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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 24 septembre 2025, n° 25/01888

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01888

24 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 24 SEPTEMBRE 2025

N° RG 25/01888 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPGBB

Copie conforme

délivrée le 24 Septembre 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Nice en date du 22 septembre 2025 à 17H50.

APPELANT

Monsieur [P] [B]

né le 9 septembre 1993 à [Localité 9] (Tunisie)

de nationalité tunisienne

comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.

Assisté de Maître Aziza DRIDI, avocate au barreau de GRASSE, choisie.

et de Monsieur [Y] [X], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIMÉE

PREFECTURE DES ALPES MARITIMES

Représentée par Monsieur [T] [C]

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 24 septembre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Himane EL FODIL, Greffière,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2025 à 18h30,

Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Mme Himane EL FODIL, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 23 août 2025 par la PREFECTURE DES ALPES MARITIMES, notifié le même jour à 11h27 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 23 août 2025 par la PREFECTURE DES ALPES MARITIMES notifiée le même jour à 11h27 ;

Vu l'ordonnance du 22 septembre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Nice décidant le maintien de Monsieur [P] [B] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 23 septembre 2025 à 15h40 par Monsieur [P] [B] ;

Monsieur [P] [B] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'j'ai fait appel car je veux sortir d'ici. Il y a eu beaucoup d'erreurs dans mon dossier. Quand je suis rentré en prison, il ne m'ont pas amené un interprète. Je travaillais dans le bâtiment, j'ai une copine qui est enceinte et elle est de nationalité italienne. Elle m'attend à [Localité 5]. Je n'ai pas de papiers en Italie mais ma copine a tout. Elle va bientôt accoucher. Elle m'héberge, j'habite avec elle.'

Son avocate, régulièrement entendue, reprend les termes de la déclaration d'appel, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle souligne notamment que l'ordonnance rendue le 29 août 2025 par la déléguée du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence mentionne avoir été saisie d'un appel en date du 27 août 2025 et qu'aucune rectification n'est intervenue.

Le représentant de la préfecture, dont les déclarations sont également consignées dans le procès-verbal d'audience, sollicite la confirmation de l'ordonnance du premier juge et le maintien de l'appelant en rétention.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

1) - Sur la rétention arbitraire de l'appelant

En application de l'article R. 743-19 du CESEDA le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue au fond dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. Ce délai est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile. L'ordonnance est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé le placement en rétention. Les parties présentes en accusent réception.

L'appelant soutient que la décision du juge d'appel est intervenue hors délai de telle sorte que la cour était dessaisie et qu'il aurait dû être remis en liberté.

Si les énonciations de l'ordonnance rendue par le juge d'appel font foi jusqu'à inscription de faux il n'en demeure pas moins que, à l'instar de toute décision de justice, elle peut être affectée d'une erreur matérielle quand bien même n'a-t'elle pas fait l'objet d'une requête en rectification.

En l'occurrence il résulte de l'examen des pièces versées au dossier, et notamment de la déclaration d'appel de M. [B] à l'encontre de la première ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nice, que celui-ci a rendu une ordonnance de maintien du placement en rétention le 27 août 2025, notifiée à 15 heures 22, dont l'intéressé a interjeté appel le 28 août 2025 à 10 heure 32, la déléguée du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant rendu sa décision confirmative le 29 août 2025 par mise à disposition au greffe à 15h30.

Il s'ensuit que le juge d'appel a rendu sa décision de confirmation dans le délai de 48 heures conformément aux dispositions réglementaires.

Il est donc établi que cette dernière décision est affectée d'une erreur matérielle et que l'appelant n'a donc pas fait l'objet d'une mesure de rétention arbitraire.

Ce moyen sera par conséquent rejeté.

2) - Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'actualisation du registre de rétention

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 8] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe III de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant notamment les procédures juridictionnelles suivantes mises en 'uvre au cours de la rétention:

1° Contentieux administratif type de recours, juridiction saisie date et heure de l'audience décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile: date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de

français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où l'appel à l'encontre du rejet de la requête en contestation n'est pas mentionné.

Il ressort des pièces versées au dossier à l'appui de la requête préfectorale en prolongation de la mesure de rétention que ledit registre mentionne effectivement le recours en appel à l'encontre de la décision de maintien de la mesure de rétention et la décision de confirmation en appel en date du 29 août 2025 mais n'indique aucunement la suite juridictionnelle donnée au rejet de la requête en contestation rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire le 27 août 2025 alors que l'ordonnance du 29 août 2025 confirmait ce rejet.

Ce défaut de mention ne permet pas au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits du retenu et entache d'irrecevabilité la requête préfectorale en prolongation.

Il conviendra donc d'infirmer l'ordonnance querellée et d'ordonner la mainlevée de la mesure de rétention de M. [B], étant rappelé que celui-ci a obligation de quitter le territoire national en vertu de l'arrêté du 23 août 2025.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 22 septembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nice,

Infirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Nice en date du 22 septembre 2025,

Statuant à nouveau,

Déclarons irrecevable la requête préfectorale en deuxième prolongation de M. [P] [B],

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de M. [P] [B],

Rappelons à M. [B] qu'il a obligation de quitter le territoire national en vertu de l'arrêté du 23 août 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [P] [B]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 24 Septembre 2025

À

- PREFECTURE DES ALPES MARITIMES

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de [Localité 6]

- Maître Aziza DRIDI

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 24 Septembre 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [P] [B]

né le 09 Septembre 1993 à [Localité 9] (TUNISIE) (99)

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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