CA Lyon, jurid. premier président, 29 septembre 2025, n° 25/00082
LYON
Ordonnance
Autre
N° R.G. Cour : N° RG 25/00082 - N° Portalis DBVX-V-B7J-QKRK
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DU 29 Septembre 2025
DEMANDERESSE :
S.A.S.U. EXITIA PROPRETE
[Adresse 2]
[Localité 5]/FRANCE
Représentée par Me Lucas SABATIER, avocat au barreau de LYON (toque 3345)
DEFENDERESSES :
S.A.S.U. ENTRETIEN CLEAN SERVICE - ECS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
avocat postulant : Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 1792)
avocat plaidant : Me Stéphanie YAVORDIOS, avocat au barreau de LYON (toque 1808)
S.E.L.A.R.L. PARADO-[J]-VERRIER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
non comparante
Audience de plaidoiries du 15 Septembre 2025
DEBATS : audience publique du 15 Septembre 2025 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 1er septembre 2025, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.
ORDONNANCE : réputée contradictoire
prononcée le 29 Septembre 2025 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
''''
EXPOSE DU LITIGE
Mme [F], ancienne salariée de la S.A.S.U. Entretien Clean Service (ECS) licenciée le 25 mai 2022, a créé sa société de nettoyage la S.A.S.U. Exitia Propreté (Exitia) le 15 juin 2022.
La S.A.S.U. ECS, reprochant à la société Exitia de s'être livrée à des actes de concurrence déloyale et de débauchage, a obtenu du président du tribunal de commerce de Lyon une ordonnance rendue le 3 juin 2024 permettant au commissaire de justice désigné de procéder au sein des locaux de la société Exitia à des recherches basées sur certains mots-clés.
La société Exitia estimant que la requête était illégitime, a demandé la rétractation de l'ordonnance devant le juge des référés.
Par ordonnance de référé contradictoire du 18 novembre 2024, le président du tribunal de commerce de Lyon a notamment :
- rétracté l'ordonnance du 3 juin 2024 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon,
- ordonné à la SELARL F. Parado, A. [J] et C. Verrier, huissiers de justice associés, de :
procéder à la destruction de tous les duplicatas ayant pu être saisis au cours des opérations du 11 juin 2024, quelle que soit leur forme, y compris entre les mains de la société ECS, le cas échéant ;
dresser un procès-verbal de destruction de l'ensemble des duplicatas ayant pu être récupérés, aux frais de la société ECS et d'en justifier auprès de la société Exitia,
restituer à la société Exitia les originaux ayant pu être saisis au cours des opérations du 11 juin 2024,
- condamné la société ECS à payer à la société Exitia la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La société ECS a interjeté appel de la décision le 20 novembre 2024.
Le 21 novembre 2024, la société ECS a saisi le premier président d'une requête aux fins de séquestre des documents sur le fondement de l'article 958 du Code de procédure civile.
Par ordonnance du 29 novembre 2024, le délégué du premier président de la cour d'appel de Lyon a notamment ordonné à l'étude de commissaire de justice de séquestrer les documents jusqu'à la signification de la décision de la cour d'appel.
Par acte du 4 avril 2025, la société Exitia a assigné la société ECS et la SELARL F. Parado, A. [J] et C. Verrier, huissiers de justice associés, devant le premier président aux fins de rétractation de l'ordonnance rendue le 29 novembre 2024 par le premier président de la cour d'appel de Lyon et de condamnation de la société ECS aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience du 15 septembre 2025 devant le délégué du premier président, les parties, qui ont été régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.
Dans son assignation, la société Exitia soutient au visa de l'article 497 du Code de procédure civile la nécessité de rétracter l'ordonnance du 29 novembre 2024 en ce que la société ECS n'a pas pu valablement justifier d'une dérogation au principe du contradictoire puisque les documents dont cette dernière a sollicité la mise sous séquestre sont détenus par le commissaire de justice, à savoir la SELARL F. Parado, A. [J] et C. Verrier, Huissiers de justice Associés.
Elle fait aussi valoir que onze jours séparent l'ordonnance de rétractation du 18 novembre 2024 de l'ordonnance rendue par le premier président de cette cour le 29 novembre 2024 et qu'elle aurait ainsi pu, pendant ce laps de temps, s'empresser d'exiger la destruction des documents liés au constat annulé mais qu'elle ne l'a pas fait.
Elle en déduit que rien ne permet à la société ECS de craindre qu'en cas de débat contradictoire préalable, la société Exitia aurait tenté quoi que ce soit pour faire disparaître les documents objets de la demande de séquestre.
Enfin, elle reproche au premier président d'avoir procédé par affirmation, sans préciser en quoi la société ECS serait justifiée à agir, sans débat contradictoire et elle estime que l'ordonnance rendue ne motive pas sa décision d'autoriser la société ECS à agir sans débat contradictoire.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 11 septembre 2025, la société ECS demande au délégué du premier président de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 29 novembre 2024,
- débouter la société Exitia de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Exitia aux dépens et à payer à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
La société ECS soutient au visa de l'article 958 du Code de procédure civile l'urgence à faire séquestrer les pièces préalablement saisies auquel cas son appel serait purement et simplement vidé de sa substance puisque l'ensemble des données recueillies seraient détruites ou restituées à la société Exitia en exécution de l'ordonnance de rétractation.
Elle fait valoir que l'urgence est d'autant plus patente que le litige s'inscrit dans un contexte particulièrement délicat et conflictuel de concurrence déloyale.
Elle reproche au juge de la rétractation du tribunal de commerce d'avoir écarté les motifs légitimes exposés dans la requête initiale pour des motifs très critiquables, tenant au fond du litige et donc hors débats dans le cadre d'une demande de rétractation.
Elle explique que le juge a rétracté l'ordonnance aux motifs erronés qu'elle n'aurait pas démontré l'existence d'un débauchage de son personnel ni celle d'un démarchage déloyal de sa clientèle et qu'ainsi, il a nié la vocation probatoire de l'ordonnance sur requête fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile.
Elle estime qu'en l'absence de mise sous séquestre des pièces et en cas d'infirmation de la décision dont appel, elle serait privée de son droit fondamental à un recours effectif, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle ajoute qu'en cas de destruction de l'ensemble des pièces saisies, elle pourrait également être privée de la faculté ultérieure d'engager un procès au fond en concurrence déloyale à l'encontre de la société Exitia.
Elle rappelle également que l'appel de l'ordonnance du 18 novembre 2024 a fait l'objet d'une fixation à bref délai et que la date des plaidoiries a d'ores et déjà été fixée au 20 janvier 2026, de sorte que l'arrêt sera vraisemblablement rendu dans le courant du premier trimestre 2026, ce qui limite dans le temps et d'une durée raisonnable la mesure de séquestre.
Ensuite, la société ECS se prévaut de la nécessité d'agir de manière non contradictoire et par voie de requête en ce que, l'ordonnance de référé du 18 novembre 2024 étant exécutoire, la société Exitia pouvait agir sans délai pour obtenir du commissaire de justice la destruction immédiate des pièces appréhendées et la restitution des originaux, si elle était informée de la présente demande de mise sous séquestre par voie d'assignation contradictoire, et ce d'autant plus que les pièces saisies ont vocation à alimenter une éventuelle future action en concurrence déloyale à son encontre.
Elle précise que dans son ordonnance du 29 novembre 2024, le premier président a expressément visé «la requête qui précède, les pièces annexées selon bordereau et les motifs énoncés», de sorte qu'il a suffisamment motivé celle-ci en adoptant les motifs de la requête, conformément à l'abondante jurisprudence en vigueur.
Elle prétend que le caractère immédiatement exécutoire par provision de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce suffisait à caractériser l'urgence à statuer sur la nécessité d'un séquestre.
Elle souligne également que le caractère contradictoire de la demande de mise sous séquestre a été rétabli par la société Exitia dans le cadre de la présente procédure.
Elle relève en outre que l'article 514-3 du Code de procédure civile n'a pas été visé comme fondant sa requête et que les conditions comme les effets de ce texte et de l'article 958 du même code sont distincts et ne se confondent pas. Elle soutient la recevabilité de sa demande de séquestre et réfute le moyen de son adversaire qui selon elle opère une confusion manifeste entre ces deux textes.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 septembre 2025, la société Exitia demande au délégué du premier président de :
- in limine litis, la juger recevable en son action,
- à titre principal, rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 29 novembre 2024 par le premier président,
- en tout état de cause, condamner la société ECS à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
La société Exitia considère que l'obtention par la société ECS du maintien du séquestre des éléments saisis est assimilable à l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de rétractation dont appel qu'elle conteste au motif que la société ECS n'a pas fait valoir la moindre observation concernant l'exécution provisoire en première instance et qu'elle n'a pas justifié de conséquences manifestement excessives qui se seraient manifestées postérieurement à l'ordonnance précitée.
Elle fait valoir que la société ECS était irrecevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile. Elle ajoute qu'à supposer que la société ECS soit recevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, elle ne justifie pas d'un supposé moyen sérieux de réformation de l'ordonnance dont appel et se contente d'arguer d'une supposée urgence, laquelle constitue uniquement une des conditions permettant de saisir le premier président sur requête.
Elle en déduit que la société ECS n'était pas justifiée à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance sans débat contradictoire. Elle relève que les documents sous séquestre sont détenus par le commissaire de justice qui a effectué le constat et qu'un débat contradictoire entre les parties n'aurait donc pas fait courir le moindre risque de destruction des éléments saisis.
Elle estime que la société ECS aurait dû viser les termes de l'article 514-3 du Code de procédure civile car ils doivent s'appliquer en l'espèce, car la demande de séquestre consiste à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire.
La SELARL PARADO-[J]-VERRIER réfulièrement assignée par acte remis à une personne habilitée n'a pas comparu.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.
MOTIFS
Attendu qu'aux termes de l'article 958 du Code de procédure civile, le premier président peut, au cours de l'instance d'appel, ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde des droits des parties ou d'un tiers lorsque les circonstances exigent qu'elles ne sont pas prises contradictoirement ;
Attendu qu'en application des articles 496 et 497 du même code, lorsqu'il est fait droit à une telle requête, tout intéressé peut en référer au premier président, qui a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance ; que saisi d'une telle demande de rétractation, le premier président est uniquement investi des attributions qui l'ont amené à rendre son ordonnance et doit, après un débat contradictoire pleinement rétabli, statuer sur les mérites de la requête ;
Qu'il lui appartient à la fois de se situer primordialement au moment où l'ordonnance sur requête a été rendue, en ce qu'il lui est interdit de prendre en considération les effets de l'exécution de cette ordonnance, et en tenant compte des éléments qui lui sont apportés dans le cadre du débat contradictoire ;
Attendu que la recevabilité de la saisine en rétractation opérée par la société Exitia dans son assignation du 4 avril 2025 n'est ni discutée ni discutable ;
Attendu que la société Exitia conteste la réunion des critères permettant à la société ECS de saisir le premier président au visa de l'article 958 et affirme que cette dernière entendait en réalité obtenir la suspension de son exécution provisoire de droit de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce le 18 novembre 2024 ;
Attendu que l'examen de la requête présentée par la société ECS objective d'abord qu'elle n'a pas saisi le premier président d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire de cette ordonnance en ce qu'elle a visé uniquement les dispositions de l'article 958 du Code de procédure civile et a présenté les prétentions suivantes :
- ordonner la mise sous séquestre entre les mains de l'étude Parado, [J], Verrier, huissiers de justice associés, ou à tous commissaires de justice mandatés par elle, de l'ensemble des pièces et informations recueillies au sein de la société Exitia appréhendées en exécution de l'ordonnance du 3 juin 2024, ainsi que les copies qui auraient pu être prises de celles-ci jusqu'à la signification de la décision à intervenir de la cour d'appel de Lyon sur l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé rétraction rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 18 novembre 2024,
- dire que la SELARL Parado, [J], Verrier, huissiers de justice associés, ou tous commissaires de justice mandatés par elle, ne pourront révéler ni transmettre les informations et pièces recueillies dans ce cadre aux sociétés appelante et intimée avant le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon,
- ordonner l'exécution de son ordonnance sur minute ;
Que ces demandes ne tendent pas plus à obtenir une quelconque réformation ou modification de l'ordonnance du 18 novembre 2024, mais uniquement à faire mettre à nouveau sous séquestre les pièces et documents saisis dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance sur requête du 3 juin 2024, y compris les copies qui étaient dites susceptibles d'avoir été réalisées ; que les développements des parties sur les chances de réformation ou leur absence sont inopérants et ne peuvent être examinés dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 958 ;
Attendu que la société ECS relève avec pertinence que les mesures ordonnées sur le fondement de l'article 958 n'ont pas les mêmes effets que la procédure d'arrêt de l'exécution provisoire et ne répondent pas aux mêmes conditions que celles inhérentes à l'application de l'article 514-3 du Code de procédure civile qui sont invoquées par la société Exitia ;
Attendu qu'en effet, le requérant n'a pas en application de l'article 958 à articuler des moyens sérieux d'annulation ou de réformation ou à caractériser des conséquences manifestement excessives, alors que les termes de l'article 514-3 ne le conduisent pas à caractériser une urgence pour la sauvegarde de ses droits imposée par le premier de ces textes ;
Que surtout l'appréciation portée par le premier président sur le bien fondé de la requête ne suppose en rien qu'il se détermine en fonction des mêmes éléments que le juge de la rétractation du tribunal de commerce et qu'il l'approuve ou qu'il le désapprouve ;
Attendu que les pouvoirs conférés au premier président par l'article 958 n'ayant pas le même objet que ceux issus de l'article 514-3, ils ne sont pas soumis à la nécessité d'une absence d'exécution de la décision déférée en appel, car ils concernent la sauvegarde des droits des parties et non cette exécution ; que l'objet de l'article 514-3 est distinct en ce qu'il est destiné à ne pas permettre l'exécution non encore consommée de la décision déférée en appel tant que la cour n'a pas statué et ce texte ne permet pas de revenir sur une exécution réalisée ;
Attendu qu'aucun détournement de procédure, tel que sous-entendu par la société Exitia, n'est susceptible d'être caractérisé en l'espèce, en ce que le délégué du premier président a réalisé une appréciation des critères de l'article 958 du Code de procédure civile comme de l'opportunité de la requête au regard de sa présentation dans le cadre d'une procédure d'appel contre une ordonnance assortie de l'exécution provisoire de droit ;
Que le Code de procédure civile n'a nullement intégré ces deux textes dans le même chapitre et n'a pas plus prévu leur caractère nécessairement alternatif ;
Attendu qu'au surplus, la société Exitia est infondée à se prévaloir d'une irrecevabilité d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire qui aurait été présentée par la société ECS, les termes de l'article 514-1 du Code de procédure civile interdisant l'écart de cette exécution provisoire de droit et rendant totalement inopérante d'éventuelles observations sur l'exécution provisoire devant le juge de la rétractation ;
Qu'en effet et en l'espèce, la recevabilité d'une telle demande d'arrêt de l'exécution provisoire ne peut dépendre, sauf à faire montre d'un formalisme excessif, de telles observations insusceptibles d'avoir des conséquences de droit ou de fait sur la décision à prendre par le juge de première instance ;
Attendu qu'il convient dès lors d'examiner dans le cadre d'un débat contradictoire si les conditions prévues par l'article 958 sont réunies ;
Qu'en l'absence d'une autre demande que la rétractation, il n'est pas besoin de répondre au moyen un temps soutenu et portant sur l'absence d'une motivation spécifique de l'ordonnance sur requête du 29 novembre 2024, en ce qu'il n'est pas discuté qu'une telle décision puisse être motivée par référence aux motifs de la requête, ainsi retenus comme pertinents ;
Sur l'urgence
Attendu que pour appuyer sa requête, la société ECS a fait valoir la nécessité de sécuriser sans attendre les informations recueillies dans le cadre des opérations autorisées par l'ordonnance du 3 juin 2024 en ce que le président du tribunal de commerce avait ordonné aux commissaires de justice de procéder à leur destruction et qu'il existait un risque très élevé que cette destruction intervienne rapidement ;
Attendu que cette urgence n'est pas véritablement discutée par la société Exitia qui s'est contentée d'affirmer dans ses écritures qu'elle ne s'était pas empressée d'exiger la destruction des documents liés au constat annulé ;
Attendu que les parties, figées dans leurs positions de principe, demeurent silencieuses sur l'existence ou non d'une signification de l'ordonnance de rétractation rendue par le président du tribunal de commerce et ne font pas plus état d'échanges de correspondances manifestant soit l'existence d'une entente pour reporter cette exécution, soit d'un silence total ou d'une discorde manifeste sur cette période qui s'ouvrait jusqu'à la décision de la cour d'appel ;
Qu'au demeurant, la référence expresse aux conclusions des parties par le président du tribunal de commerce dans son ordonnance de rétractation et l'absence de production de ces écritures de première instance ne permettent pas plus de repérer la détermination et l'empressement de la société Exitia à obtenir la destruction des informations et pièces saisies ;
Attendu que cette urgence a été à juste titre retenue dans l'ordonnance du 29 novembre 2024 et aucun élément fourni dans le cadre du débat contradictoire ne peut conduire à une appréciation différente ;
Sur les circonstances qui exigeaient ou non l'absence de contradictoire
Attendu que pour appuyer sa requête, la société ECS a invoqué le fait que la délivrance d'une assignation contradictoire aurait permis à la partie adverse d'engager la destruction ;
Qu'il doit être relevé que si les éléments de la cause ne permettent pas de présumer la détermination de la société Exitia à faire exécuter l'ordonnance du 18 novembre 2024, son assignation tardive en rétractation nous ayant saisi la confirme particulièrement ;
Attendu que la société Exitia affirme que les commissaires de justice détenteurs des pièces et informations saisies n'auraient pas procédé à la destruction s'ils avaient été avertis d'une action en arrêt de l'exécution provisoire, sans pour autant, comme cela a été souligné plus avant, fournir dans le présent cadre d'un débat contradictoire des éléments concrets faisant état de sa patience ou de son impatience à faire exécuter l'ordonnance de rétractation ;
Attendu que le contexte particulièrement conflictuel du litige portant sur une concurrence déloyale, non contesté et confirmé par l'âpreté des écritures respectives est à relever ;
Qu'il est rappelé que cette décision de rétractation dès lors qu'elle est portée à la connaissance des commissaires de justice ne leur permet pas d'atermoyer dans son exécution, sauf à avoir des instructions claires de l'une ou l'autre des parties concernées ;
Attendu qu'aucun élément concret n'est plus fourni dans la présente instance pour douter du risque clair de destruction, risque qui n'est pas susceptible de faire l'objet de productions de preuve, en l'état de la carence des parties à retracer leurs éventuels rapports à la suite de la décision de rétractation rendue par le président du tribunal de commerce ;
Attendu que le délai nécessaire pour obtenir une date d'audience, et en particulier le délai devant nécessairement être laissé à la société Exitia pour organiser sa comparution dans une période proche ou concomittante aux vacations de fin d'année, conduisaient à caractériser également la nécessité d'une absence de contradictoire pour assurer l'efficacité de la mesure sollicitée ;
Que la présente instance en rétractation a d'ailleurs conduit au rétablissement du contradictoire pouvant conduire au rejet de la requête initialement présentée le rétablissement du contradictoire au cours de laquelle le premier président doit nécessairement motiver sa décision sur les points litigieux et sur les critères d'application de l'article 958 ;
Attendu que le seul risque de destruction était suffisant à conduire à l'examen de cette requête sans contradictoire et a été retenu à juste titre dans l'ordonnance du 29 novembre 2024 ;
Sur la sauvegarde des droits des parties
Attendu que pour appuyer sa requête, la société ECS a fait état au visa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme d'une privation du double degré de juridiction et d'une privation de son droit fondamental à un recours effectif, en ce que la destruction des éléments saisis conduirait à priver d'effets l'infirmation sollicitée de l'ordonnance de rétractation ;
Qu'elle relève sans être discutée que la mise sous séquestre de ces documents a pour effet de préserver les intérêts en présence ;
Attendu que la société Exitia affirme d'ailleurs dans le cadre de cette demande de rétractation qu'il n'y avait pas de risque de destruction et ne conteste pas que la mesure de séquestre ordonnée le 29 novembre 2024 a pour vertu cette sécurisation des parties dans l'attente de la décision de la cour ;
Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter la demande en rétractation présentée par la société Exitia, sans qu'il soit besoin de prononcer la confirmation des dispositions de l'ordonnance sur requête du 29 novembre 2024 ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que la société Exitia succombe et doit supporter les dépens de cette instance en rétractation comme indemniser ses adversaires des frais irrépétibles engagés ;
Qu'en effet, l'engagement de la demande en rétractation trois mois après la signification de la déclaration d'appel, au regard de la procédure d'appel accélérée et régie par l'article 906 du Code de procédure civile, de la teneur et de la date des écritures d'appel produites par les parties, manifeste la volonté contentieuse de la société Exitia qui rend inéquitable le maintien à la charge de la défenderesse de l'intégralité de ses frais de défense ;
PAR CES MOTIFS
Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, statuant suivant la procédure accélérée au fond et par ordonnance réputée contradictoire,
Vu la déclaration d'appel du 20 novembre 2024,
Rejetons la demande de rétractation présentée par la S.A.S.U. Exitia Propreté à l'encontre de l'ordonnance rendue par le délégué du premier président le 29 novembre 2024,
Condamnons la S.A.S.U. Exitia Propreté aux dépens de la présente instance en rétraction et à verser à la S.A.S.U. Entretien Clean Service une indemnité de 1 200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DU 29 Septembre 2025
DEMANDERESSE :
S.A.S.U. EXITIA PROPRETE
[Adresse 2]
[Localité 5]/FRANCE
Représentée par Me Lucas SABATIER, avocat au barreau de LYON (toque 3345)
DEFENDERESSES :
S.A.S.U. ENTRETIEN CLEAN SERVICE - ECS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
avocat postulant : Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 1792)
avocat plaidant : Me Stéphanie YAVORDIOS, avocat au barreau de LYON (toque 1808)
S.E.L.A.R.L. PARADO-[J]-VERRIER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
non comparante
Audience de plaidoiries du 15 Septembre 2025
DEBATS : audience publique du 15 Septembre 2025 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 1er septembre 2025, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.
ORDONNANCE : réputée contradictoire
prononcée le 29 Septembre 2025 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
''''
EXPOSE DU LITIGE
Mme [F], ancienne salariée de la S.A.S.U. Entretien Clean Service (ECS) licenciée le 25 mai 2022, a créé sa société de nettoyage la S.A.S.U. Exitia Propreté (Exitia) le 15 juin 2022.
La S.A.S.U. ECS, reprochant à la société Exitia de s'être livrée à des actes de concurrence déloyale et de débauchage, a obtenu du président du tribunal de commerce de Lyon une ordonnance rendue le 3 juin 2024 permettant au commissaire de justice désigné de procéder au sein des locaux de la société Exitia à des recherches basées sur certains mots-clés.
La société Exitia estimant que la requête était illégitime, a demandé la rétractation de l'ordonnance devant le juge des référés.
Par ordonnance de référé contradictoire du 18 novembre 2024, le président du tribunal de commerce de Lyon a notamment :
- rétracté l'ordonnance du 3 juin 2024 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon,
- ordonné à la SELARL F. Parado, A. [J] et C. Verrier, huissiers de justice associés, de :
procéder à la destruction de tous les duplicatas ayant pu être saisis au cours des opérations du 11 juin 2024, quelle que soit leur forme, y compris entre les mains de la société ECS, le cas échéant ;
dresser un procès-verbal de destruction de l'ensemble des duplicatas ayant pu être récupérés, aux frais de la société ECS et d'en justifier auprès de la société Exitia,
restituer à la société Exitia les originaux ayant pu être saisis au cours des opérations du 11 juin 2024,
- condamné la société ECS à payer à la société Exitia la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La société ECS a interjeté appel de la décision le 20 novembre 2024.
Le 21 novembre 2024, la société ECS a saisi le premier président d'une requête aux fins de séquestre des documents sur le fondement de l'article 958 du Code de procédure civile.
Par ordonnance du 29 novembre 2024, le délégué du premier président de la cour d'appel de Lyon a notamment ordonné à l'étude de commissaire de justice de séquestrer les documents jusqu'à la signification de la décision de la cour d'appel.
Par acte du 4 avril 2025, la société Exitia a assigné la société ECS et la SELARL F. Parado, A. [J] et C. Verrier, huissiers de justice associés, devant le premier président aux fins de rétractation de l'ordonnance rendue le 29 novembre 2024 par le premier président de la cour d'appel de Lyon et de condamnation de la société ECS aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience du 15 septembre 2025 devant le délégué du premier président, les parties, qui ont été régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.
Dans son assignation, la société Exitia soutient au visa de l'article 497 du Code de procédure civile la nécessité de rétracter l'ordonnance du 29 novembre 2024 en ce que la société ECS n'a pas pu valablement justifier d'une dérogation au principe du contradictoire puisque les documents dont cette dernière a sollicité la mise sous séquestre sont détenus par le commissaire de justice, à savoir la SELARL F. Parado, A. [J] et C. Verrier, Huissiers de justice Associés.
Elle fait aussi valoir que onze jours séparent l'ordonnance de rétractation du 18 novembre 2024 de l'ordonnance rendue par le premier président de cette cour le 29 novembre 2024 et qu'elle aurait ainsi pu, pendant ce laps de temps, s'empresser d'exiger la destruction des documents liés au constat annulé mais qu'elle ne l'a pas fait.
Elle en déduit que rien ne permet à la société ECS de craindre qu'en cas de débat contradictoire préalable, la société Exitia aurait tenté quoi que ce soit pour faire disparaître les documents objets de la demande de séquestre.
Enfin, elle reproche au premier président d'avoir procédé par affirmation, sans préciser en quoi la société ECS serait justifiée à agir, sans débat contradictoire et elle estime que l'ordonnance rendue ne motive pas sa décision d'autoriser la société ECS à agir sans débat contradictoire.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 11 septembre 2025, la société ECS demande au délégué du premier président de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 29 novembre 2024,
- débouter la société Exitia de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Exitia aux dépens et à payer à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
La société ECS soutient au visa de l'article 958 du Code de procédure civile l'urgence à faire séquestrer les pièces préalablement saisies auquel cas son appel serait purement et simplement vidé de sa substance puisque l'ensemble des données recueillies seraient détruites ou restituées à la société Exitia en exécution de l'ordonnance de rétractation.
Elle fait valoir que l'urgence est d'autant plus patente que le litige s'inscrit dans un contexte particulièrement délicat et conflictuel de concurrence déloyale.
Elle reproche au juge de la rétractation du tribunal de commerce d'avoir écarté les motifs légitimes exposés dans la requête initiale pour des motifs très critiquables, tenant au fond du litige et donc hors débats dans le cadre d'une demande de rétractation.
Elle explique que le juge a rétracté l'ordonnance aux motifs erronés qu'elle n'aurait pas démontré l'existence d'un débauchage de son personnel ni celle d'un démarchage déloyal de sa clientèle et qu'ainsi, il a nié la vocation probatoire de l'ordonnance sur requête fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile.
Elle estime qu'en l'absence de mise sous séquestre des pièces et en cas d'infirmation de la décision dont appel, elle serait privée de son droit fondamental à un recours effectif, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle ajoute qu'en cas de destruction de l'ensemble des pièces saisies, elle pourrait également être privée de la faculté ultérieure d'engager un procès au fond en concurrence déloyale à l'encontre de la société Exitia.
Elle rappelle également que l'appel de l'ordonnance du 18 novembre 2024 a fait l'objet d'une fixation à bref délai et que la date des plaidoiries a d'ores et déjà été fixée au 20 janvier 2026, de sorte que l'arrêt sera vraisemblablement rendu dans le courant du premier trimestre 2026, ce qui limite dans le temps et d'une durée raisonnable la mesure de séquestre.
Ensuite, la société ECS se prévaut de la nécessité d'agir de manière non contradictoire et par voie de requête en ce que, l'ordonnance de référé du 18 novembre 2024 étant exécutoire, la société Exitia pouvait agir sans délai pour obtenir du commissaire de justice la destruction immédiate des pièces appréhendées et la restitution des originaux, si elle était informée de la présente demande de mise sous séquestre par voie d'assignation contradictoire, et ce d'autant plus que les pièces saisies ont vocation à alimenter une éventuelle future action en concurrence déloyale à son encontre.
Elle précise que dans son ordonnance du 29 novembre 2024, le premier président a expressément visé «la requête qui précède, les pièces annexées selon bordereau et les motifs énoncés», de sorte qu'il a suffisamment motivé celle-ci en adoptant les motifs de la requête, conformément à l'abondante jurisprudence en vigueur.
Elle prétend que le caractère immédiatement exécutoire par provision de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce suffisait à caractériser l'urgence à statuer sur la nécessité d'un séquestre.
Elle souligne également que le caractère contradictoire de la demande de mise sous séquestre a été rétabli par la société Exitia dans le cadre de la présente procédure.
Elle relève en outre que l'article 514-3 du Code de procédure civile n'a pas été visé comme fondant sa requête et que les conditions comme les effets de ce texte et de l'article 958 du même code sont distincts et ne se confondent pas. Elle soutient la recevabilité de sa demande de séquestre et réfute le moyen de son adversaire qui selon elle opère une confusion manifeste entre ces deux textes.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 septembre 2025, la société Exitia demande au délégué du premier président de :
- in limine litis, la juger recevable en son action,
- à titre principal, rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 29 novembre 2024 par le premier président,
- en tout état de cause, condamner la société ECS à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
La société Exitia considère que l'obtention par la société ECS du maintien du séquestre des éléments saisis est assimilable à l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de rétractation dont appel qu'elle conteste au motif que la société ECS n'a pas fait valoir la moindre observation concernant l'exécution provisoire en première instance et qu'elle n'a pas justifié de conséquences manifestement excessives qui se seraient manifestées postérieurement à l'ordonnance précitée.
Elle fait valoir que la société ECS était irrecevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile. Elle ajoute qu'à supposer que la société ECS soit recevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, elle ne justifie pas d'un supposé moyen sérieux de réformation de l'ordonnance dont appel et se contente d'arguer d'une supposée urgence, laquelle constitue uniquement une des conditions permettant de saisir le premier président sur requête.
Elle en déduit que la société ECS n'était pas justifiée à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance sans débat contradictoire. Elle relève que les documents sous séquestre sont détenus par le commissaire de justice qui a effectué le constat et qu'un débat contradictoire entre les parties n'aurait donc pas fait courir le moindre risque de destruction des éléments saisis.
Elle estime que la société ECS aurait dû viser les termes de l'article 514-3 du Code de procédure civile car ils doivent s'appliquer en l'espèce, car la demande de séquestre consiste à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire.
La SELARL PARADO-[J]-VERRIER réfulièrement assignée par acte remis à une personne habilitée n'a pas comparu.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.
MOTIFS
Attendu qu'aux termes de l'article 958 du Code de procédure civile, le premier président peut, au cours de l'instance d'appel, ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde des droits des parties ou d'un tiers lorsque les circonstances exigent qu'elles ne sont pas prises contradictoirement ;
Attendu qu'en application des articles 496 et 497 du même code, lorsqu'il est fait droit à une telle requête, tout intéressé peut en référer au premier président, qui a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance ; que saisi d'une telle demande de rétractation, le premier président est uniquement investi des attributions qui l'ont amené à rendre son ordonnance et doit, après un débat contradictoire pleinement rétabli, statuer sur les mérites de la requête ;
Qu'il lui appartient à la fois de se situer primordialement au moment où l'ordonnance sur requête a été rendue, en ce qu'il lui est interdit de prendre en considération les effets de l'exécution de cette ordonnance, et en tenant compte des éléments qui lui sont apportés dans le cadre du débat contradictoire ;
Attendu que la recevabilité de la saisine en rétractation opérée par la société Exitia dans son assignation du 4 avril 2025 n'est ni discutée ni discutable ;
Attendu que la société Exitia conteste la réunion des critères permettant à la société ECS de saisir le premier président au visa de l'article 958 et affirme que cette dernière entendait en réalité obtenir la suspension de son exécution provisoire de droit de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce le 18 novembre 2024 ;
Attendu que l'examen de la requête présentée par la société ECS objective d'abord qu'elle n'a pas saisi le premier président d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire de cette ordonnance en ce qu'elle a visé uniquement les dispositions de l'article 958 du Code de procédure civile et a présenté les prétentions suivantes :
- ordonner la mise sous séquestre entre les mains de l'étude Parado, [J], Verrier, huissiers de justice associés, ou à tous commissaires de justice mandatés par elle, de l'ensemble des pièces et informations recueillies au sein de la société Exitia appréhendées en exécution de l'ordonnance du 3 juin 2024, ainsi que les copies qui auraient pu être prises de celles-ci jusqu'à la signification de la décision à intervenir de la cour d'appel de Lyon sur l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé rétraction rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 18 novembre 2024,
- dire que la SELARL Parado, [J], Verrier, huissiers de justice associés, ou tous commissaires de justice mandatés par elle, ne pourront révéler ni transmettre les informations et pièces recueillies dans ce cadre aux sociétés appelante et intimée avant le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon,
- ordonner l'exécution de son ordonnance sur minute ;
Que ces demandes ne tendent pas plus à obtenir une quelconque réformation ou modification de l'ordonnance du 18 novembre 2024, mais uniquement à faire mettre à nouveau sous séquestre les pièces et documents saisis dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance sur requête du 3 juin 2024, y compris les copies qui étaient dites susceptibles d'avoir été réalisées ; que les développements des parties sur les chances de réformation ou leur absence sont inopérants et ne peuvent être examinés dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 958 ;
Attendu que la société ECS relève avec pertinence que les mesures ordonnées sur le fondement de l'article 958 n'ont pas les mêmes effets que la procédure d'arrêt de l'exécution provisoire et ne répondent pas aux mêmes conditions que celles inhérentes à l'application de l'article 514-3 du Code de procédure civile qui sont invoquées par la société Exitia ;
Attendu qu'en effet, le requérant n'a pas en application de l'article 958 à articuler des moyens sérieux d'annulation ou de réformation ou à caractériser des conséquences manifestement excessives, alors que les termes de l'article 514-3 ne le conduisent pas à caractériser une urgence pour la sauvegarde de ses droits imposée par le premier de ces textes ;
Que surtout l'appréciation portée par le premier président sur le bien fondé de la requête ne suppose en rien qu'il se détermine en fonction des mêmes éléments que le juge de la rétractation du tribunal de commerce et qu'il l'approuve ou qu'il le désapprouve ;
Attendu que les pouvoirs conférés au premier président par l'article 958 n'ayant pas le même objet que ceux issus de l'article 514-3, ils ne sont pas soumis à la nécessité d'une absence d'exécution de la décision déférée en appel, car ils concernent la sauvegarde des droits des parties et non cette exécution ; que l'objet de l'article 514-3 est distinct en ce qu'il est destiné à ne pas permettre l'exécution non encore consommée de la décision déférée en appel tant que la cour n'a pas statué et ce texte ne permet pas de revenir sur une exécution réalisée ;
Attendu qu'aucun détournement de procédure, tel que sous-entendu par la société Exitia, n'est susceptible d'être caractérisé en l'espèce, en ce que le délégué du premier président a réalisé une appréciation des critères de l'article 958 du Code de procédure civile comme de l'opportunité de la requête au regard de sa présentation dans le cadre d'une procédure d'appel contre une ordonnance assortie de l'exécution provisoire de droit ;
Que le Code de procédure civile n'a nullement intégré ces deux textes dans le même chapitre et n'a pas plus prévu leur caractère nécessairement alternatif ;
Attendu qu'au surplus, la société Exitia est infondée à se prévaloir d'une irrecevabilité d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire qui aurait été présentée par la société ECS, les termes de l'article 514-1 du Code de procédure civile interdisant l'écart de cette exécution provisoire de droit et rendant totalement inopérante d'éventuelles observations sur l'exécution provisoire devant le juge de la rétractation ;
Qu'en effet et en l'espèce, la recevabilité d'une telle demande d'arrêt de l'exécution provisoire ne peut dépendre, sauf à faire montre d'un formalisme excessif, de telles observations insusceptibles d'avoir des conséquences de droit ou de fait sur la décision à prendre par le juge de première instance ;
Attendu qu'il convient dès lors d'examiner dans le cadre d'un débat contradictoire si les conditions prévues par l'article 958 sont réunies ;
Qu'en l'absence d'une autre demande que la rétractation, il n'est pas besoin de répondre au moyen un temps soutenu et portant sur l'absence d'une motivation spécifique de l'ordonnance sur requête du 29 novembre 2024, en ce qu'il n'est pas discuté qu'une telle décision puisse être motivée par référence aux motifs de la requête, ainsi retenus comme pertinents ;
Sur l'urgence
Attendu que pour appuyer sa requête, la société ECS a fait valoir la nécessité de sécuriser sans attendre les informations recueillies dans le cadre des opérations autorisées par l'ordonnance du 3 juin 2024 en ce que le président du tribunal de commerce avait ordonné aux commissaires de justice de procéder à leur destruction et qu'il existait un risque très élevé que cette destruction intervienne rapidement ;
Attendu que cette urgence n'est pas véritablement discutée par la société Exitia qui s'est contentée d'affirmer dans ses écritures qu'elle ne s'était pas empressée d'exiger la destruction des documents liés au constat annulé ;
Attendu que les parties, figées dans leurs positions de principe, demeurent silencieuses sur l'existence ou non d'une signification de l'ordonnance de rétractation rendue par le président du tribunal de commerce et ne font pas plus état d'échanges de correspondances manifestant soit l'existence d'une entente pour reporter cette exécution, soit d'un silence total ou d'une discorde manifeste sur cette période qui s'ouvrait jusqu'à la décision de la cour d'appel ;
Qu'au demeurant, la référence expresse aux conclusions des parties par le président du tribunal de commerce dans son ordonnance de rétractation et l'absence de production de ces écritures de première instance ne permettent pas plus de repérer la détermination et l'empressement de la société Exitia à obtenir la destruction des informations et pièces saisies ;
Attendu que cette urgence a été à juste titre retenue dans l'ordonnance du 29 novembre 2024 et aucun élément fourni dans le cadre du débat contradictoire ne peut conduire à une appréciation différente ;
Sur les circonstances qui exigeaient ou non l'absence de contradictoire
Attendu que pour appuyer sa requête, la société ECS a invoqué le fait que la délivrance d'une assignation contradictoire aurait permis à la partie adverse d'engager la destruction ;
Qu'il doit être relevé que si les éléments de la cause ne permettent pas de présumer la détermination de la société Exitia à faire exécuter l'ordonnance du 18 novembre 2024, son assignation tardive en rétractation nous ayant saisi la confirme particulièrement ;
Attendu que la société Exitia affirme que les commissaires de justice détenteurs des pièces et informations saisies n'auraient pas procédé à la destruction s'ils avaient été avertis d'une action en arrêt de l'exécution provisoire, sans pour autant, comme cela a été souligné plus avant, fournir dans le présent cadre d'un débat contradictoire des éléments concrets faisant état de sa patience ou de son impatience à faire exécuter l'ordonnance de rétractation ;
Attendu que le contexte particulièrement conflictuel du litige portant sur une concurrence déloyale, non contesté et confirmé par l'âpreté des écritures respectives est à relever ;
Qu'il est rappelé que cette décision de rétractation dès lors qu'elle est portée à la connaissance des commissaires de justice ne leur permet pas d'atermoyer dans son exécution, sauf à avoir des instructions claires de l'une ou l'autre des parties concernées ;
Attendu qu'aucun élément concret n'est plus fourni dans la présente instance pour douter du risque clair de destruction, risque qui n'est pas susceptible de faire l'objet de productions de preuve, en l'état de la carence des parties à retracer leurs éventuels rapports à la suite de la décision de rétractation rendue par le président du tribunal de commerce ;
Attendu que le délai nécessaire pour obtenir une date d'audience, et en particulier le délai devant nécessairement être laissé à la société Exitia pour organiser sa comparution dans une période proche ou concomittante aux vacations de fin d'année, conduisaient à caractériser également la nécessité d'une absence de contradictoire pour assurer l'efficacité de la mesure sollicitée ;
Que la présente instance en rétractation a d'ailleurs conduit au rétablissement du contradictoire pouvant conduire au rejet de la requête initialement présentée le rétablissement du contradictoire au cours de laquelle le premier président doit nécessairement motiver sa décision sur les points litigieux et sur les critères d'application de l'article 958 ;
Attendu que le seul risque de destruction était suffisant à conduire à l'examen de cette requête sans contradictoire et a été retenu à juste titre dans l'ordonnance du 29 novembre 2024 ;
Sur la sauvegarde des droits des parties
Attendu que pour appuyer sa requête, la société ECS a fait état au visa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme d'une privation du double degré de juridiction et d'une privation de son droit fondamental à un recours effectif, en ce que la destruction des éléments saisis conduirait à priver d'effets l'infirmation sollicitée de l'ordonnance de rétractation ;
Qu'elle relève sans être discutée que la mise sous séquestre de ces documents a pour effet de préserver les intérêts en présence ;
Attendu que la société Exitia affirme d'ailleurs dans le cadre de cette demande de rétractation qu'il n'y avait pas de risque de destruction et ne conteste pas que la mesure de séquestre ordonnée le 29 novembre 2024 a pour vertu cette sécurisation des parties dans l'attente de la décision de la cour ;
Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter la demande en rétractation présentée par la société Exitia, sans qu'il soit besoin de prononcer la confirmation des dispositions de l'ordonnance sur requête du 29 novembre 2024 ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que la société Exitia succombe et doit supporter les dépens de cette instance en rétractation comme indemniser ses adversaires des frais irrépétibles engagés ;
Qu'en effet, l'engagement de la demande en rétractation trois mois après la signification de la déclaration d'appel, au regard de la procédure d'appel accélérée et régie par l'article 906 du Code de procédure civile, de la teneur et de la date des écritures d'appel produites par les parties, manifeste la volonté contentieuse de la société Exitia qui rend inéquitable le maintien à la charge de la défenderesse de l'intégralité de ses frais de défense ;
PAR CES MOTIFS
Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, statuant suivant la procédure accélérée au fond et par ordonnance réputée contradictoire,
Vu la déclaration d'appel du 20 novembre 2024,
Rejetons la demande de rétractation présentée par la S.A.S.U. Exitia Propreté à l'encontre de l'ordonnance rendue par le délégué du premier président le 29 novembre 2024,
Condamnons la S.A.S.U. Exitia Propreté aux dépens de la présente instance en rétraction et à verser à la S.A.S.U. Entretien Clean Service une indemnité de 1 200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE