CA Orléans, ch. soc., 25 septembre 2025, n° 23/01380
ORLÉANS
Arrêt
Autre
C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 1
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 25 SEPTEMBRE 2025 à
Me Estelle GARNIER
la SELARL ORVA - VACCARO ET ASSOCIES
AD
ARRÊT du : 25 SEPTEMBRE 2025
MINUTE N° : - 25
N° RG 23/01380 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GZRF
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 10 Mai 2023 - Section : ENCADREMENT
APPELANT :
Monsieur [L] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Louis DUCELLIER de la SAS ENCIMA AVOCATS, du barreau de PARIS,
ET
INTIMÉE :
S.A.S. FORMES ET SCULPTURES INDUSTRIE Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Louis D'HERBAIS de la SELARL ORVA - VACCARO ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 15 novembre 2024
Audience publique du 05 Décembre 2024 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Mme Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 25 Septembre 2025, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [L] [G] a été engagé à compter du 2 septembre 2015 par la société Formes et Sculptures Engineering, devenue SAS Formes et Sculptures Industrie, en qualité de responsable de production de l'atelier d'usinage, statut cadre.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987.
Le 2 septembre 2021, l'avocat de M. [G] a adressé un courrier à la société dans lequel il a dénoncé des pressions visant à pousser son client au départ. Il a indiqué avoir été mandaté afin de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Le 10 septembre 2021, l'employeur a mis à pied à titre conservatoire M. [G] et l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 septembre 2021.
Le 29 septembre 2021, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par requête du 5 novembre 2021, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de voir reconnaître l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat.
Par jugement du 10 mai 2023, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Tours a :
- Rejeté la pièce n°13 de la partie demanderesse ;
- Prononcé la nullité de la convention de forfait jours de M. [L] [G] ;
- Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] [G] en licenciement avec cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la S.A.S. Formes et Sculptures à verser à M. [L] [G] les sommes suivantes :
- 6 800,00 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 14 400,00 euros brut au titre l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1 440,00 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 1 500,00 euros net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires et des congés payés afférents ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les créances salariales, dans la limite maximum de neuf mois de salaire, qui seront assorties des intérêts légaux à compter du 9 novembre 2021, et fixé à la somme brute de 4 114,28 euros la base moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire prévue à l'article R. 1454-28 du Code du travail ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande d'exécution provisoire au titre de l'article 515 du Code de procédure civile ;
- Débouté la S.A.S Formes et Sculptures de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté la S.A.S. Formes et Sculptures de sa demande au titre des RTT ;
- Condamné la S.A.S. Formes et Sculptures aux entiers dépens de I'instance.
Le 25 mai 2023, M. [G] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 septembre 2024 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, M. [L] [G] demande à la cour de :
- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel et ses demandes, et y faire droit,
A titre principal :
- Réformer le jugement du conseil des prud'hommes de Tours en ces chefs critiqués,
- Débouter la société Formes et Sculptures de sa demande de rejet de pièce des débats, et admettre aux débats la pièce 13 qu'il produit,
- Requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- Condamner la société Formes et Sculptures à lui payer les sommes suivantes :
- 6 800 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 14 400 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 440 euros brut à titre de congés payés sur préavis,
- 28 800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- 14 400 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 14 400 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 27 711,28 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 2 771,12 euros brut à titre de congés payés sur rappel des heures supplémentaires,
- 28 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles de première instance ;
A titre subsidiaire, et pour le surplus :
- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Tours,
En tout état de cause,
- débouter la société Formes et Sculptures de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes, et la condamner à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 octobre 2023 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, la SAS Formes et Sculptures Industries demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 10 mai 2023 ;
En conséquence,
- Débouter M. [L] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner M. [L] [G] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2024.
MOTIFS
- Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires
Le chef de dispositif du jugement prononçant la nullité de la convention de forfait en jours conclue par M. [G] n'est pas déféré à la cour.
Les heures de travail effectuées par le salarié au-delà de la durée légale s'analysent dès lors comme des heures supplémentaires et doivent être rémunérées comme telles.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I et Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n°17-31.046, FP, P + R + I).
En l'espèce, M. [G] produit, pour les années 2018 (pièce n°8) et 2019 (pièce n°7), un tableau mentionnant, pour chaque journée travaillée, l'heure de début et de fin de travail, étant précisé que pour l'année 2018 le tableau débute le 1er juin. A partir de ces données, il est calculé la durée de travail quotidienne, de laquelle il est retranché une heure de pause. A partir de cette durée de travail, il est calculé le nombre d'heures supplémentaires effectuées ainsi que le montant de la contrepartie financière qui en résulte.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, ce décompte est suffisamment précis pour lui permettre d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société Formes et sculptures industrie ne produit aucun élément objectif sur les heures de travail effectivement accomplies par le salarié. Elle admet, dans ses conclusions, n'avoir « aucune trace de pointage de sortie de Monsieur [G] ».
Au regard des éléments produits devant la cour, il y a lieu de fixer à 27 711,28 euros brut la créance de M. [G] au titre des heures supplémentaires, étant précisé que cette créance correspond à des heures de travail effectif, c'est-à-dire des heures accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur.
La société Formes et sculptures industrie est donc condamnée à verser au salarié la somme de 27 711,28 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées, ainsi que la somme de 2 771,12 euros brut pour les congés payés afférents.
- Sur l'indemnité pour travail dissimulé
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : ['] de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ».
Le caractère intentionnel de l'infraction de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite (Soc., 16 juin 2015, pourvoi n° 14-16.953).
M. [G] soutient que son employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé en lui imposant de pointer au début de sa journée de travail tout en lui interdisant de pointer à la fin de celle-ci.
Cependant, l'application d'une convention de forfait en jours exclut un décompte horaire du temps de travail. Le comportement de l'employeur ne saurait caractériser une intention frauduleuse.
La défaillance de l'employeur dans le suivi de la convention de forfait en jours ne permet pas davantage d'établir l'infraction de travail dissimulé.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que l'employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu'elles avaient été accomplies.
Il convient donc, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [G] de sa demande formée à ce titre.
- Sur le harcèlement moral allégué
M. [G] soutient que le président de la société Formes et sculptures industrie s'est rendu coupable de harcèlement moral à son encontre par chantage à l'occasion de deux entretiens. Le salarié affirme que l'employeur l'aurait menacé de licenciement s'il n'acceptait pas la rupture conventionnelle aux conditions proposées.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
- Sur la recevabilité des enregistrements clandestins
Au soutien de son allégation de harcèlement moral, M. [G] produit un procès-verbal de constat d'huissier de justice contenant la retranscription par de l'enregistrement de deux entretiens qu'il a eus avec le président de la société, M. [C] (pièce n°13), le premier du 18 mars 2021 et le second du 26 août 2021. Ces enregistrements ont été effectués clandestinement, à l'insu du président.
L'employeur conteste la recevabilité de cette preuve, invoquant son caractère déloyal.
La Cour de cassation juge, au regard des articles 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code de procédure civile, qu'il « y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi » (Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648, publié).
L'exercice d'un chantage est susceptible de constituer un fait de harcèlement moral.
En l'espèce, la retranscription d'enregistrements de deux entretiens réalisés clandestinement constitue un moyen de preuve déloyal. Il convient donc de déterminer si cette preuve est indispensable à l'exercice du droit à la preuve de M. [G] et si l'atteinte qu'elle porte au droit de M. [C], président de la société Formes et sculptures industrie, au respect de sa vie personnelle et de sa vie privée est strictement proportionnée au but recherché.
M. [G] soutient que ces enregistrements clandestins étaient le seul moyen dont il disposait pour établir la preuve du chantage qu'il allègue. La cour relève que M. [G] produit un courrier, établi par son avocat le 2 septembre 2021, par lequel ce dernier relate que M. [G] lui a fait état de la volonté de la société de l'évincer de l'entreprise pour « faire des économies » et de pressions réitérées d'accepter une rupture conventionnelle sous la menace d'un licenciement infondé. L'avocat a fait part à l'employeur de ce que la résiliation judiciaire du contrat était envisagée mais qu'une résolution amiable du différend était encore envisageable. A peine plus d'une semaine plus tard, le 10 septembre 2021, M. [G] était convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
M. [G] produit également une attestation du 30 septembre 2021 émanant de Mme [P], représentante salariale, qui l'a assisté lors de l'entretien préalable au licenciement (pièce n°4). Celle-ci atteste que « Monsieur [G] est intervenu sur différents entretiens qu'il a eus avec son employeur depuis le mois d'avril. L'employeur lui a fait différentes propositions pour rompre son contrat de travail telles que rupture conventionnelle avec prime + 2 mois de rémunération, rupture de contrat en commun accord prime + 2 mois de salaire. Lors de l'entretien l'employeur a nié toutes ces propositions et n'était pas à l'aise ».
Ces deux éléments constituent des éléments de nature à établir l'existence du chantage allégué, de sorte que les enregistrements clandestins ne sont pas indispensables à l'exercice du droit à la preuve de M. [G].
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé irrecevable ce moyen de preuve.
- Sur le bien-fondé de la demande au titre du harcèlement moral
Les éléments versés aux débats par M. [G], notamment l'écrit rédigé par son avocat le 2 septembre 2021 et l'attestation de Mme [P] du 30 septembre 2021, ne permettent pas d'établir l'existence du «chantage au licenciement» allégué par le salarié ou de pressions aux fins de lui faire accepter une rupture du contrat aux conditions fixées par son employeur.
En conséquence, le salarié n'établissant aucun fait de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Le jugement est confirmé de ce chef.
- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
M. [G] soutient que l'employeur a exercé une pression à son encontre afin de l'inciter à taire une fraude. Il expose que durant les périodes de chômage partiel indemnisé, les salariés de l'entreprise étaient amenés à accomplir une prestation de travail.
Au soutien de son allégation, M. [G] produit des captures d'écran d'une application mail (pièce n°12). On y voit une boîte de réception, contenant environ une dizaine de mails par jour au cours du mois de mars, l'année n'étant toutefois pas indiquée. M. [G] justifie également avoir témoigné de cette situation dans le cadre d'un litige opposant l'employeur à un autre salarié (pièce n°15). La cour relève que ces pièces ne font pas apparaître l'exercice d'une pression exercée par l'employeur incitant M. [G] à taire cette situation.
Par ailleurs, ces documents ne démontrent pas que M. [G] ait lui-même été contraint de travailler pendant une période de chômage partiel.
Ce moyen est donc rejeté.
M. [G] soutient en outre que le fait d'obliger les salariés soumis à une convention de forfait en jours à pointer le matin et de le leur interdire le soir constitue une exécution déloyale du contrat. Il considère que cette pratique vise à inciter les salariés à arriver très tôt le matin et à quitter la société tard le soir, sans pouvoir se prévaloir d'un quelconque déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Il produit à ce titre le témoignage d'un salarié cadre dans l'entreprise (pièce n°11), lequel atteste que les cadres étaient tenus de pointer à leur arrivée, mais n'étaient pas obligés de pointer à leur départ, « le système pointant automatiquement un départ à 18h00 le soir ». Une autre salariée témoigne du pointage à l'arrivée mais pas le soir (pièce n°9).
Il apparaît cependant que cette pratique constituait une mesure de sécurité permettant de recenser le personnel présent dans l'entreprise en cas d'incendie. Il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'employeur ait utilisé le dispositif de pointage afin de contrôler l'heure d'arrivée dans l'entreprise des salariés soumis à une convention de forfait en jours, étant rappelé à cet égard qu'il appartient à l'employeur d'exercer un contrôle sur le nombre de jours effectivement travaillés dans le cadre de la convention de forfait.
En conséquence, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement déféré, de débouter M. [G] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
- Sur les fautes reprochées à M. [G]
Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pesant sur l'employeur.
Il sera également rappelé que la lettre de licenciement fixe les termes du litige.
En l'espèce, la cour relève à titre liminaire que si la société Formes et sculptures avait, dans la lettre de licenciement, qualifié les faits reprochés de faute grave, elle ne conteste pas la requalification des faits en faute simple telle que l'a opérée le conseil de prud'hommes. En effet, l'employeur sollicite la confirmation du jugement.
L'employeur reproche à M. [G] en premier lieu la réalisation d'un seul test d'usinage en pendulaire depuis l'autorisation expresse du 26 juillet 2021.
Il résulte des courriels produits par les parties que M. [G] a rédigé un courriel demandant l'autorisation expresse de réaliser ces tests et de ne pas respecter les procédures habituelles, auquel le président a répondu positivement. Aucune pièce ne permet toutefois d'établir le nombre ou la fréquence des tests nécessaires. L'employeur ne démontre donc pas que la réalisation d'un seul test caractériserait une faute professionnelle.
L'employeur reproche en deuxième lieu au salarié de s'être engagé, sans autorisation, auprès d'un client mécontent par la livraison d'une commande, à lui livrer des pièces conformes sans surcoût. Cependant, l'employeur admet lui-même qu'il a découvert ce fait postérieurement au départ du salarié, si bien que la lettre de licenciement ne le mentionne pas. La lettre de licenciement fixant les termes du litige, ce fait ne peut valablement fonder le licenciement de M. [G].
Il en va de même s'agissant de l'absence de livraison d'une palette de pièces prétendument imputable à M. [G], découverte le 21 octobre 2021 par l'employeur, soit postérieurement à la notification du licenciement le 29 septembre 2021.
La société Formes et sculptures industrie reproche en troisième lieu au salarié l'absence de réponse à une demande d'actualisation d'un devis. L'employeur produit à ce titre le courriel du 21 juillet 2021 d'une salariée sollicitant de M. [G] l'actualisation d'un devis, auquel ce dernier a répondu le 27 juillet 2021 « Effectivement je suis passé à côté, je te fais cela pour demain matin ». Le salarié n'allègue toutefois pas avoir réalisé cette tâche. Cette carence est donc démontrée, les arguments de M. [G] selon lequel cette tâche ne lui incombait pas n'emportant pas la conviction de la cour au regard de sa réponse au courriel.
Le salarié fait cependant valoir à titre subsidiaire que cette carence est constitutive d'une insuffisance professionnelle et non d'une faute professionnelle.
Il est vrai que « l'insuffisance professionnelle, dès lors qu'elle ne procède pas d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée, n'est pas constitutive d'une faute grave » (Soc., 11 mars 2008, pourvoi n° 07-40.184). Or, il n'est pas démontré en l'espèce une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée de la part de M. [G] dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées. La carence reprochée ne caractérise donc pas une faute professionnelle. En tout état de cause, l'absence de réponse à une demande d'actualisation d'un devis ne suffit pas à fonder la mesure de licenciement.
L'employeur reproche en quatrième lieu au salarié la non réalisation de tableaux de sécurité depuis janvier 2020. Aucune pièce n'étaye cependant cette allégation. Le manquement reproché n'est donc pas démontré.
Il fait grief au salarié en cinquième lieu de ne pas avoir respecté l'obligation de port du masque sanitaire. Le salarié produit l'attestation d'un collègue relatant que « M. [G] portait son masque de façon régulière, sauf à de très rares exceptions comme cela a pu m'arriver ainsi qu'à mes autres collègues » (pièce n°10). Il n'est ni démontré ni allégué que l'employeur ait rappelé au salarié l'obligation du port du masque et que celui-ci ait délibérément refusé de se conformer à cette obligation.
Le non-port exceptionnel du masque sanitaire par M. [G], même s'il avait la qualité de cadre, ne constitue pas une faute suffisamment sérieuse pour justifier un licenciement.
Enfin, l'employeur reproche à M. [G] l'exercice d'une pression à l'encontre de la société, par le biais d'un avocat, dans le but d'en tirer un profit financier. Cependant, le courrier du 2 septembre 2021 adressé par le conseil de M. [G] à l'employeur ne saurait s'analyser comme l'exercice d'une pression fautive exercée sur ce dernier. Sauf abus, non caractérisé en l'espèce, l'intention exprimée par le salarié d'exercer une action en justice ne constitue pas une faute. Au surplus, le courrier précise expressément qu'il est adressé « dans une démarche amiable en amont de toute saisine du conseil de prud'hommes ». Le fait de tenter la résolution amiable d'un litige avant d'engager une éventuelle action contentieuse ne s'analyse pas en une menace.
Il résulte de tout ce qui précède que les faits démontrés reprochés au salarié ne suffisent pas à caractériser une faute de nature à fonder la mesure de licenciement prononcée.
Il y a lieu en conséquence de juger, par voie d'infirmation du jugement, que le licenciement de M. [G] est dénué de cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement
Le jugement déféré a condamné l'employeur à verser à M. [G] les sommes de :
- 6 800 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 14 400 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1 440 euros au titre des congés payés afférents.
Ces chefs de dispositif ne sont pas déférés à la cour par M. [G], lequel ne sollicite pas l'allocation de sommes supérieures à ce titre.
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variables selon la taille de l'entreprise et l'ancienneté du salarié.
En l'espèce, au jour de la rupture de son contrat de travail, M. [G] comptait six années d'ancienneté dans l'entreprise qui employait habituellement au moins 11 salariés.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, en l'absence de réintégration comme tel est le cas en l'espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 et 7 mois de salaire brut.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, il y a lieu de condamner la société Formes et sculptures industrie à verser à M. [G] la somme de 25 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.
- Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Formes et sculptures industrie aux dépens et au paiement à M. [G] de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Formes et sculptures industrie est condamnée aux dépens d'appel et au paiement à M. [G] de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle est déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 10 mai 2023, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Tours en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] [G] en licenciement avec cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté M. [L] [G] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement de M. [L] [G] est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la S.A.S. Formes et sculptures industrie à payer à M. [L] [G] les sommes suivantes :
- 27 711,28 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires ;
- 2 771,12 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 25 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne à la S.A.S. Formes et sculptures industrie de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [L] [G], dans la limite de six mois d'indemnités ;
Condamne la S.A.S. Formes et sculptures industrie à verser à M. [L] [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne la S.A.S. Formes et sculptures industrie aux dépens de l'instance d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA Alexandre DAVID
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 1
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 25 SEPTEMBRE 2025 à
Me Estelle GARNIER
la SELARL ORVA - VACCARO ET ASSOCIES
AD
ARRÊT du : 25 SEPTEMBRE 2025
MINUTE N° : - 25
N° RG 23/01380 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GZRF
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 10 Mai 2023 - Section : ENCADREMENT
APPELANT :
Monsieur [L] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Louis DUCELLIER de la SAS ENCIMA AVOCATS, du barreau de PARIS,
ET
INTIMÉE :
S.A.S. FORMES ET SCULPTURES INDUSTRIE Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Louis D'HERBAIS de la SELARL ORVA - VACCARO ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 15 novembre 2024
Audience publique du 05 Décembre 2024 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Mme Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 25 Septembre 2025, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [L] [G] a été engagé à compter du 2 septembre 2015 par la société Formes et Sculptures Engineering, devenue SAS Formes et Sculptures Industrie, en qualité de responsable de production de l'atelier d'usinage, statut cadre.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987.
Le 2 septembre 2021, l'avocat de M. [G] a adressé un courrier à la société dans lequel il a dénoncé des pressions visant à pousser son client au départ. Il a indiqué avoir été mandaté afin de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Le 10 septembre 2021, l'employeur a mis à pied à titre conservatoire M. [G] et l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 septembre 2021.
Le 29 septembre 2021, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par requête du 5 novembre 2021, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de voir reconnaître l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat.
Par jugement du 10 mai 2023, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Tours a :
- Rejeté la pièce n°13 de la partie demanderesse ;
- Prononcé la nullité de la convention de forfait jours de M. [L] [G] ;
- Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] [G] en licenciement avec cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la S.A.S. Formes et Sculptures à verser à M. [L] [G] les sommes suivantes :
- 6 800,00 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 14 400,00 euros brut au titre l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1 440,00 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 1 500,00 euros net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires et des congés payés afférents ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les créances salariales, dans la limite maximum de neuf mois de salaire, qui seront assorties des intérêts légaux à compter du 9 novembre 2021, et fixé à la somme brute de 4 114,28 euros la base moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire prévue à l'article R. 1454-28 du Code du travail ;
- Débouté M. [L] [G] de sa demande d'exécution provisoire au titre de l'article 515 du Code de procédure civile ;
- Débouté la S.A.S Formes et Sculptures de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté la S.A.S. Formes et Sculptures de sa demande au titre des RTT ;
- Condamné la S.A.S. Formes et Sculptures aux entiers dépens de I'instance.
Le 25 mai 2023, M. [G] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 septembre 2024 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, M. [L] [G] demande à la cour de :
- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel et ses demandes, et y faire droit,
A titre principal :
- Réformer le jugement du conseil des prud'hommes de Tours en ces chefs critiqués,
- Débouter la société Formes et Sculptures de sa demande de rejet de pièce des débats, et admettre aux débats la pièce 13 qu'il produit,
- Requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- Condamner la société Formes et Sculptures à lui payer les sommes suivantes :
- 6 800 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 14 400 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 440 euros brut à titre de congés payés sur préavis,
- 28 800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- 14 400 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 14 400 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 27 711,28 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 2 771,12 euros brut à titre de congés payés sur rappel des heures supplémentaires,
- 28 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles de première instance ;
A titre subsidiaire, et pour le surplus :
- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Tours,
En tout état de cause,
- débouter la société Formes et Sculptures de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes, et la condamner à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 octobre 2023 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, la SAS Formes et Sculptures Industries demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 10 mai 2023 ;
En conséquence,
- Débouter M. [L] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner M. [L] [G] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2024.
MOTIFS
- Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires
Le chef de dispositif du jugement prononçant la nullité de la convention de forfait en jours conclue par M. [G] n'est pas déféré à la cour.
Les heures de travail effectuées par le salarié au-delà de la durée légale s'analysent dès lors comme des heures supplémentaires et doivent être rémunérées comme telles.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I et Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n°17-31.046, FP, P + R + I).
En l'espèce, M. [G] produit, pour les années 2018 (pièce n°8) et 2019 (pièce n°7), un tableau mentionnant, pour chaque journée travaillée, l'heure de début et de fin de travail, étant précisé que pour l'année 2018 le tableau débute le 1er juin. A partir de ces données, il est calculé la durée de travail quotidienne, de laquelle il est retranché une heure de pause. A partir de cette durée de travail, il est calculé le nombre d'heures supplémentaires effectuées ainsi que le montant de la contrepartie financière qui en résulte.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, ce décompte est suffisamment précis pour lui permettre d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société Formes et sculptures industrie ne produit aucun élément objectif sur les heures de travail effectivement accomplies par le salarié. Elle admet, dans ses conclusions, n'avoir « aucune trace de pointage de sortie de Monsieur [G] ».
Au regard des éléments produits devant la cour, il y a lieu de fixer à 27 711,28 euros brut la créance de M. [G] au titre des heures supplémentaires, étant précisé que cette créance correspond à des heures de travail effectif, c'est-à-dire des heures accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur.
La société Formes et sculptures industrie est donc condamnée à verser au salarié la somme de 27 711,28 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées, ainsi que la somme de 2 771,12 euros brut pour les congés payés afférents.
- Sur l'indemnité pour travail dissimulé
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : ['] de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ».
Le caractère intentionnel de l'infraction de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite (Soc., 16 juin 2015, pourvoi n° 14-16.953).
M. [G] soutient que son employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé en lui imposant de pointer au début de sa journée de travail tout en lui interdisant de pointer à la fin de celle-ci.
Cependant, l'application d'une convention de forfait en jours exclut un décompte horaire du temps de travail. Le comportement de l'employeur ne saurait caractériser une intention frauduleuse.
La défaillance de l'employeur dans le suivi de la convention de forfait en jours ne permet pas davantage d'établir l'infraction de travail dissimulé.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que l'employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu'elles avaient été accomplies.
Il convient donc, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [G] de sa demande formée à ce titre.
- Sur le harcèlement moral allégué
M. [G] soutient que le président de la société Formes et sculptures industrie s'est rendu coupable de harcèlement moral à son encontre par chantage à l'occasion de deux entretiens. Le salarié affirme que l'employeur l'aurait menacé de licenciement s'il n'acceptait pas la rupture conventionnelle aux conditions proposées.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
- Sur la recevabilité des enregistrements clandestins
Au soutien de son allégation de harcèlement moral, M. [G] produit un procès-verbal de constat d'huissier de justice contenant la retranscription par de l'enregistrement de deux entretiens qu'il a eus avec le président de la société, M. [C] (pièce n°13), le premier du 18 mars 2021 et le second du 26 août 2021. Ces enregistrements ont été effectués clandestinement, à l'insu du président.
L'employeur conteste la recevabilité de cette preuve, invoquant son caractère déloyal.
La Cour de cassation juge, au regard des articles 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code de procédure civile, qu'il « y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi » (Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648, publié).
L'exercice d'un chantage est susceptible de constituer un fait de harcèlement moral.
En l'espèce, la retranscription d'enregistrements de deux entretiens réalisés clandestinement constitue un moyen de preuve déloyal. Il convient donc de déterminer si cette preuve est indispensable à l'exercice du droit à la preuve de M. [G] et si l'atteinte qu'elle porte au droit de M. [C], président de la société Formes et sculptures industrie, au respect de sa vie personnelle et de sa vie privée est strictement proportionnée au but recherché.
M. [G] soutient que ces enregistrements clandestins étaient le seul moyen dont il disposait pour établir la preuve du chantage qu'il allègue. La cour relève que M. [G] produit un courrier, établi par son avocat le 2 septembre 2021, par lequel ce dernier relate que M. [G] lui a fait état de la volonté de la société de l'évincer de l'entreprise pour « faire des économies » et de pressions réitérées d'accepter une rupture conventionnelle sous la menace d'un licenciement infondé. L'avocat a fait part à l'employeur de ce que la résiliation judiciaire du contrat était envisagée mais qu'une résolution amiable du différend était encore envisageable. A peine plus d'une semaine plus tard, le 10 septembre 2021, M. [G] était convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
M. [G] produit également une attestation du 30 septembre 2021 émanant de Mme [P], représentante salariale, qui l'a assisté lors de l'entretien préalable au licenciement (pièce n°4). Celle-ci atteste que « Monsieur [G] est intervenu sur différents entretiens qu'il a eus avec son employeur depuis le mois d'avril. L'employeur lui a fait différentes propositions pour rompre son contrat de travail telles que rupture conventionnelle avec prime + 2 mois de rémunération, rupture de contrat en commun accord prime + 2 mois de salaire. Lors de l'entretien l'employeur a nié toutes ces propositions et n'était pas à l'aise ».
Ces deux éléments constituent des éléments de nature à établir l'existence du chantage allégué, de sorte que les enregistrements clandestins ne sont pas indispensables à l'exercice du droit à la preuve de M. [G].
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé irrecevable ce moyen de preuve.
- Sur le bien-fondé de la demande au titre du harcèlement moral
Les éléments versés aux débats par M. [G], notamment l'écrit rédigé par son avocat le 2 septembre 2021 et l'attestation de Mme [P] du 30 septembre 2021, ne permettent pas d'établir l'existence du «chantage au licenciement» allégué par le salarié ou de pressions aux fins de lui faire accepter une rupture du contrat aux conditions fixées par son employeur.
En conséquence, le salarié n'établissant aucun fait de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Le jugement est confirmé de ce chef.
- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
M. [G] soutient que l'employeur a exercé une pression à son encontre afin de l'inciter à taire une fraude. Il expose que durant les périodes de chômage partiel indemnisé, les salariés de l'entreprise étaient amenés à accomplir une prestation de travail.
Au soutien de son allégation, M. [G] produit des captures d'écran d'une application mail (pièce n°12). On y voit une boîte de réception, contenant environ une dizaine de mails par jour au cours du mois de mars, l'année n'étant toutefois pas indiquée. M. [G] justifie également avoir témoigné de cette situation dans le cadre d'un litige opposant l'employeur à un autre salarié (pièce n°15). La cour relève que ces pièces ne font pas apparaître l'exercice d'une pression exercée par l'employeur incitant M. [G] à taire cette situation.
Par ailleurs, ces documents ne démontrent pas que M. [G] ait lui-même été contraint de travailler pendant une période de chômage partiel.
Ce moyen est donc rejeté.
M. [G] soutient en outre que le fait d'obliger les salariés soumis à une convention de forfait en jours à pointer le matin et de le leur interdire le soir constitue une exécution déloyale du contrat. Il considère que cette pratique vise à inciter les salariés à arriver très tôt le matin et à quitter la société tard le soir, sans pouvoir se prévaloir d'un quelconque déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Il produit à ce titre le témoignage d'un salarié cadre dans l'entreprise (pièce n°11), lequel atteste que les cadres étaient tenus de pointer à leur arrivée, mais n'étaient pas obligés de pointer à leur départ, « le système pointant automatiquement un départ à 18h00 le soir ». Une autre salariée témoigne du pointage à l'arrivée mais pas le soir (pièce n°9).
Il apparaît cependant que cette pratique constituait une mesure de sécurité permettant de recenser le personnel présent dans l'entreprise en cas d'incendie. Il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'employeur ait utilisé le dispositif de pointage afin de contrôler l'heure d'arrivée dans l'entreprise des salariés soumis à une convention de forfait en jours, étant rappelé à cet égard qu'il appartient à l'employeur d'exercer un contrôle sur le nombre de jours effectivement travaillés dans le cadre de la convention de forfait.
En conséquence, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement déféré, de débouter M. [G] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
- Sur les fautes reprochées à M. [G]
Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pesant sur l'employeur.
Il sera également rappelé que la lettre de licenciement fixe les termes du litige.
En l'espèce, la cour relève à titre liminaire que si la société Formes et sculptures avait, dans la lettre de licenciement, qualifié les faits reprochés de faute grave, elle ne conteste pas la requalification des faits en faute simple telle que l'a opérée le conseil de prud'hommes. En effet, l'employeur sollicite la confirmation du jugement.
L'employeur reproche à M. [G] en premier lieu la réalisation d'un seul test d'usinage en pendulaire depuis l'autorisation expresse du 26 juillet 2021.
Il résulte des courriels produits par les parties que M. [G] a rédigé un courriel demandant l'autorisation expresse de réaliser ces tests et de ne pas respecter les procédures habituelles, auquel le président a répondu positivement. Aucune pièce ne permet toutefois d'établir le nombre ou la fréquence des tests nécessaires. L'employeur ne démontre donc pas que la réalisation d'un seul test caractériserait une faute professionnelle.
L'employeur reproche en deuxième lieu au salarié de s'être engagé, sans autorisation, auprès d'un client mécontent par la livraison d'une commande, à lui livrer des pièces conformes sans surcoût. Cependant, l'employeur admet lui-même qu'il a découvert ce fait postérieurement au départ du salarié, si bien que la lettre de licenciement ne le mentionne pas. La lettre de licenciement fixant les termes du litige, ce fait ne peut valablement fonder le licenciement de M. [G].
Il en va de même s'agissant de l'absence de livraison d'une palette de pièces prétendument imputable à M. [G], découverte le 21 octobre 2021 par l'employeur, soit postérieurement à la notification du licenciement le 29 septembre 2021.
La société Formes et sculptures industrie reproche en troisième lieu au salarié l'absence de réponse à une demande d'actualisation d'un devis. L'employeur produit à ce titre le courriel du 21 juillet 2021 d'une salariée sollicitant de M. [G] l'actualisation d'un devis, auquel ce dernier a répondu le 27 juillet 2021 « Effectivement je suis passé à côté, je te fais cela pour demain matin ». Le salarié n'allègue toutefois pas avoir réalisé cette tâche. Cette carence est donc démontrée, les arguments de M. [G] selon lequel cette tâche ne lui incombait pas n'emportant pas la conviction de la cour au regard de sa réponse au courriel.
Le salarié fait cependant valoir à titre subsidiaire que cette carence est constitutive d'une insuffisance professionnelle et non d'une faute professionnelle.
Il est vrai que « l'insuffisance professionnelle, dès lors qu'elle ne procède pas d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée, n'est pas constitutive d'une faute grave » (Soc., 11 mars 2008, pourvoi n° 07-40.184). Or, il n'est pas démontré en l'espèce une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée de la part de M. [G] dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées. La carence reprochée ne caractérise donc pas une faute professionnelle. En tout état de cause, l'absence de réponse à une demande d'actualisation d'un devis ne suffit pas à fonder la mesure de licenciement.
L'employeur reproche en quatrième lieu au salarié la non réalisation de tableaux de sécurité depuis janvier 2020. Aucune pièce n'étaye cependant cette allégation. Le manquement reproché n'est donc pas démontré.
Il fait grief au salarié en cinquième lieu de ne pas avoir respecté l'obligation de port du masque sanitaire. Le salarié produit l'attestation d'un collègue relatant que « M. [G] portait son masque de façon régulière, sauf à de très rares exceptions comme cela a pu m'arriver ainsi qu'à mes autres collègues » (pièce n°10). Il n'est ni démontré ni allégué que l'employeur ait rappelé au salarié l'obligation du port du masque et que celui-ci ait délibérément refusé de se conformer à cette obligation.
Le non-port exceptionnel du masque sanitaire par M. [G], même s'il avait la qualité de cadre, ne constitue pas une faute suffisamment sérieuse pour justifier un licenciement.
Enfin, l'employeur reproche à M. [G] l'exercice d'une pression à l'encontre de la société, par le biais d'un avocat, dans le but d'en tirer un profit financier. Cependant, le courrier du 2 septembre 2021 adressé par le conseil de M. [G] à l'employeur ne saurait s'analyser comme l'exercice d'une pression fautive exercée sur ce dernier. Sauf abus, non caractérisé en l'espèce, l'intention exprimée par le salarié d'exercer une action en justice ne constitue pas une faute. Au surplus, le courrier précise expressément qu'il est adressé « dans une démarche amiable en amont de toute saisine du conseil de prud'hommes ». Le fait de tenter la résolution amiable d'un litige avant d'engager une éventuelle action contentieuse ne s'analyse pas en une menace.
Il résulte de tout ce qui précède que les faits démontrés reprochés au salarié ne suffisent pas à caractériser une faute de nature à fonder la mesure de licenciement prononcée.
Il y a lieu en conséquence de juger, par voie d'infirmation du jugement, que le licenciement de M. [G] est dénué de cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement
Le jugement déféré a condamné l'employeur à verser à M. [G] les sommes de :
- 6 800 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 14 400 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1 440 euros au titre des congés payés afférents.
Ces chefs de dispositif ne sont pas déférés à la cour par M. [G], lequel ne sollicite pas l'allocation de sommes supérieures à ce titre.
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variables selon la taille de l'entreprise et l'ancienneté du salarié.
En l'espèce, au jour de la rupture de son contrat de travail, M. [G] comptait six années d'ancienneté dans l'entreprise qui employait habituellement au moins 11 salariés.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, en l'absence de réintégration comme tel est le cas en l'espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 et 7 mois de salaire brut.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, il y a lieu de condamner la société Formes et sculptures industrie à verser à M. [G] la somme de 25 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.
- Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Formes et sculptures industrie aux dépens et au paiement à M. [G] de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Formes et sculptures industrie est condamnée aux dépens d'appel et au paiement à M. [G] de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle est déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 10 mai 2023, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Tours en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] [G] en licenciement avec cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté M. [L] [G] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement de M. [L] [G] est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la S.A.S. Formes et sculptures industrie à payer à M. [L] [G] les sommes suivantes :
- 27 711,28 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires ;
- 2 771,12 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 25 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne à la S.A.S. Formes et sculptures industrie de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [L] [G], dans la limite de six mois d'indemnités ;
Condamne la S.A.S. Formes et sculptures industrie à verser à M. [L] [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne la S.A.S. Formes et sculptures industrie aux dépens de l'instance d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA Alexandre DAVID