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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 25 septembre 2025, n° 24/00510

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 24/00510

25 septembre 2025

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 25 SEPTEMBRE 2025 à

la SELAS CHALLENGES AVOCATS

la SELARL MALLET-GIRY, ROUICHI, AVOCATS ASSOCIES

FC

ARRÊT du : 25 SEPTEMBRE 2025

MINUTE N° : - 25

N° RG 24/00510 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G6I5

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 25 Janvier 2024 - Section : ACTIVITÉS DIVERSES

APPELANTE :

Association MOSELLANE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES (AMAPA),

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Tiphaine AUZIERE de la SELAS CHALLENGES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉE :

Madame [I] [P] épouse [D]

née le 09 Août 1981 à [Localité 5] (45)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe ROUICHI de la SELARL MALLET-GIRY, ROUICHI, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

Ordonnance de clôture : 18 octobre 2024

Audience publique du 04 Février 2025 tenue par Mme Florence CHOUVIN, conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier.

Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, magistrat honoraire juridictionnel

Puis le 25 septembre 2025, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Madame Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [I] [P] épouse [D] a été engagée à compter du 22 mars 2001 en qualité d'auxiliaire de vie sociale par l'association Amelia.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

Par jugement rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Montargis, l'association Amelia a été placée en redressement judiciaire.

Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal judiciaire de Montargis a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a arrêté un plan de cession des actifs de l'association.

Selon acte de cession du 24 août 2020, l'établissement de l'association Amelia dans lequel Mme [I] [P] épouse [D] était affecté a été cédé à l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa). Le contrat de travail de la salariée a été transférée à cette association.

Par courrier du 12 juillet 2022, l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) a convoqué Mme [I] [P] épouse [D] à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, lui notifiant une mise à pied conservatoire.

Par courrier du 9 août 2022, l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) a notifié à Mme [I] [P] épouse [D] son licenciement pour faute grave.

Par requête du 31 mars 2023, Mme [I] [P] épouse [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Montargis aux fins de voir reconnaître l'absence de faute grave ou de cause réelle et sérieuse de son licenciement, le caractère abusif de celui-ci et obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence de la rupture du contrat de travail.

Le 25 janvier 2024, le conseil de prud'hommes de Montargis a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige:

«- Dit le licenciement de Mme [D] sans cause réelle et sérieuse.

- Condamne l'association Amapa à régler à Mme [D]:

- 2424,49 euros brut au titre de remboursement de la mise à pied,

- 242,45 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 4839,56 euros brut à titre d'indemnités compensatrice de préavis

- 483,96 euros à titre d'indemnité de congés payés s'y rapportant,

- 16 229,68 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonne à l'Association Mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) de remettre à Mme [D] les documents suivants : dernier bulletin de paye et attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement,

- Dit que l'exécution provisoire est de droit,

- Dit que les sommes allouées à caractère salarial bénéficient de l'intérêt au taux légal à compter du 30 mars 2023 et celles à caractère indemnitaire à compter du présent jugement,

- Ordonne la capitalisation des intérêts,

- Ordonne à l'association Amapa le remboursement aux organismes concernés de trois mois d'indemnités de chômage versées à Mme [D] à compter de son licenciement,

- Déboute l'association Amapa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné l'association Amapa aux entiers dépens.»

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour le 12 février 2024, l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles, l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) demande à la cour de :

- Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montargis rendu le 25 janvier 2024 en ce qu'il :

- Condamne l'association Amapa à régler à Mme [D]:

- 2424,49 euros brut au titre de remboursement de la mise à pied,

- 242,45 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 4839,56 euros brut à titre d'indemnités compensatrice de préavis

- 483,96 euros à titre d'indemnité de congés payés s'y rapportant,

- 16 229,68 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'association Amapa aux entiers dépens.

Y faisant droit et statuant à nouveau :

- Débouter Mme [I] [P] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner Mme [I] [P] à payer à l'association Amapa la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Statuer ce que de droit concernant les dépens.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 25 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles Mme [I] [P] épouse [D], formant appel incident, demande à la cour de:

- Débouter l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées de son appel,

- Dire Mme [I] [P] [D] recevable et bien fondée en son appel incident,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de l'association Amapa à payer à Mme [D] une somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau,

- Condamner l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) à payer à Mme [I] [P] [D] la somme de 41 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

- Condamner l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées à payer à Mme [I] [P] épouse [D] la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

- Condamner l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

La lettre de licenciement du 9 août 2022, qui fixe les limites du litige, énonce :

« (...) Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les griefs retenus à votre encontre dans l'exercice de vos fonctions, dont nous vous faisons rappel ci-après :

- Sur le vol d'argent

En date du 08 juillet 2022, Madame [K] nous a signalé des vols d'argent ayant eu lieu durant les week-ends du 14 et 15 mai 2022 et du 24 et 25 juin 2022.

- En effet, le jeudi 12 mai 2022, Mme [V], fille de Mme [K] a remis 200 € en numéraire à sa mère pour effectuer diverses dépenses personnelles. Après vos passages des 14 et 15 mai 2022, Mme [K] a voulu utiliser son argent pour payer les prestations de son jardinier. Elle constate alors le lundi 16 mai 2022 la disparition de la somme de 130 euros.

Ayant des doutes quant à l'auteur de ce vol de numéraire, Mme [K] décide le vendredi 24 juin au soir de mettre en place un système de surveillance de son argent en laissant la somme de 10 euros en évidence dans son domicile.

Force est de constater qu'après vos interventions au cours du week-end du 25 et 26 juin 2022, l'argent avait disparu.

En sus, par courrier du 21 juillet 2022 établi par M. et Mme [X], bénéficiaires de l'Association, nous sommes informés de vols d'argent au cours de l'année 2022 pour un montant estimé à 1500 euros. En effet, les enfants des bénéficiaires ont été alertés par l'augmentation anormale des retraits d'argent et dépenses faites dernièrement en grande majorité par chèque, carte bleue ou numéraire. Après vérifications effectuées par ces derniers, constat a été fait que vous en seriez l'auteur. La famille de M. et Mme [X] a donc déposé plainte auprès de la gendarmerie nationale de [Localité 4] en date du 13 juillet 2022 pour vol. De plus, ils effectuent actuellement des recherches afin de déterminer si de tels actes se sont produits les années précédentes.

Des renseignements fournis par M. [O] [L], il s'avère que des faits similaires sont à déplorer après vos passages chez une autre de nos bénéficiaires, Mme [O], sa belle soeur.

Lors de l'entretien, vous avez nié les faits qui vous sont reprochés et ce, malgré les éléments de preuve qui nous ont été fournis et qui vous ont été présentés.

Vous n'êtes pas sans savoir que le fait de soustraire frauduleusement un bien ou une chose à autrui caractérise le délit pénal de vol (article L311-1 du code pénal).

Votre mépris du respect de vos obligations porte atteinte à la qualité de prestation envers nos bénéficiaires. De même que, votre posture inadaptée vient contredire les valeurs fondatrices de notre Groupe, valeurs qu'il vous appartient de porter et d'inscrire dans votre professionnalisme.

- Sur vos manquements à vos obligations professionnelles caractérisées par :

- Un non-respect de planning

Ainsi, en date du 11 juillet 2022, une intervention était prévue à votre planning au domicile d'une de nos bénéficiaires, Mme [H]. Or, des renseignements recueillis, il s'avère que vous n'avez pas respecté votre planning et ne vous êtes pas présentée au jour et heure prévu chez Mme [H]. La bénéficiaire nous a également précisé que vous interviendrez le lendemain 12 juillet 2022.

Lorsque vous avez été contactée par votre responsable de secteur, vous avez indiqué que vous avez bien effectué la prestation allant même jusqu'à nous préciser que vous vous êtes absentée pour aller à la pharmacie. Vous avez alors accusé la bénéficiaire de s'être trompée dans les dates évoquant des troubles cognitifs.

Cependant, votre responsable s'est rendue au domicile de Mme [H] le 12 juillet 2022 et a constaté votre présence alors que vous étiez en repos.

Lors de votre entretien, vous avez reconnu ne pas avoir respecté votre planning et être intervenue pendant un jour de repos hebdomadaire.

Vous n'êtes pas sans savoir que le non-respect du planning a pour conséquence de perturber le bon fonctionnement de notre organisation de travail et de nuire à la qualité de nos prestations. De plus, les plannings sont établis conformément à la réglementation en vigueur relative à la durée maximale de travail et les temps de repos obligatoires.

- un non-respect de vos obligations professionnelles et contractuelles

Nous avons été informés par courrier du 21 juillet 2022, établi par Mme [X], que la prestation auprès de son mari n'était pas effectuée systématiquement comme prévu par votre planning. Il s'avère qu'une partie des tâches qui vous sont imparties ne soit pas réalisée, en particulier le change et la toilette du soir.

L'inexécution de vos missions dans leur totalité caractérise un manquement professionnel grave, par l'exposition sur des risques sur la santé et la sécurité des bénéficiaires mais également, des risques de poursuite devant une juridiction de votre Directeur. Fait qui est parfaitement inacceptable.

Ainsi, vos comportements constituent de graves manquements professionnels récurrents, notamment en ce qui concerne :

- Le vol d'argent au domicile des différents usagers ;

- Le non-respect de votre planning et notamment avoir effectué des prestations sur votre jour de repos ;

- La non-exécution de vos missions dans leur totalité.

De plus, votre mépris du respect de vos obligations et des règles de fonctionnement engendre des dysfonctionnements importants au sein de l'agence, portant atteinte à la qualité de prestation envers nos bénéficiaires. De même que, votre posture inadaptée vient contredire les valeurs fondatrices de notre Groupe, valeurs qu'il vous appartient de porter et d'inscrire dans votre professionnalisme.

En tant qu'employeur, nous nous devons de mettre tout en oeuvre afin de préserver la santé de nos bénéficiaires. Nous nous devons de sécuriser la prestation de service que nous réalisons auprès de nos bénéficiaires, lesquels sont, nous vous le rappelons, des personnes vulnérables.

Dès lors, la nature des éléments reprochés et rappelés dans la présente, consacre votre manque de loyauté dans l'exécution de votre contrat de travail et motive légitimement notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave.

La présente notifiant ainsi la rupture de votre contrat de travail, est effective immédiatement, la faute grave étant privative d'indemnités de licenciement et de préavis.

A titre informatif, la période de mise à pied à titre conservatoire qui a débuté le 12 juillet 2022 ne vous sera pas rémunérée.»

Mme [I] [P] épouse [D] soutient qu'aucun des faits qui lui sont reprochés n'est établi, à l'exception du non-respect de son planning le 11 juillet au domicile de Mme [H]. Elle fait valoir que ce seul et unique fait en 21 années d'ancienneté sans reproche ne saurait caractériser une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Afin de démontrer la matérialité des fautes qu'il reproche à la salariée, l'employeur produit notamment :

- un courriel de M. [O], beau-frère de Mme [F] [O], du 19 juillet 2022;

- le récépissé de dépôt de plainte de Mme [S] [X] et une note de celle-ci;

- une capture d'écran concernant le planning de Mme [I] [P] le 11 juillet 2022;

- des SMS de Mme [I] [P] du 12 juillet 2022;

- le planning des 14 et 15 mai 2022 chez Mme [K].

Pour sa part, Mme [I] [P] épouse [D] produit les attestations de M. [H], de Mme [N], de Mme [W], de M. [C], de M. [Y] et de Mme [J] toutes particulièrement laudatrices sur la qualité de son travail, son comportement envers les personnes dont elle s'occupait et assurant n'avoir jamais eu de soupçon sur son intégrité.

L'employeur se prévaut du 'signalement de Madame [K]' (pièce n°5 bis). Ainsi que le relève Mme [I] [P] épouse [D], aucune attestation de Madame [K] ou de sa fille n'est produite aux débats. Les pièces produites par l'employeur ne permettent pas d'établir que la fille de Mme [K] ait remis à celle-ci la somme en espèces de 300 €, qu'une partie de cette somme a été volée et que Mme [I] [P] est l'auteur de ce vol, les faits étant contestés par la salariée.

A cet égard, Mme [I] [P] épouse [D] n'a jamais été prise sur le fait en train de voler. Les accusations proférées à son encontre sont des déductions opérées du fait de la disparition de sommes en espèces chez Mme [K], chez Mme [F] [O] ou chez les époux [X]. M. [O], beau-frère de Mme [F] [O], n'a rien constaté lui-même et rapporte ce qui lui a été dit. Il ne relate aucun fait daté précis et reconnaît qu'il 'n'a pas de preuves flagrantes'.

Il en est de même de Mme [X]. Ses accusations concernant les vols sont imprécises sur les dates des faits, les montants précis et détaillés des sommes qui auraient été soustraites. Sa plainte a été classée sans suite.

Quand bien même Mme [I] [P] épouse [D] serait la seule aide à domicile intervenant les jours au cours desquels de l'argent aurait disparu, il n'est pas établi que la salariée était la seule personne à avoir accès au domicile des personnes chez qui elle travaillait.

Le grief de vol d'argent n'est pas matériellement établi.

Afin de démontrer la matérialité du grief de défaut d'exécution correcte des missions confiées à la salariée, l'employeur produit la note de Mme [X] qui reproche à Mme [I] [P] de ne pas procéder systématiquement au change du soir et à la toilette de son mari, préférant boire un café. Cette pièce n'emporte pas la conviction dans la mesure où elle est contredite par les attestations produites par la salariée louant son travail et son sérieux.

Le courriel de M. [O] ne fait que rapporter des propos qui lui auraient été tenus et n'est ni précis ni circonstancié : ' il est arrivé plusieurs fois que l'aide ménagère ne soit, semble-t-il pas restée les 3/4 heure prévus'. Mme [I] [P] épouse [D] réplique qu'elle doit badger à chacun de ses services. L'employeur ne produit aucun relevé d'horaire qui démontrerait que Mme [I] [P] épouse [D] n'aurait pas respecté l'horaire imposé.

Mme [I] [P] épouse [D] reconnaît un non-respect de son planning le 11 juillet 2022 auprès de Mme [H]. Elle indique avoir inversé un jour de travail avec un jour de repos, la bénéficiaire étant informée. Il s'agit bien d'un non-respect fautif de ses obligations envers son employeur, et ce d'autant plus qu'elle a tenté de dissimuler la situation à celui-ci. Pour autant, cette faute, alors que la salariée comptait 21 années d'ancienneté sans antécédent disciplinaire, ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail et ne justifiait pas le prononcé d'une mesure de licenciement.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Montargis est confirmé en ce qu'il a dit qu'aucune faute grave n'était caractérisée et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

Dès lors que la faute grave n'est pas retenue, la mise à pied conservatoire n'est pas justifiée de sorte que Mme [I] [P] épouse [D] a droit au paiement du salaire indûment retenu pendant cette période. Il est fait droit à la demande de paiement du salaire durant la mise à pied soit la somme de 2424,49 € brut et les congés payés afférents soit la somme de 242,45 € brut.

La salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis qu'il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé durant le préavis d'une durée de 2 mois. Il y a lieu de lui allouer les sommes de 4 839,56 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 483,96 € brut au titre des congés payés afférents.

Mme [I] [P] épouse [D] est fondée à solliciter une indemnité de licenciement. Pour la détermination du nombre de mois de service, il sera tenu compte des périodes de mise à pied conservatoire et de préavis. Le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est selon la formule la plus avantageuse pour le salarié soit la moyenne des 12 derniers mois précédant le licenciement soit le tiers des 3 derniers mois. L'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) est donc condamnée à payer à Mme [I] [P] épouse [D] la somme de 16 229,68 € net.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Mme [I] [P] épouse [D] a été engagée le 22 mars 2001 et licenciée le 9 août 2022. Elle a acquis une ancienneté de 21 années complètes au moment de la rupture dans l'association employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 16 mois de salaire.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à Mme [I] [P] épouse [D] la somme de 15 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé de ces chefs.

- Sur les intérêts de retard et la demande de capitalisation des intérêts

Les sommes accordées à la salariée produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 30 mars 2023, pour les créances de nature salariale - le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis - et à compter du prononcé du jugement du conseil de prud'hommes de Montargis pour les sommes allouées à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

- Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a d'ordonné à l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) de remettre à Mme [I] [P] épouse [D] une attestation Pôle emploi devenu France Travail et un bulletin de paie conformes à ses dispositions.

Aucune circonstance ne justifie d'assortir ce chef de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

- Sur l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [I] [P] épouse [D] du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de trois mois d'indemnités.

- Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il lui est alloué la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu le 25 janvier 2024, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Montargis mais seulement en ce qu'il a assorti la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte ;

Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) à payer à Mme [I] [P] épouse [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'Amapa de sa demande à ce titre ;

Condamne l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées (Amapa) aux dépens de l'instance d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA Alexandre DAVID

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