CA Douai, 1re ch. sect. 2, 25 septembre 2025, n° 23/00992
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Keraunos (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Courteille
Conseillers :
Galliot, Van Goetsenhoven
Avocats :
Laurent, Doleac, Franchi, Deschryver, Courtois
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [D] [N] entrepreneur individuel, exerce sous le nom d'Ubyrisk Consultants, une activité dans le domaine des risques naturels d'origine atmosphérique ou géologique, il offre ses services via le site CatNat.net.
Il déclare avoir créé à partir de 2000, dans un cadre associatif, une base de données nommée CATNAT, avoir créé un site internet CATNAT Live devenu CATNAT.net sur lequel il recueille les données relatives aux phénomènes naturels dommageables, vent, orages et grêle.
M. [N] expose avoir professionnalisé cette activité à partir de 2007 et offre des services concernant les phénomènes de grêle notamment au travers du service « Grêle Warning » .
La société Keraunos est une société spécialisée dans l'étude, la prévision et la gestion des risques liés aux phénomènes orageux. Cette société, immatriculée en 2010, déploie une activité depuis 2006 au travers de ses associés, MM [L], [Y] et [B]. Cette société utilise le nom « Observatoire Français des Tornades et Orages Violents », à partir d'une base de données qu'elle a créée lui ayant permis de développer ses propres modèles de prévisions, utilisant des données publiques complétées par des données non publiques recueillies sur le terrain, notamment pour les phénomènes de grêle.
M. [E] a déposé le 30 mai 2020, la marque Keraunos, Observatoire français des Tornades et des Orages Violents, Centre de Prévision des Orages enregistrée sous le n° 10 3 741 907 dans les classes 36,41 et 42.
Par ordonnance du 11 décembre 2019 rendue sur requête, la société Keraunos a été autorisée à faire procéder à un constat portant sur l'utilisation éventuelle par M. [N] de ses bases de données.
Un procès-verbal de constat a été dressé par Me [T], huissier de justice, le 09 juin 2020.
La société Keraunos a, par acte du 17 novembre 2020, fait assigner M. [D] [N] devant le tribunal judiciaire de Lille en contrefaçon de base de données et de marque et concurrence déloyale et parasitisme, sollicitant la condamnation de M. [N] au paiement de diverses sommes ainsi que sa condamnation sous astreinte à cesser l'utilisation des données.
Par jugement du 10 février 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :
- Condamné M. [N] à payer à la Société Keraunos la somme de 45 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon de sa base de données.
débouté la Société Keraunos de ses demandes, tant en principal que subsidiaire, au titre de la contrefaçon de la marque française « KERAUNOS, OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES TORNADES ET DES ORAGES VIOLENTS, CENTRE DE PRÉVISION DES ORAGES, N° 3741907 ou de l'exploitation de la dénomination sociale, du nom commercial, de la marque et du logo de la Société Keraunos sans autorisation ».
Condamné M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la concurrence déloyale et parasitaire.
Ordonné la cessation par M. [D] [N] de toute utilisation, de tout ou partie, de la base de données de Keraunos, notamment dans le cadre de son activité professionnelle exercée sous les noms Ubyrisk Consultants et Cat Nat, ainsi que la cessation du service « Grêle Warning », dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 300 euros par jour de retard et par utilisation.
Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte.
Ordonné à M. [D] [N] de publier le dispositif du présent jugement sur la page d'accueil du site Internet catnat.net, en lettre d'imprimerie standard de taille 12, dans le mois de la signification du jugement pour une durée de deux mois.
Débouté la Société Keraunos du surplus de ses demandes.
Débouté M. [D] [N] de ses demandes reconventionnelle et subsidiaire.
Condamné M. [D] [N] à payer à la Société Keraunos, la somme 7 000 euros au titre des frais irrépétibles, non compris dans les dépens exposés par cette dernière.
Débouté la société Keraunos du surplus de ses demandes.
Débouté M. [D] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné M. [D] [N] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais des constats d'huissier.
Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2023, M. [N] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 09 avril 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande d'expertise formée par M. [N].
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 mai 2024, M. [N] demande à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [D] [N] du jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Lille, le 10 février 2023 et réformant le jugement entrepris ;
Avant dire droit :
- Ordonner une mesure d'expertise judiciaire et nommer tel expert qu'il lui plaira aux fins notamment de :
1°/ déterminer l'ancienneté des entités Ubyrisk Consultants et Catnat.net ;
2°/ déterminer l'ancienneté de la Société Keraunos ;
3°/ préciser l'étendue des prestations des entités Ubyrisk Consultants/Catnat.net et celles proposées par la Société Keraunos ;
4°/ comparer les modalités des services Grêle (période couverte, contenus) respectifs de Ubyrisk Consultants et de la Société Keraunos et préciser en quoi ils diffèrent ;
5°/ préciser le contenu des champs présents dans les bases de données Grêle respectives de Ubyrisk Consultants et de la Société Keraunos dans leur version au jour de la saisie par la SELARL TGGV en date du 9 juin 2020 et préciser en quoi elles diffèrent ;
6°/ comparer pour chaque année le nombre total d'enregistrements ainsi que ceux mensuels, des bases de données des Sociétés Ubyrisk Consultants et Keraunos dans leur version au jour de la saisie par la SELARL TGGV en date du 9 juin 2020 à savoir le fichier "Grele-france.xlsm" situé dans le répertoire "Fichier"-> "Disque H" du constat d'huissier et le fichier correspondant à la base de données Kéraunos vendue à M.[N] en février 2019 (si Kéraunos n'était pas en mesure de délivrer ce fichier, celui-ci est en possession de M.[N] dans sa version originelle telle que reçu) et préciser, pour chaque année :
- le nombre de doublons stricts entre les deux bases (lignes ayant les exactement les mêmes valeurs sur les champs en commun dans les deux bases de données)
- le nombre de lignes ayant une date et une localisation identique mais ayant une valeur de taille de grêlons (champs diamètre min. OU diamètre max.) différente
7°/ établir si des données d'observations des chutes de grêles collectées par Ubyrisk Consultants (jusqu'au jour de la saisie de l'huissier) ont pu enrichir la base de données de la Société Keraunos ;
8°/ exposer de manière (en veillant à ce que les détails techniques et méthodologiques des deux parties ne soient pas révélés) le processus, d'acquisition et de traitement permettant à Ubyrisk Consultants et à la Société Keraunos de réaliser leurs prévisions et leurs observations des chutes de grêles et en préciser les points communs ainsi que leurs différences.
- Dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts établie près ce tribunal ;
- Dire qu'en cas de difficulté, l'Expert s'en réfèrera au Président qui aura ordonné l'expertise ou le juge désigné par lui ;
- Dire que l'Expert devra déposer son pré-rapport à compter de la consignation de la provision à valoir sur ses honoraires, et qu'il devra le notifier aux parties préalablement au dépôt de son rapport définitif ;
- Fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir ;
- Condamner la Société Keraunos au paiement de cette provision ;
- Réserver les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
- Constater l'absence d'actes de contrefaçon de la base de données de Keraunos de la part de M. [D] [N] ce dernier n'ayant pas réutilisé ni offert tout ou partie de ladite base ;
- Constater l'absence d'atteintes à la marque de la société Keraunos ne constituant pas, de fait, des actes de contrefaçon ;
- Constater l'absence d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société Keraunos.
En conséquence,
- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille, le 10 février 2023 en ce qu'il a :
- Condamné M. [N] à payer à la Société Keraunos la somme de 45.000 euros en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon de sa base de données.
- débouté la Société Keraunos de ses demandes, tant en principal que subsidiaire, au titre de la contrefaçon de la marque française « Keraunos, Observatoire Français Des Tornades Et Des Orages Violents, Centre De Prévision des Orages, N°3741907 ou de l'exploitation de la dénomination sociale, du nom commercial, de la marque et du logo de la Société Keraunos sans autorisation ».
- Condamné M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la concurrence déloyale et parasitaire.
- Ordonné la cessation par M. [D] [N] de toute utilisation, de tout ou partie, de la base de données de Keraunos, notamment dans le cadre de son activité professionnelle exercée sous les noms UBYRISK CONSULTANTS et CAT NAT, ainsi que la cessation du service « Grêle Warning », dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 300 euros par jour de retard et par utilisation.
- Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte.
Ordonné à M. [D] [N] de publier le dispositif du présent jugement sur la page d'accueil du site Internet catnat.net, en lettre d'imprimerie standard de taille 12, dans le mois de la signification du jugement pour une durée de deux mois.
Débouté la Société Keraunos du surplus de ses demandes.
Débouté M. [D] [N] de ses demandes reconventionnelle et subsidiaire.
Condamné M. [D] [N] à payer à la société Keraunos, la somme 7.000 euros au titre des frais irrépétibles, non compris dans les dépens exposés par cette dernière.
Débouté la société Keraunos du surplus de ses demandes.
Débouté M. [D] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné M. [D] [N] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais des constats d'huissier.
Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Statuant à nouveau,
A titre principal :
- Débouter la société Keraunos de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de sa base de données ;
- Débouter la société Keraunos de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de sa marque ;
- Débouter la société Keraunos de sa demande de cessation de la part de M. [D] [N] de toute utilisation de la base de données de Keraunos ainsi que de sa demande de cessation du service « Grêle Warning »;
- Débouter la société Keraunos de sa demande de saisie et de destruction de tous produits, documents, ou support contenant des données appartenant à la société Keraunos ;
- Débouter la société Keraunos de sa demande d'interdiction d'utilisation et de référence à la marque Keraunos ;
- Débouter la société Keraunos de sa demande de publication du délibéré du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet catnat.net ou de tout site Internet de M. [D] [N] utilisé dans le cadre de son activité professionnelle ;
- Débouter la société Keraunos de sa demande de publication du délibéré du jugement à intervenir dans la prochaine « Newsletter » ou courriel ou courrier d'information adressée à tous les clients de M. [D] [N] dans le cadre de son service « Grêle Warning » ;
- Débouter la société Keraunos de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes distincts de la concurrence déloyale et parasitaire ;
- Débouter la société Keraunos de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Si par extraordinaire, la cour devait condamner M. [N] à des dommages et intérêts pour l'utilisation d'un visuel cartographique, une seule fois :
- Limiter les dommages et intérêts à la somme maximum de 1 000 euros.
A titre subsidiaire :
- Constater l'absence d'actes de concurrence déloyale et parasitaire de la part de M. [D] [N] à l'égard de la société Keraunos, ce dernier n'ayant pas commercialisé la base de données de ladite société ;
Constater l'absence d'actes de concurrence déloyale et parasitaire de la part de [D] [N] à l'égard de la société Keraunos, ce dernier n'ayant pas exploité la dénomination sociale, le nom commercial, la marque et le logo de ladite société ;
En conséquence,
- Débouter la société Keraunos de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Keraunos à payer à M. [D] [N] la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- Condamner la société Keraunos au versement de la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par dernières conclusions n° 2 signifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, la société Keraunos demande à la cour de :
' CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 10 février 2023 en qu'il a énoncé :
- Ordonne la cessation par [D] [N] de toute utilisation, de tout ou partie, de la base de données de KERAUNOS, notamment dans le cadre de son activité professionnelle exercée sous les noms UBYRISK CONSULTANTS et CAT NAT, ainsi que la cessation du service « Grêle Warning », dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 300 euros par jour de retard et par utilisation ;
- Ordonne à [D] [N] de publier le dispositif du présent jugement sur la page d'accueil du site Internet catnat.net, en lettre d'imprimerie standard de taille 12, dans le mois de la signification du jugement pour une durée de deux mois ;
- Déboute [D] [N] de ses demandes reconventionnelle et subsidiaire ;
- Déboute [D] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne [D] [N] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais des constats d'huissier.
' INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 10 février 2023 en ce qu'il a énoncé:
- Condamne [D] [N] à payer à la société KERAUNOS la somme de 45 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon de sa base de données ;
- Deboute la société Keraunos de ses demandes, tant principale que subsidiaire, au titre de la contrefaçon de la marque française « KERAUNOS, OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES TORNADES ET DES ORAGES VIOLENTS, CENTRE DE PREVISION DES ORAGES » n° 3741907 ou de l'exploitation de la dénomination sociale, du nom commercial, de la marque et du logo de la société Keraunos sans autorisation ;
- Condamne [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la concurrence déloyale et parasitaire ;
- Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- Condamne M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme 7 000 euros au titre des frais irrépétibles, non compris dans les dépens exposés par cette dernière ;
- Deboute la société Keraunos du surplus de ses demandes ;
' STATUANT A NOUVEAU sur ces chefs :
- CONDAMNER M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme globale de 120.000 euros en réparation du préjudice subi résultant de la contrefaçon de sa base de données ;
- CONDAMNER M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme globale de 70.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de marque ;
- ORDONNER, aux frais de M. [D] [N], la saisie et la destruction de tous produits, documents, ou supports (papier ou numérique) contenant des données appartenant à la société Keraunos en tous lieux où ils se trouveraient, et d'en justifier dans un délai de 10 jours francs à compter de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et par signe ;
- INTERDIRE à M. [D] [N] d'utiliser et de faire référence à la marque «KERAUNOS, OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES TORNADES ET DES ORAGES VIOLENTS, CENTRE DE PRÉVISION DES ORAGES », au terme KERAUNOS ou utiliser le logo de Keraunos pour les besoins de sa communication et, notamment dans le cadre de son activité professionnelle exercée sous les noms UBYRISK CONSULTANTS et CAT NAT, dans un délai de 10 jours francs à compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et par signe.
- ORDONNER la publication du délibéré du Jugement à intervenir dans la prochaine « Newsletter » ou courriel ou courrier d'information adressée à tous les clients de M. [D] [N] dans le cadre de son service « Grêle Warning », en lettre d'imprimerie standard de taille 12, dans le mois de la signification du jugement pour une durée de deux mois, et d'en apporter la justification;
- se réserver la liquidation des astreintes.
- CONDAMNER M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme de 60.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;
- CONDAMNER M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme de 25.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés lors de la première instance
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire votre cour venait à refuser à la société Keraunos toute protection sur la base de données de Keraunos au titre du droit d'auteur sui generis sur les bases de données et décidait d'infirmer le jugement de première instance sur ce point, il conviendrait, alors de :
- DIRE et JUGER que M. [D] [N] s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société KERAUNOS en extractant, utilisant et commercialisant la base de données de la société KERAUNOS sans la moindre autorisation.
En conséquence,
- CONDAMNER, M. [D] [N] à payer la somme de 120.000 euros en réparation des préjudices subis au titre des faits de concurrence déloyale et parasitaire
Si votre cour venait à refuser à la société Keraunos toute protection sur la marque et le logo de KERAUNOS au titre du droit des marques et confirmait le jugement de première instance sur ce point, il conviendrait de :
INFIRMER le jugement en ce qu'il :
o Déboute la société Keraunos du surplus de ses demandes ;
' STATUANT A NOUVEAU sur ces chefs :
- Dire et Juger que M. [D] [N] s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société Keraunos en exploitant la dénomination sociale, le nom commercial, la marque et le logo de la société Keraunos sans autorisation.
En conséquence,
- Condamner M. [D] [N] au paiement au profit de la société Keraunos de la somme de 70.000 euros en réparation des préjudices subis au titre des de concurrence déloyale et parasitaire ;
En tout état de cause,
- REJETER toutes les demandes reconventionnelles, nouvelles ou contraires de M. [D] [N].
- REJETER les pièces n°60, 63 et 64 de M. [D] [N].
- CONDAMNER M. [D] [N] aux entiers frais et dépens de l'appel, en sus des frais et dépens de la première instance, en ce compris les frais des constats d'huissier réalisés ;
- CONDAMNER M. [D] [N] à payer à la société Keraunos à la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
- CONDAMNER M. [D] [N] à payer à la société KERAUNOS à titre de dommages et intérêts la somme de 5.000 euros en raison du caractère dilatoire et ce faisant abusif de la demande d'expertise.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'expertise
M. [N] sollicite une expertise faisant valoir que seule celle-ci est de nature à établir que les données utilisées par le site CatNat ne résultent pas d'une contrefaçon ou d'actes de parasitisme, il conteste agir à des fins dilatoires et expose avoir demandé l'expertise au stade de la mise en état.
La société Keraunos soutient que la demande est purement dilatoire que les éléments produits par les parties suffisent pour permettre à la cour de trancher.
* L'article 144 du code de procédure civile dispose qu'une mesure d'expertise peut être ordonnée en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisant pour juger.
Il appartient au juge d'apprécier souverainement les éléments de preuves qui lui sont soumis, une mesure d'expertise ne peut être ordonnée que pour autant que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
M. [N], qui sollicite la mesure d'expertise, a fait signifier des conclusions de 107 pages et communiqué 73 pièces ; la mission qu'il souhaite voir confiée à l'expert, porte essentiellement sur des éléments dont il est lui-même en possession qu'il produit et qu'il analyse dans ses écritures s'agissant de la détermination de l'ancienneté des deux entités en cause, des modalités de fonctionnement des services « grêle », le nombre d'enregistrements dans chacune des bases de données, le nombre de doublons et la description du processus d'acquisition et de traitement des données. De son côté l'intimée produit 76 pièces relatives aux bases de données et aux documents et sites des deux entités.
Il sera également observé que le litige porte sur l'utilisation du contenu de bases de données, dans ces conditions il apparaît que les pièces détenues et produites par les parties, complétées pour ce qui concerne la société Keraunos, par le procès-verbal de constat d'huissier, permettent à la cour de disposer des éléments suffisants pour trancher le litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise.
Sur l'atteinte aux droits du producteur de la base de données
2.1 sur l'extraction et l'utilisation du contenu des bases de données
M. [N] expose avoir débuté son activité dès 2000 dans un cadre associatif et avoir développé son activité à partir de 2006, soit avant la société Keraunos. Il fait valoir qu'il exerce sous le nom d'Ubyrisk des données collectées à partir d'observations radars qu'en outre ses études excèdent le cadre du territoire national, à la différence de la société Keraunos.
Il explique qu'en raison du caractère progressif du développement de l'activité, les rapports fournis se sont enrichis avec le temps, il explique également que des erreurs ont pu apparaître dans certains rapports notamment lorsqu'il a indiqué que les observations et données ne remontaient que jusqu'à 2014 alors qu'elles remontent à 2000. Il ajoute que partant d'observations de mêmes phénomènes, il est normal que chacune des deux entités fassent état des mêmes données, en revanche, les données fournies par Ubyrisk sont plus fournies et détaillées.
Il reconnaît avoir tenté et obtenu des accès aux données de la société Keraunos mais uniquement dans le cadre d'une veille concurrentielle et dans un souci de protection de sa société, en aucun cas il ne s'en est servi à des fins d'exploitation dans le cadre de ses activités et conteste tant la contrefaçon de données que les actes de concurrence déloyale et parasitaire.
La société Keraunos réplique que la création de sa base de données est le résultat d'investissements matériels et humains importants, elle invoque à l'appui de ses prétentions le droit sui generis du producteur de données. Elle explique que cette base de données est caractérisée par le recours à des informations communiquées par des observateurs qui permettent de recueillir des informations précises sur les évènements météorologiques. Elle ajoute qu'elle s'est aperçue que M. [N] utilisait le contenu de ses bases de données sans en avoir sollicité ni obtenu d'autorisation, après avoir usé de fausses identités. Elle ajoute que c'est avec le contenu de ses bases de données qu'il a pu enrichir ses propres données, il a également repris la cartographie de la société Keraunos. Elle précise qu'elle a piégé M. [N] en introduisant de fausses données dans ses rapports qui ont été repris tels quels par l'appelant, preuve de l'extraction et de l'utilisation des données. Elle soutient que ces utilisations ont été faites à des fins commerciales et que notamment M. [N] a offert ses services à ses propres clients.
Elle sollicite outre des dommages et intérêts, qu'il soit fait interdiction à M. [N] d'utiliser ses données ainsi qu'une mesure de publicité, la destruction des données lui appartenant et conservées par M. [N].
***
L'article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle définit une base de données comme « un recueil d''uvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposé de manière systématique ou méthodique, individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen. »
Selon l'article L 341-1 du même code, le producteur de bases de données « bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel.
Cette protection est indépendante et s'exerce sans préjudice de celles résultant du droit d'auteur ou d'un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs ».
L'article L 342-1 du précise que « Le producteur de bases de données a le droit d'interdire :
1° L'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;
2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu'en soit la forme. Ces droits peuvent être transmis ou cédés ou faire l'objet d'une licence. Le prêt public n'est pas un acte d'extraction ou de réutilisation. »
Et l'article L 342-2 du code de la propriété intellectuelle énonce que « le producteur peut également interdire l'extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d'utilisation normale de la base de données. »
a titre liminaire, il sera relevé que la société Keraunos fondant ses demandes sur les dispositions des articles L 341-1 et suivants du code de la porpriété intellectuelle revfendique la protection du droit sui generis de l'auteur de bases de données.
Il est constant que les parties poursuivent des activités de même nature dans le secteur de la prévision et de l'évaluation des risques météorologiques et qu'elles commercialisent les données recueillies et produisent des bulletins de prévisions concernant certains risques notamment la grêle. Ils opèrent auprès d'abonnés, sociétés d'assurance ou professionnels ayant des activités liées aux phénomènes météorologiques. Chacune des parties revendique être producteur de ses bases de données.
M. [N] produit la déclaration de l'association Cat. Nat en 2002, la déclaration du nom de domaine CatNat en 2003 et soutient avoir déjà eu une activité au titre de la veille des phénomènes de grêle dès 2000 ; toutefois, la facture communiquée pour en justifier datant du 10 février 2004 ne permet pas d'apprécier la création, l'existence et le contenu de la base de données revendiquée dès 2000. Le bulletin de suivi et de localisation des évènements de grêles daté du 23 juillet 2004, communiqué en pièce 7, ne justifie pas de l'existence de la base de données alléguée.
L'appelant produit encore, l'attestation d'inscription au Siren du 02 janvier 2007, l'enveloppe Soleau (pièce 42) relative au dépôt auprès de l'INPI de la base de données ; aucune date de dépôt n'est lisible sur l'enveloppe Soleau et l'inscription au Siren, n'est pas une preuve de création de la base de données.Quant à l'interface du site CatNat produite, attestant l'existence de la base de données utilisée par Ubyrisks, elle est datée de 2020, de même que le document utilisé en pièce 20 pour comparer les champs disponibles dans les deux bases de données.
Enfin le tableau comparatif des données collectées par les deux entités, produit pas M. [N] faisant état de collectes pour les années 2000 à 2006, ne saurait, en raison de peu de données desa part, (moins de 60 par année) attester de la création d'une base de données antérieure à 2007.
Il se déduit de ces observations qu'il n'est pas justifié pour la période antérieure à 2007 de la création et de l'exploitation d'une base de données alors que de son côté la société Keraunos indique avoir été immatriculée en 2010 et avoir constitué sa base de données à partir des données recueillies depuis 2006 par ses associés, ce dont elle justifie par la communication des ses relevés. Les propositions tarifaires, les relevés de données produits, les cartes recensant les intempéries générées par la société Keraunos, les rapports faisant état de chutes de grêle comportant des onglets permettant d'avoir accès aux données par département, diamètres des grêlons et par risque généré pour les véhicules, justifient d'un investissement tant financier, que matériel et humain substantiel et attestent de l'existence de la base de données de la société Keraunos à compter de 2007.
M. [N], qui conteste l'utilisation et l'extraction du contenu des bases de données de la société Keraunos, reconnaît lui-même avoir eu accès aux bases de données de la société Keraunos en recourant à de fausses identités, ainsi en 2011 il adressait un mail au nom de de [R] [M], carrossier, en 2014, il déclarait être étudiant en master et s'appeler [J] [A], et enfin il utilisait l'identité de Mme [Z] pour souscrire un contrat au nom de la société Hagel 3D en 2019.
Il est justifié par les pièces produites qu'en 2019, après avoir obtenu communication de la base de données de Keraunos, à la suite de l'abonnement souscrit au nom de la société Hagel 3D, M. [N] a communiqué deux rapports pour l'année 2018, l'un en janvier faisant état de recueil de données depuis 2014 (en contradiction avec ses affirmations quant à une production depuis 2000 ou 2006) puis un deuxième rapport en mars, faisant état de recueil de données depuis 2006 ; la communication de deux rapports à deux mois d'intervalle avec des références distinctes prouve l'utilisation par M. [N] des données recueillies auprès de la société Keraunos.
La circonstance qu'il puisse faire état d'un plus grand nombre de relevés est sans incidence sur l'appréciation de l'utiulisation de la base de données de Keraunos, les données utilisées ayant permis d'enrichir les données commercialisées par Ubyrisk.
Par ailleurs, ainsi que l'a retenu le tribunal, M. [N] ne rapporte pas la preuve d'un dysfonctionnement du logiciel utilisé expliquant l'erreur sur les années d'activité, dès lors que seules les mentions relatives aux années d'observations ont été modifiées sur le rapport.
Enfin, tout en revendiquant une méthodologie différente dans le recueil et l'analyse des données, il apparaît que les données produites par Ubyrisk présentent de grandes similitudes avec celles de la société Keraunos, M. [N] ne saurait invoquer des sources d'informations communes dès lors que le classement des risques, l'ordonnancement des informations, les précisions sur les diamètre des grêlons, relèvent du traitement des données et ne devraient pas conduire aux similitudes observées.
Le procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 09 juin 2020, a permis de constater la détention par M. [N] de fichiers Keraunos, notamment de mails adressés au nom de la société Hgel 3D lors de la souscription d'un contrat, l'enregistrement sous format Excel des données recueillies afin d'en faciliter l'extraction, ces pièces établissent contrairement à ce que soutient l'appelant qu'il y a bien eu utilisation du contenu de la base de données.
La preuve de l'extraction et de l'utilisation de la base de données Keraunos est également établie par la reprise par Ubyrisks dans un tweet et une carte recensant les chutes de grêles, de fausses informations communiquées par la société Keraunos (pièces 14, 16 et 17 de la société Keraunos), de même que par l'envoi à un client M. [S] d'un bon de commande avec la mention Keraunos.
Enfin, l'attestation établie en décembre 2023 par M. [K] de la société Prévimétéo (pièce 65), prestataire pour Ubyrisks, n'apporte aucun élément de nature à contredire les preuves d'extraction de la base de données Keraunos, alors que M. [K] se contente d'écrire « avoir connaissance du fait que », ce qui en aucun cas ne peut signifier qu'il a lui-même constaté les faits qu'il relate et qu'il peut réellement en attester.
L'explication donnée par M. [N] de l'exercice d'une « veille concurrentielle » est inopérante, dès lors qu'il est démontré qu'il a de manière réitérée pendant plusieurs années tenté d'obtenir et obtenu communication des bases de données de la société Keraunos sous de fausses identités et qu'il est également démontré qu'il a utilisé les données de son concurrent, étant enfin observé que M. [N] en retour, n'allègue ni ne démontre l'utilisation de ses propres données par la société Keraunos.
L' extraction et l' utilisation du contenu des bases de données de la société Keraunos sans l'accord de celle-ci par M. [N] exerçant sous la dénomination Ubyrisks est établie, le jugement sera confirmé de ce chef.
2.2- sur la demande de dommages et intérêts
La société Keraunos sollicite la condamnation de M. [N] au paiement d'une somme forfaitaire de 120 000 euros au titre de ses préjudices, invoquant l'utilisation à des fins commerciales du contenu de ses bases de données et précisant que cet usage a perduré au-delà de 2020.
M. [N] conteste tout enrichissement, il précise qu'une part importante de son chiffre d'affaires provient du service grêle warning Europe, service que ne propose pas Keraunos, il ajoute que son chiffre d'affaires est en baisse depuis 2018 quand bien même le service Grêle Warning représente plus de 50 % de son chiffre d'affaires.
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Selon l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle :
"Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée."
La société Kéraunos se contente de solliciter une somme forfaitaire, ne justifiant pas de conséquences économiques liées aux faits d'extraction et d'utilisation de sa base de données.
Elle produit une facture de cession de sa base de données pour 28 000 euros en 2020, toutefois, la facture de cession de la base de données grêle à Hagel 3D (destinée en fait à [D] [N]) était de 2 555 euros en 2019.
La circonstance que le chiffre d'affaires de M. [N] soit en baisse depuis 2018, ce qu'en toute hypothèse il ne démontre pas, est sans incidence sur l'appréciation de ses fautes et de la réparation à accorder à la société Keraunos, laquelle n'a pu percevoir de droits au titre de la licence d'exploitation qu'aurait dû solliciter M. [N].
Au titre de son préjudice moral, la société Keraunos réclame 20 000 euros, il est certain que l'emploi de fausses identités, l'usage des documents Kéraunos et surtout de la base de données ont causé un préjudice moral quisera justement réparé par l'allocation d'une somme de 20 000 euros.
Au vu des pièces communiquées par la société Kéraunos il apparaît que le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi à raison des différentes extractions et utilisations des bases de données de l'intimée, le jugement sera confirmé sur ce point en rapport avec le montant de cession de la base de données.
Dès lors qu'il est fait droit aux demandes au titre du droit sui generis du producteur, il n'y a pas lieu d'examiner la demande formée à titre subsidiaire sur la concurrence déloyale et parasitaire, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les sanctions complémentaires sollicitées
La société Keraunos sollicite que les sanctions soient complétées par la saisie et la destruction des données extraites, celles-ci étant toujours susceptibles d'être utilisées.
* L'article L 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que « En cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.
La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits.
La juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon, l'atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit. » En cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.
La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits.
La juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon, l'atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit. »
Eu égard à la gravité des faits d'utilisation du contenu de la base de données Keraunos, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la cessation de l'utilisation par M. [N] de la base de données Keraunos dans le cadre de son activité Ubyrisk Consultants et CatNat ainsi que la cessation de l'utilisation de ces données pour le service « grêle Warning » sous astreinte, cette mesure n'interdisant pas l'exercice d'une activité « grêle warning » contrairement à ce que soutient M. [N], mais uniquement l'utilisation des données Keraunos pour cette activité.
Le jugement sera également confirmé sur la mesure de publicité dans les termes du jugement, ces mesures étant suffisantes pour mettre fin au trouble causé, sans qu'il y ait lieu de faire droit aux demandes de saisies et destruction des bases de données extraites.
Sur la demande au titre de la contrefaçon de la marque française « Keraunos observatoire français des tornades et des orages violents, centre de prévision des orages »
La société Keraunos, formant appel incident, sollicite que soit reconnue l'atteinte à la marque enregistrée « Keraunos, Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents, Centre de Prévision des orages » qui a été déclinée sous forme de logo utilisé sur les documents de la société. Elle fait valoir que M. [N] utilise la marque Keraunos sur divers support. Elle sollicite à ce titre une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.
M. [N] relève que les faits invoqués concerne l'envoi d'un document de la société Keraunos sans qu'il ait été prétendu qu'il s'agissait d'un document Ubirisks ou l'envoi par inadvertance d'un bon de commande sur lequel apparaît le nom Keraunos, en aucun cas ces faits isolés ne démontre la contrefaçon.
* Selon l'article L 713-2 du code de la porpriété intellectuelle 'est interdit sauf autorisation du titutlaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour les produits et services :
1° d'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits et des services identiques ç ceux pour lesquels la marque est enregistrée;
2° d'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits et services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregsitrée, s'il existe dans l'esprit du public, un risuqe de confusion incluant un risduqe d'association du signe avec la marque'
Aux termes de l'article 716-4 du code de la propriété intellectuelle « l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. »
La société Keraunos justifie du dépôt de sa marque, toutefois, ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, l'intimée ne fonde sa demande qu'en invoquant deux bons de commandes adressés à des clients (pièces 24 et 35 de l'appelant) ces éléments qui n'ont pas été diffusé au public, mais à deux clients isolés, sont insuffisants à établir la contrefaçon de la marque par M. [N] et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Keraunos de ce chef.
Sur la demande subsidiaire au titre de la concurrence déloyale et parasitaire résultant de l'usage de la marque
La société Keraunos sollicite à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'atteinte à son droit sur la marque n'est pas reconnue que l'usage de la marque de la société Keraunos soit sanctionné sur le fondement du parasitisme.
Ainsi que l'a justement relevé le tribunal, les deux seuls faits invoqués par la société Keraunos à l'appui de sa demande sont insuffisants à caractériser des actes de parasitisme et le jugement sera également confirmé.
Sur les demandes au titre d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire par l'utilisation d'éléments graphiques empruntés à la société Keraunos.
La société Keraunos fait état d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, distincts de l'utilisation de la bases de données, elle expose que l'utilisation des données et des visuels de la société crée un risque de confusion entre les deux entités de même que l'utilisation dans les documents Ubyrisk d'une charte graphique similaire à celle de Keraunos, les couleurs étant les mêmes. Elle fait également état d'actes de dénigrement de Keraunos à l'égard des clients de celle-ci, ces actes ayant pour finalité de détourner la clientèle.
M.[N] conteste les actes de concurrence déloyale exposant qu'il n'a reproduit qu'une seule fois un visuel cartographique de sa concurrente alors qu'il devait fourni en urgence un rapport. Il ajoute que la citation au sein de ses bulletins d'analyses de la société Keraunos, loin d'attirer à lui la clientèle pourrait convaincre les clients de s'adresser à Keraunos. Enfin il fait valoir que la charte graphique de la société Keraunos n'est pas protégée par le droit d'auteur en sorte que la société ne peut invoquer une similitude au titre de faits de concurrence parasitaire.
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La concurrence déloyale est définie par la jurisprudence comme tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, notamment au travers d'agissement de nature à créer un risque de confusion avec les produits ou l'activité du concurrent.
Le parasitisme consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant des investissements réalisés ou de sa notoriété.
Seul l'établissement de faits distincts de ceux constitutifs des faits de contrefaçons de base de données peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.
* En l'espèce, l'utilisation dans les documents diffusés par Ubirisks d'informations produites par Keraunos constitue la conséquence de l'extraction et de la réutilisation de la base de données Keraunos, sanctionnées à ce titre.
Le dénigrement invoqué qui ne se fonde que sur un mail adressé par M. [N] à M. [S] éventuel client, dans lequel étaient transmises des informations provenant de Keraunos. M. [I] expose qu'il s'agit d'une erreur, en toute hypothèse un unique fait établi, ne saurait caractériser un agissement anticoncurrentiel, seuls des actes répétés et systématiques étant susceptibles de caractériser un tel comportement déloyal.
En revanche, par l'utilisation de visuels graphiques, hors abonnement et sans l'autorisation de la société Keraunos pour les insérer dans des documents de présentation du service « grêle warning » et par l'utilisation d'une présentation et de couleurs similaires à la charte graphique de la société Keraunos, sur la page d'accueil du site Cat Nat, M. [N] a cherché à entretenir la confusion dans l'esprit du public et profiter de la notoriété de son concurrent, ces comportements sont constitutifs de concurrence déloyale, le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur le montant des dommages et intérêts alloués, eu égard aux préjudices invoqués.
Sur les demandes de M. [N]
M. [N] sollicite la condamnation de la société Keraunos à lui payer des dommages et intérêts invoquant une procédure destinée à l'évincer du marché de la prévision de phénomènes météorologiques.
Dès lors qu'il succombe en son appel et que le jugement est confirmé en ce qu'il l'a condamné au titre de l'atteinte aux droits de producteur de données de la société Keraunos et au titre de la concurrence déloyale, M. [N] ne peut valablement invoquer un quelconque préjudice résultant de la présente procédure et sera débouté de ses demandes. Le jugement étant également confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre de la procédure abusive
La société Keraunos fait essentiellement valoir le caractère dilatoire de la procédure et notamment de la demande d'expertise, elle soutient que le retard apporté du fait de l'appelant dans l'issue du litige lui cause un préjudice en ce qu'il n'a pu être mis fin aux agissements fautifs de M. [N].
L'exercice du droit d'ester en justice n'engage la responsabilité d'une partie que si se trouve caractérisés un abus constitutif d'une faute et un dommage en lien avec cette faute.
Il sera observé que les demandes d'expertises ne constituent pour M. [N] que l'exercice de son droit d'ester, peu importe qu'il en ait été débouté tant au stade de la mise en état qu'au fond, devant le tribunal et la cour.
En l'espèce, la société Keraunos, qui sollicite la condamnation de M. [N], ne justifie pas d'un préjudice lié à la poursuite de la procédure, en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Keraunos de cette demande.
9- sur les demandes accessoires
M. [N] succombant sera condamné aux dépens d'appel et débouté de ses demandes au titre des frais irrépétibles, il sera condamné à payer à la société Keraunos une somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [D] [N] à payer à la société Keraunos une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'utilisation de la base de données Keraunos,
Déboute M. [D] [N] de toutes ses demandes,
Condamne M. [D] [N] aux dépens d'appel,
Condamne M. [D] [N] à payer à la société Keraunos la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.