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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 23 septembre 2025, n° 23/00631

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/00631

23 septembre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/09/2025

la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU

Me Christian QUINET

ARRÊT du : 23 SEPTEMBRE 2025

N° : - 25

N° RG 23/00631 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GXZS

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 25 Janvier 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265285514825759

Madame [P] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Alexandre GODEAU de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS

Monsieur [O] [R]

né le 01 Janvier 1949 à MAROC (99)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Alexandre GODEAU de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265297868571062

S.A.R.L. E.D.H.F. (ECONOMIE ET DIAGNOSTIQUE DE L'HABITAT FRANCAIS) prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Christian QUINET, avocat au barreau de BLOIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 1er mars 2023.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 avril 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 24 Juin 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 23 septembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant devis du 11 avril 2019, M. et Mme [R] ont confié à la société Économie et diagnostique de l'habitat français (la société EDHF) des travaux de fourniture et d'installation d'une pompe à chaleur air/'eau.

M. et Mme [R] ont sollicité une subvention auprès de l'ANAH qui a finalement été rejetée, dès lors que les travaux avaient déjà débuté. Reprochant à la société EDHF de ne pas les avoir informés sur ce point, ils l'ont faite assigner devant le tribunal judiciaire de Blois aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement en date du 25 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Blois a :

- débouté M. et Mme [R] de l'intégralité de leurs demandes ;

- débouté la société Économie et diagnostique de l'habitat français dite EDHF de sa demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [R] aux dépens.

Par déclaration en date du 1er mars 2023, M. et Mme [R] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il les a déboutés de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2023, M. et Mme [R] demandent à la cour de :

- infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Blois le 25 janvier 2023 en ce qu'elle les a déboutés de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société Économie et diagnostique de l'habitat français à leur verser la somme de 8 000 €, au titre de la perte de chance d'avoir pu bénéficier des subventions de l'ANAH ;

- condamner la société Économie et diagnostique de l'habitat français à leur verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Économie et diagnostique de l'habitat français aux entiers dépens.

La société EDHF a constitué avocat mais n'a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

I- Sur la responsabilité de la société EDHF

Moyens des parties

Les appelants soutiennent qu'en limitant l'obligation contractuelle à la simple exécution des termes du devis, le tribunal judiciaire n'a nullement tenu compte des obligations découlant de l'engagement contractuel pesant sur le professionnel et notamment l'obligation de conseil et d'information ; que la juridiction de première instance a dès lors inévitablement commis une erreur de sorte que le jugement ne pourra qu'être infirmé ; que le vendeur professionnel est tenu d'une obligation de conseils à l'égard du consommateur, qui doit s'étendre à l'ensemble des éléments caractéristiques de sa prestation et notamment au regard des éventuelles subventions pouvant être accordées lors de la modification de la source d'énergie, en remplaçant une chaudière au fuel par une pompe à chaleur ; que la société EDHF ne leur a communiqué aucune information quant aux conditions pour bénéficier d'une subvention auprès de l'ANAH, rappelant en outre qu'ils se chargeaient de cette prestation ; que la société n'a pas satisfait a minima à son obligation de conseil, laquelle a généré un important préjudice dès lors qu'ils étaient éligibles à la subvention de l'ANAH, pour l'installation d'une pompe à chaleur en remplacement d'une chaudière fuel ; que compte tenu de l'enjeu financier, et de la perte de la subvention d'un montant non négligeable, il est évident qu'ils auraient renoncé à engager de tels travaux ; qu'au regard de l'importance de la prestation fournie par la société EDHF qui s'élève à la somme de 20 050 € uniquement pour la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur air/eau, ils sont fondés à solliciter l'indemnisation de leur préjudice à hauteur de 8 000 €, au titre de la perte de chance de percevoir la subvention ; que la décision rendue en première instance ne pourra dès lors qu'être infirmée en ce qu'elle les a déboutés purement et simplement de l'intégralité de leurs demandes.

La société EDHF qui n'a pas conclu est réputée s'être appropriée les motifs du jugement par application de l'article 954 du code de procédure civile.

Réponse de la cour

L'article 1112-1 du code civil dispose que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Le défaut d'information engage la responsabilité de celui qui en était tenu.

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, la société EDHF a proposé un devis à M. et Mme [R] portant sur la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur air/eau pour le prix de 20 050 euros TTC. Les travaux ont été réalisés et une facture du même montant a été établie le 2 mai 2019.

M. et Mme [R] ont déposé un demande de subvention auprès de l'ANAH, qui par courrier en date du 22 juillet 2019, leur a notifié un rejet au motif que conformément à l'article R.321-18 du code de la construction de l'habitat, les travaux commencés avant le dépôt de la demande de subvention ne peuvent bénéficier d'une aide de l'ANAH.

Il s'ensuit que M. et Mme [R] étaient éligibles à une aide de l'ANAH, mais que leur demande a été formulée trop tardivement pour être recevable.

La société EDHF, professionnelle dans le domaine de la rénovation de l'habitat, était tenue d'informer et de conseiller ses clients sur le financement des travaux d'un montant conséquent, notamment sur les modalités de demande d'une aide ou subvention auprès de l'ANAH. Contrairement à ce que le tribunal a retenu, cette obligation d'information et de conseil était due à M. et Mme [R] sans que la société EDHF ne soit expressément mandatée pour formuler une demande d'aide, et que le devis le mentionne.

Au regard du montant des travaux, l'information selon laquelle la demande d'aide devait être formulée avant l'exécution des travaux était déterminante du consentement de M. et Mme [R], sans laquelle ils ne seraient pas engagés ou n'auraient pas sollicité l'exécution immédiate des travaux.

La société EDHF ne rapporte pas la preuve avoir informé M. et Mme [R] sur les modalités de bénéfice d'une aide de l'ANAH, de sorte qu'elle a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de ses clients. Elle doit donc réparer le préjudice causé à M. et Mme [R] qui ont perdu une chance de bénéficier d'une aide ou subvention de l'ANAH à laquelle ils étaient éligibles.

Aux termes de l'article R.321-17 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable, dispose que le montant de la subvention versée par l'agence ne peut avoir pour effet de porter le montant des aides publiques directes à plus de 80 % du coût global de l'opération, sauf cas exceptionnels répondant à des critères fixés par le règlement général de l'agence.

En l'espèce, le montant maximal de la subvention que M. et Mme [R] pouvaient espérer percevoir était donc de 16 040 euros (20 050 x 80 %). Au regard de la nature des travaux et de leur situation financière, M. et Mme [R] ont perdu une chance de 50 % de percevoir une subvention de l'ANAH.

En conséquence, il convient de condamner la société EDHF à payer à M. et Mme [R] une somme de 8 000 euros au titre de leur perte de chance. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [R] de l'intégralité de leurs demandes.

II- Sur les frais de procédure

Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société EDHF sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. et Mme [R] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. et Mme [R] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné M. et Mme [R] aux dépens ;

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

DIT que la société Économie et diagnostique de l'habitat français a commis une faute à l'égard de M. et Mme [R], l'obligeant à réparer intégralement le préjudice subi ;

CONDAMNE la société Économie et diagnostique de l'habitat français à payer à M. et Mme [R] la somme de 8 000 euros en réparation de leur préjudice ;

CONDAMNE la société Économie et diagnostique de l'habitat français aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Économie et diagnostique de l'habitat français à payer à M. et Mme [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Laurent SOUSA, conseiller ayant participé aux débats et au délibéré, et Mme Karine DUPONT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

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