CA Nouméa, ch. civ., 25 septembre 2025, n° 19/00156
NOUMÉA
Arrêt
Autre
N° de minute : 2025/228
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 25 Septembre 2025
Chambre Civile
N° RG 19/00156 - N° Portalis DBWF-V-B7D-P6K
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2019 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :13/0403)
Saisine de la cour : 10 Mai 2019
APPELANTS
M. [I] [A]
né le 23 Mars 1984 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2]
Mme [BB] [V]
née le 11 Mai 1988 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentés par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. [M] [K]
né le 30 Août 1956 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 16]
Mme [J] [R] épouse [K] Décédeé le 06/03/2020 à [Localité 6]
née le 06 Juin 1949 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 4]
Tous deux représentés par Me Caroline PLAISANT de la SELARL CABINET PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA
25/09/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me PLAISANT ;
Expéditions - Me LOSTE ; Me BOITEAU ; M. [X] (LS) ;
- Copie CA ; Copie TPI.
M. [T] [B]
né le 06 Avril 1963 à [Localité 11] (14),
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Virginie BOITEAU de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA
Mme [VY] [F] épouse [B], décédée le 9 novembre 2019 à [Localité 10]
née le 15 Octobre 1964 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 1]
M. [C] [X] assigné par Appel provoqué des consorts [B] [T] et [P] le 11/07/2023
né le 20 Octobre 1954 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 7]
AUTRE INTERVENANT
Mme [L] [G] [O]
née le 08 Août 1970 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Caroline PLAISANT de la SELARL CABINET PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA
M. [P] [N] [U] [B]
né le 15 Janvier 1993 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Virginie BOITEAU de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Août 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. François GENICON, Président de chambre, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Zouaouïa MAGHERBI.
Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. François GENICON, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
Procédure de première instance :
Par acte notarié du 18 novembre 2011, M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] ont acquis, par l'intermédiaire de la société Agence du Soleil ,un bien immobilier situé au [Localité 9], section [Adresse 16] propriété de M. [T] [B] et Mme [VY] [F] Epouse [B], au prix de 47.250.000 francs pacifiques.
M. et Mme [K] ont pris possession des lieux le 14 janvier 2012.
Par requête déposée le 28 février 2013, les époux [K] ont fait citer devant le tribunal de première instance de Nouméa les époux [B], leurs vendeurs, en garantie des vices cachés, l'agence immobilière Agence du Soleil, et la Scp Calvet-Leques-[Y] étude notariale au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle.
Ils ont fait valoir qu'à la suite d'un dégât des eaux, l'expert mandaté par leur assureur avait découvert des vices existants au moment de la vente, connus des vendeurs qui les avaient dissimulés, consistant en des malfaçons de la toiture et divers désordres, outre un empiétement (piscine et studio) réalisé sur le fond voisin.
Par ordonnance du 25 août 2014, le juge de la mise en état a ordonné une expertise.
L'expert mandaté a déposé son rapport le 28 septembre 2015, constatant notamment un empiétement des constructions des époux [K] sur la parcelle de M. [A] et Mme [V], leurs voisins.
Le 10 novembre 2015, M. [A] et Mme [V] ont déposé une requête en intervention volontaire, sollicitant que l'empiétement sur leur fond soit constaté et qu'il soit ordonné aux époux [K] de détruire les constructions, objet de l'empiétement dans un délai de trois mois, outre leur condamnation au paiement de la somme de 250.000 francs pacifique au titre des frais irrepétibles et aux dépens distraits.
Par acte du 6 décembre 2016, les époux [B] ont appelé à leur tour, en intervention forcée leurs propres vendeurs, à savoir M. [H] [X] et M. [C] [X] aux fins de leur voir déclarer la décision commune et opposable et être relevé de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, invoquant notamment la prescription dès lors que leur acquisition date du 18 juillet 1996 et l'état des lieux et des clôtures n'a pas été modifié depuis lors.
La jonction des deux procédures a été prononcée.
Par ordonnance du 19 mars 2018, le juge de la mise en état a déclaré nulle l'assignation délivrée le 29 décembre 2016 par les époux [B] à M. [H] [X], décédé 17 décembre 2004 à [Localité 10].
Par jugement dont appel en date du 11 février 2019, le tribunal de première instance de Nouméa a :
- déclaré recevables l'intervention volontaire de M. [I] [A] et de Mme [BB] [V], ainsi que l'intervention forcée de M. [C] [X],
- accueilli l'action estimatoire des époux [K] en l'état de vices cachés, remontées capillaires et défauts de raccordement de toiture, antérieurs à la vente et connus des vendeurs,
- évalué les préjudices subis par les époux [K] à la somme de 6.450.358 francs pacifiques répartie comme suit :
- au titre de la perte de valeur : 4.250.358 francs pacifiques,
- au titre du préjudice moral : 500.000 francs paci'ques,
- au titre du préjudice de jouissance : 1.700.000 francs paci'ques,
- condamne M. [T] [B] et [D] [VY] [F] épouse [B] in solidum à payer à M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] la somme de 6.450.358 francs pacifiques à titre d'indemnisation de leurs préjudices ;
- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- débouté M. et Mme [K] de leurs demandes à l'égard de l'agence Soleil ;
- débouté M. et Mme [K] de leurs demandes à l'égard de la Scp Calvet-Leques- [Y] ;
- débouté M. [I] [A] et Mme [BB] [V] de leur demande de démolition des constructions empiétant sur leur propriété ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
- condamné M. [T] [B] et Mme [VY] [F] épouse [B] in solidum à payer à M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] la somme de 300.000 Francs pacifiques en application de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- condamné M. [T] [B] et Mme [VY] [F] épouse [B] in solidum aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
- autorisé la Selarl Benech-Plaisant, avocat au barreau de Nouméa, a recouvrer directement les dépens conformement aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
Procédure d'appel :
Par requête et mémoire ampliatif notifiés par voie électronique les 12 août 2019 et 2 mai 2019, M. [I] [A] et Mme [BB] [V] ont fait appel de ce jugement intimant M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] aux fins d'infirmation du dit-jugement les ayant déboutés de leurs demandes.
Puis, suite au décès de Mme [J] [R] épouse [K], intervenu le 6 mars 2020, en cours de procédure, les consorts [A]-[V] ont assigné sa fille, Mme [L] [G] [O] en intervention forcée, par acte d'huissier en date 14 février 2022, dressé conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile.
Mme [L] [G] [O] ayant eu connaissance de l'acte le 2 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a, par ordonnance en date du 9 mars 2022, ordonné la jonction de cette instance avec l'affaire enrôlée sous le numéro RG 19/156.
Par conclusions en réponse et récapitulatives, déposées le 6 mars 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements de leurs prétentions et moyens, les consorts [A]-[V] demandent à la cour de :
- dire et juger recevable l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 11 février 2019 ;
- le dire également bien fondé en ce que le tribunal de première instance de Nouméa a méconnu les données de la cause et les pièces produites et a statué ultra petita ;
Statuant à nouveau et faisant droit aux moyens soulevés par les consorts [A]- [V] :
- infirmer la décision entreprise ;
- constater l'empiétement des constructions appartenant aujourd'hui à M. et Mme [K] empiétement portant sur la propriété des appelants, formant le lot cadastral n°450221 lot 124 section [Adresse 15], du lotissement [Adresse 14], d'une superficie de 6a 36ca ;
- ordonner à M. et Mme [K] de détruire les constructions précitées qui empiètent sur la propriété des appelants et ce dans les trois mois de la décision à intervenir et de réintégrer leurs limites au besoin sous astreinte de 50.000 francs pacifique par jour de retard constaté ;
- Subsidiairement, et si la Cour d'appel de céans n'entendait pas entrer en voie de condamnation et n'entendait pas ordonner la démolition des empiétements constatés, ordonner la vente forcée de la partie empiétée au prix de 1.000.000 F CFP (un million de francs CFP) pour 114 m2, tous les frais de notaire et de transcription auprès des services fiscaux devant être à la charge des Consorts [K], succombant aux présentes ;
- en toutes hypothèses, débouter les Consorts [K] et les Consorts [B] en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner les époux [K] à payer aux consorts [A]-[V] la somme de 400.000 francs paci'ques en application de l'article 700 du code de procédure de Nouvelle Calédonie et à supporter les entiers dépens.
Les consorts [A]-[V] reprochent au premier juge de les avoir déboutés alors qu'ils sont fondés à solliciter la restitution de la partie de propriété leur appartenant et de voir leurs voisins réintégrer leurs limites après avoir détruit la piscine et le studio, construits par les époux [B], du fait de l'empiétement sur leur fond.
Ils soutiennent que les acquéreurs successifs du lot litigieux 61, issu du partage du lot 124, ne pouvaient ignorer les limites des lots du lotissement comme cela résulte des plans d'urbanisme qui ont été précisément décrites au sein des actes notariés de chacun des acquéreurs, des plans et autres demandes d'urbanisme déposés par M. [S] [E].
Selon eux, en premier lieu la bonne foi des époux [B], auteurs des constructions qui empiètent, ne pourra être retenue puisque ces derniers ne pouvaient ignorer sortir des limites de leur propriété lors des dits travaux. Et en second lieu, ils n'ont pas acquis le terrain empiété par un juste titre d'une personne non-propriétaire.
Par conséquent, la prescription acquisitive abrégée retenue par le premier juge ne peut l'être faute de la réunion de la double condition posée par l'article 2272 du code civil, un juste titre et la bonne foi.
Ils reprochent en outre au premier juge d'avoir statué 'ultra petita' dès lors qu'aucune demande portant sur la reconnaissance d'un juste titre n'a été formalisée au sein des écritures récapitulatives de première instance tant des époux [B] que [K] pour justifier une prescription acquisitive abrégée limitée à 10 ans au lieu des 30 années de droit commun.
Selon eux, en l'absence de 'juste titre', la prescription acquisitive est de 30 ans, de sorte que depuis 1996, ni les époux [B], ni les époux [K], ne peuvent bénéficier d'une telle prescription acquisitive qui n'est nullement expirée.
Ils précisent qu'en tout état de cause les constructions litigieuses illégales, réalisées sans permis de construire, ne démontrent pas l'occupation de bonne foi des acquéreurs successifs.
Subsidiairement, et si la Cour d'appel n'entendait pas entrer en voie de condamnation contre les intimés et n'entendait pas ordonner la démolition des empiétements constatés, les appelants sollicitent la vente forcée de la partie empiétée au prix de 1.000.000 F CFP (un million de francs CFP) pour 114 m2, tous les frais de notaire et de transcription auprès des services fiscaux devant être à la charge des personnes succombant.
Par conclusions en réponse et récapitulatives, déposées le 17 janvier 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements de leurs prétentions et moyens, les consorts [B] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 11 février 2019 par le Tribunal Judiciaire de
NOUMEA ;
- constater la prescription acquisitive abrégée dans le délai de 10 ans, et à titre
subsidiaire, dans le délai de 30 ans.
- Sur l'appel de Monsieur et Madame [K], constater que la Cour n'est pas saisie d'une demande d'un appel relatif à la garantie des vices cachés sur la demande relative aux vices de la construction ; l'appel ayant été limité à la question de l'empiétement sur la propriété des Consorts [A]-[V].
Subsidiairement et pour le cas où il serait fait droit à la demande de la résolution de la vente » :
- ordonner la restitution de l'immeuble sous resserve de l'état de celui-ci ;
- Et en toute hypothèse, condamner M. et Mme [K] au paiement d'une indemnité de jouissance de 3.780.000 FCFP par an, et ce à compter du 18 novembre 2011, soit arrêtée au 18 novembre 2022 la somme de 41.780000 F CFP et d'une somme de 3.780.000 F CFP par an à compter du 18 novembre 2022 au prorata au jour de la restitution de l'immeuble.
- dire et juger que la décision à intervenir sera rendue commune et opposable à M. [C] [X].
- condamner M. [C] [X] à garantir et relever M. [T] [B] et M. [P] [B] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées de ce chef à leur encontre ;
- condamner les Consorts [A]-[V] au paiement à M. [T] [B] et M. [P] [B] d'une somme de 900.000 F CFP sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle Calédonie pour la première instance et l'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au pro't de Maître BOITEAU, Avocat.
Les consorts [B] précisent que la bande de terrain litigieuse est en contre bas de leur habitation, en bordure de terrasse, le bungalow dans le fond du jardin ayant été édifié par un artisan sans permis de construire, ainsi qu'en témoigne l'acte (page 5) et rien ne fut caché sur ce point comme sur d'autres à M. et Mme [K]. La facture de M. [W], maçon qui a réalisé les travaux, fut, comme les autres pièces, remise à M. et Mme [K] et se trouve en la possession de ceux-ci.
Ils demandent à la cour de rejeter la demande formée par les époux [K] qui sollicitent en appel pour la première fois la résolution de la vente sur le fondement des vices cachés, ce qu'ils n'ont pas formulé en première instance, s'agissant selon eux d'une demande nouvelle.
Subsidiairement, si la cour prononce la résolution de la vente, ils demandent que soit ordonné la restitution du bien, sous réserve de l'état de celui-ci, la condamnation des époux [K] à leur payer une indemnité de jouissance à compter du 18 novembre 2011, la condamnation des consorts [Z] à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur égard. Ils demandent également à ce que les époux [B] soient condamnés à leur payer au titre des frais irrépétibles la somme de 900 000 F CFP, ainsi qu'aux dépens.
Par mémoire en défense n°6, déposé le 14 avril 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements de leurs prétentions et moyens, les consorts [K] demandent quant à eux à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement rendu le 11 février 2019 par le Tribunal de première instance de Nouméa en ses dispositions critiquées par les consorts [A]-[V],
- Rejeter la demande des consorts [A]-[V] d'ordonner la vente forcée de la partie empiétée, avec les frais de notaire et de transcription auprès des services fiscaux mis à la charge de M. [K] et Mme [O], en raison de son irrecevabilité,
A titre subsidiaire,
- Prononcer la résolution de la vente intervenue le 18 novembre 2011 sur le fondement de la garantie légale des vices cachés,
- Rejeter les demandes des consorts [B] en raison de leur irrecevabilité,
A titre infiniment subsidiaire,
- Prononcer la résiliation de la vente intervenue le 18 novembre 2011 sur le fondement de la garantie d'éviction du fait d'un tiers,
- Rejeter les demandes des consorts [B] en raison de leur irrecevabilité,
En tout état de cause,
- Condamner les consorts [A]-[V] au paiement à M. [M] [K] et à Mme [L] [O] de la somme de 700.000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle Calédonie pour la première instance et l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ils soutiennent être de bonne foi, que tous les acquéreurs du bien depuis 1966, ignoraient l'existence de cet empiétement qui n'a fait l'objet d'aucune revendication ; les consorts [X], qui ont revendu le terrain en juillet 1996 aux époux [B] tel que comme leur propriété, même s'ils n'ont pas acquis la parcelle empiétée auprès du véritable propriétaire. Ils en ont donc été les propriétaires pendant 30 ans et 3 mois, sans qu'aucune action en revendication ne soit exercée à leur endroit.
Ils exposent que conformément aux critères posés par la loi, leur possession a été continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
Ils rappellent que l'empiétement a été constaté à la suite de l'intervention de M. [K], qui a conduit à la consultation du cadastre et au relevé d'un géomètre suite à la réalisation de l'expertise.
Subsidiairement, dès lors que la démolition pure et simple de la piscine et du studio empiétant sur le fond voisin aura des conséquences graves et disproportionnées sur la valeur de leur propriété, ils sollicitent la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et en application de l'article 1626 du Code civile de Nouvelle-Calédonie, la garantie d'éviction du fait du tiers afin de demander la résiliation de la vente pour les mêmes motifs développés ci-dessus.
Ils estiment que la demande d'indemnisation au titre la jouissance des époux [B] n'est pas fondée et s'appuie sur un texte non applicable sur le territoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour est saisie du seul appel principal de M. [A] et de Mme [V], propriétaires du fonds contigu à la parcelle acquise par les époux [K] le 18 novembre 2011. Ils contestent la décision du premier juge uniquement en ce qu'elle a rejeté leur demande tendant à la démolition des constructions édifiées par empiétement sur leur propre fond, alors même que l'empiétement était matériellement établi.
La cour rappelle par ailleurs, que les demandes de 'constater' 'dire et juger' 'voir supprimer' ne sont pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.
Sur la prescription acquisitive :
Selon l'article 2272 du Code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.
La bonne foi consiste donc en la croyance de l'acquéreur, au moment de l'acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire, il suffit qu'elle ait existé au moment de l'acquisition dispose l'article 2275 du même code. Il y a lieu de rappeler que c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver selon les articles 2274 du même code.
La cour rappelle également que pour pouvoir se prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire dispose l'article 2261 du même code.
En l'espèce, M. [A] et Mme [V] font valoir que les premiers juges ont statué 'ultra petita' en retenant l'existence d'un juste titre, non invoqué par les parties pour justifier la prescription acquisitive abrégée limitée à dix ans, au lieu des trente années de droit commun.
Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé dispose l'article 5 du CPC NC. Il statue 'ultra petita' lorsqu'il va au-delà, puisqu'il répond à une prétention qui ne lui aurait pas été soumise, ou encore s'il excède le montant de la demande sollicitée. Dans ce cas, seule l'action en retranchement est possible en application de l'article 464 du même code, l'infirmation du jugement n'étant pas la sanction.
Or tel n'est pas le cas en l'espèce, la demande des consorts [A] ne peut donc prospérer puisqu'elle consiste en 'les dire bien fondés', soulevant un moyen qui ne saisit la cour d'aucune demande de laquelle ils tirent de conséquence, sauf à demander à la cour de constater que le juge a statué 'ultra petita' selon eux en retenant un 'juste titre non invoqué par les parties' sans en demander le retranchement.
En tout état de cause et nonobstant l'absence du dépôt d'une requête en retranchement, pour voir s'appliquer la prescription acquisitive de 10 ans, la double condition posée par l'article 2272 précité doit nécessairement être examinée par le juge lequel vérifie que les titres de propriété en l'espèce ne sont pas entachés de nullité affectant leur validité. Ainsi, le premier juge n'a dès lors pas statué 'ultra petita' en procédant à cette vérification en l'espèce.
S'agissant de la prescription acquisitive contestée, la cour observe que les consorts [B] l'ont dès leur intervention volontaire soulevée et maintenue tout au long de la procédure, il en est de même pour les consorts [K].
Le tribunal de première instance a relevé en l'espèce au regard des justificatifs produits :
- que l'empiétement de construction (litigieux) dans une partie du terrain représentant 1a et 14 ca, soit 114 mètres carrés sur le lot 124, appartenant à M. [A] et Mme [V] et sur l'angle du lot 88, n'a jamais été contesté depuis la division des lots en 1966 ;
- et que les constructions y édifiées consistant en une maison d'habitation construite en maçonnerie, couverte en tôles, comprenant : une salle de séjour, une cuisine, trois chambres, un bureau, un water-closet, une salle de bains, une buanderie, une terrasse couverte, un garage indépendant et un bungalow de 10m2 à usage de chambre.
- que LE VENDEUR a déclaré qu'à sa connaissance la construction d'origine a été édifiée depuis au moins trente ans du chef des précédents propriétaires et qu'il n'est pas en mesure de produire le permis de construire et le certificat de conformité s'y rapportant dont il n'a pas lui-même trace' ;
- et que les actes notariés ayant permis le transfert de propriété du bien litigieux des consorts [Z] aux époux [B] puis aux époux [K] ne sont entachés d'aucune nullité.
Il a donc débouté les consorts [A]-[V] de leur demande considérant les époux [B], précédant propriétaires du fond devenu ensuite la propriété de M. et Mme [K], de bonne foi. Il a retenu que l'absence de toute revendication de la part de leurs voisins, ainsi que la configuration des lieux et la comparaison des actes d'acquisition successifs du fond ne leur permettaient pas d'avoir connaissance de l'état d'empiétement. Etant ainsi de bonne foi, au terme d'une possession continue, paisible, publique et non équivoque, pendant plus de dix ans, la juridiction a relevé à leur profit une prescription acquisitive faisant obstacle à la démolition des ouvrages litigieux.
La cour en l'espèce, relève que si les revendiquant n'ont pas acquis du véritable propriétaire de cette partie du passage litigieux, il n'en demeure pas moins que les actes par lesquels ils ont acheté ces parcelles, la superficie qui y est indiquées, les précisons fournies dans ces actes sur la consistance du bien, leur permettaient de croire légitimement, au moment de leur achat, qu'ils devenaient propriétaires de la portion litigieuse de terrain et qu'ils acquéraient ce bien du véritable propriétaire. Ils justifient donc avoir acquis cette portion de passage conformément à un titre translatif de propriété dont ils ignoraient les vices.
Il est constant que leur possession a duré au moins dix années avant qu'elle ne soit contestée, que le caractère paisible, publique et non équivoque de cette possession sont remplis et que les intimés se sont comportés en véritables propriétaires par les différents actes matériels accomplis postérieures à leur acquisition.
Il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise le premier juge ayant sans dénaturer, ni violé le principe de la contradiction fait une juste appréciation au regard des éléments de l'espèce versés aux débats ; les circonstances de la découverte de l'empiétement faisant suite à un tout autre litige portant sur la garantie des vices cachés, l'absence de revendication des époux [A]-[V] depuis plus de 10 ans, la description du bien immobilier vendu dans les différents actes notariés comprenant les constructions litigieuses sur la parcelle empiétée datant de plus de 30 ans démontrant la bonne foi des acquéreurs successifs.
La prescription acquisitive abrégée étant acquise, les consorts [K] intimés sont donc reconnus propriétaires du terrain revendiqué ; les autres demandes à titre subsidiaires des consorts [A]-[V] ne peuvent par conséquent prospérer.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable au regard des circonstances de la cause et de l'issue de présent procès, de condamner M. [A] et de Mme [V], succombant en la présente instance, aux dépens et à payer aux consorts [K] et [B] la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrepétibles à chacun.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt rendu contradictoirement.
- Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
- Condamne M. [I] [A] et Mme [BB] [V] à payer aux consorts [K] la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
- Condamne M. [I] [A] et Mme [BB] [V] à payer aux consorts [B] la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
- Laisse les dépens de l'instance d'appel à la charge de M. [I] [A] et Mme [BB] [V].
Le greffier, Le président.
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 25 Septembre 2025
Chambre Civile
N° RG 19/00156 - N° Portalis DBWF-V-B7D-P6K
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2019 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :13/0403)
Saisine de la cour : 10 Mai 2019
APPELANTS
M. [I] [A]
né le 23 Mars 1984 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2]
Mme [BB] [V]
née le 11 Mai 1988 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentés par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. [M] [K]
né le 30 Août 1956 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 16]
Mme [J] [R] épouse [K] Décédeé le 06/03/2020 à [Localité 6]
née le 06 Juin 1949 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 4]
Tous deux représentés par Me Caroline PLAISANT de la SELARL CABINET PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA
25/09/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me PLAISANT ;
Expéditions - Me LOSTE ; Me BOITEAU ; M. [X] (LS) ;
- Copie CA ; Copie TPI.
M. [T] [B]
né le 06 Avril 1963 à [Localité 11] (14),
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Virginie BOITEAU de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA
Mme [VY] [F] épouse [B], décédée le 9 novembre 2019 à [Localité 10]
née le 15 Octobre 1964 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 1]
M. [C] [X] assigné par Appel provoqué des consorts [B] [T] et [P] le 11/07/2023
né le 20 Octobre 1954 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 7]
AUTRE INTERVENANT
Mme [L] [G] [O]
née le 08 Août 1970 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Caroline PLAISANT de la SELARL CABINET PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA
M. [P] [N] [U] [B]
né le 15 Janvier 1993 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Virginie BOITEAU de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Août 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. François GENICON, Président de chambre, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Zouaouïa MAGHERBI.
Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. François GENICON, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
Procédure de première instance :
Par acte notarié du 18 novembre 2011, M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] ont acquis, par l'intermédiaire de la société Agence du Soleil ,un bien immobilier situé au [Localité 9], section [Adresse 16] propriété de M. [T] [B] et Mme [VY] [F] Epouse [B], au prix de 47.250.000 francs pacifiques.
M. et Mme [K] ont pris possession des lieux le 14 janvier 2012.
Par requête déposée le 28 février 2013, les époux [K] ont fait citer devant le tribunal de première instance de Nouméa les époux [B], leurs vendeurs, en garantie des vices cachés, l'agence immobilière Agence du Soleil, et la Scp Calvet-Leques-[Y] étude notariale au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle.
Ils ont fait valoir qu'à la suite d'un dégât des eaux, l'expert mandaté par leur assureur avait découvert des vices existants au moment de la vente, connus des vendeurs qui les avaient dissimulés, consistant en des malfaçons de la toiture et divers désordres, outre un empiétement (piscine et studio) réalisé sur le fond voisin.
Par ordonnance du 25 août 2014, le juge de la mise en état a ordonné une expertise.
L'expert mandaté a déposé son rapport le 28 septembre 2015, constatant notamment un empiétement des constructions des époux [K] sur la parcelle de M. [A] et Mme [V], leurs voisins.
Le 10 novembre 2015, M. [A] et Mme [V] ont déposé une requête en intervention volontaire, sollicitant que l'empiétement sur leur fond soit constaté et qu'il soit ordonné aux époux [K] de détruire les constructions, objet de l'empiétement dans un délai de trois mois, outre leur condamnation au paiement de la somme de 250.000 francs pacifique au titre des frais irrepétibles et aux dépens distraits.
Par acte du 6 décembre 2016, les époux [B] ont appelé à leur tour, en intervention forcée leurs propres vendeurs, à savoir M. [H] [X] et M. [C] [X] aux fins de leur voir déclarer la décision commune et opposable et être relevé de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, invoquant notamment la prescription dès lors que leur acquisition date du 18 juillet 1996 et l'état des lieux et des clôtures n'a pas été modifié depuis lors.
La jonction des deux procédures a été prononcée.
Par ordonnance du 19 mars 2018, le juge de la mise en état a déclaré nulle l'assignation délivrée le 29 décembre 2016 par les époux [B] à M. [H] [X], décédé 17 décembre 2004 à [Localité 10].
Par jugement dont appel en date du 11 février 2019, le tribunal de première instance de Nouméa a :
- déclaré recevables l'intervention volontaire de M. [I] [A] et de Mme [BB] [V], ainsi que l'intervention forcée de M. [C] [X],
- accueilli l'action estimatoire des époux [K] en l'état de vices cachés, remontées capillaires et défauts de raccordement de toiture, antérieurs à la vente et connus des vendeurs,
- évalué les préjudices subis par les époux [K] à la somme de 6.450.358 francs pacifiques répartie comme suit :
- au titre de la perte de valeur : 4.250.358 francs pacifiques,
- au titre du préjudice moral : 500.000 francs paci'ques,
- au titre du préjudice de jouissance : 1.700.000 francs paci'ques,
- condamne M. [T] [B] et [D] [VY] [F] épouse [B] in solidum à payer à M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] la somme de 6.450.358 francs pacifiques à titre d'indemnisation de leurs préjudices ;
- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- débouté M. et Mme [K] de leurs demandes à l'égard de l'agence Soleil ;
- débouté M. et Mme [K] de leurs demandes à l'égard de la Scp Calvet-Leques- [Y] ;
- débouté M. [I] [A] et Mme [BB] [V] de leur demande de démolition des constructions empiétant sur leur propriété ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
- condamné M. [T] [B] et Mme [VY] [F] épouse [B] in solidum à payer à M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] la somme de 300.000 Francs pacifiques en application de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- condamné M. [T] [B] et Mme [VY] [F] épouse [B] in solidum aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
- autorisé la Selarl Benech-Plaisant, avocat au barreau de Nouméa, a recouvrer directement les dépens conformement aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
Procédure d'appel :
Par requête et mémoire ampliatif notifiés par voie électronique les 12 août 2019 et 2 mai 2019, M. [I] [A] et Mme [BB] [V] ont fait appel de ce jugement intimant M. [M] [K] et Mme [J] [R] épouse [K] aux fins d'infirmation du dit-jugement les ayant déboutés de leurs demandes.
Puis, suite au décès de Mme [J] [R] épouse [K], intervenu le 6 mars 2020, en cours de procédure, les consorts [A]-[V] ont assigné sa fille, Mme [L] [G] [O] en intervention forcée, par acte d'huissier en date 14 février 2022, dressé conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile.
Mme [L] [G] [O] ayant eu connaissance de l'acte le 2 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a, par ordonnance en date du 9 mars 2022, ordonné la jonction de cette instance avec l'affaire enrôlée sous le numéro RG 19/156.
Par conclusions en réponse et récapitulatives, déposées le 6 mars 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements de leurs prétentions et moyens, les consorts [A]-[V] demandent à la cour de :
- dire et juger recevable l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 11 février 2019 ;
- le dire également bien fondé en ce que le tribunal de première instance de Nouméa a méconnu les données de la cause et les pièces produites et a statué ultra petita ;
Statuant à nouveau et faisant droit aux moyens soulevés par les consorts [A]- [V] :
- infirmer la décision entreprise ;
- constater l'empiétement des constructions appartenant aujourd'hui à M. et Mme [K] empiétement portant sur la propriété des appelants, formant le lot cadastral n°450221 lot 124 section [Adresse 15], du lotissement [Adresse 14], d'une superficie de 6a 36ca ;
- ordonner à M. et Mme [K] de détruire les constructions précitées qui empiètent sur la propriété des appelants et ce dans les trois mois de la décision à intervenir et de réintégrer leurs limites au besoin sous astreinte de 50.000 francs pacifique par jour de retard constaté ;
- Subsidiairement, et si la Cour d'appel de céans n'entendait pas entrer en voie de condamnation et n'entendait pas ordonner la démolition des empiétements constatés, ordonner la vente forcée de la partie empiétée au prix de 1.000.000 F CFP (un million de francs CFP) pour 114 m2, tous les frais de notaire et de transcription auprès des services fiscaux devant être à la charge des Consorts [K], succombant aux présentes ;
- en toutes hypothèses, débouter les Consorts [K] et les Consorts [B] en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner les époux [K] à payer aux consorts [A]-[V] la somme de 400.000 francs paci'ques en application de l'article 700 du code de procédure de Nouvelle Calédonie et à supporter les entiers dépens.
Les consorts [A]-[V] reprochent au premier juge de les avoir déboutés alors qu'ils sont fondés à solliciter la restitution de la partie de propriété leur appartenant et de voir leurs voisins réintégrer leurs limites après avoir détruit la piscine et le studio, construits par les époux [B], du fait de l'empiétement sur leur fond.
Ils soutiennent que les acquéreurs successifs du lot litigieux 61, issu du partage du lot 124, ne pouvaient ignorer les limites des lots du lotissement comme cela résulte des plans d'urbanisme qui ont été précisément décrites au sein des actes notariés de chacun des acquéreurs, des plans et autres demandes d'urbanisme déposés par M. [S] [E].
Selon eux, en premier lieu la bonne foi des époux [B], auteurs des constructions qui empiètent, ne pourra être retenue puisque ces derniers ne pouvaient ignorer sortir des limites de leur propriété lors des dits travaux. Et en second lieu, ils n'ont pas acquis le terrain empiété par un juste titre d'une personne non-propriétaire.
Par conséquent, la prescription acquisitive abrégée retenue par le premier juge ne peut l'être faute de la réunion de la double condition posée par l'article 2272 du code civil, un juste titre et la bonne foi.
Ils reprochent en outre au premier juge d'avoir statué 'ultra petita' dès lors qu'aucune demande portant sur la reconnaissance d'un juste titre n'a été formalisée au sein des écritures récapitulatives de première instance tant des époux [B] que [K] pour justifier une prescription acquisitive abrégée limitée à 10 ans au lieu des 30 années de droit commun.
Selon eux, en l'absence de 'juste titre', la prescription acquisitive est de 30 ans, de sorte que depuis 1996, ni les époux [B], ni les époux [K], ne peuvent bénéficier d'une telle prescription acquisitive qui n'est nullement expirée.
Ils précisent qu'en tout état de cause les constructions litigieuses illégales, réalisées sans permis de construire, ne démontrent pas l'occupation de bonne foi des acquéreurs successifs.
Subsidiairement, et si la Cour d'appel n'entendait pas entrer en voie de condamnation contre les intimés et n'entendait pas ordonner la démolition des empiétements constatés, les appelants sollicitent la vente forcée de la partie empiétée au prix de 1.000.000 F CFP (un million de francs CFP) pour 114 m2, tous les frais de notaire et de transcription auprès des services fiscaux devant être à la charge des personnes succombant.
Par conclusions en réponse et récapitulatives, déposées le 17 janvier 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements de leurs prétentions et moyens, les consorts [B] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 11 février 2019 par le Tribunal Judiciaire de
NOUMEA ;
- constater la prescription acquisitive abrégée dans le délai de 10 ans, et à titre
subsidiaire, dans le délai de 30 ans.
- Sur l'appel de Monsieur et Madame [K], constater que la Cour n'est pas saisie d'une demande d'un appel relatif à la garantie des vices cachés sur la demande relative aux vices de la construction ; l'appel ayant été limité à la question de l'empiétement sur la propriété des Consorts [A]-[V].
Subsidiairement et pour le cas où il serait fait droit à la demande de la résolution de la vente » :
- ordonner la restitution de l'immeuble sous resserve de l'état de celui-ci ;
- Et en toute hypothèse, condamner M. et Mme [K] au paiement d'une indemnité de jouissance de 3.780.000 FCFP par an, et ce à compter du 18 novembre 2011, soit arrêtée au 18 novembre 2022 la somme de 41.780000 F CFP et d'une somme de 3.780.000 F CFP par an à compter du 18 novembre 2022 au prorata au jour de la restitution de l'immeuble.
- dire et juger que la décision à intervenir sera rendue commune et opposable à M. [C] [X].
- condamner M. [C] [X] à garantir et relever M. [T] [B] et M. [P] [B] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées de ce chef à leur encontre ;
- condamner les Consorts [A]-[V] au paiement à M. [T] [B] et M. [P] [B] d'une somme de 900.000 F CFP sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle Calédonie pour la première instance et l'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au pro't de Maître BOITEAU, Avocat.
Les consorts [B] précisent que la bande de terrain litigieuse est en contre bas de leur habitation, en bordure de terrasse, le bungalow dans le fond du jardin ayant été édifié par un artisan sans permis de construire, ainsi qu'en témoigne l'acte (page 5) et rien ne fut caché sur ce point comme sur d'autres à M. et Mme [K]. La facture de M. [W], maçon qui a réalisé les travaux, fut, comme les autres pièces, remise à M. et Mme [K] et se trouve en la possession de ceux-ci.
Ils demandent à la cour de rejeter la demande formée par les époux [K] qui sollicitent en appel pour la première fois la résolution de la vente sur le fondement des vices cachés, ce qu'ils n'ont pas formulé en première instance, s'agissant selon eux d'une demande nouvelle.
Subsidiairement, si la cour prononce la résolution de la vente, ils demandent que soit ordonné la restitution du bien, sous réserve de l'état de celui-ci, la condamnation des époux [K] à leur payer une indemnité de jouissance à compter du 18 novembre 2011, la condamnation des consorts [Z] à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur égard. Ils demandent également à ce que les époux [B] soient condamnés à leur payer au titre des frais irrépétibles la somme de 900 000 F CFP, ainsi qu'aux dépens.
Par mémoire en défense n°6, déposé le 14 avril 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements de leurs prétentions et moyens, les consorts [K] demandent quant à eux à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement rendu le 11 février 2019 par le Tribunal de première instance de Nouméa en ses dispositions critiquées par les consorts [A]-[V],
- Rejeter la demande des consorts [A]-[V] d'ordonner la vente forcée de la partie empiétée, avec les frais de notaire et de transcription auprès des services fiscaux mis à la charge de M. [K] et Mme [O], en raison de son irrecevabilité,
A titre subsidiaire,
- Prononcer la résolution de la vente intervenue le 18 novembre 2011 sur le fondement de la garantie légale des vices cachés,
- Rejeter les demandes des consorts [B] en raison de leur irrecevabilité,
A titre infiniment subsidiaire,
- Prononcer la résiliation de la vente intervenue le 18 novembre 2011 sur le fondement de la garantie d'éviction du fait d'un tiers,
- Rejeter les demandes des consorts [B] en raison de leur irrecevabilité,
En tout état de cause,
- Condamner les consorts [A]-[V] au paiement à M. [M] [K] et à Mme [L] [O] de la somme de 700.000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle Calédonie pour la première instance et l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ils soutiennent être de bonne foi, que tous les acquéreurs du bien depuis 1966, ignoraient l'existence de cet empiétement qui n'a fait l'objet d'aucune revendication ; les consorts [X], qui ont revendu le terrain en juillet 1996 aux époux [B] tel que comme leur propriété, même s'ils n'ont pas acquis la parcelle empiétée auprès du véritable propriétaire. Ils en ont donc été les propriétaires pendant 30 ans et 3 mois, sans qu'aucune action en revendication ne soit exercée à leur endroit.
Ils exposent que conformément aux critères posés par la loi, leur possession a été continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
Ils rappellent que l'empiétement a été constaté à la suite de l'intervention de M. [K], qui a conduit à la consultation du cadastre et au relevé d'un géomètre suite à la réalisation de l'expertise.
Subsidiairement, dès lors que la démolition pure et simple de la piscine et du studio empiétant sur le fond voisin aura des conséquences graves et disproportionnées sur la valeur de leur propriété, ils sollicitent la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et en application de l'article 1626 du Code civile de Nouvelle-Calédonie, la garantie d'éviction du fait du tiers afin de demander la résiliation de la vente pour les mêmes motifs développés ci-dessus.
Ils estiment que la demande d'indemnisation au titre la jouissance des époux [B] n'est pas fondée et s'appuie sur un texte non applicable sur le territoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour est saisie du seul appel principal de M. [A] et de Mme [V], propriétaires du fonds contigu à la parcelle acquise par les époux [K] le 18 novembre 2011. Ils contestent la décision du premier juge uniquement en ce qu'elle a rejeté leur demande tendant à la démolition des constructions édifiées par empiétement sur leur propre fond, alors même que l'empiétement était matériellement établi.
La cour rappelle par ailleurs, que les demandes de 'constater' 'dire et juger' 'voir supprimer' ne sont pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.
Sur la prescription acquisitive :
Selon l'article 2272 du Code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.
La bonne foi consiste donc en la croyance de l'acquéreur, au moment de l'acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire, il suffit qu'elle ait existé au moment de l'acquisition dispose l'article 2275 du même code. Il y a lieu de rappeler que c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver selon les articles 2274 du même code.
La cour rappelle également que pour pouvoir se prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire dispose l'article 2261 du même code.
En l'espèce, M. [A] et Mme [V] font valoir que les premiers juges ont statué 'ultra petita' en retenant l'existence d'un juste titre, non invoqué par les parties pour justifier la prescription acquisitive abrégée limitée à dix ans, au lieu des trente années de droit commun.
Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé dispose l'article 5 du CPC NC. Il statue 'ultra petita' lorsqu'il va au-delà, puisqu'il répond à une prétention qui ne lui aurait pas été soumise, ou encore s'il excède le montant de la demande sollicitée. Dans ce cas, seule l'action en retranchement est possible en application de l'article 464 du même code, l'infirmation du jugement n'étant pas la sanction.
Or tel n'est pas le cas en l'espèce, la demande des consorts [A] ne peut donc prospérer puisqu'elle consiste en 'les dire bien fondés', soulevant un moyen qui ne saisit la cour d'aucune demande de laquelle ils tirent de conséquence, sauf à demander à la cour de constater que le juge a statué 'ultra petita' selon eux en retenant un 'juste titre non invoqué par les parties' sans en demander le retranchement.
En tout état de cause et nonobstant l'absence du dépôt d'une requête en retranchement, pour voir s'appliquer la prescription acquisitive de 10 ans, la double condition posée par l'article 2272 précité doit nécessairement être examinée par le juge lequel vérifie que les titres de propriété en l'espèce ne sont pas entachés de nullité affectant leur validité. Ainsi, le premier juge n'a dès lors pas statué 'ultra petita' en procédant à cette vérification en l'espèce.
S'agissant de la prescription acquisitive contestée, la cour observe que les consorts [B] l'ont dès leur intervention volontaire soulevée et maintenue tout au long de la procédure, il en est de même pour les consorts [K].
Le tribunal de première instance a relevé en l'espèce au regard des justificatifs produits :
- que l'empiétement de construction (litigieux) dans une partie du terrain représentant 1a et 14 ca, soit 114 mètres carrés sur le lot 124, appartenant à M. [A] et Mme [V] et sur l'angle du lot 88, n'a jamais été contesté depuis la division des lots en 1966 ;
- et que les constructions y édifiées consistant en une maison d'habitation construite en maçonnerie, couverte en tôles, comprenant : une salle de séjour, une cuisine, trois chambres, un bureau, un water-closet, une salle de bains, une buanderie, une terrasse couverte, un garage indépendant et un bungalow de 10m2 à usage de chambre.
- que LE VENDEUR a déclaré qu'à sa connaissance la construction d'origine a été édifiée depuis au moins trente ans du chef des précédents propriétaires et qu'il n'est pas en mesure de produire le permis de construire et le certificat de conformité s'y rapportant dont il n'a pas lui-même trace' ;
- et que les actes notariés ayant permis le transfert de propriété du bien litigieux des consorts [Z] aux époux [B] puis aux époux [K] ne sont entachés d'aucune nullité.
Il a donc débouté les consorts [A]-[V] de leur demande considérant les époux [B], précédant propriétaires du fond devenu ensuite la propriété de M. et Mme [K], de bonne foi. Il a retenu que l'absence de toute revendication de la part de leurs voisins, ainsi que la configuration des lieux et la comparaison des actes d'acquisition successifs du fond ne leur permettaient pas d'avoir connaissance de l'état d'empiétement. Etant ainsi de bonne foi, au terme d'une possession continue, paisible, publique et non équivoque, pendant plus de dix ans, la juridiction a relevé à leur profit une prescription acquisitive faisant obstacle à la démolition des ouvrages litigieux.
La cour en l'espèce, relève que si les revendiquant n'ont pas acquis du véritable propriétaire de cette partie du passage litigieux, il n'en demeure pas moins que les actes par lesquels ils ont acheté ces parcelles, la superficie qui y est indiquées, les précisons fournies dans ces actes sur la consistance du bien, leur permettaient de croire légitimement, au moment de leur achat, qu'ils devenaient propriétaires de la portion litigieuse de terrain et qu'ils acquéraient ce bien du véritable propriétaire. Ils justifient donc avoir acquis cette portion de passage conformément à un titre translatif de propriété dont ils ignoraient les vices.
Il est constant que leur possession a duré au moins dix années avant qu'elle ne soit contestée, que le caractère paisible, publique et non équivoque de cette possession sont remplis et que les intimés se sont comportés en véritables propriétaires par les différents actes matériels accomplis postérieures à leur acquisition.
Il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise le premier juge ayant sans dénaturer, ni violé le principe de la contradiction fait une juste appréciation au regard des éléments de l'espèce versés aux débats ; les circonstances de la découverte de l'empiétement faisant suite à un tout autre litige portant sur la garantie des vices cachés, l'absence de revendication des époux [A]-[V] depuis plus de 10 ans, la description du bien immobilier vendu dans les différents actes notariés comprenant les constructions litigieuses sur la parcelle empiétée datant de plus de 30 ans démontrant la bonne foi des acquéreurs successifs.
La prescription acquisitive abrégée étant acquise, les consorts [K] intimés sont donc reconnus propriétaires du terrain revendiqué ; les autres demandes à titre subsidiaires des consorts [A]-[V] ne peuvent par conséquent prospérer.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable au regard des circonstances de la cause et de l'issue de présent procès, de condamner M. [A] et de Mme [V], succombant en la présente instance, aux dépens et à payer aux consorts [K] et [B] la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrepétibles à chacun.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt rendu contradictoirement.
- Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
- Condamne M. [I] [A] et Mme [BB] [V] à payer aux consorts [K] la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
- Condamne M. [I] [A] et Mme [BB] [V] à payer aux consorts [B] la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
- Laisse les dépens de l'instance d'appel à la charge de M. [I] [A] et Mme [BB] [V].
Le greffier, Le président.