employeur a force obligatoire dès lors qu'il n'est pas contraire à des dispositions d'ordre public.
En l'espèce, la mention dans le 'business plan' de la SAU Genavir selon laquelle « Le BP Genavir 2020-2025 tel que présenté fait ressortir : ['] Un développement maîtrisé qui offre des perspectives intéressantes pour les différentes parties prenantes, notamment ['] les salariés, par le développement de l'emploi, la participation aux résultats et une gestion optimisée des engagements retraite » ne constitue pas un engagement clair et non équivoque de l'employeur à mettre en place un accord de participation dès la première année d'exercice de la société.
Le syndicat CGT des marins du grand ouest ne peut donc pas se prévaloir d'un engagement unilatéral de l'employeur.
Il en résulte que ce ne sont pas les dispositions de l'article L. 3322-8 du code du travail qui s'appliquent mais celles de l'article L.3322-5 de sorte que la société Genavir n'était tenue de conclure un accord de participation qu'à partir du troisième exercice clos après sa création.
Elle y a précisément procédé.
La SASU Genavir n'étant pas assujettie à la mise en place immédiate dès l'exercice clos au 31 décembre 2020 d'un accord de participation, les demandes formées par le syndicat CGT des marins du grand ouest sont en conséquence rejetées.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession :
En l'absence de violation des dispositions de l'article L.3322-8 du code du travail, aucune atteinte à l'intérêt collectif de la profession n'est caractérisée.
La demande indemnitaire est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
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Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est infirmé s'agissant des dépens et frais irrépétibles de la première instance.
Au regard de la nature de l'affaire et en équité, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,
Le confirme de ce chef,
statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Rejette la demande tendant à enjoindre à la SASU Genavir d'appliquer rétroactivement l'accord de participation du 13 octobre 2022 et de verser les primes de participation à chaque salarié éligible pour les exercices clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021,
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.